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Robert Geuljans le 13 Juin 2016 dans 
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0 commentsShareHenry Bel, dont j’ai déterré l’étude de phonétique historique sur le patois de Valleraugue,  s’est lancé aussi dans la traduction de Mireio de Frédéric Mistral. Je n’en ai retrouvé que trois groupes du Chant 5.  Voici les premiers vers:
Mistral:
Un vèspre dounc, en la Crau vasto,
Lou bèu trenaire de banasto
A l’endavans d’Ourrias venié dins lou droiòu.
Henri Bel
Un vèspre doun, din lo Kràw basto
Lou poulit trenayre de deskos
Ol doban d’Ourrias benyò din lou koroyrou.
Traduction 
Un soir donc, dans la vaste Crau,
le beau tresseur de bannes,
à la rencontre d’Ourrias, venait dans le sentier.
Henri Bel a  adopté non seulement  une graphie qui lui permettait de bien rendre la prononciation locale, mais aussi un vocabulaire différent de celui de Mistral, dont
Desko(s)
« grande corbeille ronde; panier rond; personne à la démarche lourde et gauche »(desca Alibert).
Etymologie: latin discus  emprunté au grec δίσκος « disque à lancer ». Le mot avait déjà pris le sens « assiette, plat » chez les Grecs au premier siècle. Discus chez les Romains est un palet en pierre ou en fer, un plat ou un plateau ou un cadran solaire.  Dans la langue latine écrite un palet ou un disque s’appelle orbis, mais dans la langue parlée, l’origine des langues romanes, c’est plutôt discu.
Le sens « disque à lancer » s’est perdu avec la pratique de ce sport à la fin de l’empire romain. 
Les langues germaniques et celtiques ont adopté très tôt discus  avec le sens « grand plat rond ».
Nous le retrouvons  en breton disk,  en anglais dish « plat, vaisselle », en danois  disk « assiette », mais curieusement pas dans les langues romanes à quelques exceptions près. Ensuite discu  prend le sens « table » comme en allemand  Tisch et néerlandais dis « table », opdissen « mettre sur la table » , ce qui s’explique par le fait que les Germains mangeaient souvent avec des petites tables individuelles. Tacite  écrit « separatae singulis sedes et sui cuique mensa« (pour tous une chaise séparée et sa propre table) .

Les premières attestations de  discu  devenu  deis  en ancien français et   des(c) en ancien occitan désignent une « (grande) table« , mais elles sont plutôt rares. 
Le mot  deis désigne par la suite aussi le « pavillon qui surmonte une table seigneuriale, puis aussi un lit un trône, un autel, ou qui est porté au-dessus du Saint Sacrément dans les processions. L’ancien occitan dèi est un « dais d’église ».

Comme le sens « disque » de des(c)  avait disparu depuis longtemps, il faut supposer que le sens « grande corbeille » s’est développé en occitan à partir du sens « table ». Il a du s’agir d’abord de grands paniers ronds et peu profonds.

L’ancien occitan  disc« panier » est encore utilisé à Lézignan, Béziers, et quelques autres endroits. Le dérivé  desca, desco  est plus répandu.
Un lecteur italien m’informe : « En Italien, on trouve le mot masculin « desco » ( = « table »). On l’ultilise que dans la poésie.« . Merci !