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Clot. Planter une vigne avec le ‘clot’

« On plante au plantoir (plantadouira) ou à la fourchette ou au clot à l’intersection des lignes tracées par le rayonneur (enregaïre).  Le «clot» est une tige de fer, un rondin de 12 mm pointu à un bout que l’on plante à l’intersection du rayonnage et avec la « trinca-fòrta« [trinqua-forta] on creuse à côté une tranchée avec sur le côté, en repère, la cheville. Ensuite, on place le plant raciné que l’on met à la place du « clot » et on rebouche le trou. »

Raymond Jourdan de Montagnac.  Tous ces dessins viennent de sa description de la Culture de la vigne en Languedoc.  Un travail inestimable sur le travail de la vigne, à partir d’un harmas jusqu’à l’arrachage pendant le période entre les deux guerres.

Plantadouilho_Jourdan    trinqua_fortaJourdan  enregou_Jourdan  enregajealaprovençala

Enregaje_alcarrament

Etymologie : dans plusieurs parlers occitans est attesté le substantif  clota « creux dans la terre; fossette » et le verbe cloutà « faire des trous pour planter la vigne », dans le Gers ce verbe est défini comme « faire des clots » ! Je pense qu’à Montagnac  l’instrument pour faire des trous pour planter la vigne à pris le nom du résultat.   Un changement sémantique qui n’est pas rare.

L’origine est d’après le FEW un gaulois mais on n’a pas encore trouvé des mots celtes qui soutiennent  cette hypothèse. Elle est basée sur la répartition géographique.  Pour beaucoup plus d’info cliquer ici=FEW II, 796-798.

Bertoul ‘panier cévenol’

Bertoul « cueilloir »  s.m. « petit panier à anse tissu d’osier ou d’éclisse, qui sert à cueillir les fruits et à ramasser les châtaignes » (S1, 1756). Etymologie latin   vĕrtĭbŭlum « vertèbre, colonne vertébrale » », qui en galloroman a subi un changement de suffixe et est devenu vĕrtŭbŭlum, qu’on retrouve en catalan bertrol, bestrol  qui désigne « une sorte de filet avec des cerceaux comme armature »(source).  En Italie et dans l’ouest-languedocien il y a des formes qui reposent sur une autre formation, vĕrtŭbĕllumbertovello, bertoello en italien,  bertouel en languedocien.   FEW XIV, 321

Le mot bertoul semble vivant. Dans le site consacré à Ispagnac je trouve des spécifications:

En Lozère il y en a deux : les Cévennes qui fabrique le bertoul panier avec des bridoules, tresses de chataignier. L’autre partie qui produit une vannerie en côtes de chataignier et en tresses d’amarines et de viorne. La paille de seigle sert à fabriquer des paillassous et la paille jaune de blé était utilisée pour les ruchettes . Ces deux pailles sont encore utilisées pour le rempaillage des chaises.

bertoulIl y a aussi des photos sur le procédé et des adresses de stages de vanneries.

Le même étymon avec le suffixe –ibella  > vĕrtĭbĕlla pris pour un féminin a pris des sens techniques comme  en ancien occitan bartavela « loquet », en dauphinois bartavè « claquet du moulin » = Petite latte qui est sur la trémie d’un moulin et qui bat continuellement avec bruit. Dans le site du village Sailhan j’ai trouvé la description et des images du claquet:

IF    IF

Dans les moulins de montagne, l’auget ou claquet avait autrefois une forme de sabot, « l’esclop ». L’auget se termine par une sculpture de tête de cheval : « eth cabalet », c’est la note artistique du moulin. Le cheval était l’animal que l’on rencontrait le plus souvent au moulin. Une pièce verticale, le cornillet ou quenouille, tourne en même temps que la meule. Ce mouvement agite le cheval qui – en raison de la forme octogonale du cornillet – vient taper régulièrement sur ce dernier et permet au grain de s’écouler dans le trou central de la meule tournante , l’œillard.

Le bruit que fait le claquet est à l’origine du sens « bavard, personne qui parle beaucoup » à Briançon , Barcelonnette et ailleurs de bartavel, bartaveou, bartavela.  Une évolution comparable  dans le verbe cascalhar ou barjà. Cette évolution sémantique est d’ailleurs international : angl. chatter, chat , Oc., fr.régional casquailler, latin *quassicare, esp. cascar, d. Klatsch, Quatsch, plappern, dreschen, nl. kletsen, flamand klappen le sens qui est à la base de tous ces verbes  est « faire un bruit répétitif ».

Bartavela « perdrix rouge » à cause de ses cris, a même réussi à monter dans le dictionnaire de l’Académie  en 1740.

 

 

« verveux’ panier en osier de forme conique » d’après les dictionnaires patois.

grazaou ‘auge’

Grazaou « auge de bois » elle se fait d’une pièce de bois creusée dans la longueur en forme de canal, telle que l’auge des maçons. (Sauvages, 1756). Alibert veut qu’on écrive grasal, Mistral grasau.

Etymologie : latin crātis « panier tressé » FEW II, 1293 colonne b, où vous trouverez les différentes significations et formes dans les parlers occitans, à partir de Rochemolles, (Piemont en Italie) jusqu’en poitevin.  Grazaou fait partie du groupe de mots qui viennent d’un dérivé du latin tardif gradalis attesté au VIIIe s., XIe s.  d’après le CNRTL,  et qui a donné graal en ancien français. Voir Wikipedia  à propos du Graal.

Grazalé « une petite auge » et uno grazalado « une auge pleine de mortier, plâtre etc.  »

En vallée d’Aoste  une grolla  est une coupe de l’amitié, dans laquelle on verse du cafe corretto qu’on partage.  C’est la fête!

grolla2   grolla1

cafe avec le  corretto à part

cafe avec le corretto à part

magalh ‘houe, pioche,’

Magalh ‘houe large, pioche, bèche’ est un mot provençal1 d’origine grècque μακελη (makélè avec l’accent sur le –é-) « houe du vigneron »  ou  μακελλα (mákella  avec l’accent sur le – ).  Wikipedia écrit :

La culture de la vigne a été introduite en Gaule par les Grecs de Phocée …. Max Rives, chargé de mission à l’INRA, l’a vérifié sur place à Massalia, le premier comptoir phocéen édifié six siècle avant notre ère :

« J’ai vu, au cours des fouilles du quartier de la Bourse, à Marseille, les pépins de marc de raisin provenant de leur vinification et jetés dans des amphores, flotter dans l’arrière du Vieux-Port où ces amphores-poubelles servaient de fondations à une rue.
Les Grecs avaient évidemment importés des variétés de leur pays, ignorant que la vigne spontanée les avait précédé de quelques dizaines de siècles47. »

Il n’y a pas seulement les pépins de marc de raisin mais aussi le vocabulaire comme entar, empeutar et magalh.

La première attestation maguayll vient de La vida de Sant Honorat, écrit autour de 1300 par Raimond Feraud.  A Marseille  c’est devenu magáou.  On a créé des  dérivés comme magaioun « sarcloir, petite pioche », magayar, magalhar « piocher » tous  en provençal.

A propos de l’attestation ariégeoise j’ai trouvé une précision dans le livre de  A. Casanova, Paysans et machines à la fin du XVIIIe siècle: essai d’ethnologie historique, Volume 415.Presses Univ. Franche-Comté, 1990 –

Extrait sur le magalh du livre de A.Casanova

Dans l’édition de 1820 du Dictionnaire languedocien  de l’abbé de Sauvages, il y a dans l’article aissado  une description précise  de cet instrument. Il écrit que l’aissado, le mot languedocien pour la houe,  comme la maigle  bourguignonne et la chèvre lorraine n’est pas une bèche.

Noms de famille. D’après plusieurs généalogistes  le nom de famille Magallon, Magal en Dordogne serait dérivé de notre magalh.

Catalan magall : « instrument de cavar la terra que per un canto … »

magall catalan

Les représentants de la  forme μακελλα  se trouvent  en ancien français  maigle « pioche de vigneron » , méye  à Nuits-St.Georges, etc. Le mot a dû voyager avec le progrès de la viticulture du Midi vers le nord de la Gaule, tout en subissant une transformation phonétique.

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  1. Il y a une seule attestation de l’Ariège magalh « hoyau pour creuser les rigoles ». Alibert mentionne aussi magalh « houe » et au figuré « imbécile » mais sans localisation en languedocien.

Consòuda, cassòuda "prêle"

Consòuda, cassòuda « prêle, queue de cheval; joubarbe ». Solerius faisait déjà de la géo-linguistique:(Chez les Gaulois la cauda equina  s’appelle de la prêle, chez les  Dauphinois  l’asprette et chez nous la consaulde.  En Italie la petite s’appelle  aspretta, la grande  coda di cavallo.)

L’étymologie a l’air simple  : du bas latin consŏlĭda  « consoude; symphytum officinale » qu’on appelait ainsi en raison des vertus astringentes de la plante1.  Ce nom a été adopté par les médecins et s’est répandu par eux dans la langue populaire.

Mais  l’occitan  consòuda, cassòuda  désigne une tout autre plante, à savoir   la « prêle ».  Le sens « consoude officinale » donné par Alibert n’est  attesté  qu’en Auvergne et dans le Périgord.

 

       consoude                                                               prêle

 RollandFlore vol.XI, p.80 sous  Equisetum  = prêle, nous fournit les attestations suivantes:Ces données sont confirmées par le Thésoc s.v. prêle cassaoudo  dans l’Ardèche, le Gard, l’Hérault et la Lozère, avec le type koussaoudo  dans l’Hérault2.

Il  doit y avoir un lien ancien entre les deux plantes, autrement la confusion n’est pas compréhensible. En surfant un peu, je vois entre autres: Prêle et consoude pour la protection des plantes au nature  mais je ne connais pas les détails. Il doit s’agir de l’utilisation des deux plantes.

L’abbé de Sauvages écrit : « plante rude dont on fait cette espèce de bouchon tortillé pour écurer la vaisselle: c’est de là qu’est venu le mot de cassôoudo pour dire une lavette. La prêle  est astringente, les tourneurs s’en servent pour polir leurs ouvrages. » (S1). Les deux plantes sont astringentes , ce qui peut être la cause de la confusion des noms.

Voir aussi mon article freta,  fretadou

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  1. La Consoude officinale (Symphytum officinale) est l’espèce caractéristique du genre Symphytum. Wikipedia. Le TLF cite: La spécialité de ma grand’mère (…) c’était de refaire les pucelages par le moyen de la consoude qu’on appelle oreille de vache A. Arnoux, Calendrier de Flore,1946, p. 116
  2. Les données du Thésoc pour la région à l’est du Rhône ne sont pas encore publiées, hélas