cat-right

Arpa de rompuda ‘trident’

Arpa de rompeuda « trident çà angle de 75 à 85°, pesant de 2 à 4 kg » (Raymond Jourdan, Montagnac)  fait partie de la famille de mots harpe « faucille ; griffe », que le latin a emprunté au grec άρπη avec ces deux sens. La plus ancienne attestation en galloroman vient de l’ancien occitan arpa « griffe d’un animal » (14e s.).  Il y a de nombreuses attestations dans tout le domaine occitan, de Die jusqu’en Béarn. H.Schook (Die) donne  arpa  « griffe »,   arpic « griffe, croc de bûcheron », arpic de pola « clavaire (champignon) » et arpion « orteil (familier) ». L’abbé de Sauvages : arpatëjha « marcher en tâtonnant » et arpiou « ongle d’oiseau » dérivé de arpo « griffe » (S2, p.50). Voir les nombreuses attestations dans le Thesoc s.v. griffe ;  et FEW IV, 385-388,

Arpa « outil agricole » est aussi très répandu en catalan et en espagnol.  La graphie Harpa de rompuda de Raymond Jourdan montre que pour lui l’arpa a quelque chose d’un instrument de musique ( comme pour Alibert qui donne germanique Harpa comme étymologie).

Dans Culture de la vigne en Languedoc Raymond Jourdan[note1.]  donne une description détaillée de sa Création d’un vignoble. Le premier paragraphe est consacré au défoncement:

Le défoncement : appelé aussi le charruage, en occitan « roumpre ». Avant 1914, avec une pioche « trinqua forta » ou un trident « harpa de rompuda » (a=o].

ArpaRJourdan

Travail pénible et très long fait en « collas », groupe de plusieurs salariés agricoles : brassiers et journaliers. Le défoncement, ou « rompuda » consiste à labourer profondément (40 à 60 cm) pour installer une vigne nouvelle ou « mayol« .

Après 1914, la rompudo se fait avec des chevaux 2,4 ou 6 et une grosse charrue à versoir et à mancherons.

_________________________

1.J’utilise la graphie de Raymond lui-même. Il a écrit ce texte en 1978. Ce sont ses souvenirs du début du 20e siècle.  Son fils Gérard Jourdan a eu la gentillesse de me faire parvenir ce texte que j’ai lu comme un roman, avec la transcription dite classique, moins proche de la prononciation.]

Arrapar, arapar

Ar(r)apar est composé de ad + rapôn  et  présent dans tout le domaine occitan et en  franco-provençal. Pour l’étymon voir l’article  rapar .  Arraper en français régional.

Les significations sont toujours liées à la notion de « arracher, enlever, saisir », comme par exemple le grenoblois arrapan « grippe-sou; malheureux », ou le nom du « gallium arapine » l’arrapoman, qui colle à la main;  ailleurs c’est le fruit de la bardane, la garance sauvage ou le pariétaire (Valleraugue). Mistral donne d’autres combinaisons, dans son Trésor, vol.I,p.137. (C’est un lien direct vers la page du Trésor. Consultez aussi la page 138!

      

arrapo-man           garance sauvage                 pariétaire        

A partir du sens de rapar « saisir » s’est développé le sens « grimper, ramper » aussi bien en franco-provençal qu’en occitan. A Lyon un ropîou est un grimpeur, à Marseille un rapaïon « un sentier à pic dans les pierres ». Cf. aussi rapieta « lézard gris » et rapinayre ou  rapinau » grimpereau » en Bigorre dans le même article.  Le grimpereau est un oiseau du genre passereau, de couleur rose et gris perle, qui grimpe le long des arbres et vit des insectes qu’il chasse sur les troncs.

Un groupe spécial est formé par rapa, rappa « rafle du raisin; grappe  » et rapuga v.a. « grappiller », rapugo « la rape, rafle ou marc du raisin » en franco-provençal et en occitan. A Barcelonnette rapugas a pris au figuré le sens : « des restes ». Il s’agit très probablement d’une dérivation à partir du verbe rapar, qui rattache cette région au catalan rapa « grapillon », à l’espagnol rapa « fleur de l’olivier » et aux parlers italiens.

Il semble qu’il n’y ait pas de lien direct avec le mot rapes « marc de raisin » qui est attesté en ancien picard ou champenois, pour lequel on peut supposer un lien avec le mot allemand Rappe « grappe sans les raisins » utilisé dans la région de la Moselle, du Nahe et du Rhin et en Suisse. Emprunté (?) par l’anglais rape « rafle ».

allemand Rappen // anglais rape

Commentaires des visiteurs

Un visiteur de Manduel me signale: un rapugaire est un « grapilleur ». Dans le temps, vendanges terminées, on voyait dans les villages venir les rapugaires de Nîmes.

Olivier me signale qu’en Aveyron un arapadou désigne une « montée escarpée »

Arseilhera

Article provisoire.

Arseilhera, arseillère  « une drague composée d’un râteau combiné à un filet, fixée à une longue hampe ». ( Covès).  Elle est utilisée par les pêcheurs embarqués pour gratter le fond d’un canal, de l’étang, à la recherche de mourdures, de coquillages, palourdes en général. Heureusement qu’il a marqué que le Gagne-pan, ganha-pan est la même chose mais sans dent (sans rateau), ce qui m’a indiqué le chemin étymologique à suivre, et j’ai trouvé Kidman (non pas Nicole !), mais J.Kidman qui s’est intéressé à ce sujet : « Les emprunts lexicologiques du français à l’espagnol des origines jusqu’à la fin du XVe siècle ». Il écrit que l’ancien français archegaie « javelot léger » n’a pas été emprunté à l’espagnol azagaya « petite lance » (environ 1295) mais à l’ancien occitan arsagaya,(1318) alsagaya (1347-1368) et que l’ancien occitan l’a emprunté directement à l’arabe az-zag +aya « javelot, lance », mot d’origine berbère, ou par l’intermédiaire du catalan atzagaia.
L’apparition du –r– dans arsagaya serait due à l’influence du mot archer.

Alibert donne arsagaia « zagaie », ce qui m’a amené à français sagaie « javelot ». Le sens d’un mot s’adapte toujours au terrain. Les pêcheurs du bassin de Thau ne travaillent pas avec un « javelot envenimé pour chassser l’éléphant » comme les chasseurs au Sénégal. . ‘Je pense que la longue hampe à été comparée à une arsagaya. En cherchant sur Internet des images d’arseillère et de sagaie, j’en ai trouvées qui échafaudent cette hypothèse.

A Mèze En Afrique

La Sagaie. Pour la chasse à ?

En ancien français est attesté archegaie  « javelot léger » (1306) et en ancien occitan de la même période alsagaia, arsagaia, où nous voyons l’article arabe al-. La grande variété des formes s’explique par le fait que les locuteurs cherchent toujours à « motiver » les formes des mots, à les rattacher à une famille de mots avec des sens voisins. En moyen français a été créé : lancegaie « lance courte ferrée par les deux bouts », ancien occitan lanzagaia.Voir aussi l’article sagaie dans le TLF.

2. Voici la deuxième hypothèse. La trouvaille de l’image d’un pêcheur à l’arseillère combiné avec le mot « hampe » dans la définition m’a peut-être mis sur une mauvaise route. Un visiteur m’écrit qu’un nom courant en occitan pour la palourde est arcelli et que arseilhiera serait un dérivé en –iera de arcelli. J’ai donc repris mon bâton de promeneur étymologique et l’abbé de Sauvages (S1: arcêli ) comme le Trésor de Mistral confirment :

Mistral DuCange

Italien arsella « s. f. nome popolare di varie specie di molluschi bivalvi marini commestibili. » Le mot arcella existe également et signifie « grande caisse pour le transport ». En latin arcella signifie « petite boîte », et est dérivé de arca « coffre, armoire ». Au premier abord, la comparaison d’une palourde à une petite boîte ne me paraissait pas évidente, mais le nom le plus courant en occitan est clausisso, clauvisso qui vient du participe passé clausus, du verbe claudere, dont le premier sens d’après Mistral est également « boîte »:

La palourde ou clovisse est donc perçue comme une « petite boîte » et arseilhière peut être un dérivé de arcella . Il faudra savoir si arsella et arcella sont deux variantes du même mot? (-ce- en italien = [tche]). Si cela est le cas il reste le problème du passage du féminin au masculin du mot arselli, mais le clausisso change également de genre quand on va de la Provence vers le Languedoc comme l’indique Mistral.

3. Troisième hypothèse. Il s’agit d’un dérivé du latin hirpex « herse ». C’est la mention du rateau qui ramasse les clovisses qui m’a fait chercher dans cette direction. J’ai trouvé quelques images dans des sites italiens :


arseilhièra
d’amateur et professionel

Dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert est mentionné un terme de marine français: « HERSILLIERES, s. f. (Marine.) ce sont des pieces de bois courbes qu’on met au bout des plats bords d’un bâtiment, qui sont sur l’avant & sur l’arriere pour les fermer. (Z) ». Il y a une planche dans le vol. 2; 28, p.9b, mais je n’ai pas réussi à la trouver…
Hersillières est classé parmi les dérivés de hirpex, hirpicem « herse » dans le FEW vol.IV.
Mais français arcillière s.f. « chacune des pièces de bois cintrées et tournant sur place qui entrent dans la construction d’un bateau foncet » se trouve dans les Incognita  du FEW XXIII,102b, avec une correction dans le vol. XXV,126a-b où arcillière est attaché à l’ancien fribourgeois archilliery « charpente de soutien d’une voûte  » avec la note 44, p.137a, que la formation n’est pas tout à fait claire, peut-être à partir d’ arceler.


Source: http://projetbabel.org/fluvial/foncet.htm

Un visiteur me signale que Alibert donne sous l’entrée arca : arcèli « coquillages divers : vénus, lavignon ». Synonyme: clausissa. et arquièra: » dispositif pour prendre les coquillages ( râteau et filet) ». Arquièra serait donc synonyme d’arseillère.

Pour Mistral un arqueiro, arquieiro est une « meurtrière », pour labbé de Sauvages un arkieiro une « barbacane ou chante-pleure (t. de maçonnerie); soupirail d’un suoir à châtaignes pour laisser échapper la fumée; lucarne pour éclairer quelque endroit de la maison » dérivé de arcus. Mais à Valleraugue (Gard) un orcjièro (<arcaria < arca ) est un « bahut » (Bel_tout p.185). Arca « coffre » et arcus « arc » ont donc survécu tous les deux!


Cherchez l’ arkieiro !

Je ne saurais décider. Il n’est pas impossible que l’arseilhièra soit une adaptation locale de l’hersillière française.

Il y a des problèmes avec la palourde. D’après le site http://sextan.com/ il y a eu un plan de re-ensemencemnt de palourdes dans le bassin de Thau en 2005. A la fin de l’article l’auteur écrit : L’espoir, à terme, est de redémarrer la pêche à l’arseillère. Voir aussi Borsa, Philip Recruitment of the clam Ruditapes decussatus in the lagoon of Thau,Mediterranean .1992 Estuarine, coastal and Shelf Science 35, 289-300.

Jean Fabrice, pêcheur pro sur Thau m’écrit :

Bonjour suis tombé par hasard su votre site je suis ravis. Je suis pecheur pro sur Thau issu d’;une famille de pecheurs.
Pour l’arsseillere je pense que la version de la peche au palourde arcil est la plus probable.
car il existe 2 engins qui se ressemblent l\’arseillere avec les dents longues et pointues pour pecher les palourdes et la clovissiere qui etait beaucoup plus grande avec les dents carrées vu que les clovisses n’étaient pas trop plates dans le sable. Arseille plus ou moins 14 dents. Clovisiere plus de 20.
le bouletchou en français c est la senne de plage.
Cordialement

 A ma demande Jean Fabrice m’a donné plus d’explications sur  les sennes, un mot français inconnu en occitan

Les sennes sont des filets encerclants. Il y a les grandes sennes pour pêcher les thons rouges. Les petites sennes pour pêcher a la mer poissons blancs . Les lamparo sont aussi des sennes.  Filet cale autour d’un banc de poissons tire par des treuils.Une fois le filet fermé ça fait une grosse poche. La senne de plage bouletchou est tirée du bord « de la plage » au lieu de faire  la poche elle est montée sur le filet c’est-à-dire qui a une aile de chaque cote qui se rejoignent dans un cul .ça ressemble au chalut ou au gangui.Cordialement. Fabrice

Grâce à la réglementation j’ai trouvé une belle photo pour « gangui ».

Jean Fabrice a encore complété cet article avec un lien qui détaille le bouletchou:

J’ai trouve ce schema de senne de plage (bouletchou) qui ressemble a ce qu’on utilisait .les notre avait le cul plus long

https://www.researchgate.net/figure/Caracteristiques-de-la-senne-de-plage-utilisee-pour-lechantillonnage-des-poissons_fig1_282976050

Bouletchou schéma

Arteguer

Artéguer semble être la forme en français régional (Lhubac;Domergue) de l’occitan artelhar v.intr. « marcher vivement » (Alibert), artela en provençal (Mistral). Ce verbe est un dérivé d’artalh « orteil »,  du latin articulus « articulation, jointure, nœud; doigt, orteil », un diminutif de artus « membre ». La forme occitane a dû subir l’influence de verbes comme bouleguer « remuer, tourner » en passant au français régional. Dans tous les dictionnaires patois nous trouvons la forme avec un –y- arteya(r).

Le sens varie suivant les localités. A Alès et dans le languedocien de l’ouest le sens de s’artelhar est « se heurter les orteils » et de là « trébucher », au figuré « s’embrouiller en paroles », mais en allant vers l’ouest, dans le Gers, un artilhaire redevient un « bon marcheur » >et ensuite  « un commissionnaire ».

Je n’oserais prétendre que pour les gens du Midi bouleguer + artailhs « remuer + orteils » est la même chose que « marcher vite »… Il doit s’agir du maintien du sens « articulations, jointures ».

  Elle a artégué..

    

artelhar, artela

Artelhar, artela v.intr. « marcher vivement »voir arteguer

Artiga "terre défrichée"

Artiga « terre défrichée »est un mot fossile,  plutôt gascon, probablement d’origine préromane1 et qui n’a survécu que dans des noms de lieux. Il est rare dans le Var, mais devient  de plus en plus fréquent en allant vers l’Ouest.

Le Pégorier mentionne Arteaga  « lieu défriché » pour le basque, artiga, artigou « parcelle de terrain défrichée sur les hauteurs »  pour la Gascogne et le Languedoc, artigue  dans le Var.

Le village d’Artigue correspond à 100% à la définition  donne:

Artigue (Hte-Garonne)

______________________

  1. FEW XXV, 387b *artīka

Artiga, artigal, artigue

Artigal « terre défrichée », « novale, terre située entre deux rivières  » (Alibert). L’étymologie de ce groupe de mots a donné lieu à beaucoup de discussions, mais les étymologistes ne sont pas arrivés à une solution  satisfaisante pour tous les cas. Le plus difficile à expliquer est le fait qu’on retrouve un type semblable en wallon : artiu « champ labouré ».

Le substantif artiga  « terre défrichée » ne se trouve qu’en ancien gascon, et dans le Val d’Aran. En languedocien et gascon il est assez fréquent  fossilisé comme toponyme. Voir par exemple Longon, p.24 (lien direct) ou  le Pegorier s.v.artiga.

Le dérivé artigal  toujours avec le sens « terre défrichée » , et les verbes artigalar, artigar « défricher » semblent être vivants, même s’il y a des doutes sur certaines données considérées comme des reconstructions  artificielles à partir des toponymes, notamment artig (Gers) et  artigau (Périgord); etc.

Comme artiga  est aussi catalan et aragonais plusieurs étymologistes ont supposé comme étymon un *artika repris à un substrat ibère  ou basque. En effet en basque existe arteaga « bois de chênes verts, défrichement ».

En gascon  il y a un composé eishartigar , eixartigar en catalan, qui pourrait s’expliquer comme une forme hybride, composé de eissartar ( de issart « friche ») et  artigar.

La répartition géographique,sud-ouest de l’occitan, le catalan et le wallon exclut une origine commune gauloise ou ibère/basque pour toutes les données. Beaucoup de données pour celui ou celle qui veut approfondir dans le FEW  XXV,387b-390b.*artika.

Un dernier lien bibliographique : Sommaires détaillés des Actes publiés par la S.F.O.  L’Onomastique, témoin de l’activité humaine. Colloque du Creusot (30 mai-2 juin 1984) , éd. G. Taverdet, Dijon, Association Bourguignonne de Dialectologie et d’Onomastique, 1985, II-328p. spécialement  aux pp. 19-29 : Billy, Pierre-Henri, “Noms de défrichement d’origine préromane : *ARTICA, *BODICA, *CARRICA, *MARRICA”.

 

asagadouiro ‘pelle à arroser’

asagadouiro  « pelle à arroser, arrosoir » est un dérivé du verbe adagar devenu asagar « arroser » qui vient du participe passé  adaquatus du verbe latin adaquare « arroser », Dans les attestations en ancien occitan du XIVe siècle le verbe a aussi le sens « ajouter de l’eau au vin » et la « piquette » s’appelle adagat.

Le mot est commun au languedocien et le gascon. En languedocien c’est la forme asaga- , en béarnais la forme  adaga qui est conservée. Voir le Thesoc asagar ARDECHE, AUDE, AVEYRON, GARD, HERAULT, LOZERE, PYRENEES ORIENTALES. et surtout le FEW XXIV,134a-b

Ma fille m’a procuré une photo d’un modèle utilisé à Taleyrac (Valleraugue), avec le mode d’emploi : « On puise l’eau et on l’envoie à droite et à gauche. »

asagadouiro_Taleyrac   asagadouiro_Taleyrac2

A ma demande un visiteur m’a procuré une autre photo de l’utilisation de l’asagadouiro. J’ai l’impression qu’il s’en sert plutôt comme d’une vanne. Photo prise à La Coste, hameau de St-Abdré de Majencoules (Gard)

Asagadouiro_foto 2  détail  asagadouiro_foto 2Detail

Description de cet outil tel qu’il est utilisé encore de nos jours selon un témoignage personnel, se trouve dans Maison  rustique du XIXe siècle. Vol.1, page 254. :

Asagadouire_1  Asagadouire_2

A la page 255 de la Maison rustique vous trouverez plus d’informations sur l’arrosage dans les Cévennes.. Suivez le lien ci-dessus.

Ase, ay

Ase s.m. « âne » du latin asinus. Les deux fomes latines asinus ou asilus se retrouvent dans presque toutes les langues européennes. Voir à ce propos par exemple le dictionnaire allemand des frères Grimm. 

L’anglais ass « bête de somme », probablement par l’ancien celte *as(s)in « âne », dans les composés asshead « tête d’âne » = « personne stupide; jackass « personne stupide » vient également du latin asinus.. Ne pas confondre avec ass « cul » qui vient d’un prononciation régionale de arse. !! A propos de l’élément jack- qui vient du français Jacques, cf.l’article Jacouti . Allemand Esel et néerlandais ezel « âne; chevalet » (> anglais easel « chevalet).

Un âne à la recherche d’ amourous d’ase ou de pam blan d’ase pour se farci l’ase ?

La forme ase s’est maintenue dans le languedocien et le catalan. En provençal il y a eu une évolution ase > ay attestée depuis 1530.Voir pèbre d’aï.  Dans les patois de la langue d’oïl, le franco-provençal et le nord-occitan on ne trouve que la forme asne devenu âne.

L’âne jouait un rôle très important dans la vie de tous les jours. De nombreux sens se sont développés par métaphore ou métonymie. Pour ceux qui s’y intéressent je ne peux que renvoyer au FEW vol.25, pp.437-457 (en français !). Je me contente de donner ici quelques expressions et métaphores languedociennes puisées dans la documentation extrêmement riche du FEW.

Lhomme pense qu’un âne est stupide : bèstio coumoun ase ; Alès ase « sot, ignorant, imbécile, butor »  asnas  « grosse tête (au fig.) »  ; en Lozère asená » faire l’âne »  ( voir aussi mon article vié d’ase ) et obstiné : Gard testo dase  » tête dure ».

Un visiteur m’envoie les renseignements suivants sur lase de Basacle;

le Basacle, lieu situé sur la Garonne à Toulouse. (Wikipedia) et fameux par son moulin mû par les eaux du fleuve. Alasan de Basacle, alezan du moulin, un âne (Jean DOUJAT, Dictiounari moundi, 1638, réimp. Toulouse, 1895, 242 pages ; p. 298). Rossin del Basacle, âne (G. VISNER, Dictiounari moundi, 1638, réimp. Toulouse, 1895, 242 pages ; p. 212). Es un ase del Basacle, c’est un crétin qui ne comprend rien. Es estudiant al Basacle, c’est un garçon meunier, un âne, un ouvrier posant pour l’écolier, etc. Enfin, mòl pas tant qu’al Basacle, il n’y a pas tant de travail que ça – on n’y moud pas autant qu’au B. (G. VISNER, Id., p. 36). Que s’enane al Basacle, qu’il s’en aille paître 119.I.238. Trimar coma l’ase dal Basacle, travailler dur comme l’âne du B. (A. MIR, Glossaire des comparaisons populaires du Narbonnais et du Carcassez, 1882, rééd. Carcassonne, GARAE, 1984, XV + 133 pages ; p. 18). Aquò sembla lo Basacle, c’est une cohue, un bruit étourdissant. Veja aquí tot son basacle, voilà tout son mobilier. N’i a un basacle, il y en a une grande quantité. (Abbé VAYSSIER, Dictionnaire Patois-Français du département de l’Aveyron, Rodez, Société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron, 1879, 656 + XLIII pages ; p. 44). Ce moulin disparut dans un incendie en 1814.

Mounta sus l’ase « chevaucher l’âne »  par contre est ridicule :  « cérmonie infamante qui consiste à monter une personne sur un âne, la figure tournée vers la croupe et tenant la queue dans les mains en guise de bride  ce qui se faisait surtout pour des maris battus par leur femme! Cette cérmonie s’appelait asenado.


Sagit-il dune vieille tradition romaine ? Ci-dessus une mosaïque de Meknes au Maroc (de quel siècle?.)

Pour « remettre à sa place » les membres d’un couple, les villageois n’hésitaient pas promener le mari sur un âne, placé à l’envers, comme le rappelle R.M. Lacuve ou Jol Thezard, le tout avec force bruit et commentaires. Un autre site

Corre l’ase. Un visiteur m’envoie ses notes très documentées sur une tradition du Lauraguais, corre l’ase: « A Castelnaudary nous constaterons, depuis le XVIe siècle, la fête du Corre-l’ase qui s’est perpétuée presque sans interruption jusqu’en 1870. Le Corre-l’ase avait lieu le jour du Mardi gras. On promenait sur un âne un mannequin de paille que l’on brûlait, le lendemain… Jusqu’en 1870, les organisateurs de la fête du Corre-l’ase formaient une confrérie parfaitement organisée… L’usage des Corre-l’ase était très répandu dans le Lauraguais ». 99.10. « …divertissement en usage le jour du mardi gras appelé corre l’ase, quand un mari se laisse maltraiter par sa femme » Revue Folklore, Carcassonne,1971.2. n° 142, p. 12, René NELLI, L’essai historique de Castelnaudary de Jacques de Gauzy (1780) ; Cf. idem, 1949.4. n° 57, p. 77, André AZAÏS, Société asinienne à Castelnaudary en 1867 ; Ibid., 1950.1. n° 57, pp. 13-17, H. AJAC, Courses de l’âne en Lauragais, Exemples pour 1680 et 1775 au quartier de la Baffe, à Castelnaudary.

« A TOULOUSE les Corre-l’ase firent fureur ; Vestrepain, dans la première moitié de ce siècle [le XIXe], écrivit souvent des chansons de Corre-l’ase« . (JOURDANNE Gaston, Contribution au Folk-Lore de l’Aude, deux tomes 1899 et 1900, rééd., Paris, Maisonneuve et Larose, 1973, 243 pages ; p. 10, note 2. Cf. Cansou al suchet d’un courri d’azi, in-8°, Toulouse, 1828).

LECTOURE (Gers).
Lo carnaval es pròche
. (Le carnaval est proche.)
Lo jorn de dimarts gras
, (Le jour du mardi gras, )
Julherac, Julheraca, (Jullierac, femme Jullierac,)
L’ase que correrà… (L’âne courra… )

(Jean-François BLADÉ, Poésies populaires de la Gascogne, Paris, Maisonneuve, 1881-1882, II.288-294. Cançon de Brenada.)

OS-MARSILLON (Pyrénées-Atlantiques). L’asoada d’Òs, Il était d’usage de faire monter sur un âne, la tête tournée vers la queue et de promener ainsi, par les rues, un mari qui s’était laissé battre par sa femme. Affaire en 1704, ceux qui avaient fait córrer l’ase ont été condamnés.(Vastin LESPY, Dictons du pays de Béarn, rééd. par la lib. Limarc André Cadier, Bayonne, s.d. – la première éd., est de 1875 -, XVI + 285 pp. ; p. 121).

L’âne a une grosse tête: languedocien ase  très petit poisson de rivière à la tête large et plate du genre des malacopterigiens ; chabot  (abbé de Sauvages) Il semble ne plus exister . Une attestation pour le Gard ase  » lotte ».

cap d'ase pè d'ase

têtard    cap d’ase   pe d’ase

Ase signifie galement  » têtard « (S). Le sabot de l’âne ressemble aux feuilles du : cap dase  « centaure noire ou jace »

L’âne est une bête de somme : Alès ase de ressare  « un banc trois pieds sur lequel les scieurs de long lèvent et placent horizontalement leur bogue ».

L’âne doit travailler dur : pati coumo lous ases de la jhipieiro  « souffrir comme les ânes des mines de gypse »  (S).

Farci l’ase. Enfin à Toulouse, à Foix et dans le Béarn il y avait l’expression farci l’ase  » remplir la panse, manger copieusement », sémantiquement à partir de la notion « charger ». De là , notamment dans le Gard et l’Hérault ase  « gros boyau farci, estomac du porc, caecum du porc »  à partir de la notion « sac à charger ».

Pour des raisons phonétiques et de répartition géographique il me semble peu probable que le verbe aïsiná  » préparer » du latin adjacens soit à l’origine de ce mot, même si par-ci par-là aïsiná devient asiná notamment dans le pays de Foix, Vicdesssos. Mais partout ailleurs c’est la forme ai- ou ey- qui domine. Dans la région de Foix on pourrait rattacher le mot ase dans l’expression farci l’ase à azinat « mets fait de choux et de pommes de terre’ soupe » qui provient de l’étymon adjacens, contrairement à FEW 25,448b, mais certainement pas dans tout le domaine occitan.

Un visiteur m’a fait parvenir des témoignages du mot ase « gros boyau farci  » à ROQUEBRUN (Hérault). Los manja ases, les mangeurs d’ânes. « On les accusait de tuer et de manger un âne pour la fête du village ». Cette accusation vient de Cessenon (M. Roger Delher). Le suivant donne l’explication: SAINT-JEAN-de-CORNIÈS (Hérault). Les habitants ont pour sobriquet Los manja l’ase, les mangeurs d’âne. L’ase, « l’âne » étant le foie du porc boucané ou un gros boyau farci. Et : SAINT-JEAN-de-MARUÉJOLS (Gard). Manja ase blanc, amateurs de boudin blanc. Rien à voir avec un âne albinos comme le croit André BERNARDY (Les sobriquets collectifs. Gard et pays de langue d’Oc. Anecdotes, dictons, légendes, Uzès, Ateliers Henri Péladan, 1962, 273 pages ; p.100).

Labbé de Sauvages qui en 1756 a noté le dicton suivant : l’ase de la coumuno fough toujhour mou embast.  l’âne de la commune est toujours le plus mal bâti , ce qui donne à Valleraugue (30570) : Un asé omédjiorat es toudjour mal bostat. (omédjiorat est écrit amejairat par Alibert, et veut dire « qui est possédé par moitié »).

Un emploi très local: MARGERIDE (Lozère). FORTUNIO. « Uèi matin « Fortuniò » a cargat l’ase… tranarà davant miègjorn (ce matin, Fortunio (point le plus élevé de la Margeride, 1552 m.) a mis son bonnet de nuages… il fera orage avant midi ).

 

 

 

 

Asirar

Asirar, s’asirar « se mettre en colère, haïr; abandonner le nid » < *adirare « mettre en colère ».(FEW XXIV, 142b en français).

L’étymologie doit être le dérivé *adirare « courroucer, irriter » qui a été formé à partir du substantif ira « colère ». Nous en trouvons des représentants dans presque toutes les langues romanes : l’italien du 14e s. adirare « irriter », l’espagnol et le portugais airar « courroucer », l’ancien français (s’)airer « (se) mettre en colère » et l’ancien occitan azirar « haïr, se courroucer ». Le dictionnaire Panoccitan fournit les données suivantes : asir nom m. 1. haine nom f.; 2. aversion nom f.; asirable adj., asiradís, asiradís, asiradissa adj. haïssable; asirança nom f. haine; asirar verbe tr. 1. haïr; 2. prendre en aversion loc.
Toutes les significations qu’on trouve dans les parlers occitans et français  » haïne, aversion, violence, ardeur, dégoût  » etc. s’expliquent facilement à partir du sens « colère ».

D’après le Thesoc,  le verbe   aver asir dans les parlers des départements de la Hte-Vienne, de la Corrèze, Creuse et asir dans le  Puy de-Dôme ou prendre asir  dans la Creuse ont sauvegardé dans leur langue le sens « abandonner le nid en parlant des oiseaux »  qui témoigne d’une sagesse ancestrale.

Il m’a fait penser à l’époque où mes enfants étaient ados. « L’adolescence est une période d’éloignement et la colère ou l’ « ira », est un des éléments nécessaires pour provoquer cet écartement, cet éloignement. (d’après un des nombreux sites consacrés à la psychologie de l’adolescence, p.ex. celui-ci).

     asir

Sur le point d’asirar