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Biais "habileté" pétanque

Biais « habileté ». Mot utilisé par les joueurs à la pétanque d’après René Domergue,  Avise, la pétanque!. L’ancienneté et la richesse des attestations du type biais et de ses dérivés  dans les langues d’oc, sont  un  fort appui pour supposer  une origine occitane du mot français.  D’après le FEW  il s’agit de epicarsios ( επικαρσιος) « oblique », un des nombreux mots d’origine grecque qui ont radié dans toute la Galloromania et bien au delà, à partir de Marseille1

Nous voyons que dans les  anciennes attestations données par Raynouard, le mot biais peut être traduit par « manière »:

En occitan moderne biais  signifie « inclinaison; tournure d’une affaire, moyen, expédient; habileté ».   Biai « esprit, adresse » (Sauvages, S1) qui ajoute  la remarque que « biai »  se rend en français  de bien d’autres manières dont « une bonne tournure, le coup de main » en parlant d’un ouvrage: douna loi biai emb un ouvrajhe.. Il ajoute  que biais   dans  de biais est françaisen languedocien on dit de biscaire.

A Die biais s.m. = « intelligence, raison, esprit; joug d’homme ».  Ce dernier sens montre qu’il y a toujours un lien entre le sens concret « oblique, chose oblique » et le sens au figuré. Le biais  de la première image est bien « oblique »
biais         
A  la même famille de mots appartiennent biaisso « façon, manière (en mauvaise part) »,  biaissous, biaissu « adroit ».
Catalan  biaix  « oblicité », portugais ao viez  « de biais »,  piemontais sbiaz « de travers »., anglais bias « préjugé, parti pris ».

Commentaires des visiteurs:

Olivier m’écrit : Ce mot est utilisé aussi pour exprimer l’entente, par ex pour 2 personnes soun dé biais « ils s’entendent bien »

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  1. TLF : Prob. empr. à l’a. prov. biais « direction oblique, détour », xiie s. (ds Rayn.), d’où le mot paraît s’être répandu dans la Romania. Orig. du prov. controversée. L’hyp. la plus vraisemblable est celle d’un lat. *biaxius « qui a deux axes » (Holthausen dans Arch. St. n. Spr., t. 113, p. 36; v. Cor., s.v. viaje II). n’est pas possible selon le FEW parce que *biaxius n’aurait pas abouti à un biais comprenant deux syllabes.

Calos "trognon, chicot"

Calos« trognon, chicot »;  « gros bout de bois. Personne rugueuse. Obstacle. » René Domergue. A Sète  « rebuts, restes, trognon, partie dure d’une plante » (Camps). »  Calos  « trognon de chou ou de quelque autre plante » Sauvages S1. Calos  et ses dérivés comme caloussas « gros trognon »,  caloussu « robuste, bien membré » (Alès) se trouvent dans tous les parlers occitans, des Alpes jusqu’en Gascogne.

Calos phonétiquement kalòs,  est très vivant en français régional, en tout cas à Nîmes.

La première attestation  date de 1392 et vient du Rouergue   calos de redorta  » chicot d’un rameau pliant qui sert de bâton »1

Le  FEW suggère l’étymon grec καλα le pluriel de καλον « bois, principalement bois coupé, bois sec à brûler ». Le mot καλα  est rarement attesté en latin. C’est la raison pourquoi von Wartburg pense qu’il est parfaitement possible que ce groupe de mots a été introduit directement par les Grecs dans le Midi de la France. Le fait que καλα  n’est conservé qu’avec des suffixes d’origine prélatins, comme  –okku  dans le Nord-Est   et -ossu  dans le Midi, renforce cette hypothèse d’un emprunt direct au grec. Les Grecs auraient introduit ce mots à l’époque des premières colonisations  dans le Midi, ce qui expliquerait la présence des suffixes préromanes, les Celtes n’étant pas encore arrivés.

A la fin de l’article Souche (FEW XXI,60a-b) l’auteur renvoie vers l’article Fougère (FEW , vol 21, 164a) où se trouvent réunies les attestations nord-occitanes  de challaye, challage (Forez), chalosse (Poitou), qui appartiennent probablement à la famille  cale  « souche » du grec kala.

Il y renvoie aussi à l’article Tiges, fanes de légumes, etc. ( FEW , XXI, 120b) où se trouve un grand groupe de mots chalosse  « tige des plantes légumineuses…. »  chalaille  « tiges desséchées…. », et  dans le commentaire:  » Ce groupe appartient certainement à la famille kala  « souche » d’après  von Wartburg.

Enfin dans l’article chènevotte (FEW XXI, 151a)  se trouvent  escalousso « maque, broie dont on se sert pour rompre le chanvre » (St-Afrique)  et un représentant dans le Nord-Est  escaloussá « briser la tige du chanvre »; occitan carai  « chènevottes », carabrai « menus débris de chanvre qui tombent sous la maque, lorsqu’on le teille ».

La littérature sur cette grande famille de mots reste limitée à l’article de J.Hubschmid dans la revue  Vox Romanica 19(1961),160 ss, qui suppose une origine préromane en se basant sur l’origine préromane des suffixes. Von Wartburg penche pour une origine  grecque.

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  1.   Documents sur l’ancien hôpital d’Aubrac par J. L. Rigal et P. A. Verlaguet Tome Ier (1108-1341). Tome IIième (1342-1500) par J.-L. Rigal, que je n’ai pas pu consulter

Couté negre "cous noirs"

Couté negre « cous noirs » est le sobriquet des habitants de Marguerittes (Gard) et de Saint-Laurent d’Aigouze   Languedocien couté, provençal coutet  est un dérivé de còta « nuque » attesté en ancien occitan et par Mistral;  à Nice couòta « nuque ». 1   L’étymologie est le grec κóττη « tête » ou plutôt κóττις « tête, nuque ». Il est  probable qu’il s’agit d’un mot que nous avons hérité directement des colonies grecques dans le Midi et qu’il ne s’agit pas d’un emprunt savant par les médecins.

L’association des ainés à Marguerittes s’appelle  Li Couté Negre  ce qui montre que le mot est encore vivant chez nous.   Il ne s’agit pas d’un sobriquet des miniers, mais des vendangeurs,   qui avaient toujours la nuque au soleil.

coto Mistral    vendangeurs, la nuque au soleil

On trouve cette famille de mots surtout  à l’est du Rhône jusqu’en Franche-Comté.  Le même étymon est à l’origine  du sicilien  cozzu  « nuque », du napolitain cozze et de l’espagnol cuezo.

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  1. Achard cite en plus les cots  « les goîtreux » pour les habitants de Cahuzac-sur-l’Adour (32), les cots gros « goîtreux » pour les habitants des Hautes Pyrénées et les cots longs pour les habitants de Séméacq (64). Il n’est pas clair à quel étymon il faut les rattacher

Veri, verin "venin, poison"

Veri   « venin; poison »  (Sauvages S1) vient du latin venenum « toute espèce de drogue; poison; breuvage magique; teinture »1 . En provençal et est-languedocien verin  signifie au figuré « haine; rage, dépit’.

venin     poison

Le plus intéressant est le fait que l’abbé explique aux Languedociens qu’en français on dit venin  des animaux et le poison qu’on tire des plantes et des minéraux. Cette distinction n’existait donc  pas en languedocien à son époque.  Ce n’est qu’en lisant cette remarque que je me suis rendu compte qu’elle n’est pas universelle d’ailleurs.  En allemand les deux sont Gift, en néerlandais  gift, en espagnol veneno, mais l’anglais distingue bien le venom  du poison.

En occitan comme en français le mot a gardé toutes les significations du latin  jusqu’à la fin de Moyen Age. A partir du XIVe siècle, le sens de venin se restreint en français en tout cas. La remarque de l’abbé de Sauvages montre que  le Languedocien n’avait pas encore suivi Paris.  Il parle du véri dé nouzé le « brou de noix » et il écrit que ce veri était  utilisé pour faire sortir de vers de la terre en jetant  une décoction  à terre.

Le plus remarquable est le fait que dans  veri  dé nouzé, véri  a gardé le sens du latin venenum« teinture ».

Ci-dessous une noix dans son brou éclaté. On extrait de cette enveloppe une teinture (le brou de noix) utilisée notamment en peinture (lavis) et en menuiserie. (Wikipedia)

     

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  1. Selon Douglas Harper, le sens originel de venenum   serait  « potion d’amour » et lié à venus  « amour érotique ».

Verna, vergne, verne "aulne"

Verna, vern, vergne, verne « aulne; bois d’aulne » est un des  noms d’arbres d’origine celtique qui se sont maintenus jusqu’à nos jours. Pour les détails de l’étymon  gaulois verno-  voir le TLF.  Les représentants de verno- sont encore vivants en gallo-roman au sud d’une ligne qui va de la Vendée aux Vosges, mais des dérivés  et des toponymes prouvent qu’il  a existé également au nord de cette ligne1

De très nombreux toponymes dans le Pégorier.   Le type verna  se trouve surtout à l’est du Rhône.

Dans les  Lectures de l’ALF  2  j’ai trouvé une belle carte qui illustre la ligne qui va « de la Vendée au Vosges! »:

Ligne Vendée - les Vosges

Carte 29 dans Lectures de l'ALF

Le TLF donne l’explication que voici de cette ligne:

le maintien du substrat *verno- dans le domaine d’oc s’explique peut-être par le fait que l’aune, plus fréquent en ce domaine souvent marécageux que dans le nord, a pu y conserver plus facilement sa dénomination primitive.

Mais nous avons vu à plusieurs reprises que des mots occitans se sont maintenus ou ont vécu dans la sud de la France  jusqu’à la ligne qui va de l’embouchure de la Loire jusqu’aux Vosges, et que la Langue d’Oc occupait toute cette partie du gallo-roman.

L’aulne est, avec le saule et certains peupliers, l’une des espèces les mieux adaptées à l’eau. Sur l’image ci-dessous il émerge de l’eau au bord du lac Bobięcińskie Wielkie en Pologne. Ces trois espèces sont aptes à recéper quand elles sont coupées par le castor avec lequel elles ont co-évolué.  (Wikipedia)

verna

verna, vergne

 

 

  1. Le type aulne, aune   qui vient d’un latin alnus contaminé par des formes homophones  franques  issues de alira, alisa ( cf. aulne  TLF). C’est une discussion assez compliquée.
  2. Lectures de l’Atlas linguistique de la France de Gilliéron et Edmont : du temps dans l’espace. Auteur : Dirigé par Guylaine Brun-Trigaud | Yves Le Berre, Jean Le Dû. Genre : Sciences humaines et sociales Editeur : CTHS, Paris, France