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argues, -agues, -ange, toponymes

-argues. Beaucoup de toponymes dans le Midi se terminent par le suffixe -argues. Comme un visiteur me pose la question, j’en ai cherché l’origine. La source incontournable pour tous ceux qui s’intéressent à la toponymie française est le livre d’Auguste Longnon. D’après lui -argues vient d’un suffixe -anicus ajouté aux gentilices « Nom du groupe de familles (lat. gens), intercalé, dans le nom d’une personne, entre le prénom (praenomen) et le surnom (cognomen) » (TLF). Un exemple probant tiré du   Dictionnaire Topographique du Gard:


Le suffixe -argues se trouve dans le dép. 13, 30, 34, 81, 12 et 15; il devient -agues dans l’Aude et la Haute-Garonne, ange dans le Puy-de-Dome et la Corrèze. Dans l’Hérault il y a en plus Portiragnes.

 

En format PDF, vous trouverez ici les pages du livre d’A. Longnon. Longnonp.93 argues en bas de la p. sous le n° 372;  Longnonp.94 argues contient les noms de villages, la suite à la p.95.  Longnon p.95

Quelques exemples: Acutianicus > Guzargues (Hérault), Albucianicus > Aubussargues (Gard), Bullianicus > Bouillargues (Gard), Granianicus > Gragnague (Hte-Garonne), Julianicus > Julianges (Lozère),  Marcianicus > Massargues (Gard), Marsange (Hte-Loire), Massanges (Puy-de-Dôme).

La p.95  du livre d’Auguste Longnon interessera aussi les Domergue < Dominicus et les Rouergats < Ruthenicus.

Ajas, ayas, ayar ‘érable, alisier’

Ajas, ayas, ayar s.m. « érable; érable noir; alisier », vient d’après Hubschmied, suivi par le FEW XXIV?275 d’un gaulois *akaros « érable ». Nous le trouvons dans le Sud-ouest (Deux-Sèvres, Charente, Saintonge; Tarn et Garonne, Lot, et Corrèze) et en franco-provençal, Suisse, Dauphiné et la Drôme.

Toponyme : Vallée d’Aoste : Ayas vient d’un latin agatius (? Wikipedia)

Voir aussi  agast

ayas

Automne en Vallée d’Aoste

ac, dans les noms de lieux

Article revu et complété.le 29/06/2019

-ac est un suffixe de nom de lieu d’origine gauloise que nous retrouvons dans toutes les régions ,  -ac dans le Midi, -ai ou -y dans le Nord.

Le mieux que je puisse faire est de citer: Walther von Wartburg, Evolution et structure de la langue française. 6e éd., Berne, 1962. Page 24:

« Le type le plus caractéristique pour la Gaule c’est celui des noms en -ac dans le Midi, en -ai ou en -i dans le Nord. Juillac, Savignac; Juilly, Savigny:ich en allemand Jülich;1
Le suffixe gaulois -acus exprimait, à l’origine, de façon assez générale, appartenance. On l’ajoutait p. ex. à des noms d’arbres pour désigner une forêt composée de telle espèce d’arbres, p. ex. Betulacum, de betula ‘bouleau. Par la suite il fut employé aussi pour dénommer une propriété rurale d’après son possesseur: Brennacus, d’après le nom d’homme gaulois Brennos. Cette formation fut en vogue particulièrement sous la domination romaine. Voilà pourquoi la plupart des noms de lieux en -ac, en -ai et en -y contiennent dans le radical un nom de personne romain. Rien ne montre mieux l’amalgame des deux éléments en présence, le latin et le gaulois. Aurillac et Orly sont donc des propriétés d’un certain Aurelius: fundus Aureliacus. Beaucoup de nobles gaulois prenaient des noms romains; il est donc à peu près impossible de faire le tri des établissements d’origine gauloise et des fondations romaines dans l’ensemble de ces localités.

Conclusion: le suffixe est d’origine celte mais le nom auquel il est attaché est le plus souvent romain, du  latin.

Pour en savoir plus il faut comprendre l’allemand, comme c’est souvent le cas dans le domaine de la linguistique romane. Voici le titre d’un livre incontournable:

Skok, Peter. Die mit den Suffixen -ACUM  -ANUM  -ASCUM UND -USCUM  gebildeten südfranzöschen Ortsnamen. Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie. Heft 2. Halle, Niemeyer, 1906. (https://archive.org/stream/zeitschriftfrr0102tbuoft#page/n159/mode/2up)

Voici la table des matières de la deuxième partie:

Skok2ePartie

Les celtomanes s’intéressent surtout au group B « noms propres celtiques ». C’est du sérieux! Voici un exemple tiré de ce livre de la catégorie de Noms propres celtiques:

Taleyrac hameau de Valleraugue, :

SkokTaleyrac

Cette attestation de  TALARIUS vient d’un livre de H.Holder, Altceltischer Sprachschatz Bd2, colonne 1709  (Leipzig, 1896)qui contient en effet  un Tall-arius en Allemagne comme nom d’une montagne.

Holder1709TallariusTaleyrac est attesté dans le Gard en 1202 avec la graphie Talairac.  Le Taleyrac est aussi attesté comme le nom d’un ruisseau dans le Gard.

L’abréviation Sp.briv. renvoie vers   Chassaing, Spicilegium brivetense. Paris,1886 (consultable en ligne avec Gallica). Là dedans est mentionné un autre Talairac, une villa mentionnée en 1247 dans la commune de Brioude, Hte Loire.

Si vous êtes passionné de toponymie, vous pouvez continuez la recherche.  De nombreux documents et études ont vu le jour depuis le livre de H.Holder.

  1. -ik au Limbourg (NL) Blerik, Melik.

Abajon

Abajon s.m. »airelle myrtille » abajou, ajou (Béarn), anažoun (Aran1 ). Dans les lexiques locaux l’ abajou est toujours défini comme « airelle ». Il est conservé principalement dans les parlers gascons 2 et  de l’autre côté des Pyrénées en aragonais anayón, Rioja enavia, et en catalan abajo, nabiu, nabis. L’étymologie serait le mot basque anabi devenu abi suite à la chute du -n- intervocalique. Le type *anabione devenu ababione par assimilation est à l’origine des formes comme abajou. Abajèro (Mistra,l voir l’extrait) est un dérivé. FEW XXIV, 32a

On peut dire qu’il s’agit d’un mot fossile. Comme toponyme anabi apparaît depuis 835 : pagus Anabiensis aujourd’hui Vall d’Àneu. En basque on trouve les mots correspondants : abi, anabi, arabi, ahabia, afi « airelle myrtille ».

              Mistral    airelle myrtille                                                                                                  Mistral

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  1. Le type avec un -n final n’apparaît que dans le Val d’Aran.
  2. voir le Thesoc s.v. airelle type avajon. Vous constaterez une grande variété des formes locales

Lot, loudo, loudro

Lot et les dérvés loudo, loudro (S) « boue, fange » représentent le latin lǔtum « fange ». Les attestations viennent surtout de l’est- languedocien. est très fréquent comme toponyme, mais ne concerne pas la rivière, ni le département du Lot, qui s’appelle Olt, Out en occitan. 675. Lutosa, c’est-à-dire « la boueuse » est à l’origine de  Louze (Haute-Marne), Louzes (Sarthe), Leuze (Aisne et, en Belgique, Hainaut et province de Namur).( Longnon)