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Cana, canne

Canna, canne ‘mesure de longueur, de surface et de contenu’.

Une canne mesurait entre 1,71 et 2,98 mètre suivant les régions. En 1687 l’utilisation de la canne comme mesure a été interdite par la loi pour être remplacée partout par l’aune, mais ni cette loi ni l’introduction du système métrique l’ont fait disparaître des parlers locaux. Cana est par exemple attesté pour le Velay en 1891 et mentionné dans le TLF pour le français actuel, un emprunt à l’occitan évidemment !

Par contre les attestations de canne comme mesure de superficie sont plutôt rares. Dans le Compoix de Valleraugue (1625) une canne vaut 4 m².  Barcelonette cana 4,465 m² ou pour le bois: 8 stères, et dans le dictionnaire Français/Anglais de Cotgrave (1611), qui connaissait bien le languedocien, le mot cane est défini comme une mesure de tissu d’un yard à peu près, d’une mesure de vin et d’une mesure de terrain de 5 pieds et 10 pouces. Je pense  » au carré  » sous-entendu.
Il définit une cane de bois a brusler comme une certaine quantité, c’est-à-dire variable suivant les lieux. D’après Alibert la cana de bois vaut deux mètres cubes.

La même confusion aux Pays Bas ou un Kan mesurait 0.7 litre à Grave, mais 1.3 litre à Nimègue.

Etymologie: latin canna ‘roseau’, en provençal cano, ancien occitan cana. L’utilisation d’un roseau pour mesurer des longueurs de terrain, de tissu etc. était inconnue des Romains, mais elle doit être très ancienne surtout dans le Midi et en Italie. La première attestation se trouve  chez Nipsus (ou Nypsus), un théoricien de l’arpentage au IIe siècle. (Wikipedia).

 


Image tiré du manuscrit de Bertrand Boisset, arpenteur à Arles.Voir le mot destre !

Ci-dessous : un chantier cistercien – au premier plan en bas à gauche, le « maître d’œuvre » portant sa canne (mesure) et son équerre, au centre les gâcheurs de mortier, à droite un tailleur de pierre, trouvé dans ce site très intéressant.

 

Gous, gos

Gos, gous « chien ».  Dans beaucoup de langues il y a un genre d’onomatopées pour exciter ou appeler des chiens qui consistent dans les sons k et s, avec ou sans voyelles entre ces deux sons : en suisse-allemand ks-ks , néerlandais koest (1) , espagnol cuz-cuz (?), allemand kusch, occitan cuss-cuss, gous-gous, ou guiss-guiss. A partir de ces sons a été créé le verbe agoucer « exciter (un chien) » d’ou le dérivé gos, gous « sorte de chien », attesté depuis le Moyen Age en wallon, picard d’un côté et en occitan à l’ouest du Rhone (Thesoc: Ariège, Aude, Hte Garonne, Hérault, Pyr-Orientales , Prov. d’Huesca; d’après les dictionnaires cités par le FEW aussi dans l’Aveyron, le Cantal, le Limousin, le Périgord et en Béarn). Voir la carte dans l’article can  « chien »

Un visiteur précise: Mes interlocuteurs en occitan (ils se font rares) prétendent (à Pézénas) que le mot « gos » vient de la montagne, tandis que le mot « chin » serait le plus courant en plaine. Cela ne les empêche pas de dire « ai una canha de gos« , m. à m. « j’ai une flemme de chien » ou encore « Es coma la gossa de Cacari » (i accentué). J’ignore qui était ce Cacari mais il devait avoir une chienne particulièrement paresseuse.

Malgré l’attestation à Prades gousa « jeune fille qui court après le garçons », les étymologistes ne croient pas que français gosse « enfant » a la même étymologie, mais on n’en a pas encore trouvé l’origine. La dernière proposition est le suédois! Voir TLF.

Le mot occitan gos, gous a été transféré à des outils : ancien occitan gosa « machine de guerre » (laquelle ?), Aveyron engoussos « machine pour assujettir un fuseau dont on dévide la fusée »(image?) et à une série de plantes: gousses « capitules de la bardane » (Carcassonne), gousséts « cynoglosse » (Pamiers, goussés « orlaya grandiflora » (Aude), mais « fruits du renoncule des champs » en Lauragais.

                                   

le gos d’Obama            capitules                        orlaya                   renoncules

Note: (1) Interprété par les dictionnaires étymologiques allemand et néerlandais comme un emprunt au français couche-toi. Mais je me demande pourquoi on parlerait français aux chiens. ?

Caminada

Caminada « presbytère ». Un visiteur m’a demandé de lui fournir une étymologie de son nom de famille Caminade. Il a ajouté que dans son village on appelait le presbytère la caminade et qu’il y a une chambre d’hôtes à Cazals (Lot ) occupant un ancien prieuré du XIIeme siècle qui s’appelle « La Caminade« .

       

J’ai pu lui donner le réponse que voici:

Bonjour,
Le résultat est plus intéressant que je ne croyais! A première vue on dirait en effet qu’il s’agit d’un dérivé du mot d’origine gauloise camminus « chemin, sentier »; la forme caminado est en effet attestée une fois à Ytrac (Cantal) avec le sens « traite de chemin ». C’est tout.
Mais il y avait aussi le mot latin caminus « cheminée » qui a abouti à la même forme camin que camminus « chemin ». Cela a pu prêter à confusion et par conséquence, au lieu de parler du camin « cheminée », on a préféré parler de la camera caminata « pourvue d’une cheminée » plus tard abrégée en caminata (6e siècle) , qui ensuite a subie les transformations normales, > caminada en occitan, >cheminée dans le Nord.
Le mot était très répandu en Italie du Nord et il est passé en allemand Kemenate « chambre pour les femmes dans un chateau » ( toujours dans les dictionnaires! Voir Grimm pour les nombreuses significations et variantes.) et en moyen néerlandais kemenade, encore assez fréquent comme nom de famille, par ex. van Kemenade ou van Kimmenade.
Dans une région restreinte de l’occitan, en particulier le Lot, le Lot et Garonne, l’Aveyron, Albi, caminada a pris le sens « presbytère ». Aux attestations du FEW, il faudra ajouter Espedaillac, d’après votre témoignage. L’évolution sémantique peut avoir été la même que celle de cheminée, mais avec un autre substantif, peut être maison, ou casa caminada, abrégée en suite en caminada. Il est également possible que caminada a pris le sens « presbytère » par un simple emploi au figuré : la maison du curé où il y a une cheminée, contrairement à l’église. . Une telle évolution a eu lieu en tout cas dans le Doubs, à Bournois près de Baumes-les-Dames et à Belfort ou tsemena a pris le sens de « maisonnette contigue à une maison ». Ces maisonnettes étaient plus jolies et mieux chauffées que les fermes, parce qu’elles étaient destinées aux propriétaires à la retraite ».
Là nous sommes dans l’actualité brûlante!
Avec mes sincères salutations.

Caminada dans DuCange dans l’article caminata qu’il définit comme « la chambre ou la pièce où se trouve la cheminée. »
 » ensuite ils
[les moines] quittent le réfectoire, ils boivent dans la caminada … : » Crodegangus de Metz vécut de 712 à 766 (Wiki). Laudinus [Christophorus -; fin 15e s.] dit à propos de Dante: caminata s’appelle sale de palagi en Lombardie, le salon des palais.
Nous trouvons une évolution analogue dans focarius « qui concerne le foyer » > « foyer » > « lieu où vit une famille » > « famille », et dans le mot feu « Unité fiscale utilisée pour l’imposition jusqu’au 18e siècle ». (Voir TLF)

En néerlandais on trouve les variantes que voici ; Caminada, avec une carte de la répartition géographique) Van Cimmenaede, Kemena, Van Kemena, Kemenade, Van de Kemenade, Kemna, Kiemeneij, Kimenai, Kimenaij, Kimmenade, Van Kimmenade, Van de Kimmenade, Van Kimmenaede. (Source).

Cagnard

Cagnard « lieu chaud, endroit en plein soleil« . Dans notre région où le soleil peut taper fort , nous trouvons une grande famille de mots qui viennent tous du latin parlé *cania  « chienne  ». Quelques exemples: à Alès encagna « exciter, envenimer  » , l , cagno  » paresse  » , cagnotte  » coiffe de femme en indienne « , cagnoutà   » être la cagnoto à qn. »  Acagnarda « abriter une plante » , ou comme verbe réfléchi « se blottir au soleil » une expression qui se trouve déjà dans le Dictionnaire languedocienfrançais  de l’abbé de Sauvages paru à Nîmes en 1756.
En français cagnard  » paresseux, fainéant «.  A ce propos l’ abbé fait deux remarques :  » le François n’a pas de nom propre pour rendre cagnar  » et plus loin il écrit  » ceux qui prennent le soleil au cagnar sont des gens désœuvrés à qui on a donné probablement pour cela le nom de cagnar, qui est François dans ce sens, lorsque le Languedocien étoit la langue courante d’une bonne partie du Royaume & celle de la Cour.  » Voir ci-dessous n° 6.

Le mot *cania a été formé probablement déjà en latin. Nous le retrouvons en italien cagna et dans les patois du Nord de l’Italie cania a donné de nombreux dérivés, comme dans le Midi de la France. Dans le domaine de la langue d’oïl c’est le type chienne dérivée du masculin chien donc pas de cania qui domine.

*cania

Une question peut se poser : Pourquoi cania et pourquoi pas vacca ou n’importe quel autre animal? La réponse nous est donnée par l’astronomie: L’apparition de Sirius, l’étoile la plus importante de la constellation du Grand Chien, tombait dans l’antiquité en même temps que la solstice de l’été le 21 ou 22 juin.Un autre nom pour Sirius est Canicula. En Occident, la canicule était censée survenir au moment où Sirius se lève et se couche en même temps que le Soleil, c’est-à-dire grosso modo, au Moyen Âge , pendant le solstice d’été. Canicule ou Sirius se lève et se couche pendant cette période précisément avec le soleil et elle n’est donc pas visible.. Les croyances populaires attribuaient à la présence de Sirius les chaleurs plus vives de juin. Par métonymie cette période de grande chaleur est nommée ‘canicule‘.

La constellation  Canis major

La canicule tombe actuellement plus tard,  en juillet, parce que le soleil ne se retrouve pas exactement au bout d’une année à la même place dans le ciel ; il est en retard par rapport aux constellations, et ce retard augmentant tous les ans, le soleil se lèvera dans la constellation du Grand Chien successivement en août, en septembre, en octobre, et enfin en plein hiver. De telle sorte que, dans quelques milliers d’années, nos descendants accuseront peut-être la canicule de ramener sur la terre les froids rigoureux de l’hiver ! Pour tout savoir suivez le lien.

Cagno, cagne. A partir du sens « chienne », nous trouvons le mot cagne et ses dérivés avec des significations qui reposent soit sur la ressemblance physique d’un chien avec des objets comme par exemple des chenets, soit sur les traits de caractère des chiens qui cherchent un endroit au soleil pour ne rien faire (français cagnard  » paresseux « ), qui sont lâche, etc. Cagne et ses dérivés sont indigènes en occitan et ils ont été empruntés massivement par le français et les patois de la langue d’oïl. En occitan nous trouvons entre autres les groupes sémantiques suivants:

1. Descendance: Languedocien de la bono cagno « de la bonne sorte » (Mistral), mais en ancien occitan n’existent que des expressions péjoratives: de puta canha. Cette expression a dû naître dans un contexte comme « né(e) d’une chienne ».
2. Mauvais caractère : Languedocien faire la cagno  » faire la grimace, dédaigner » et provençal cagno « mauvais humeur ». A ce deuxième groupe appartiennent aussi acagna « irriter » (Var) et marseillais encagnar « provoquer », Alès encagna « irriter ». Emprunté par le français: caigne « femme de mauvaise vie ».
3. Qui a les genoux tournés en dedans : Marseille cagnous
4. D’autres animaux: ancien occitan canhot « milandre, chien de mer » ; argot parisien cagne  » cheval « .
5.Plantes. cagnots « petits chiens »,Orlaya grandiflora.
6. Divers objets creux : ancien occitan canha « genre de machine de guerre », plus précisément sorte de nacelle comparable à celle de l’E.D.F. d’aujourd’hui pour réparer les lignes en hauteur;  le tonnelon comportait un bras qui s’élevait en hauteur. A l’extrémité de ce bras était installé une grosse plate-forme sur laquelle les archers se plaçaient pour pouvoir tirer au-dessus des remparts. Celle-ci, au moyen d’un contrepoids ou d’un treuil, élevait au-dessus des fortifications des arbalétriers ou archers qui criblaient de flèches les défenseurs des courtines, puis étaient déposés sur celles-ci dans le but d’abaisser le pont-levis. Je pense qu’au Moyen Age cet instrument faisait penser à une « chienne », mais je n’ai pas encore trouvé d’images.

   

cagnotos

Languedocien cagnotte « coiffe de femme en indienne » a fait penser à une sorte de nacelle. Le français cagnotte a été emprunté à l’occitan, plus spécialement à l’agenais cagnoto « petite cuve utilisée pour écraser le raisin », de là « tirelire » et « somme recueillie dans une tirelire  »
6. Endroit ensoleillé cagnard , qui en français a pris le sens de « paresse, flemme » , mais pas en occitan comme l’a déjà remarqué l’abbé de Sauvages. Le mot cagnard est mentionné dans le TLF avec la mention « provençal et languedocien  » en ce qui concerne le substantif, l’adjectif cagnard « paresseux  » par contre est limité au nord du gallo-roman.

A Fleury dans l’Aude  cagnard a pris un sens sympathique:

Suivant le vent, s’il souffle comme aujourd’hui et qu’il soit fort, je connais des combes à l’abri du CERS où on retrouve ces petits bonheurs que les paysans appellent des cagnards, des petits pays en soi parce qu\’il y a la falaise derrière, que tout d’un coup on se sent comme un lézard sur la roche chaude… » Gaston Bonheur / Radioscopie 8 mai 1978. http://www.ina.fr/audio/PHD99229022

Voir le FEW II, 183

Boscalhar

Boscalhar « couper du bois » voir buscalhar