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Pegar, pégasse, pego, pegous

Pegar « coller », du latin picare « enduire de poix, coller, goudronner ». Le sens « marquer sur la toison des brebis le chiffre du propriétaire » (Alès)  est déjà attesté dans les Basses Alpes en 1535. empegar « poisser » (SeguierI), s’empega , se sont empegas toutes dous en parlant par exemple d’un mauvais mariage de part et d’autre (SeguierI).

Pégasse fr.rég. « plat de pommes de terre » (Bernadette Lafont dans ‘La patate en fête. Edition 2004’ Edité par Germicopa , p.72 : « la recette m’a été indiquée par Jean Pellet, un berger cévenol. Je pense que ça vient du point de cuisson qui est atteint quand les patates et les oignons commencent à coller (péguer) au fond du poëlon ». Dérivé de pegar du lat. picare.

Pego « poix » dérivé du verbe pegar du latin picare « enduire de poix, » remplace en occitan et en catalan le mot petz, mot courant en ancien languedocien (13e s.) et qui était le représentant régulier du latin pix, picem. Anglais pitch, néerlandais pek allemand Pech viennent directement du latin.

Français poix a donné le verbe poisser « enduire de poix » d’où le dérivé poisse. L’allemand Pech haben est littéralement « avoir la poisse » une expression qui en français vient de l’argot des coureurs cyclistes et date du début du 20e siècle d’après le TLF. L’expression allemande Pech haben par contre date du 18e siècle. Elle est passée en néerlandais pech hebben. Grimm l’explique à partir du composé Pechvogel « malchanceux » littéralement « oiseau pris avec de la poix ». Je ne serais pas étonné si l’expression « avoir la poisse » n’est pas une création des coureurs cyclistes, mais un emprunt-traduction de l’allemand. En allemand elle a été créée dans le milieu des étudiants.

                          poisse                                                      quelques morceaux de pego naturelle

Pego-souleto « post-it » en bon français! composé de pego + souleto dérivé de latin solus. Néologisme recommandé. Pegassolet repris par Panoccitan.

A Marseille on connaît des Suce-Pègue : individu « pot de colle ». « Oh dis à ton frère qu’il me lache un epu. Que suce-pegue! » Tiré du site: http://www.marseillais-du-monde.org/dictionnaire.php3
Un visiteur de la région biterroise me signale : aquello empego! « c’est un peu fort de café ».

Pégot, le  «cordonnier,  savetier» est celui qui se sert le plus de la pègo.
Pegoumás, pegomas  « emplâtre ou cataplasme de poix; croûte sur la tête; torchon sale ». D’après Alibert pegomàs  signifie à Toulouse « rhume de cerveau; importun ».

Pégoulade « défilé avec des torches enduite de pego » Nîmes et Camargue

    

Pegous « gluant, fâcheux »; camparol pégous pour « Suillus granulatus » (champignon collant, Durieu); au figuré « qqn de collant » (Andolfi). Alibert s.v. pega ne mentionne que les sens figurés « fâcheux, geignard » etc. et « poisseux ».

 

Aligot

Aligot  » préparation culinaire rurale de l’Aubrac ».

Voir la page Aligot, quincarlot, haricot,

Extrait:

A la fin du XIVe siècle apparaît en français le mot hericot ou haricocus du mouton; harigot (DMF article 7 de l’étymon *harion) « ragoût fait avec du mouton coupé et des légumes « . Ce sens est resté vivant dans l’Aubrac, p.ex. olicouót « ragoût fait avec des abatis de volaille », aricot à St-Affrique. Henri Affre , Dictionnaire des institutions, mœrs et coutumes du Rouergue Rodez, 1903, donne une variante pour Laguiole avec la définition suivante: oligot « plat composé de pommes de terre cuites à l’eau et de fromage encore imparfait pris en quantité égale et frits ensemble dans du beurre, qu’on fait à tout festin de noces ». (cité d’après le FEW). L’aligot serait d’abord un ragoût (FEW). Je penche plutôt pour les lambeaux ou les chiffons, notion qui a dû être présente dans l’esprit des noceurs. Nous trouvons la même image dans le mot très à la mode de chiffonnade, anglais chiffonade.

A mon avis la mot aligot (de l’Aubrac) vient directement de ce sens. Vous n’avez qu’à regarder l’image de Wikipedia

Escoubilles

Escoubilles « balayures », vient du latin scopiliae « balayures » mais en fr. rég. de Gignac on fait un « ragoût d’escoubilles ». Ce ragoût est très proche de celui qu’on appelle le quincarlotat. La différence ?? J’ai l’impression que dans le « ragoût d’escoubilles » il y a des restes. Si cette dernière supposition s’avère, on doit admettre que ces restes sont considérés comme des « balayures » qu’on jette normalement. Confirmé dans un blog : « quant au ragoût d’escoubilles, il s’agit d’un plat cuisiné avec des restes (les escoubilles) de viande et de saucisse, accompagnés de légumes et servi en ragoût ou en croustade. »

A Cabrières (Hérault) le mot DAUBE « daube » a été traduit par fricòt* d’escobilhas° (Thesoc)

Ici vous trouverez une recette du ragoût d’escoubilles. Pour la quincarlotte on coupe du mouton en lamelles, ce n’est pas pareil.

L’ Image concerne une autre recette (cliquez ici)

Ailleurs dans d’autres  localités (et d’autres blogs)  les escoubilles sont maintenant les « poubelles » ou même la « décharge ».

Crosets, crozets

Crosets, crozets « sorte pâtes alimentaires ».

Résumé: Les crosets savoyards sont d’origine provençale et/ou italienne.

J’ai l’impression que les Savoyards ont fait main basse sur le nom crozets : « les crozets sont une variété de pâtes savoyardes. » écrit un journaliste du Point, qui continue : « Chaque petit pays savoyard posséderait son crozet. Qui se dit croêze ou croêju à Albertville, croezu à Annecy, croezet à Thônes ou krozè en Oisans. Chaque vallée connaît son crozet, avec des noms, des formes, des saveurs et des recettes différentes… »

François Brachet, écrit dans son Dictionnaire du patois savoyard de 1883,   que croset  est dérivé du latin crux, crucem « croix », parce que les cuisinières faisaient une croix sur la pâte avant de la découper. Il est suivi par Mistral et Mme Germi, malgré les difficultés phonétiques posées par cette étymologie.

Vous verrez que pour rendre à ce mot son histoire probable, nous avons besoin des attestations anciennes. Von Wartburg a classé le mot croset, crozet, crouset en moyen français , dans l’article *krosu « creux » un mot qui est peut-être d’origine gauloise.

Crozets…… savoyards ?

La plus ancienne attestation que von Wartburg connaissait datait de 1528 dans la traduction en français du livre de Battista Platina De honesta voluptate  écrit vers 1470 : Croset s.m. « sorte de potage » : « Potaige à la romaine, appellé lozans ou crosetz.  »  Les recherches faites pour le Dictionnaire du Moyen Français ( DMF) ont permis de trouver une attestation plus ancienne : croset Régional. (Savoie) « Pâte taillée en forme de ruban » (Éd.) : …Qui bien se moulle, bien se baigne ; Qui fait chappelain, il fait prestre ; Qui fait crosetz, il fait lasaigne. vers 1485-14901.

Comme je suis gourmet, j’ai voulu en savoir plus sur le Potage à la romaine. Google m’a guidé vers l’article très intéressant de Jean Louis Flandrin, Les pâtes dans la cuisine provençale. Il écrit qu’autrefois en Provence « Les vivres s’apprêtent à l’italienne avec force épices et sauces extravagantes et de haut gout… ». M. Flandrin a … creusé le sujet et il vient à la conclusion qu’au 14e siècle les crozets ressemblaient sans doute à de petites écailles concaves ou des coquillettes. Autrement dit, les crosets sont creux. Il cite le Liber de coquina écrit en latin en Italie méridionale au début du XIVe siècle. Il a été commandité par la maison capétienne d’Anjou-Sicile, qui régna aussi sur la Provence.

« De la même manière … » veut dire « de la même manière que les lasagnes ». Avant de les servir, il faut les remplir de fromage râpé. L’auteur de l’article Wikipedia sur le Liber de coquina a remarqué que « Le nom des plats évoque souvent la provenance des recettes », comme par ex. De brodio provencialico (sur le bouillon à la provençale).

La conclusion est que les premiers crosets savoyards que nous connaissons viennent du sud de l’Italie comme les lasagnes. Le mot croset peut avoir la même origine.  L’étymologie *krosu « creux » proposée par le FEW reste donc la plus probable.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Liber_de_coquina

  1. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 54). = Proverbes en rimes.- Frank (Grace) & Miner (D.).- Baltimore : The John Hopkins Press, 1937

Couziná

Couziná est un autre mot pour la bajana la « soupe de châtaignes » donné par l’abbé de Sauvages.

L’étymologie est latin coquina ‘cuisine’ + -atus .

C’est un mot bien occitan et s’il est attesté en ancien français, il s’agit de textes provenant de la Provence. La première attestation vient d’un version du Roman provençal d’Esther écrit par le médecin  Crescas (nom provençal d’Israël) fils de Joseph le lévite1  Caslari  (de  Caylar ou Caslar) 2, médecin juif du XIVe siècle, dont je joins un extrait.  Il s’agit d’une curiosité. Le manuscrit a un texte en provençal écrit à l’aide de caractères hébreux. Il a été publié dans Romania 21(1892)p.194 ss.


La transcription est de Paul Meyer

Le mot cozinat dans le vers 102. Vous voyez qu’on aimait la bonne chère : des capons et des galines.

Le sens  « soupe de châtaignes »  est typique pour les Cévennes, ce qui montre qu’à l’époque pour les Cévenols cuisiner était identique à « faire la soupe de châtaignes' » et qu’il n’y avait pas d’autre chose à manger. Ailleurs le cousinat était un mélange de légumes ou un mets préparé au feu. Alibert donne cosinada ‘contenu d’une cuisine; pot au feu; châtaigne ou pomme de terre cuite sous la cendre’.

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  1. C’est-à-dire descendant de la tribu de Lévi
  2. Paul Meyer l’éditeur ajoute dans une note : Le Callar, Gard  canton Vauvert, arr. de Nîmes ou Le Caylar, l’Hérault ? Cette note a suscité un commentaire intéressant!