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Pacholo une ‘bagatelle’?

Pacholo (pachole en français régional, vulgaire)  signifie « sexe de la femme » d’après Lexique de Marius Autran.  en provençal, confirmé par d’autres attestations. Étymologie. Il doit s’agir d’une évolution récente, en tout cas Mistral ne le mentionne pas tout en distinguant deux pacholos  différents:

PacholoMistral

Le premier pacholo est un dérivé de pacho  « pacte » du latin pactum « traité, contrat ». Le FEW VII,461 nous donne plusieurs significations proches de « petit marché » : à Marseille « tripotage, mélange d’accords ou de pactes », pachouliá « faire des petits marchés, brocanter », un pachouliaire est un « brocanteur ».

Le second pacholo vient d’après le FEW VIII,28 d’une onomatopée patš qui en occitan a donné pachoulha « faire un mélange hétéroclite », pachôlo « tripotage, mélange qu’on fait de plusieurs choses qui se voyent rarement en semble » (Sauvages S1), pachoukë « chipotier, vétilleur » (idem), etc. Alibert donne une grande quantité de dérives dans son article pachaca.

Il reste la problème de l’évolution sémantique 1. »petit marché » ou 2. « mélange »  > « sexe de la femme ». Je penche pour le premier, le latin pactum, parce que nous trouvons une évolution sémantique analogue dans le mot bagatelle. emprunté à l’italien bagatella au XVIe siècle avec le sens « chose de peu d’importance, babiole »  >  « frivolités féminines » >  « galanteries, amourettes » > « amour physique ».  (CNRTL bagatelle)

En occitan il y a un second exemple cf. Mistral p.538-9   chaucholo « sauce abondante, soupe au vin, gourme v. pacholo; fadaise, vétille, niaiserie, baliverne, sornette »  nous voyons un glissement de sens comparable. En français « Jeter sa gourme. Faire des folies de jeunesse.

destrecha ‘pressoir’

Destrecha « pressoir pour les raisins ». L’étymologie est l’adjectif /participe passé latin  districtus  » resserré, étroit, abattu, serré ».  D’après le Thesoc le mot est limité aux départements  ARDECHE, GARD, et HERAULT.

D’après le FEW III, 100  destrech est  attesté en occitan ancien et moderne avec le sens « passage étroit entre deux montagnes: pressoir; machine à bois à 4 piliers pour ferrer ou panser les chevaux vicieux ».  Le féminin destrecha signifie déjà en ancien occitan « contrainte, amende, impôt, austérité ».

Dans les Alpes destreicha a pris le sens de « repas qu’on fait à la fin de la moisson », une évolution sémantique à expliquer.

L »abbé de Sauvages donne la forme destrë  avec le description suivante :

destrë_S1

Le féminin de l’adjectif est dëstrëchos,  comme il ressort de l’exemple  nozës dëstrëchos. Je ne sais pas ce que sont des noix cingleuses ? Grâce à l’attention d’un visiteur fidèle, j’ai pu vérifier dans la deuxième édition du Dictionnaire languedocien de l’abbé Sauvages où il corrige cingleuses en anguleuses.

 

truelh, triol ‘pressoir’

Triol, truelh « pressoir » Étymologie. Une visiteuse du site  m’écrit :

J’habite à Prades-le-Lez, village au nord de Montpellier dans une impasse appelée « Lou Triol », j’ai vainement cherché ce que le mot Triol pouvait signifier (lou = le), dans mon entourage personne n’a pu me renseigner. Avant la construction de notre lotissement en 1987 il y avait des vignes… je ne vois pas le rapport avec Triol. Si vous aviez une petite indication sur ce mot je vous en serais très reconnaissante.

J’ai pu lui répondre:

Bonsoir,
Triol ou Truelh vient du latin tŏrcŭlum « pressoir », il s’agit donc probablement de l’endroit où se trouvait le pressoir ou l’auge dans laquelle on écrasait le raisin avec les pieds ».

truelh XVe s.

truelh XVe s. Wikipedia

Tŏrcŭlu est devenu truey, truilh, triol, trel, truel, treu en occitan. Voir le Thesoc s.v; pressoir à raisin.  et comparez la répartition géographique du type truelh; truolh  avec les données du FEW XIII/2, 39  et vous verrez que la zone Tŏrcŭlu est beaucoup plus grande qu’on ne supposerait avec les données du Thesoc. Elle s’étend grosso modo jusqu’à la Loire.

Dérivés : troulhié maître du pressoir, trolhar « presser »,   l’auge pour écraser le raison s’appelait trouïadouïro à Alès.

L’article du FEW occupe 4 pages. Il y a pas mal de mots occitans qui viennent de torculum.

 

Priapolithe ou Bijoux de Castres

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Priapolithe « pierres algaires laminées de type stromatolitique* dues à l’activité d’une algue cyanophycée » de la région de Castres. Etymologie est lelatin Priapus « dieu des jardins et des vignes, qui symbolise la force génératrice ».  Une image du Recueil des monumens des catastrophes que le globe terrestre ..Par George Wolfgang Knorr,Jean Ernest Emanuel Walch Neuremberg, 1775 (Google livres) :

Priapolithe2C’était la  première pierre que j’ai coupée après l’achat d’une grande scie diamantée pour lapidaires m’était fournie par mon ami  le Petit géologue de Lacrouzette dans le Sidobre, et c’est lui qui  m’a appris qu’il s’agissait d’une priapolithe. Le mot ne se trouve plus dans le CNRTL, mais il apparaît dans plusieurs dictionnaires anciens1 et notamment dans le Supplément au dictionnaire de l’Académie par Fracçois Raymond (1835).  avec une définition différente:

PriapolitheAcadLa première attestation vient de Goudouli, Pierre Borel 1620?-1671), qui dans Les antiquitez, raretez, plantes, minéraux & autres choses considérables de la ville et comté de … écrit:

PriapoliteBorelCe qui m’a intéressé dans cet article de Pierre Borel est la mention de la théorie des signatures. J’ai l’impression qu’il s’en moque un peu, mais la citation de Crollius, Quercetan et Henri Carrichterius montrent qu’il était au courant et que cette théorie était très répandue à son époque. Je cherche à me renseigner à ce sujet parce que je crois qu’il est important de savoir que cette théorie et des théories analogues comme astrologie, jouaient un grand rôle dans la vie des gens.

Si vous êtes intéressé par la géologie  de la région de Castres, suivez ce lien: Priapolithes

  1.   du Trevoux de 1752 jusqu’au Larousse de 1875

gourbet ou oyat ?

L’étymologie de gourbet (ammophila arenaria Ml) comme celle de oyat est inconnue, mais l’histoire du nom gourbet,  de la plante et de son utilisation pour fixer les dunes est un bon exemple de l’histoire de la langue française en général, à savoir que le mot gascon gourbet a pratiquement disparu.

gourbetAbonné aux Actualités de Télébotanica, j’y trouve une Brève intitulée « Sauvons le Gourbet »qui fait tilt.  Un vieux mot gascon mis au rebut et remplacé par oyat un mot picard.  Dans la Brève il y a un lien vers l’article de Gilles Granereau intitulé Rendez-nous le gourbet !

Dans le CNRTL l’histoire du mot  gourbet   est réduit à ceci:

Étymol. et Hist. 1846 (Besch.). Terme dial. du Sud-Ouest désignant l’oyat, d’orig. inc. (FEW t. 21, p. 204b).

Dans le FEW XXI, 204 nous retrouvons les attestations du Sud-Ouest:

gourbetFEW21,201Gilles Granereau écrit que « pour d’obscures raisons ce nom a disparu du langage au profit de celui d’oyat dont l’usage originel est beaucoup plus nordique ».    Oyat est un mot picard.

Grâce à l’article de Gilles Granereau nous pouvons donner une première attestation de gourbet avec beaucoup de précision : le 29 juillet 1307, à Bayonne.  Cela fait plus de 5 siècles.  Cette attestation se trouve à la p.128 du Livre des Etablissements , publié en 1897, par l’Imprimerie Lamaignère (mais pas encore numérisé), un recueil des arrêtés municipaux de la ville de Bayonne des XIIIe et XIVe siècles. La ville de Bayonne « fait défense absolue de faucher, tailler et transporter le gurbet »  depuis la Pointe jusqu’à la roche d’Igasc,  proche de la Chambre d’Amour.

Il faudra que quelqu’un aille aux Archives de Bayonne pour trouver l’original, qui doit être en latin ou en gascon, ce qui expliquerait en même temps la graphie -u- , probablement prononcée -ou-.

L’utilisation du gourbet pour fixer les dunes date en effet du XIVe siècle. (Wikipedia en néerlandais « helmgras »)

eminada

Dans l’exposition 2015  de l’association du patrimoine  de Manduel, il y a un panneau concernant l’arpentage au Moyen Age avec une liste de différentes noms de surfaces  dont j’ai déjà parlé (pan, destre  cana )  et  eyminée   que je ne connaissais pas.

Patrimoine

Eyminée ou en occitan eminada « étendue de terre qu’on peut ensemencer avec une mine de blé » 1282. est un dérivé de emina « mesure ancienne de capacité » qui représente le  latin hemīna « mesure de capacité » > fr. mine, ancien provençal emina, Alès emino « mesure de capacité pour les grains, 25 litres », à Pézenas 30 litres.

Le président d »honneur de l’association du patrimoine Jean Coulomb a pu  déterminer qu’à Manduel une eminada correpond à 625 m². Pour savoir combien de litres faisait une emina il faudrait savoir ce qu’on semait …

Latin hemīna signifie « un demi sextarius » (sestier) que nous retrouvons en italien, catalan, alsacien et basque, a été emprunté au grec ήμίνα (hèmina) « demi ».

Français minot, minoterie ont la même origine.

FEW IV, 401-402

Aliboufier ‘styrax officinalis’

Aliboufier « Styrax officinalis L. ». Alibofis « testicules » grossier.Marseille.

Dans le Flore populaire de la France ou histoire naturelle des plantes dans leurs rapports avec la linguistique et le folklore. d’Eugène Rolland volume 7, p.254 nous trouvons les attestations suivantes:

AliboufierRLFl7_254Le texte de 1605  publié par Ch. Joret se trouve grâce à Gallica ici. Il s’agit de la liste des plantes que Peiresc a envoyé  au célèbre botaniste de Leyde Clusius ( Charles de l’Ecluse) qui devait les récupérer à la foire de Francfort1. Comme il ne connaissait pas très bien les noms scientifiques de l’époque il ajoutait les noms provençaux, parfois habillés  à la française.  Il s’agit des semences que Peiresc a ramassés dans les champs en allant à la chasse, tantôt sur les rivages de la mer, tantôt dans les bois et nommément dans le terroir de Beaugensier2

Joret donne le nom de la plante et des graines :

PeirescStyraxVoir l’image en bas de page pour l’original !

L’étymologie de alibouffier est inconnue selon le FEW XXI,183, mais l’auteur pense qu’il s’agit d’un mot d’origine orientale.  En effet,   d’après l’article de Wikipedia Pline écrit que cet arbuste pousse en Syrie et que là-bas on s’en sert comme parfum et que l’on l’emploie aussi dans la médecine durant l’Antiquité romaine . Le Wiki anglais  ajoute « This species is native to southern Europe and the Middle East. » La plante se trouve peut-être aussi dans la région marseillaise; voir l’extrait de Telebotanica ci-dessous.  Il y a un article Wikipedia en arabe sur le styrax mais il m’est inaccessible.

Ce qui est étonnant  est le fait que le mot semble vivant en français régional de Marseille Dans le Petit lexique commenté du parler Marseillais je trouve :

Alibòfis   » testicules » grossier, et l’auteur donne quelques exemples:

« Arrête de me gonfler les alibòfis…  »
 » Vé Laurent Blanc dans le mur, d’une main il se protège le moure*, et de l’autre les alibòfis…  » *

Trouve sans doute son origine dans aliboufier, nom provençal du Styrax, arbrisseau qui fournit un baume. Ses fruits ont été assimilés, dans la langue populaire, aux parties génitales de l’homme.

La fantaisie  marseillaise n’a pas de limites :

Styrax_officinalis_fruitsstyrax officinalis fruits

Il y a une page dans  Telebotanica consacrée au Styrax  à consulter,  qui se termine ainsi:

Le Styrax officinal, plus connu en Provence sous le nom d’aliboufier, est-il indigène dans le département du Var ? Cette question que s’est posée LEGRE en 1897 n’a toujours pas reçu de réponse satisfaisante à ce jour ; et pourtant il est probable qu’avant LEGRE, lorsque au XVIe siècle Pierre PENA et Mathias DE LOBEL, en voyage d’étude, découvrirent à Solliès ce même Styrax, la question de son indigénat a du leur venir à l’esprit. Peut être même, les Chartreux en s’installant dans la forêt de Montrieux au début du XIIe siècle furent-ils étonnés d’y trouver cette plante, à moins bien entendu qu’elle n’y fût introduite ultérieurement par leur soin.

2e partie de l’inventaire de la boîte envoyée par Peiresc à la foire de Francfort pour Clusius.  La première partie se trouve dans l’article  tartonraire PeirescFicheClusisu2

 

  1. Voir mon article tartonraire sur les relations entre ces deux botanistes
  2. Il pourrait s’agir  de  la ferme de Beaugensiers dans le Var à  83210.Beaugentier. Beaugensier

Biassa ‘sac, casse-croute’

Biassa « sac contenant le casse-croûte »; « casse-croûte ». (SourcePlanetemassalia). Etymologie : latin bisaccia, pluriel de bisaccium. C’est le pluriel qui pris le dessus parce qu’à l’origine il s’agissait d’un double sac.

bisacciumDans les parlers occitans on trouve aussi des formes avec -d- ,  bidasso (Pézenas) et -g- bigasso (Tarn).  Français besace a la même étymologie.

Le grato-biasso était la « collation que les moissonneurs font vers 6 heures du soir ». Des dérivés et autres significations comme par exemple « celuis qui porte une besace » > »mendiant » ou « berger », cela dépend de la localisation.  FEW I,378

A Marsillargues : la Biasse comprend aussi 2 litres de vin.

Biasse :
Nourriture que les travailleurs des champs emportaient dans leurs musettes ou leurs
paniers pour déjeuner ou dîner à la vigne quand ils ne rentraient pas à Midi.
Ils n‟oubliaient pas leur litre de rouge ou de rosé qu‟ils avaient tiré le matin à la
buvette du patron. Les travailleurs de la vigne avaient droit à deux litres de vin par
jour. Cet avantage en nature avait nécessité quarante jours de grève générale pour
l‟obtenir. L‟éternel resquilleur, que d‟après les mauvaises langues on trouve souvent
dans le milieu des Gardians amateurs, pouvait être qualifié de serqua biassa.