cat-right

Figa

Figa, figo « figue ». Etymologie : latin ficus qui désignait aussi bien l’arbre que le fruit. Le premier sens a été conservé en italien fico et en basque bikku, le deuxième en espagnol higo, portugais figo et en basque iko. Les formes galloromanes pour nommer le fruit viennent d’un pluriel *fica comme le catalan figa.

Au figuré far la figo « se moquer de quelqu’un ».  Claude Marco, qui se qualifie « anecbotaniste », m’a fait parvenir un commentaire sur les traditions populaires en rapport avec le figuier et la figue, trop riche pour être inséré ici. Je le joins donc en format PDF.Figuier_Claude Marco

Une expression et un geste  qui remonte très loin dans l’histoire.  J.M Lombard y consacre un article  La main-figue ou mano-fica. Prélude à une célébration du figuier de la connaissance.  la dans son blog, d’où je tire cette image. LamblardGestedelafigue6a00d8341f05b853ef01b7c6e8870d970b-800wiUn bas-relief d’époque romano-berbère trouvé en Libye. 1er siècle (Photo Lamblard).

Dérivés : figon « petite figue », figueto « idem ; petite bouteille pour les essences « . Figuiera « figuier ». Provençal et languedocien figueiroun « arum tacheté ou Gouet ou Pied de veau » à cause de sa forme. La racine sèche du figeiroun est un bon cordial selon l’abbé de Sauvages. Egalement limité à ces deux régions est le dérivé figaret « variété de châtaignier hâtif, dont les châtaignes se détachent du hérisson quand elles sont mûres » Voir la page Castagno s.v. figaretto.

  

Château de Figaret   à St-Hypolite du-Fort (30)                                              Figueroun

De nombreux toponymes.   Figaret  peut faire référence aux châtaignes ou aux figues.

Prêté au français : figue, et  à l’anglais fig « le fruit ou l’arbre »; expression not care a fig for « ne pas se soucier de » mais attention!! son homonyme fig est obscène « consists of making a fist with the thumb placed between the index finger and the middle finger. » (Voir ce lien, en bas de la page). Néerlandais vijg; mais un oorvijg est une « gifle ». Allemand Feige mais Ohrfeige « gifle » (ne loupez pas cette video à la Rémi Gaillard).

La feuille de figuier a joué un rôle important dans la sculpture et la peinture. L’origine est probablement la Bible: c’est avec une feuille de figuier que  Adam et Eve couvrent leur honte et leur nudité !

                 

 

Ferratge

Ferratge « fourrage en vert », en ancien occitan « terrain planté en fourrage »; pour l’abbé de Sauvages c’est de l’escourgeon, une espèce d’orge qu’on fait manger aux chevaux en verd ». (L’escourgeon est une orge hâtive, que l’on sème en automne.) Il ajoute que le feratge n’est pas du tout la même chose que le fourrage français, qui est un mélange.

Le ferratjal est un « terrain en fourrage », et « mettre un cheval au vert » est l’ afarrajà.

Dans un compoix mirapicien daté de 1766, on trouve les formes ferratjat, ferrageat.(communication personnelle). Deux autres graphies à Mirepoix : ferraxchail et feratjeal dans le registre des contributions foncières de l’an 3. Un visiteur fidèle de l’Hérault confirme: « Le compoix de Pézénas de 1775 on trouve  souvent qu’il y a autour des anciens remparts « patus et ferrajal« , pour indiquer des enclos où l’on parquait des chevaux. »


Extraits du Compoix de Mirepoix : ferratjat ou firratjat mais sans · sur le i .


Le deuxième est intéressant par la spécification jardin ou ferraxchail.

Le mot ressemble beaucoup au mot français mais son étymologie est bien différente. Le mot occitan vient du latin farrago « mélange de divers grains pour les bestiaux »: il est devenu très tôt ferrago Français  fourrage est un mot d’origine germanique, à savoir  foder « nourrir » ( food en anglais moderne, voer en néerlandais).

En occitan ferrago a abouti aussi à ferouche, foroujo, ferouge, faroutcho pour désigner le « trèfle incarnat », prêté au français sous la forme farouche..Il semble que la culture du farouche vient de la Catalogne farratge et qu’en français on l’appelle aussi « trèfle de Roussillon », une dénominaton d’après l’origine de la plante . La couleur de la fleur explique que par-ci par-là comme dans l’Aude, la feratge est devenu la feroutge

farouche, trefle incarnat

Frigoulo, farigoulo

Frigoulo « thym », vient du latin fericula un dérivé de ferus « sauvage ». Un mot typique pour la région autour du golfe de Lion, cf. catalan frigola,  et  l’ancien occitan ferigola.

Normalement  fericula aurait dû aboutir à *fericla, mais c’est  peut-être sous l’influence des moines qui s’occupaient beaucoup des plantes médicinales et du latin, que l’évolution de la forme a été ralentie. Michel Chauvet me fait savoir que le mot se retrouve dans les parlers italiens (Penzig, Flora popolare italiana) :

Liguria : Ferrùgera (Bordighera); Ferùgula (Mortola); Ferigola, Frùgola, Figoli (Nizza); Frùgola, Furùgola (Escarena)… En italien, ces formes sont normales, l’accent étant sur la syllabe précédant le o / u. Pourrait-ce être une influence italienne, et alors pourquoi ?

En languedocien nous trouvons aussi le dérivé frigoulous « terre en friche rempli de thym ». Un autre dérivé, frigoulo, ou frigouleto  désigne le « serpolet » qui est très proche du thym. Depuis le XVIe siècle la férigoule se trouve dans des textes français mais toujours avec une référence au Midi, par ex. Pierre Larousse : « farigoule  nom du thym dans le midi de la France ». Il y a beaucoup de noms de lieu, par ex. :

L’abbaye St. Michel de Frigoulet. Magnifique!

Une recette trouvé sur internet : « Fricassée de volaille au pèbre d’ail et farigoule ». C’est devenu un nom de magasins, restaurants etc.

thym         serpolet

D’autres noms pour le thym pebrada, serpol, voir Thesoc.

Vallat, valat

Vallat, valat s.m.  « ravin, fossé; tranchée pour défricher un champ (S); vallée ».  Ce dernier sens est dû à l’influence du français. Grâce au moteur de recherches interne je peux savoir ce que les visiteurs ont cherché dans mon site : 9 fois le mot vallat cette semaine. Alors je m’y mets.

La latin avait deux mots  vallis  s.f. « vallée » et vallum s.n. « palissade, parapet, rempart ». Ce dernier existe toujours en italien et espagnol vallo ‘rempart’.  En Gaule ces deux mots sont assez tôt devenus identiques dans la langue parlée. Vallis et vallum ont  abouti à val en galloroman, et cette forme s’est maintenue surtout dans les noms de lieu.  Il faudra pour chaque toponyme vérifier s’il s’agit d’un rempart ou d’une vallée.

Dans le sens « vallée » il est remplacé par vall- + ata > vallée en français , valada en occitan. Cf. anglais wall « rempart », cf. Wall street,  (< vallum),  et  vale  « vallée »  de l’ancien français val  « vallée » et valley, néerlandais wal « rempart », et  vallei « vallée »; le quartier rouge d’Amsterdam s’appelle « de Walletjes » littéralement « les petits remparts », allemand der Wall « rempart ».

   Walletjes Amsterdam

Des remparts  à New York et à Amsterdam

Vallat est un autre dérivé, avec le suffixe –attu  de vallum qui signifie « fossé » depuis les plus anciens textes en occitan  comme dans les parlers modernes : ‘fossé, ruisseau, rigole, ravine’ . La forme gasconne barat ‘fossé’ a même servi de modèle au français baradine « fossé établi sur une colline pour donner de l’écoulement aux eaux », mais ce mot a disparu du français actuel d’après le TLF.

Pour l’abbé de Sauvages un valat est un ‘ruisseau’ ou un ‘ravin’ lorsque c’est une ravine qui l’a creusé. Un valà-ratié est « une pierrée , une longue tranchée qu’on remplit de blocaille de cailloutage & qu’on recouvre de terre … pour les conduire à une fontaine: dans ce dernier cas les pierrées doivent être sur un lit de glaise ou de tuf ou de rocher ». Vous voyez que l’abbé essaie d’instruire ses lecteurs, comme j’ai expliqué dans le paragraphe que je lui ai consacré!

Raymond Jourdan, le père d’un fidèle visiteur, a fait une description détaillée la culture de la vigne en Languedoc dans la période entre les deux guerres.  Il utilise le vocabulaire occitan, tel qu’on le parlait à l’époque à Montagnac (Hérault).  Son fils a eu la gentillesse de me faire parvenir ce texte illustré de dessins à main levée.  J’en ai appris énormément de choses sur la viticulture.  La description commence avec le défoncement lo rompre  et se termine  avec l’entonnaire qui s’occupait de la retiraison  pour le négociant. Son lexique  avec une orthographe « normalisé » est consultable ici MontagnacViitiiculture. Ci-dessous je copie la graphie de l’auteur Raymond Jourdan de Montagnac.

Dans le deuxième chapitre  « La préparation à la plantation » il écrit:

Lors du défoncement les hommes suivent la charrue et retirent racines et cailloux qu’ils entassent. Après les racines sont brûlées et les cailloux utilisés pour faire des drainages : ballat ratier (fossé à rats) dont l’ouverture donne sur un fossé ou un ruisseau et qui comporte parfois plusieurs branches pour mieux drainer la parcelle.

En bout de branche est installé un biradou,  endroit où le ballat-ratier débute et où l’animal qui s’y refuge, lapin, counil, rat, serpent (ser), martre, putois (peudis), belette, (moustellepeut se retourner pour ressortir et dans le cas du lapin échapper au furet (foude )  et venir en sortant s’emmêler dans la bourse (panténo) que le chasseur a placée.

En plus il y a un dessin:

Valat est aussi devenu nom propre. Un visiteur m’écrit : « ma grand mère maternelle de mon père était née Valat, mariée à un M. Nicolas, on l’appelait Marie de Valado (féminin de Valat).

Il y a aussi le nom propre Val.

Truc (de Balduc)

Le Truc de Balduc n’est pas le Machin de Balduc dont on a oublié le nom mais une « colline, une montagne ». C’est le truc le plus connu de la Lozère, le département de France le plus riche en trucs, même s’ il y a aussi le Mont Truc en Hte-Savoie. D’après le Pégorier truc  signifie « hauteur, éminence » dans les dép. Lozère, Ardèche et Aveyron. D’autres noms dans la même catégorie : trucaioun « petite butte dans les Cévennes. Trucal « butte, monticule, hauteur aride et isolée » (Languedoc, déjà S1); trucas « grosse butte, gros tertre » Languedoc; tru, truc « grosse pierre, roche; butte, sommet » occitan et franco-provençal. La famille de mots est très répandue en Italie et dans les langues ibéro-romanes comme catalan trucar « donner des coups ». Truc signifie partout  « gros caillou, rocher, bloc erratique, rocher massif »,  en occitan du dép. des Hautes-Alpes jusqu’au Cantal, par ex. à Champsaur « grosse pierre ». Estruquer  » enlever les pierres d’un champ ».

J’ai l’impression que plus on va vers l’ouest plus les trucs grandissent. Voir l’image du Truc de Balduc, qu’on peut difficilement considérer comme un caillou. A Teste (Gironde) truque est une « hauteur de terrain, plus haute que les autres, et dans les Landes un trucest est une « dune ».

Le truc de Balduc

Le FEW considère ce groupe de mots et de toponymes comme dérivés du verbe du latin parlé *trūdĭcare « heurter » créé à partir du latin classique trūdere « heurter ».

*Trūdĭcare a donné en ancien occitan trucar « heurter contre » ( vers 1300). A Nîmes trucâ « heurter » (Mathon). Dans les régions d’élevage trucar se dit en général des bêtes à corne « frapper de la tête, de la corne ». De l’Hérault jusqu’en Gascogne le dérivé truc signifie  » choc, heurt ». A Toulouse le truc est « le bruit que font les écus en les comptant » et dans cette région « payer comptant » se dit paga truquet. En béarnais truc a pris le sens d’un des résultats possibles d’un heurt : « le son d’un battant (de cloche, etc.) ». Ailleurs, surtout en gascon l’évolution a continué et le truc est devenu « grande clochette pour le bétail » (Val d’Aran, Lavedan, les Landes, etc.).

L’étymologie donnée mais pas expliquée par le FEW du truc  « gros caillou » comme le TRuc-de-Balduc  n’est pas très convaincante. C’est surtout l’évolution sémantique « choc, heurt, battant » > « caillou, rocher, tertre » qui n’est pas claire. Le verbe catalan trucar « sonner, donner un coup (de fil), frapper à la porte » et ses dérivés sont expliqués comme des onomatopées par Corominas (DE) , mais ils pourraient s’expliquer éventuellement  à partir d’un verbe  trūdĭcare « heurter ».  Le Truc de Balduc  par contre est beaucoup plus difficile à expliquer. D’ailleurs, d’autres comme A.Dauzat ou C. Nigra pensent que truc « rocher » est un élément d’un substrat celtique ou préceltique, ce qui est d’autant plus probable à mon avis qu’il s’agit d’un mot très fréquent dans la toponymie.