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Serp, ser

Serp, ser  « serpent, couleuvre ». Dire: l’étymologie est latin serpens est trop simplifier les choses. Latin serpens, serpentem aurait dû aboutir à serpan ou sarpent (attesté par Mistral) en languedocien, mais ces formes sont manifestement des emprunts au français ou à l’italien.  La forme indigène est serp ou ser, attesté depuis le XIIe siècle dans tout le domaine occitan. Nous retrouvons la même forme en italien: serpe, s. f. « (region. o lett. s. m.) serpente, spec. se non grande e di specie non velenosa | a serpe, a spirale | scaldarsi, nutrire una serpe in seno,… »en roumain sarpe, en rhéto-roman, en catalan serp, espagnol sierpe et portugais serpe.
Ces formes nous obligent à supposer un étymon *serpem.  Au VIe siècle, Venantius Fortunatus utilise le mot serps au nominatif, ensuite la forme serpes est attestée du VIIe au Xe siècle dans des textes en latin .

Le pourquoi de la répartition géographique des deux types serpentem/serpem n’est pas clair, peut-être y a-t-il une distinction entre langue littéraire et langue parlée, étant donné que le serpent joue un rôle important dans la Bible.

 

A l’origine de cet article est une discussion dans le site Lexilogos sur l’étymologie de cerf-volant:

  • Gros coléoptère mâle (Lucanides) dont les mandibules de grande taille et proéminentes rappellent les bois du cerf.
  • Objet constitué par du papier ou de l’étoffe, tendu sur une armature légère de bois et une queue servant de contrepoids, que l’on fait voler dans les airs au gré du vent, en le maintenant relié au sol par une attache.

Le FEW met les deux sens sous cervus « cerf », mais dans un article paru dans Romania, t. 93(1972) 563-567, H.Polge suppose un étymon du type *serpe volante « serpent volant ». En effet quand je vois un cerf-volant :

 

je pense plutôt à un serpent ou un dragon qu’à un cerf.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le cerf-volant a été introduit en Europe par Marco Polo à son retour de la Chine. La première image d’un cerf-volant en Europe date de 1326 et comme toute invention il est rapidement utilisé comme arme! Dans le site http://www.carnetdevol.org/siteCVang/navang.htm vous en trouverez quelques-unes.
Si vous lisez l’espagnol, il y a une belle histoire d’un général coréen qui avait envoyé une grande quantité de cerfs-volants avec des lumières au dessus du campement des Japonais.

Une des premières descriptions vient du manuel machines de guerre Bellefortis (1405) de Conrad Kyeser. qui contient l’illustration suivante. Vous voyez bien qu’un cerf-volant prend la forme d’un dragon.

ll faudrait mieux connaître l’histoire de la propagation du cerf-volant en Europe.  Il a dû arriver en France à partir de l’Italie (Marco Polo). En passant par la Provence, il a pris le nom  ser volant, et  je ne serai pas étonné si quelqu’un découvre qu’un Marseillais  est arrivé à Paris avec ce  nouveau jouet et que le Parisien lui a demandé kesako? et le Marseillais lui a répondu « ung ser-volang » . Et le Parisien répète: Ah,bon un cerf-volant! Je vais le noter!

Dans le Nord, wallon, picard, flamand, la Moselle et jusqu’ à Montbéliard le cerf-volant est appelé dragon!

Anona

Anona, annona s.f.. « blé ».  Au début du XIIIe siècle, Peire Cardenal, témoin et acteur de la résistance à la Croisade contre les Albigeois, a écrit un Sirventes intitulé :

Vertat e drechura contre falsedatz e desmezura

Aras es vengut de Fransa                                             A présent est venu de France
Que hom non somóna                                                   cet usage de n’inviter
Mas sels que an aondansa                                            que ceux qui ont en abondance
De vin e d’anóna,                                                              de vin et de blé,
E c’om non aia coíndansa                                                et de ne plus avoir de relations
Ab paubra persóna,                                                           avec les pauvres gens,
Et aia mais de bobansa                                                 et que celui qui donne le moins
Aquel que meins dóna,                                              soit celui qui se montre le plus ,
E qu’om fassa major                                                              et de choisir pour chef
D’un gran trafegador                                                              un grand trafiquant,
E qu’om eleia-l trachor                                                                          d’élire le traître
E-l just dezapóna,                                                                       et de destituer le juste.

Voir la  belle page que la  Dormeuse y consacre.

Anona vient du latin annona « récolte de l’année, provision de céréales ». (FEW XXIV, 610a-611b), qui n’a été conservée qu’en galloroman, mais a disparue dans le domaine d’oïl depuis le XVIe siècle. En occitan et en franco-provençal anona est vivant jusqu’à nos jours et le sens a évolué comme celui de blat « blé, seigle » (du germanique *blad) en devenant plus spécifique : « céréale en général » > « froment » ou « seigle », etc. suivant ce qu’on cultive dans une région. Dans les formes locales, le a- initial disparaît parfois par aphérèse (rattaché à l’article l-), comme à Marseille nonarié « marché au blé » (M).

Toponymie. La forme occitane anoniera « magasin de blé » est à l’origine des noms de lieux comme Nonières (Ardèche) ou Les Nonières (Drôme). Le FEW remarque également que Mistral a peut-être raison en rattachant le nom de ville Annonay (Ardèche) à cet étymon.

Albaran

Albaran s.m. »cédule, quittance ». Un mot que j’ai trouvé dans des textes en ancien languedocien des 14e et 15e s. provenants de Nîmes, Montpellier et Béziers.

Albaran est toujours vivant en catalan: albarà « document que normalment acompanya la mercaderia … etc. » (DE). Emprunté à l’arabe al-bara’a qui désignait « un privilège, un diplôme ou une quittance pour taxes payées ».  Exemple:

Cros

Cros « fosse, trou, cavité » et s’agotar « s’égoutter ».
La dormeuse fait le lien entre  la rue Ste Hélène à Pamiers et la dernière épisode de la légende du Bois de la Croix. Son histoire est une illustration parfaite de ma devise Parcourir le temps c’est comprendre le présent. Suivez ce lien avant de continuer votre lecture!

Le point de départ  est le Roman d’Arles, un texte en provençal du XIVe siècle, qui raconte l’histoire de la ville d’Arles depuis la Genèse et la Légende du Bois de la Croix en fait partie. Elle cite les deux derniers vers du texte reproduit ci-dessous. Comme je ne comprenais pas les mots cros et agotavan, j’ai cherché et trouvé avec Gallica l’édition faite par Camille Chabaneau en 1888 dans la Revue des Langues Romanes.RLR32(1888), p473ss

              
La Crucifixion de Taddeo Gaddi                                                               rue Saint Hélène (Pamiers)

Extrait du Roman d’Arles.

Cros « fosse, trou, cavité » a la même étymologie que français creux : « L’aire du mot,  en gallo-roman,  dans les parlers de l’Italie septentrionale et en rhétorom,  rend  l’origine  celtique krosu-,  par l’intermédiaire d’un latin *crosus. « vraisemblable  (TLF).

S’agotar signifie « s’épuiser, devenir sec » en occitan moderne d’après Alibert. C’est un dérivé de  gutta « goutte ».   Le FEW  traduit l’ancien occitan  s’agotar par « s’égoutter » dans  cet article mais c’est plutôt dans le paragraphe goutte « rigole, égout, ruisseau de la rue », qu’il devrait se trouver et la traduction donnée par la dormeuse « se déversent toutes les eaux .. » est la bonne.

Agantar

Agantar v.tr. « saisir, empoigner » , en fr.rég. aganter (Lhubac). Cette forme est limitée en occitan à la région à l’est du Rhône et au languedocien, mais il existe aussi en italien agguantare, en espagnol, en portugais aguantar « prendre »  et en catalan agontar « supporter ; durer ».

L’origine d’ agantar est le  préfixe latin ad + le francique want « gant ». Les Romains  ont emprunté le mot avec la chose aux Francs. Ils ne connaissaient pas cette forme de gant qui couvre la main et chacun des doigts séparément,  Il faut pourtant remarquer que les plus anciennes attestations du germanique want désigne des gants sans doigts, comme encore de nos jours en allemand Want et le néerlandais wanten.

Plus tard, au moyen âge, le gant jouait un rôle symbolique important dans la transmission du droit de propriété et les pleins pouvoirs.

A Pézenas le sens de aganta s’est spécialisé :  » recevoir une gifle » . Dans le jeu de la pétanque anganter  = « attraper »; pour le sens précis voir René Domergue.

La forme agansa attestée à Colognac, est née sous l’influence du verbe gansar « faire un nud de ruban ; saisir, empoigner »  qui vient du grec gampsos.

Le mot occitan gan comme l’italien guanto, le cat. guant, esp. et pg. guante ont été empruntés au français. L’impératif occitan agante ! « prends, attrape ! » en parlant du cordage d’un bateau,  a été introduit en français au 18e siècle comme terme de matelot . 

Pas mal de noms de plantes font référence à la forme du gant ou les 5 doigts :

agant-minous silene armeria

gantelet campanule  .

Sur l’histoire et l’évolution du gant au sens propre comme au fig., voir Larousse 1866s.v. gant et aganter.