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Sira "neige"

Sira, cira « neige poussée par le vent, qui tombe en tourbillon », cirá « neiger en poudre ». Etymologie: sīdus, sīderis; sīdera (pl) « tempête ».

Un visiteur me demande si je peux lui renseigner sur l’étymologie du mot auvergnat cira « neige »  et écirada « tourbillon de neige ». La graphie avec un c- m’a mal orienté bien sûr.  C’est sous  sira  qu’il fallait chercher. En effet  sous sidus, sideris  « tempête1 » je trouve : ancien occitan  sira  s.f. « neige poussée par le vent » (Millau, 1471) , Aix-en-Provence  ciro  « vent du sud-est », ciro « poussière de neige soulevée par le vent (Alès)  » et d’autres dans l’Aveyron, la Lozère, la Haute-Loire et le Puy-de-Dôme. Il est absent du gascon.

Parmi les dérivés, qu’on trouve de Nice  serian  « tourbillon de vent » jusqu’à Ytrac dans le Cantal esirá « tourbillonner en parlant de la neige », le FEW cite l’abbé de Sauvages cirá  « neiger en poudre », que j’ai vérifié. L’abbé donne une description très précise dont  je ne veux pas vous priver:

suivi par Mistral:

La famille de mots sidus  a aussi vécu en portugais, galicien, italien et corse.  Il y a plusieurs  attestations en franco-provençal.

Le français a emprunté Sīdere   au latin  au XVe siècle avec le sens « astre ».

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  1. cf.Gafiot

Engrèner 'appâter;lancer un conflit'

Engranar  engrèner ou engrainer en français régional : « faire des histoires, lancer un conflit, appâter un joueur pour un jeu d’argent. » (spécialement dans  le milieu de  la pétanque, voir  René Domergue,  Avise, la pétanque).

L’étymologie est le latin granum  « grain, graine ».

Alibert donne e.a. les sens suivants:  « balayer;  appâter avec des grains »;  v.r. … « s’enrichir ». Ces  sens  n’existent pas en français, ni en argot. Je pense qu’il s’agit d’une évolution sémantique régionale.

Il est possible que le sens « s’enrichir »s’est développé à partir du   L’abbé de Sauvages  cite le proverbe  Lou përmié k ës âou mouli engrâno  « le premier venu met son  blé dans la trémie » (S1).  Des expressions analogues existent en anglais first come first served,  et plus proche de l’occitan le néerlandais wie het eerst komt, het eerst maalt (le premier venu moud le premier ) . Être le premier servi  a des avantages.

Il est aussi possible que le sens  « s’enrichir » s’est développé à partir du sens « nourrir avec les grains », plus spécialement « appâter des oiseaux en jetant des grains »., qui est devenu « appâter » en général.  Mistral donne l’exemple suivant  :

         engranar appâter

Le sens  « appâter des oiseaux en jetant des grains »,  est probablement à l’origine de deux évolutions sémantiques.

  1. Le but  de engranar « nourrir »  est d’ enrichir celui qui engrane . Celui qui s’engrane s’enrichit. Une évolution très actuelle dans cette période de « crise ». Les banques nous ont engranés  pour s’engraner.
  2. Celui qui s’enrichit crée des jalousies et des imitateurs qui  allèchent au « jeu » , même dans le domaine de la pétanque. L’argent est à l’origine de presque tous les conflits.

J’ai l’impression que l’argot parisien qui connaît le mot engrainer  « allécher au jeu d’argent » depuis le fin du XIXe siècle, l’a emprunté aux parlers occitans.  En tout cas les attestations occitanes (Vayssier, Mistral) datent de la même époque et sont légèrement antérieures. Si vous rencontrer  une attestation plus ancienne, contactez-moi!

Le lien sémantique  avec « grain » du  sens « balayer »   n’est pas évident. Ce sens est d’après Mistral  limité au Languedoc et au Quercy.

Chourler "boire en aspirant"

Chourla(r) « boire à long traits, buvoter,  beaucoup, longtemps …. » etc.  toujours « en faisant du  bruit »  …chourlant lou vin dous.(Homère1) ,  devenu chourler   en français régional 2; mon tit brapto en train de chourler !!!  une copine(?) à propos de cette photo:

           

L’étymologie est l’onomatopée tšurl- que nous retrouvons en corse chjurlá « boire », en allemand schlürfen, néerlandais slurpen, anglais to slurp « boire en aspirant ». Le verbe existe aussi dans les parlers franco-provençaux et normands. Les attestations occitanes ne sont pas très fréquentes, mais on les trouve de Barcelonnette chourlar « buvoter » jusqu’en Béarn  churla « boire ; terme de cabaret ». A Agen un  tchurlet  est un « enfant qui veut constamment téter ».

Stéphane (voir le commentaire ci-dessous) me rappelle que j’avais déjà écrit l’article  fourrupa  qui a le même sens, mais est placé parmi les mots d’origine inconnue.

  1. Odyssee, Chant X, traduit en provençal par C. Rièu
  2. René Domergue, Les hommes (sc. les gavach, gavot) avaient la réputation de chourler (picoler), mais c’était vrai surtout pour les vendangeur..

Fanny 13-0

Fanny, une abréviation pour tafanari.

Poussette, triplette, doublette

Poussette  dans la pétanque a un  sens  plus proche du latin pulsare « heurter »: « petite poussée. Fait de pousser légèrement une boule avec une autre boule.  » ( René Domergue, Avise, la pétanque!).  Le mot poussette  « action de pousser » existe aussi en français, où  elle a un sens péjoratif dans les jeux de hasard et le cyclisme, mais pas dans le ping-pong. Voir le TLF s.v. poussette

Il est pas possible de savoir si les dérivés en –et, -ette , comme poussette, triplette, doublette  ont été créés dans le domaine d’oc ou le domaine d’oïl, parce que ces suffixes sont vivants dans les deux langues.

Je renvoie les linguistes à l’étude de Marc Plénat,  Brèves remarques sur les déverbaux en -ette.   et                               

                ici.



Mène "manche dans une partie de jeu de boules...

Mène « manche dans une partie de jeu de boules ». René Domergue Avise, la pétanque! donne une définition très précise :

Une mène : temps entre le lancer du petit et le lancer de la dernière boule (plusieurs mènes dans une partie).

En dehors du milieu bouliste et des joueurs à la belote le mot doit être rare. Même Google ne donne que très peu d’exemples.

Dans les dictionnaires de l’occitan  il y a  plusieurs mots mèna, mène,  mais aucune signification qui s’approche de « manche dans un jeu »1.

  1. Dans le dictionnaire de l’abbé de Sauvages (S1) il y a deux articles mèno :  une  mèno   « scion de greffe », et mèno  « espèce,  race », par exemple chi dé bono méno « chien de bonne race » et  le dérivé  mènier « tête de châtaignier à greffer, c’est un châtaignier franc récépé et taillé en moignon, qui fournit tous les ans des scions…. ». Sens classés dans le FEW VI/2, 102b-103a comme  dérivés du verbe minare.  Ce sens est encore vivant à Nîmes en 1989  d’après Joblot2, qui donne la définition suivante « une mène  est un genre, race, qualité » , et un exemple : Il possède deux scies de mènes différentes.    Pour lui « ce mot mène est entré dans le vocabulaire  courant des joueurs de boules qui désignent de ce nom chaque nouvelle partie du jeu. L’équipe qui a gagné la mène achevée mène la mène nouvelle.  Je crois que Joblot est tout près du sens qui est à l’origine du sens « manche » : une action ou un élément d’un ensemble.
  2. En occitan il y a une autre mena,  ou  meno  qui signifie  « filon de minerai, mine » en qui vient du gaulois meina « minerai », mais rien qui m’explique le sens « manche dans une partie de jeu de boules ».
  3. Enfin  Claudette Germi, Mots de Champsaur, Hautes AlpesGrenoble, 1996i me fournit un autre emploi de mène : »Encore quelques mènes  et ils auront fini de labourer. »  et l’emploi du même mot dans la même localité dans un autre jeu : « On a fait un concours de belote, on croyait gagner, mais  à la dernière  mène, ils ont eu un carré d’as  et un cinquante…. Pauvre de nous.

Elle cite le travail de Gaston Tuaillon 3 qui a donné la définition suivante pour le mot mène  dans le parler franco-provençal de Vourey (Isère)

Un aller (ou un retour) dans un travail comme les labours ou dans un jeu comme le jeu de boules où l’on ne cesse d’aller et de venir ».

La première attestation de ce sens en ancien occitan est  mena « manière d’être » ( XIIe-XIIIe s.), qu’on retrouve en italien, chez Dante mena « condition, sorte ». En occitan moderne, c’est l’expression  de bouono meno « de bonne qualité » qui domine.

L’étymologie serait alors le verbe menar « mener, conduire, accompagner, exploiter un domaine agricole » du latin minare  « conduire ». Un dérivé de menar,  menada signifie  « ce qu’on mène en une seule fois; quantité d’olives qu’on détrite en une fois » (Alibert). Le même sens est aussi attesté pour le mot voyage (Mistral, Champsaur)

Je crois avoir trouvé une autre explication de l’évolution sémantique que celle proposée par G.Tuaillon.  Je pense que le passage du mot mèno  dans le milieu bouliste, est parti de  l’expression de bouono meno . L’équipe qui a gagné « a fait un jeu de bouono meno,  et pour ne pas vexer l’équipe adversaire, il faut admettre qu’eux aussi ont fait une bouono meno.   Une  mène  est par conséquent toujours bouona.

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  1. D’ailleurs le même problème existe pour le sens de « manche ». Le TLF suit le FEW et  donne comme étymologie  manche  « partie de vêtement …. »  sans pouvoir l’expliquer. Pourtant von Wartburg  (FEW)  écrit dans une note que  le lien sémantique reste mystérieux.  Alain Rey  écrit sans me convaincre  « Par analogie moins transparente manche  a pris le sens « tour de cartes » 1607, d’où « partie liée à une autre » (1803) , les deux parties jouées étant comparées aux manches solidaires d’un vêtement.
  2. Petit vocabulaire local à l’usage des gens du Midi. Nîmes, 1989
  3. Les régionalismes du français parlé à Vourey, village dauphinois.  Paris, 2000. page 250

Palet et carreau (pétanque)

Palet « Pierre plate et ronde ou petit disque en bois ou en métal, que l’on doit lancer le plus près possible d’un but ».  Faire un palet = faire un carreau « déquiller la cible »  doit être une utilisation spéciale  du mot palet  dans le jeu de boules, puis depuis 1907  dans la pétanque. René Domergue Avise, la pétanque  donne la définition suivante:

En toute rigueur bouliste c’est comme un carreau mais la boule touche terre un peu avant la boule visée.

Wikipedia fournit les renseignements suivants:

  • Faire un palet : tirer une boule sur le jeu en tirant « à la raspaille » ou en « tir devant » ; la boule lancée reste dans un rayon maximum de 50 cm (indicatif) autour de l’impact. Deux situations sont décrites par des termes spécifiques :
    • on réalise un palet parfait ou un arrêt lorsque la boule tirée prend la place exacte de la boule cible,
    • on réalise un palet allongé lorsque la boule tirée roule vers l’avant après l’impact sur la boule cible

    et

  • Faire un carreau : terme employé quand il y a « tir au fer ». La boule de tir lancée reste dans un rayon maximum de 50 cm (indicatif) autour de l’impact. Trois situations sont décrites par des termes spécifiques :
      • on réalise un carreau parfait ou un arrêt lorsque la boule tirée prend la place exacte de la boule cible,
      • on réalise un carreau allongé lorsque la boule tirée roule vers l’avant après l’impact sur la boule cible,
      • on réalise un recul (se dit aussi « carreau rétro ») lorsque la boule tirée repart en arrière après l’impact sur la boule cible.

TLF : 1306  Palet «pierre plate et ronde (ou petit disque de métal) avec laquelle on vise un but marqué (dans un jeu)» (Guillaume Guiart, Royaux Lignages, I, 5311 ds T.-L.);

Pour le moment il n’est pas possible de savoir s’il s’agit d’un mot d’origine occitane ou française. La première attestation en  occitan date du XVe siècle.  (Mais il y a encore beaucoup de travail pour les philologues occitans !!) . Palet  est un diminutif de pale  « pelle »,  dérivé du latin pala « pelle ». La forme avec un –a- au lieu de –è-,  indique qu’elle est peut-être empruntée à l’occitan (limousin).  Comparez avec ala > aile  et le diminutif ailette.

Le mot palet  a beaucoup d’autres significations en occitan.

Dounado "donnée" pétanque

Dounado « espace le plus propice où envoyer la boule lorsque l’on porte. » (René Domergue, Avise, la pétanque!) Dérivé du verbe donare « donner ».  Le mot français  donnée  est d’origine occitane. Donado  signifie d’abord « portion de nourriture donnée aux animaux ».  Donado  a été emprunté par le français  >  donnée « ration de feuilles de murier qu »on donne aux vers à soie »  et ensuite,  au fig. « condition déterminée proposée dans l’énoncé d’un problème » (abrégé de quantité donnée) depuis 1752.

Le sens spécifique de dounado  dans la pétanque est assez proche du sens au figuré du français, ce qui permet de supposer qu’il s’agit également d’un emprunt à l’occitan.

Porter de l’occitan pourta(r)  a un sens très spécifique en pétanque :  » envoyer une boule assez haut pour qu’elle tombe sur une donnée prévue pas trop loin du bouchon et qu’elle roule très peu. » (René Domergue 2012)

Chicá, chiquer (pétanque)

Chicar, chiquer « taper sur la tête (la cabucèle, le closc) de la boule adverse » (René Domergue, Avise, la pétanque!) vient d’une onomatopée tŠikk–  qui imite le bruit d’un coup.  Un chic  est un « coup sec et sonore ». A Alès   faire chico  « rater (fusil) ».  Le verbe chica(r), devenu chiquer  en français régional,  est attesté à Puisserguier avec ce sens. En provençal chicá   a pris le sens « bavarder, jaser ».  Les significations qui sont le plus proche de l’onomatopée d’origine se trouvent surtout dans le domaine occitan, ce qui permet de supposer que le sens spécifique dans le jeu de boules de chiquer  est d’origine occitane.

    bruant des roseaux

A la même famille appartient l’occitan chicarrot « mortier de pâte d’argile que les enfants font claquer en le lançant sur une pierre plate ». et le nom du « bruant des roseaux« , que vous pouvez écouter en suivant le lien, qui  s’appelle chic dei palus (Gard) ou chic deis sagnos (Bouche-du-Rhône) ou chic bartassier à Toulouse. Voir   FEW t. 13, 2, p. 371).

Biais "habileté" pétanque

Biais « habileté ». Mot utilisé par les joueurs à la pétanque d’après René Domergue,  Avise, la pétanque!. L’ancienneté et la richesse des attestations du type biais et de ses dérivés  dans les langues d’oc, sont  un  fort appui pour supposer  une origine occitane du mot français.  D’après le FEW  il s’agit de epicarsios ( επικαρσιος) « oblique », un des nombreux mots d’origine grecque qui ont radié dans toute la Galloromania et bien au delà, à partir de Marseille1

Nous voyons que dans les  anciennes attestations données par Raynouard, le mot biais peut être traduit par « manière »:

En occitan moderne biais  signifie « inclinaison; tournure d’une affaire, moyen, expédient; habileté ».   Biai « esprit, adresse » (Sauvages, S1) qui ajoute  la remarque que « biai »  se rend en français  de bien d’autres manières dont « une bonne tournure, le coup de main » en parlant d’un ouvrage: douna loi biai emb un ouvrajhe.. Il ajoute  que biais   dans  de biais est françaisen languedocien on dit de biscaire.

A Die biais s.m. = « intelligence, raison, esprit; joug d’homme ».  Ce dernier sens montre qu’il y a toujours un lien entre le sens concret « oblique, chose oblique » et le sens au figuré. Le biais  de la première image est bien « oblique »
biais         
A  la même famille de mots appartiennent biaisso « façon, manière (en mauvaise part) »,  biaissous, biaissu « adroit ».
Catalan  biaix  « oblicité », portugais ao viez  « de biais »,  piemontais sbiaz « de travers »., anglais bias « préjugé, parti pris ».

Commentaires des visiteurs:

Olivier m’écrit : Ce mot est utilisé aussi pour exprimer l’entente, par ex pour 2 personnes soun dé biais « ils s’entendent bien »

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  1. TLF : Prob. empr. à l’a. prov. biais « direction oblique, détour », xiie s. (ds Rayn.), d’où le mot paraît s’être répandu dans la Romania. Orig. du prov. controversée. L’hyp. la plus vraisemblable est celle d’un lat. *biaxius « qui a deux axes » (Holthausen dans Arch. St. n. Spr., t. 113, p. 36; v. Cor., s.v. viaje II). n’est pas possible selon le FEW parce que *biaxius n’aurait pas abouti à un biais comprenant deux syllabes.