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Adobar

Adobar v.tr. »accomoder, préparer, arranger, apprêter » a la même étymologie que le français adouber « armer chevalier » : le germanique *dubben « frapper ». L’évolution sémantique est bien expliquée dans le TLF s.v. adouber qui fait la remarque générale suivante: « Malgré la diversité des domaines dialectaux où il est fait usage de adouber, on y trouve toujours le sens de accommoder, raccommoder, mettre en état. »

Mirepoix

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La dormeuse de Mirepoix me signale le mot adoubairie, adouvairie dans le Compoix de Mirepoix de  1766. Il s’agit toujours   d’ habitations de tanneurs. Les nombreux exemples donnés par le DOM s.v. adobar ss.  confirment que cette famille de mots est très usuelle pour les tanneurs.

Le verbe adobar, adoubar est un exemple parfait de la flexibilité sémantique des mots. Le sens s’adapte aux besoins de ceux qui parlent. Adobar a pris les significations suivantes en occitan :

  • préparer, arranger. Dans l’Ariège (!) aussi « préparer le pré à être fauché ».
  • raccomoder
  • remettre un membre démis, rebouter
  • frapper, abîmer de coups (languedocien)
  • assaisonner (voir daube ci-dessous)
  • châtrer (uniquement en occitan : une attestation en ancien occitan: … e fo per causas per far enguens per far adobar ·i· caval. DOM)
  • tanner
  • vanner, cribler
  • Divers: coiffer (Briançon); ôter les fils des haricots verts (Nice); relier des futailles (Languedocien, S1 )

Pour l’abbe de Sauvages (S1) un adoubairé de boutos est un « relieur de tonneaux », un adoubairé de souliés un « saveteur ambulant » et un adoubairé de pels un « peaucier, mégissier ». D’après le Dictionnaire de l’Occitan Médiéval, l’adobaria est le nom de l’atelier des tanneurs.

daube provençale

 

Daube. Pour les Catalans adobar signifie aussi « cuire la viande à l’étouffée dans une marinade richement aromatisée » et ils parlaient d’une viande en adop ou a la doba. La cuisine catalane a eu une grande influence en Italie où est adoptée la dobba « à l’étouffée ». Au 17e siècle la daube a été introduite en France, dobo « étuvée » à Marseille, douogo « daube » en Aveyron. (Voir TLF daube).

Autan, aouta ‘vent du sud-est’

La dormeuse de Mirepoix écrit que dans sa région d’auta  désigne « la direction de l’est sur les cartes, plans, compoix de l’Ancien Régime ». Pourtant dans la grande majorité des attestations  l’autan, ven d’autan  est le vent du sud-est ou du sud.  Notamment dans le département de l’Ariège règne une grande confusion en ce qui concerne la direction indiquée par le terme d’autan.

D’après Amilia Barthelemy1 (1673) de Pamiers auta c’est le vent du sud. Le témoin de Saverdun fournit le même sens à l’enquêteur de l’ALF au début du XXe siècle.  Dans d’autres villages c’est comme l’écrit la dormeuse le vent d’est, sens qu’on retrouve par exemple dans les Deux-Sèvres, la Haute Vienne et à Saintes. A Crampagna, un peu au sud de Pamiers, le point 783 de l’ALF, le témoin de l’ALF a dit que l’autà  était le vent du nord-ouest et il n’est pas le seul à donner cette définition.

La forme aouto, auta  avec l’accent sur la première syllabe est une formation régressive, altanus réduit à  *alta.

Le sens de l’origine de autan  le latin altanus « vent qui souffle de la haute mer » a dû rester présent dans l’esprit des gens ». Dans les premières attestations de Toulouse et de Montpellier en ancien occitan ,  altan  signifie « drection du sud-est ou de la mer ».

Le mot a été prêté au français au XVIe siècle avec le sens languedocien « vent du sud-est ». Le mot est inconnu à l’est du Rhône.

 

carte météo France vent-situation-autan-marin

  1. Barthélémy Amilia (16.. ; † 29 septembre 1673), chanoine régulier de Saint-Augustin, vicaire général, archiprêtre de la cathédrale de Pamiers, prédicateur, auteur du  texte et de la musique de cantiques célèbres. Cf. Le tableu de la bido del parfet crestia en bersses, que represento l’Exercici de la fe acoumpaignado de Las bounos obros, de Las pregarios ; Del boun usatje des sacrements ; de l’Eloignomen del pecat, et de Las oucasius que nous y poden pourta. J’ai copié ce lien d’un article de la dormeuse Note sur les cloches de l’église Saint Volusien à Foix dans lequel elle cite un très gracieux couplet d’Amilia:

    Montgauzi, mount gaujous, ô Terro de Proumesso !
    Tu qu’es le randebous de touto la jouenesso,
    Que tout chrestia de len, e les que soun al tour,
    Y fourrupen le lait de la Maire d’Amour. »

Jas, jasse

Jas « litière, gîte » (Camargue), jasse, jaç . Les deux formes sont très fréquentes dans la toponymie. Dans le Compoix de Valleraugue:  Maison geasse « bergerie ». Dans le classement « fonctionnel » de C. Lassure jas (m) : terme provençal (jaç en graphie occitane normalisée) employé pour désigner les grandes bergeries en pierres sèches (ou non) des Monts de Lure et d’Albion dans les Alpes-de-Haute-Provence. Ceci est confirmé par E.Fabre : « Le Jas est une grande hutte en pierres qui doit nous abriter la nuit, bêtes et gens. »


Jean Giono devant le jas de Bouscarle1

Dans le site de l’IGN on trouvait 474 noms de lieu composés avec le mot jas ! J’ai parcouru un peu cette liste et constaté qu’il y en a beaucoup dans les départements 04 et 05 , mais également dans la Loire (42), et 341 fois la graphie est jasse.

En latin le verbe jacere signifie « jeter, lancer, envoyer », mais aussi « poser », par exemple dans jacere muros « construire des murs » ou jacere fundamenta urbi « jeter les fondements d’une ville ». Il a dû exister un substantif dérivé *jacium « gîte » qu’on retrouve dans de nombreux patois italiens et galloromans au sud de la ligne Loire-Vosges ainsi qu’en catalan, avec 3 groupes de significations:

  • 1) gîte des animaux sauvages
  • 2) gîte ou parc pour les animaux domestiques
  • 3) litière , par ex. piémontais jas « pavement de l’étable », catalan jaç « litière; lit »(DE)

Ajassá « coucher, enfermer le bétail », verbe réfléchi « se coucher ».  En ancien occitan jatz signifie « gîte d’un animal sauvage » et il y a des attestations dans tout le domaine occitan, de Nice jusq’au Béarn. A partir de ce sens a été formé le dérivé ajassá « coucher », verbe réfléchi « se coucher », également très répandu.

Un lièvre dans son jas

Déjà en ancien occitan (1208) jas prend le sens de « parc où l’on faisait coucher les troupeaux de chèvres et de moutons dans les pâturages de montagne » et de là « bercail; bergerie ».  Ce sens se trouve principalement en provençal, y compris les vallées provençales de l’Italie, mais aussi en Ariège : « pont d’étable » et à Apinac (Loire)  » habitation rudimentaire avec étable et grange où le bétail séjourne en été ».
En languedocien nous retrouvons ce sens dans le dérivé jasso « petite métairie » (Alès) ou « bergerie » ( Alzon, Valleraugue, Lasalle) et le verbe ajassá « renfermer le bétail » (St André de Valborgne).

Le sens « litière » est provençal et languedocien. La zone continue en catalan.jaç « litière; lit ». En languedocien le mot jasses au pluriel était également utilisé pour la « litière des vers à soie » et ensuite a été créé le verbe desenjassá « déliter des vers à soie ».
Les sens jas « partie du melon qui repose par terre » (Pézenas) ou « bourbe » (Languedocien) font partie de la même famille.
Jaç
« placenta des animaux »(Ariège), voir jaïre.

  1. Son arrière petit fils Bruno Bouscarle m’écrit en janvier 2016  » Bonjour, sur l’illustration du mot Jas il est dit sous l’illustration : « Jean GIONO devant son jas.  » Or il ne s’agit pas de SON jas mais bien du Jas de Bouscarle acheté par mon arrière grand père dans les années 1890 et qui est toujours dans ma famille depuis cette date. Merci.

    De très belles photos du jas La Bouscarle et d’autres  monuments en pierre sèche du Plateau de Contadour dans le pays de  Haute Provence dans ce site

Brau "taureau"

En Camargue  le brau est le « taureau étalon d’origine domestique » 1, mot qui a remplacé tau dans beaucoup de parlers locaux. Le sens varie suivant les localités entre « taureau entier » et « jeune taureau ».

Brau vient du latin barbarus au sens « sauvage, non domestiqué ». En ancien occitan l’adjectif  brau, brava a pris le sens  « farouche, rude, mauvais », qui d’après Mistral s’est conservé en languedocien et gascon, mais il est considéré comme « vieux ».

Le brau  est le taureau entier qui vit en liberté, dans le pré avec les vaches.  Le biòu de la Camargue est une race bovine et désigne plus spécialement un taureau castré à l’âge de un an (suivez  le lien).

Lou Brau, Reï de l’Aubrac,
se repauso i mitan de sas vachos

La dormeuse a trouvé dans le compoix de Mirepoix de 1766, le toponyme planel de Brau un terrain plat qui d’après les vieux Mirapiciens  s’appelait encore le « planel des vaches” en 1950.  Elle signale aussi un autre sens du mot brau  « une terre de limon, fertile, mais de travail difficile », soit encore un “site boueux ».  Le FEW ne nous fournit que des attestations en gascon pour le sens « marais, bourbier » et l’étymologie de ce brau  est inconnue.

Barbarus devenu bravo en espagnol, y prend à partir du XVe siècle le sens « courageux, fier ».  Bravo!  a été introduit en occitan, comme ailleurs, à partir du XVIe siècle.

Plus récent est le développement du sens de brave qui est  devenu synonyme de  « honnête, probe, sage ». De nos jours le mot devient presque péjoratif: « gentil mais un peu bête ».

L’anglais brave  signifie »courageux », mais le néerlandais braaf et l’allemand brave « sage » surtout  en parlant des enfants; le  suédois et le norvégien bra « obéissant ».

      

braaf  et brau

Voir auss les articlesi tau(r)  et biou.

  1. Voir Thesoc s.v. taureau pour la répartition géographique des types lexicographiques

Poleja, poliege

Poleja, polelha s.f. « poulie, bascule de puits, rotule du genou »; poliege  » Système d’irrigation des jardins permettant de remonter l’eau  » jardin arrosable avec poliege de la rivière « (Compoix Valleraugue). . A Nîmes au XIVe s. pulieja  » poulie « .

Poleja a été emprunté au XIIIe s. au grec polidion « poulie « .  La diphtongaison dans pulieja, poliege  fait supposer un latin vulgaire polègia. L’emprunt est donc assez ancien. Le même mot existe en italien : poleggia.  On ne sait pas si le mot grec est venu par Marseille ou directement de l’italien. La forme espagnole  polea est un  emprunt à l’occitan.

Voir l’article posaranca

Issar(t)

Issar « essart,  lieu défriché »;  faïre un issar « écarter un champ, un bois etc. » (Sauvages).  En allant de Comps à Avignon le long du Rhône, je vois un panneau « Les Issarts », un nom qui m’intrigue. Je cherche d’abord dans le dictionnaire de l’abbé Sauvages et trouve la définition donnée. Puis sur internet je vois qu’il s’agit d’un château en bordure du Rhône!

L’étymon est le  dérivé *exsartum « lieu défriché », qui vient du participe passé sartus du verbe sarire « sarcler ».  Le mot n’existe pratiquement plus que dans la toponymie. En français essart est « rare », voir TLF, mais  Charles Atger l’utilise  dans l’histoire Lou loup e lou Roynal : … per faïre un issard o lo borio de Pelet, dins lous coms de Boucofredjo. (p.59).

Dans le Compoix de Valleraugue il y a le dérivé issartiel probablement avec le même sens, dérivé d’ issart, comme airiel de aire. Dans le Dicitionnaire topographique du département du Gard, vous trouverez de nombreux Issarts, Issartiels, Issartas, et Issartines

Dans LES CRIEES ET PROCLAMATIONS PUBLIQUES DU BARON D’HIERLE (1415) : Item, manda may la dicha court que degun home ne deguna femena, de qualque condition ou estat que sia, non auze mettre degun bestiari en pratz, ny en vignes, ny en ortz, ny en yssartadas joves, ny en aultre loc, houc poguesson far mal, tala ny damnage. Et aquo sus la pena de cinq solz tournes de jour, et de detz sols tournes de nuech, donados aldict senhor. Et que tout home que ou veyra sia crezut a son sagramen

L’abbé de Sauvages, écologiste avant la lettre, ajoute que les issar sont des terrains très fertiles par le compostage de feuilles etc, et qu’ils produisent beaucoup les 2 à 3 premières années.

 

Pan

Pan « mesure de longueur environ 25 cm, ou rarement (?) de surface 0.50 m² (attestation de 1625) » , est une forme abrégée typique pour l’occitan d’ empan.

L’origine du mot est l’ancien francique *spanna c’est-à-dire la distance entre les extrémités du pouce et du petit doigt dans leur plus grand écart, à peu près 25cm. L’ancien allemand spanna ou le néerlandais span(ne) ont le même sens, comme l’ancien français espan ou espane, dans lequel le préfixe es- a été remplacé par em- en français moderne.

Dans le Midi pan signifie normalement 1/8 de canne. En 1844 un certain Vincentis a écrit une Méthode abrégée pour connaître la valeur du pan ou 1/8e de la canne de Montpellier. que je n’ai pas pu consulter.
Il est à noter que dans tous les dictionnaires un pan est une mesure de longueur et non pas de surface comme dans le Compoix de Valleraugue.

Androune, andronne

Andronne, androune  s.f. « ruelle ».  Dans le Compoix de Valleraugue tome 1,p.68  : « petite androune et égouts entre deux maisons« . D’après Aimé Serre pratiquement toutes les impasses à Nîmes s’appelaient Androna, par exemple l’Impasse de l’Aurore  était Androna de l’Auba. l’ Abbé de Sauvages distingue en effet deux mots, le second ayant le sens « cul de sac ».   Andron  existe en français comme « terme d’antiquité » d’après Littré.


 Mistral cite  en plus les diminutifs androunasso « ruelle immonde » et androuneto « petite ruelle ». D’après lui androun est aussi un toponyme (près d’Aimargues) et un nom de famille provençal.

Androune   à Valleraugue            à Manduel

A voir : un site sur les Bastides dans le Lot et Garonne: http://bastidess.free.fr/doc-andr.htm avec une photo d’une androne à Monflanquin.
Etymologie : il s’agit du mot grec ανδρωνα, un dérivé de ανηρ « homme ». La forme androna se trouve aussi dans des textes en latin du VIIIe au XIe siècle. Si vous voulez tout savoir suivez ce lien vers la page de Du Cange! Du latin facile! En galloroman androna est limité à l’occitan. Le français a emprunté la forme latine andron au XVIe siècle pour décrire l’habitation chez le Grecs anciens.
En grec andron, androna désigne d’abord « l’appartement des hommes » et puis les “couloirs où les hommes discutent entre eux”: ut gynaeceum a mulieribus « comme les femmes dans les harems », écrit Festus (premier siècle).  Voir le Dizionario etimologico qui explique qu’il s’agit de traditions culturelles et le respect de la séparation des sexes dans l’habitation.   Les hommes allaient aussi dehors dans les passages entre les maisons pour « discuter ». Le résultat a été que dans quelques parlers l’ androune désigne les « latrines ». Le sens « ruelle, cul-de-sac » est également attesté dans les textes latins à travers tout le moyen âge et il est encore vivant dans le nord de l’Italie où il est féminin (La plupart des auteurs cités par Du Cange viennent  de cette région), comme chez nous et en catalan androna. En italien moderne androne  « portique, entrée » est masculin comme en latin.

  
Deux images d’un gynaeceum. Vous comprenez pourquoi les hommes partaient en mer ?

Le sens « tour de l’échelle« (= Servitude qui donne au propriétaire du bâtiment auquel est dû le droit de placer une échelle sur l’héritage du voisin pour réparer son mur. On nomme aussi androun  « un espace d’un mètre au-delà d’un mur de clôture  »

Le »tour d’échelle » est toujours d’actualité:(cliquez sur l’image)

Panperdu

Panperdu. Toponyme du Gard.

D’après Mistral, il y a des Panperdus aux Saintes-Maries, à Chateaurenard, à Gaumont (Vaucluse), à Béziers, etc.

Panperdu signifie « mauvais pays »:  D’ounte siás? – De Pan-Perdu. « D’où êtes-vous? D’un mauvais pays. » Je ne suis pas sûr du sens du mot Rubina. Il faudrait vérifier s’il s’agit d’une bonne lecture du Cartulaire de l’abbaye de Saint-Victor de Marseille, mais il s’agit probablement de Roubine, toponyme fréquent dans le Midi qui désigne une « ravine; longue coulée d’éboulis creusée dans les terrains friables et déboisés; canal de faible largeur » (Pegorier). J’ai pu trouver le deuxième vol. de l’édition du Cartulaire de l’abbaye de Saint-Victor par B.Guérard; dans l’index l’auteur renvoie de Rubina > Robina. Mais le premier volume avec la charte 156 n’est pas disponible sur le web.

Dans le Compoix de Sommières on trouve également un Panperdu. L’auteur ajoute qu’il y a d’autres graphies : Pan viel, panviel, pant vieil. Surtout le graphie pant est intéressante, parceque elle montre que le scribe ne confondait pas pain et pan. La graphie avec -t final se trouve aussi en ancien français. Voir le Godefroy.

L’étymologie doit être pannus « morceau, partie ». Voir pana(r).

 

Coulée d’éboulis

Anglada

Anglada s.f. »angle, crête; contenu d’un angle, coin de terre ». Dérivé avec le suffixe -ata du latin angulus « angle, coin ». Ce suffixe ajoute très souvent la notion de « contenu » à la racine. Attesté dans le Compoix de Valleraugue anglade, englade. Gilles Fournier, l’auteur du lexique, donne plus informations et il conclut : une anglade est sans doute « un coin de terre rocheux et inculte »

Langlade (Gard)

Il faudra visiter le village pour savoir quel sens s’applique ici.