cat-right

Calendas

Calenda(s) « Noël ». Etymologie: latin calendae « premier jour du mois ».

Chez les Romains le premier jour du mois était le jour du paiement des dettes. Ce sens s’est conservé en ancien français et ancien occitan jusqu’au XVIIe siècle. D’après Alibert il existe aussi en languedocien moderne, mais je n’ai trouvé aucune autre attestation.  Pourtant cela me rappelle qu’à Valleraugue le pain était payé à la fin du mois. Voir l’article  osca  « coche »

L’expression calenda maia signifie « le 1er mai; chanson qu’on chantait ce jour-là », expression empruntée par le breton calemay, ou kal « 1er jour du mois ».

L’expression française renvoyer aux calendes grecques (depuis Rabelais) est un traduction du latin ad calendas Graecas solvere c’est-à-dire jamais, parce que les Grecs ne connaissaient pas les calendae.  Ceci n’a rien à voir avec la crise avec la crise de l’€ ! J’ai écrit cet article en 2007.

Dans le royaume des Francs, à l’époque mérovingienne, avait lieu un grand rassemblement de l’armée au mois de mars, comme chez les Romains au Campus Martius. Les chefs discutaient à ce moment des problèmes de guerre, de paix et de politique. Le roi Pepin le Bref a déplacé en 755 la date de ces assemblées au mois de mai. De là les Champs de mars, qui deviennent des Champ de mai. Depuis le règne de Louis Ier, le Pieux (788-840) cette tradition a été abolie. A partir de cette époque le début de l’année a été fixé vers la période de Noël et le mot calendae a suivi ce déplacement dans une grande partie du domaine galloroman et s’est maintenu dans la Suisse Romande et l’est du domaine occitan.

Ci-dessus la carte géolinguistique tirée de l’article de J.Jud (RLiR10,1934). Un article très intéressant, intitulé Sur l’histoire de la terminologie ecclésiastique de la France et de l’Italie, où il explique que les limites des aires de certains mots ecclésiastiques coïncident avec les limites diocésaines, établies pendant le haut Moyen Age, Ve au VIIe siècle.(62 p, que vous pouvez lire en cliquant sur le titre).

Ce qui est un soutien pour  ma devise « Parcourir le temps c’est comprendre le présent »!

A Toulouse est attesté le mot calandro  » les 12 premiers jours de l’an dont le temps permet de prédire le temps qu’il fera les 12 mois de l’année ». Dans l’Aveyron les colendos sont les 12 jours qui précèdent Noël.

Si vous voulez tout savoir sur la Table Calendale suivez le lien!

 

Breilh

Breilh. La dormeuse de Mirepoix me demande d’éclairer le mystère des « breilhs, breils ?, la zone de mares, bras vivants ou morts, eaux dormantes, sables mouvants, petites résurgences, bref la zone humide, intermédiaire entre le cours principal de la rivière et la terre ferme. »
Le lendemain elle me donne une précision : « Une habitante du village  Arvigna, cultivatrice, me donne une définition plus précise du breilh : »c’est l’espace planté d’arbres amis de l’eau, qui se situe entre les terres labourables et la rivière. On ne parle pas de breilh s’il n’y a pas d’arbres ».Il semble qu’à Mirepoix, on insiste davantage sur la qualité de terre humide. »

Ci-dessous les images qu’elle m’a fait parvenir. Avec le commentaire suivant: photo à gauche : prise depuis le lit du Douctouyre (Arvigna), le breilh, c’est la zone de taillis, bordée d’arbres, que l’on voit au fond, au centre; photo de doite : A Mirepoix, le breilh, c’est plutôt comme sur la photo, au fond, sous la cathédrale, la zone mi-terre, mi-eau :

     

Arvigna                                                                                                    Mirepoix

En cherchant l’étymologie de ce mot, je tombe sur le mot brül qui dans la région Oberhessen (Darmstadt, Allemagne) signifie « pré bas, humide, à l’origine genre plus ou moins marais, de nos jours asséché ou endigué ». (W. Crecelius, Oberhessisches Wörterbuch. Darmstadt, 1897-1899).

Vous allez me dire, c’est loin de Mirepoix.ça, et je vous réponds : et Puschlav (Graubünden, Suisse) brölu « jardin avec des arbres », et Catalogne brolla « formacio vegetal més o menys densa on predominen arbusts o mates de fulla persistent » et en Normandie broil « bois ». Le mot a surtout survécu dans la toponymie.
Le Pégorier  ‘est  de nouveau  gratuit.  Il donne : breil, breille « petit bois; forte haie » (Languedoc); breil, breuil « petit bois » (ancien français) Variantes : breille, breuille. Breil, broil « buisson » (Champagne).

Il s’agit du mot d’origine gauloise *brogilos un dérivé de broga « frontière, limite; champ » qui nous avons  rencontré à propos de broa « bord, orée, talus ».  Suivant la configuration du terrain le type broga peut désigner une « haie », une « bordure de rivière », un « bord gazonné au pied d’une terre » etc., mais la notion de « limite » est toujours présente. C’est exactement cette notion de limite, bordure qui est présente dans le mot breilh de Mirepoix et à Arvigna. Voir aussi le mot français breuil « Petit bois clos, servant de retraite au gibier; ,,pré établi sur un ancien bois marécageux«  (Zél.) »dans le  DMF.

Le mot se trouve dans toutes les régions où les Celtes ont vécu.

Von Wartburg écrit dans le FEW I, 555 b, que breuil a pris pendant la féodalité le sens secondaire de « terre défriché dont le seigneur restait quand même le propiétaire ». Ce sens a été conservé en ancien lorrain bruel « pré seigneurial que les habitants d’un village étaient obligés de faucher ».          Et dans une note il ajoute que ce sens secondaire se retrouve dans le domaine allemand voisin: ancien alsacien brügel « un pré destiné à l’utilisation privé du seigneur ». En France il serait limité à la zone qui a fait partie du Royaume Allemand.

En ancien occitan brolh signifie « jeune bois, bosquet, breuil », en occitan moderne un bruiet est un « petit bouquet de bois ». le mot prend par métonymie le sens de buissons, jeunes pousses : par exemple bruei « rejeton , jet d’une plante qui sort de terre », ancien occitan brolha s.f. (à partir du pluriel) « feuillage, multitude », bruioun  » bourgeon, rejeton de chou; bouton sur la peau » et le composé debruià « arracher les mauvaises herbes »

J’ai signalé mon article à un collègue allemand ,   qui m’a répondu que le nom de famille Brel a la même origine. Ceci est confirmé par le site Généanet : « Le nom est une variante de Breuil (= bois clôturé, gaulois brogilo). On le rencontre surtout dans le Sud-Ouest (46, 82), mais aussi bien sûr en Belgique. »

Et il m’a aussi incité à consulter le dictionnaire de Grimm, s.v.Brül, qui donne : « BRÜL, m. campus aquis irriguus, pratum palustre, aue, buschigte wiese, mlat. brogilus, brüel, breuel, bruwel, bruhel, brühl. BEN. 1, 267b. franz. breuil, it. broglio. freier brüel. weisth. 1, 458. 2, 257; die saw in briel jagen. FRANK spr. 2, 47a. hirschbrül, statio cervorum circa loca aquosa et virgultis amoena. STIELER 251. STALDER 1, 233. In den städten heiszen straszen oder andere plätze oft noch brül « . Je traduis cette dernère phrase : Dans les villes, certaines rues ou d’autres endroits s’appellent souvent brül. Et un BRÜLING, m. est un porcus anniculus, un proc d’un an qu’on lâche dans le brül.   Si quelqu’un veut approfondir cette histoire, il y a de la matière!

Aux Pays Bas il y a la villeDen Briel. Etant néerlandais vivant en France, je ne peux m’empêcher de vous rappeler l’histoire de Den Briel. La Prise de Den Briel, le 1er avril 1572, par des rebelles protestants est à la base de la République des Provinces Unies. Les Pays Bas sont restés une République de 1581 jusqu’à la création par les Français  du Royaume de Hollande en 1810.  Curieux!

 Le1 avril 1572 Den Briel  est conquis par les Gueux de la mer.

Barrica

Barrica, barriquo « espèce de tonneau » Dans les parlers occitans (et pas seulement en gascon comme prétend Mme H.Walter) il y a eu un autre dérivé de la même racine *barr-, le type *barrikka toujours avec le sens « espèce de tonneau », ancien occitan barrica, Alès bariquo. Dérivé d’une racine barr* voir  baraou. Le mot avec la chose ont été empruntés par le français barrique.

Comme on pouvait s’y attendre, les Français du nord en ont fait un tout autre usage. A partir du XVIe siècle ils remplissent les barriques de terre ou de matières combustibles pour se mettre à couvert et se battre contre l’ennemi ou pour incendier les vaisseaux ennemis ». Cette utilisation des barriques est devenu tellement populaire qu’on en faisait des rangées, des barricades. La « Journée des Barricades de 1588.  »

Les barricades à Paris en 1853

Les révolutions françaises de 1830 et de 1848 ont rendu le mot et la chose populaire dans le monde entier : anglais, allemand Barrikade, néerlandais barricade, italien, espagnol etc.

 

Carchofa

Carchofa « artichaut » plutôt que « grande joubarbe ». En plusieurs endroits cachofa. Les deux plantes se ressemblent, la confusion est compréhensible, mais elles n’appartiennent même pas à la même famille. Voir l’article barbajaou  « joubarbe ».

L’origine de la forme occitane et de la forme française est l’arabe haršûfa « artichaut »(TLF), mais l’histoire du cheminement des deux formes n’est pas la même.

La forme française, dont la première attestation d’artichault « la plante » date de 1538, a été empruntée au piémontais ou au lombard où il est appelé articiocco,articiocch, probablement un emprunt à l’ espagnol alcachofa. Les formes germaniques allemand Artischocke, néerlandais artisjok (1545), anglais artichocke reposent également sur la forme italienne. Ces dates i correspondent à l’histoire de l’importation et diffusion de la plante dans le Nord de la  France. Voir à ce propos, notamment l’influence de la gourmandise de Catherine de Medicis, l’article artichaut de Wikipedia. L’Italie est d’ailleurs resté le plus grand producteur d’artichauts.

Le mot occitan carchofa est venu de l’arabe par le catalan carxofa, escarxofa , espagnol alcarchofo, portugais alcachofra. La première attestation connue en occitan date de 1544, mais  en catalan carxofa  est déjà attesté en 14901. L’artichaut était donc connu dans la cuisine méridionale  bien avant que Catherine de Medicis devienne reine de France.

 

La planche de l’Encyclopédie Artichaut

  1. L’occitan et le catalan étaient considérés comme une seule langue à l’époque

Serp, ser

Serp, ser  « serpent, couleuvre ». Dire: l’étymologie est latin serpens est trop simplifier les choses. Latin serpens, serpentem aurait dû aboutir à serpan ou sarpent (attesté par Mistral) en languedocien, mais ces formes sont manifestement des emprunts au français ou à l’italien.  La forme indigène est serp ou ser, attesté depuis le XIIe siècle dans tout le domaine occitan. Nous retrouvons la même forme en italien: serpe, s. f. « (region. o lett. s. m.) serpente, spec. se non grande e di specie non velenosa | a serpe, a spirale | scaldarsi, nutrire una serpe in seno,… »en roumain sarpe, en rhéto-roman, en catalan serp, espagnol sierpe et portugais serpe.
Ces formes nous obligent à supposer un étymon *serpem.  Au VIe siècle, Venantius Fortunatus utilise le mot serps au nominatif, ensuite la forme serpes est attestée du VIIe au Xe siècle dans des textes en latin .

Le pourquoi de la répartition géographique des deux types serpentem/serpem n’est pas clair, peut-être y a-t-il une distinction entre langue littéraire et langue parlée, étant donné que le serpent joue un rôle important dans la Bible.

 

A l’origine de cet article est une discussion dans le site Lexilogos sur l’étymologie de cerf-volant:

  • Gros coléoptère mâle (Lucanides) dont les mandibules de grande taille et proéminentes rappellent les bois du cerf.
  • Objet constitué par du papier ou de l’étoffe, tendu sur une armature légère de bois et une queue servant de contrepoids, que l’on fait voler dans les airs au gré du vent, en le maintenant relié au sol par une attache.

Le FEW met les deux sens sous cervus « cerf », mais dans un article paru dans Romania, t. 93(1972) 563-567, H.Polge suppose un étymon du type *serpe volante « serpent volant ». En effet quand je vois un cerf-volant :

 

je pense plutôt à un serpent ou un dragon qu’à un cerf.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le cerf-volant a été introduit en Europe par Marco Polo à son retour de la Chine. La première image d’un cerf-volant en Europe date de 1326 et comme toute invention il est rapidement utilisé comme arme! Dans le site http://www.carnetdevol.org/siteCVang/navang.htm vous en trouverez quelques-unes.
Si vous lisez l’espagnol, il y a une belle histoire d’un général coréen qui avait envoyé une grande quantité de cerfs-volants avec des lumières au dessus du campement des Japonais.

Une des premières descriptions vient du manuel machines de guerre Bellefortis (1405) de Conrad Kyeser. qui contient l’illustration suivante. Vous voyez bien qu’un cerf-volant prend la forme d’un dragon.

ll faudrait mieux connaître l’histoire de la propagation du cerf-volant en Europe.  Il a dû arriver en France à partir de l’Italie (Marco Polo). En passant par la Provence, il a pris le nom  ser volant, et  je ne serai pas étonné si quelqu’un découvre qu’un Marseillais  est arrivé à Paris avec ce  nouveau jouet et que le Parisien lui a demandé kesako? et le Marseillais lui a répondu « ung ser-volang » . Et le Parisien répète: Ah,bon un cerf-volant! Je vais le noter!

Dans le Nord, wallon, picard, flamand, la Moselle et jusqu’ à Montbéliard le cerf-volant est appelé dragon!