cat-right

Palet et carreau (pétanque)

Palet « Pierre plate et ronde ou petit disque en bois ou en métal, que l’on doit lancer le plus près possible d’un but ».  Faire un palet = faire un carreau « déquiller la cible »  doit être une utilisation spéciale  du mot palet  dans le jeu de boules, puis depuis 1907  dans la pétanque. René Domergue Avise, la pétanque  donne la définition suivante:

En toute rigueur bouliste c’est comme un carreau mais la boule touche terre un peu avant la boule visée.

Wikipedia fournit les renseignements suivants:

  • Faire un palet : tirer une boule sur le jeu en tirant « à la raspaille » ou en « tir devant » ; la boule lancée reste dans un rayon maximum de 50 cm (indicatif) autour de l’impact. Deux situations sont décrites par des termes spécifiques :
    • on réalise un palet parfait ou un arrêt lorsque la boule tirée prend la place exacte de la boule cible,
    • on réalise un palet allongé lorsque la boule tirée roule vers l’avant après l’impact sur la boule cible

    et

  • Faire un carreau : terme employé quand il y a « tir au fer ». La boule de tir lancée reste dans un rayon maximum de 50 cm (indicatif) autour de l’impact. Trois situations sont décrites par des termes spécifiques :
      • on réalise un carreau parfait ou un arrêt lorsque la boule tirée prend la place exacte de la boule cible,
      • on réalise un carreau allongé lorsque la boule tirée roule vers l’avant après l’impact sur la boule cible,
      • on réalise un recul (se dit aussi « carreau rétro ») lorsque la boule tirée repart en arrière après l’impact sur la boule cible.

TLF : 1306  Palet «pierre plate et ronde (ou petit disque de métal) avec laquelle on vise un but marqué (dans un jeu)» (Guillaume Guiart, Royaux Lignages, I, 5311 ds T.-L.);

Pour le moment il n’est pas possible de savoir s’il s’agit d’un mot d’origine occitane ou française. La première attestation en  occitan date du XVe siècle.  (Mais il y a encore beaucoup de travail pour les philologues occitans !!) . Palet  est un diminutif de pale  « pelle »,  dérivé du latin pala « pelle ». La forme avec un –a- au lieu de –è-,  indique qu’elle est peut-être empruntée à l’occitan (limousin).  Comparez avec ala > aile  et le diminutif ailette.

Le mot palet  a beaucoup d’autres significations en occitan.

Dounado "donnée" pétanque

Dounado « espace le plus propice où envoyer la boule lorsque l’on porte. » (René Domergue, Avise, la pétanque!) Dérivé du verbe donare « donner ».  Le mot français  donnée  est d’origine occitane. Donado  signifie d’abord « portion de nourriture donnée aux animaux ».  Donado  a été emprunté par le français  >  donnée « ration de feuilles de murier qu »on donne aux vers à soie »  et ensuite,  au fig. « condition déterminée proposée dans l’énoncé d’un problème » (abrégé de quantité donnée) depuis 1752.

Le sens spécifique de dounado  dans la pétanque est assez proche du sens au figuré du français, ce qui permet de supposer qu’il s’agit également d’un emprunt à l’occitan.

Porter de l’occitan pourta(r)  a un sens très spécifique en pétanque :  » envoyer une boule assez haut pour qu’elle tombe sur une donnée prévue pas trop loin du bouchon et qu’elle roule très peu. » (René Domergue 2012)

Chicá, chiquer (pétanque)

Chicar, chiquer « taper sur la tête (la cabucèle, le closc) de la boule adverse » (René Domergue, Avise, la pétanque!) vient d’une onomatopée tŠikk–  qui imite le bruit d’un coup.  Un chic  est un « coup sec et sonore ». A Alès   faire chico  « rater (fusil) ».  Le verbe chica(r), devenu chiquer  en français régional,  est attesté à Puisserguier avec ce sens. En provençal chicá   a pris le sens « bavarder, jaser ».  Les significations qui sont le plus proche de l’onomatopée d’origine se trouvent surtout dans le domaine occitan, ce qui permet de supposer que le sens spécifique dans le jeu de boules de chiquer  est d’origine occitane.

    bruant des roseaux

A la même famille appartient l’occitan chicarrot « mortier de pâte d’argile que les enfants font claquer en le lançant sur une pierre plate ». et le nom du « bruant des roseaux« , que vous pouvez écouter en suivant le lien, qui  s’appelle chic dei palus (Gard) ou chic deis sagnos (Bouche-du-Rhône) ou chic bartassier à Toulouse. Voir   FEW t. 13, 2, p. 371).

Biais "habileté" pétanque

Biais « habileté ». Mot utilisé par les joueurs à la pétanque d’après René Domergue,  Avise, la pétanque!. L’ancienneté et la richesse des attestations du type biais et de ses dérivés  dans les langues d’oc, sont  un  fort appui pour supposer  une origine occitane du mot français.  D’après le FEW  il s’agit de epicarsios ( επικαρσιος) « oblique », un des nombreux mots d’origine grecque qui ont radié dans toute la Galloromania et bien au delà, à partir de Marseille1

Nous voyons que dans les  anciennes attestations données par Raynouard, le mot biais peut être traduit par « manière »:

En occitan moderne biais  signifie « inclinaison; tournure d’une affaire, moyen, expédient; habileté ».   Biai « esprit, adresse » (Sauvages, S1) qui ajoute  la remarque que « biai »  se rend en français  de bien d’autres manières dont « une bonne tournure, le coup de main » en parlant d’un ouvrage: douna loi biai emb un ouvrajhe.. Il ajoute  que biais   dans  de biais est françaisen languedocien on dit de biscaire.

A Die biais s.m. = « intelligence, raison, esprit; joug d’homme ».  Ce dernier sens montre qu’il y a toujours un lien entre le sens concret « oblique, chose oblique » et le sens au figuré. Le biais  de la première image est bien « oblique »
biais         
A  la même famille de mots appartiennent biaisso « façon, manière (en mauvaise part) »,  biaissous, biaissu « adroit ».
Catalan  biaix  « oblicité », portugais ao viez  « de biais »,  piemontais sbiaz « de travers »., anglais bias « préjugé, parti pris ».

Commentaires des visiteurs:

Olivier m’écrit : Ce mot est utilisé aussi pour exprimer l’entente, par ex pour 2 personnes soun dé biais « ils s’entendent bien »

________________________________________________
  1. TLF : Prob. empr. à l’a. prov. biais « direction oblique, détour », xiie s. (ds Rayn.), d’où le mot paraît s’être répandu dans la Romania. Orig. du prov. controversée. L’hyp. la plus vraisemblable est celle d’un lat. *biaxius « qui a deux axes » (Holthausen dans Arch. St. n. Spr., t. 113, p. 36; v. Cor., s.v. viaje II). n’est pas possible selon le FEW parce que *biaxius n’aurait pas abouti à un biais comprenant deux syllabes.

Bouler ‘mesurer’

Boulá, bolar, (a)bouler  « mesurer  les coups au jeu de boules ». (Voir René Domergue, Avise, la pétanque!).    A Die bolar « mesurer la distance entre les palets et boules » Schook, bolaire « but, cochonnet (pétanque) »  Schook.  boulá « mesurer la distance entre les boules et le but » (Schook, Trièves).

 

Dans le Midi la racine, probablement celtique, est  *botina L’étymologie de boulà, bolar mériterait des recherches approfondies1  *Botila  est attestée comme bodula dans des textes en latin médiéval de Toulouse et du Limousin. Plusieurs pages avec les variantes dans Ducange , dont:

En ancien occitan existaient existaient : borna, boina, bozola, bodne et bola.Ce dernier surtout en Auvergne. Bola  « borne » est attesté chez Borel en 1655.

Mistral nous fournit toute une série de formes des différentes langues d’oc:

En occitan moderne nous retrouvons les mêmes variantes  d’après les données très incomplètes du  Thesoc : boina* CORREZE, CREUSE DORDOGNE, HAUTE-VIENNE. bòla ALLIER, CORREZE  LOT-ET-GARONNE, PUY-DE-DOME. bolièra TARN-ET-GARONNE. bosòla TARN-ET-GARONNE

et le dérivé  « borner » : boinar* CREUSE, HAUTE-VIENNE. bolar CORREZE, PUY-DE-DOME. bornar CORREZE, CREUSE
DORDOGNE, HAUTE-VIENNE, PUY-DE-DOME. botar CORREZE.

Une  racine gauloise   *bodina a été reconstruite à partir du vieux irlandais buden,buiden « troupe, groupe armée », et le gallois  byddin.  Il reste le problème sémantique; on voit mal  le sens « troupe, armée » passer à « borne ».  Il y a d’autres racines celtiques qui sont phonétiquement proches  comme boduo « combat » et bodio « jaune, brun », mais  le passage au sens « borne, limite » n’est pas non plus facile à expliquer.

_______________________________

  1. Nous le trouvons  dans le  FEW , une fois dans l’article bulla  « bulle, petite boule »,  et ensuite  dans l’article  *botina  « borne » où il cite l’abbé de Sauvages (S1)  boulejha ou voulejha « être limitrophe, être contigu, se toucher ».  D’après J.-P. Chambon il faut corriger : Die boular   de  bulla  I, 611a vers  botina  I, 466a(1. TrLiPhi n° 664).