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Pano, panous

Pana « taches de rousseur » (Alibert), panos « idem » (Sauvages), adj. »qui a des taches de rousseur » (Alibert), pano « nuage léger qui flotte dans les airs », panous « tacheté de nuages ». La première attestation pour ce mot typiquement languedocien vient du dictionnaire francais/anglais de Cotgrave 1611 avec la note « languedocien ».

L’abbé de Sauvages (1756) donne  un remède contre les panas : « la sève qui dégoutte de la vigne au temps qu’on la taille est, dit-on, un bon cosmétique pour faire passer les rousseurs ». Si vous l’essayez, renseignez-moi sur les résultats!

Le FEW rattache ce groupe de mots à l’étymon pannus « morceau de tissu ».

Mais dans mon dictionnaire latin  (Nouveau dictionnaire latin-français par Benoist, Eugène – Goelzer, Henri) et dans le Gafiot je trouve que le mot  pānus  avec  un ā  long et un seul -n- signifie « fil de trame enroulé sur le dévidoir; épi à panicules » et « tumeur »   et le diminutif panicula « panicule »  également  » sorte de tumeur« . Le fameux Nomenclator octilinguis ( ‘dictionnaire de huit langues’) de Junius Hadrianus (1511-1575) traduit : « Pānus ( attesté chez Pline) par Vne enfleure « une enflure » et mammosus panus par « téton ». et là nous ne sommes pas loin des « taches de rousseur » languedociennes.

Ma conclusion est que  tout le groupe pano  placé dans l’article pannus « morceau de tissu »,  FEW  VII, 557 a,  doit être placé dans un nouvel article pānus  « tumeur, enflure ».

FEW  VII, 557 a

Le mail d’une lectrice de l’Aveyron renforce cette hypothèse. Elle aime faire la cuisine et m’écrit :

« j’ai découvert les  panous [panouss] ce sont en fait les fleurs qui poussent au printemps sur les choux fourragers et les choux de Bruxelles et que l’on mange (ça ressemble à des asperges) ». Le dérivé panous a donc conservé le sens « épi de panicules » du mot latin pānus. Elle a eu la gentillesse de m’envoyer une photo:

panous de choux
Les panous de l’Aveyron

Une panicule est une inflorescence en grappe composée.


panicules rouges et blanches

Dans le domaine franco-provençal existe un dérivé pana  « donner une giffle à  » et surtout le substantif  panà « giffle » (FEW VII, 560b).  Etant donné que le résultat d’une giffle est souvent une « enflure » cf. bonha, je me demande si ce mot ne doit pas être rangé également dans le même nouvel article pānus « enflure ».

Panperdu

Panperdu. Toponyme du Gard.

D’après Mistral, il y a des Panperdus aux Saintes-Maries, à Chateaurenard, à Gaumont (Vaucluse), à Béziers, etc.

Panperdu signifie « mauvais pays »:  D’ounte siás? – De Pan-Perdu. « D’où êtes-vous? D’un mauvais pays. » Je ne suis pas sûr du sens du mot Rubina. Il faudrait vérifier s’il s’agit d’une bonne lecture du Cartulaire de l’abbaye de Saint-Victor de Marseille, mais il s’agit probablement de Roubine, toponyme fréquent dans le Midi qui désigne une « ravine; longue coulée d’éboulis creusée dans les terrains friables et déboisés; canal de faible largeur » (Pegorier). J’ai pu trouver le deuxième vol. de l’édition du Cartulaire de l’abbaye de Saint-Victor par B.Guérard; dans l’index l’auteur renvoie de Rubina > Robina. Mais le premier volume avec la charte 156 n’est pas disponible sur le web.

Dans le Compoix de Sommières on trouve également un Panperdu. L’auteur ajoute qu’il y a d’autres graphies : Pan viel, panviel, pant vieil. Surtout le graphie pant est intéressante, parceque elle montre que le scribe ne confondait pas pain et pan. La graphie avec -t final se trouve aussi en ancien français. Voir le Godefroy.

L’étymologie doit être pannus « morceau, partie ». Voir pana(r).

 

Coulée d’éboulis

Pan

Pan « mesure de longueur environ 25 cm, ou rarement (?) de surface 0.50 m² (attestation de 1625) » , est une forme abrégée typique pour l’occitan d’ empan.

L’origine du mot est l’ancien francique *spanna c’est-à-dire la distance entre les extrémités du pouce et du petit doigt dans leur plus grand écart, à peu près 25cm. L’ancien allemand spanna ou le néerlandais span(ne) ont le même sens, comme l’ancien français espan ou espane, dans lequel le préfixe es- a été remplacé par em- en français moderne.

Dans le Midi pan signifie normalement 1/8 de canne. En 1844 un certain Vincentis a écrit une Méthode abrégée pour connaître la valeur du pan ou 1/8e de la canne de Montpellier. que je n’ai pas pu consulter.
Il est à noter que dans tous les dictionnaires un pan est une mesure de longueur et non pas de surface comme dans le Compoix de Valleraugue.

Palangre

Palangre. Lou Palangre. Etymologie : Grec panagron composé de pan « tout » et agron « proie, capture ». Un palangre saisit donc toute espèce de poisson. Le mot français a été emprunté à l’occitan (TLF).

Dans ce site  vous pouvez voir un vidéo de «Charles et son fils Frédéric, pêcheurs aux petits métiers de Mèze (bassin de Thau), qui font partie des quelques derniers « survivants » et qui pratiquent encore la pêche au palangre, des lignes disposées au fond de l’étang pour capturer loups et anguilles.

Palangre « corde garnie de lignes munies d’hameçons servant à la pêche des gros poissons de mer ».(Alibert)

 

Pagnoto

Pagnoto « homme peureux ». Étymologie. Le TLF écrit à propos de pagnote « poltron, lâche » :

Empr. à l’ital. pagnotta «pain, ration de soldat» , lui-même prob. empr. (d’après PRATI et DEI) à l’ancien provençal panhota «petit pain» (dep. 1362, doc. lat. médiév. Nîmes ds DU CANGE), dér. de pan (pain*).

Je me demandais  pourquoi on cherche très loin en Italie ce qu’on trouve tout près en occitan. La raison est qu’en français la première attestation date  de 1587 : soldats de la pagnotte appellation péj. attribuée pendant les guerres du Piémont aux soldats qui n’avaient que du pain pour toute ration ou solde…

En occitan le mot est bien plus ancien. Dans la dernière édition de Du Cange , je trouve : « panhotus. Comput. ann. 1362. inter Probat. tom. 2. Hist. Nem. pag. 247. col ». ce qui doit signifier « Historia Nemausis…  » mais je n’ai pas encore  retrouvé le texte exact.

Dans un texte du XVIe siècle est écrit: 

ceux de dedans appelaient les Espagnols soldats de la painatte, parce qu’ils n’avaient d’autre distiributio que du pain ».

Un soldat qui n’a que du pain comme récompense n’a pas trop envie de risquer sa vie. De là l’évolution sémantique « soldat mal payé »> « homme peureux ».

Osca, osque

Osca, osce, osque s.f. « entaillures sur le bras de la romaine qui marquent les livres, 1/2 livres et onces » (Seguier1, p.47 verso ); oscar « entailler »; ouisse « entaille » (Champsaur en 1996).

   
image du Larousse 1905.    L’abbé deSauvages donne plus de renseignements.

Lla boulangère de Valleraugue (Gard), m’a raconté à propos de « hoches sur la taille des boulangers » que, dans les années ’80-’90, les vieux Valleraugois payaient bien sûr tout ce qu’ils prenaient, mais jamais le pain. Le pain était payé à la fin du mois. La taille des boulangers y est donc restée en usage jusqu’à la fermeture de cette boulangerie.

La question a été posée pour les Atlas linguistiques, mais je n’ai pas retrouvé le type osca parmi les réponses. D’après le TLF l’expression existe encore, mais je me demande si la coutume est encore vivante.

Essayez chez Carrefour, et rapportez-moi le résultat. Merci.

Un visiteur m’a donné une autre explication de  l’expression  faire une croix sur la cheminée.  « marquer un fait rare ou exceptionnel »  (expression donnée comme vieillie dans le Robert).

Le  visiteur de Capriata d’Orba (dans le Piemont, province d’Alessandria) m’écrit: Da nos-átri o ï era la costumança de « fár una croge ente la ceindre d’ël camin » ó ente la polvre de la corte purqu’èst qu’o se penseiva de téner lontan la tempèsta e la gragneula (grêle). Mé máre a me la feiva fár encor quand que mi a era un filjeul. La croge a se feiva encom un baston que o lasseiva com’et una crenna (osca) ente la ceindre ó en tèra.

Heureusement, il a eu la gentillesse de me le traduire, parce ce que son patois est un patois de transition entre le piémontais et le ligure:

Chez nous il y avait l’habitude de « faire une croix dans la cendre de la cheminée » ou dans la poussière de la cour parce que on croyait d’éviter la tempête e la grêle. Ma mère me faisait encore faire ça lorsque j’étais un enfant (il y a plus de 50 années). On faisait la croix avec un bâton qui laissait comme une rainure (sillon ?) dans la cendre ou sur le terrain. Dommage je ne rappelle plus les mots que ma mère récitait dans l’occasion.

Dans notre siècle avec des balances électroniques, il y a peu de personnes qui connaissent encore ce mot qui a également existé en français: osche ou oche jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. En ancien français osche avait un sens général « coche, entaille faite pour marquer une mesure » mais au cours des temps il s’est spécialisé, par exemple dans l’Encyclopédie de Diderot on trouve auche « trou pratiqué dans la matrice du mouton à frapper les têtes d’épingles ».

D’après le FEW la répartition géographique de cette famille de mots correspond assez bien à la région où habitaient les Gaulois et il suppose une origine gauloise *osca. Nous le retrouvons en effet dans le nord de l’Italie: piémontais osca « entaille », et en catalan osca etc. Il est attesté dans des langues celtiques, comme le breton ask, aska « faire une entaille ». Hubschmid par contre suppose une origine basque/préromane. Voir à ce propos le TLF s.v. hoche. Le mot a été prête à l’anglais : notch avec n- par agglutination du n dans an notch.

Voir aussi l’article roman, romana « romaine ».

Ortiga

Ortiga « ortie ». L’étymologie est la même que celle du mot français ortie : latin urtīca.

A l’est du Rhône, il y a de nombreux villages (cf.Thesoc) où l’accent s’est retiré vers la première syllabe, par exemple en Champsaur ürtyə qui suppose un étymon ūrtĭca avec l’accent sur le  ū.

L’explication peut être qu’on a formé un verbe *urticare « fouetter, piquer avec des orties » et que par la suite le nom de la plante y a été adapté.

J’ai pris l’occasion d’écrire cet article quand j’ai trouvé dans le livre de Claudette Germi,  Mots de Champsaur Hautes Alpes,  l’expression imagée être ürtiə  « ne pas tenir en place » (comme fouetté par les orties).

Orange

Orange voir irange la forme à l’ouest du Rhône.

Onça 'douzième partie'

Onça « once, fraction de la livre d’environ 25 grammes ». Un mot que toute le monde connaît actuellement, à cause de la flambée du prix de l’or. « À New York, l’once se négociait à près de 1 045 dollars.  » (France 24, le 04.10.2011). 1 once d’or pèse 28.3499 grammes pour votre information.

Etymologie :  latin uncia «la douzième partie d’un tout (douzième de la livre [monnaie]; douzième d’un héritage); petite quantité».

Dans le Compoix de Valleraugue c’est une part d’une maison qui correspond à 1/6e. Cet emploi n’est attesté nulle part ailleurs. Le mot latin s’est conservé partout comme mesure de poids : italien oncia, catalan unsa, espagnol onza, portugais onza = « portion de chocolat ». Dans les langues germaniques : allemand unze = 28,35 grammes, néerlandais ons = 100 grammes. L’anglais inch mesure 1/12e d’un foot, 2.56 cm. Anglais ounce = 28,35 grammes est un emprunt au français.

L’emploi once dans le Compoix de Valleraugue est curieuse. Il n’y a qu’une attestation du Béarn : ounse « ancienne mesure de longueur » qui s’en rapproche et le portugais onza. MAIS, pour les Romains une uncia pouvait être la 1/12e part de quelque chose. Vu la complexité des mesures à l’époque, l’once a bien pu passer à 1/6e part d’une maison.


plus une once de six d’une maison…

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Olaire, oler

Olaire « potier »  en languedocien oler.   Dérivé de  olla  « marmite ».  Voir  ola.

L’abbé de Sauvages indique que le mot oler  est ‘vieux’. La belle phrase  qu’il cite comme exemple  vaut cet article spécial:

No a pozestat l’oler de la mezöissa la mase dë lot far l’aoutre vaissel ën oner, mai l’aoutre ën anta. « Le potier n’a-t-il pas le pouvoir de faire de la même masse d’argile un vase destiné à des usages honorables et l’autre destiné à des usages bas et honteux ».