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Abrivado, abrivar

Abrivada, abrivado s.f. « fête traditionnelle camarguaise pendant laquelle les taureaux sont amenés aux arènes » ; autrefois « poisson d’avril ».

abrivado

L’abbé de Sauvages donne comme sens d’abrivado : « élan, ou mouvement subit avec effort de celui qui saute ou qui court », mais le prieur Seguier connaît à la même époque le sens  « attraper quelqu’un le 1er avril »   (SeguierI f.90r qui conjugue: l’ant abbriva; s’est laissa abbriva; l’abbriveront; vous abbrivara) et pour lui l’abrivado est un « poisson d’avril » .

En 2011 une visiteuse me confirme : « J’ai entendu cette expression  s’es fach abrivar  « il s’est fait attraper » dans le Tarn, Monts de Lacaune et il me semble que mes cousins de l’ Aveyron (limitrophe) le disaient aussi.
Pour Louis Rouquier (2e moitié 19e siècle) l’ abrivado est une « farce »(Rouquier1).

Abrivado est un dérivé du gaulois *brivos « force, courage, vivacité » , attesté dans les langues celtiques et en ancien occitan briu « impétuosité, empressement ; valeur, force ; court espace de temps ; attaque ».  En languedocien moderne briou signifie  « espace de temps », dans l’Aveyron brieu « espace de temps assez long »  ou briu « étendue, espace ». A Manduel em briou signifie » longtemps » et on en fait un bravo briou.

Le verbe ancien occitan abrivar, ou s’abriva signifie  « (se) hâter, (s’) élancer ».  Ce sens s’est spécialisé  en provençal de Barcelonnette : abriva « goulu » et le verbe s’abrivar « se jeter brusquement sur quelque chose, sur des aliments en particulier. »

La tradition camarguaise veut que  des jeunes font tout ce qu’ils peuvent pour écarter les chevaux afin de voir s’échapper les taureaux ; tout ou presque est permis : jet de farine, feu, pétards, banderoles qui sortent de nulle part pour essayer d’effrayer les chevaux. Ce sens se rattache bien au sens « mouvement subit  » et  » poisson d’avril « .
Dans la Notice des Travaux de l’Académie du Gard pendant l’année 1807 (!!) numérisée par Google, j’ai trouvé une description en vers par Madame Verdier de la Course camargaise 1807. C’est très amusant à lire.

La famille de mots *brivos est bien implantée dans le Midi, (cf. Alibert, s.v. abrivar et briu pour les sens et les nombreux dérivés). Français, espagnol, portugais et italien brio ont été empruntés à l’occitan. Les patois d’oïl ont surtout repris le verbe abriver, embruer « lancer, mettre en train » .

Par hasard je suis tombé sur le site www.herodote.net qui explique le pourquoi des  » poissons d’avril  » :

Depuis près d’un demi millénaire, le 1er avril donne lieu en France et dans quelques autres pays à d’aimables farces surtout pratiquées par les enfants et leurs parents. Cette tradition semble remonter au roi Charles IX. Avant lui, en France, l’année calendaire commençait le 25 mars et, de ce jour jusqu’au 1er avril, les Français avaient coutume de se faire des cadeaux pour célébrer le passage à l’année nouvelle. Par l’Edit de Roussillon du 9 août 1564, le roi de France décida de reporter le début de l’année au 1er janvier, sans doute pour s’aligner sur les pays voisins. Cette décision fut généralisée à l’ensemble des pays catholiques en 1582 par la papauté.
En souvenir des temps anciens, les Français n’en continuèrent pas moins à se faire des cadeaux « pour rire » à l’occasion du 1er avril. Comme le 1er avril coïncidait aussi avec la fermeture de la pêche, la période étant réservée au frai, des plaisantins auraient eu la bonne idée de lancer dans les rivières des harengs pour tromper l’impatience des pêcheurs d’eau douce ! De là, croit-on, l’origine des « poissons d’avril ».

Mais il y a d’autres explications : « On appelle Poisson d’Avril, un poisson de figure longue & menuë dont on fait une pesche fort abondante en cette saison, qu’on nomme autrement Maquereau : & parce qu’on appelle du même nom les entremetteurs des amours illicites, cela est cause qu’on nomme aussi ces gens-là Poissons d’Avril.  » (Dictionnaire d’Antoine Furetière (1690.)

Jostar, justar

Jostar, Justar, « jouter; se cosser en parlant des béliers » a la même étymologie que français jouter : « Du latin vulgaire *juxtare (avec un -u- court) proprement « être attenant, toucher à » (v. jouxter), dérivé de juxta, voir jouxte. » (TLF). Joustaire « jouteur » est dérivé de joustar.

La graphie avec un -u- de Mistral, suivi d’Alibert et par le Panoccitan est probablement influencée par une  fausse étymologie, à savoir latin justus « juste ». Le -u- court de juxta était devenu -o- (-o- fermé) à l’époque du latin vulgaire.

Ancien occitan jostar signifie d’abord « rassembler, réunir », mais il est vite remplacé par ajostar. Dans le terminologie de la chevalerie féodale, jostar est un terme technique et a pris le sens « combattre à cheval, d’homme à homme, avec des lances » à partir du XIe siècle.. Le mot n’est pas très vivant en occitan exception faite pour  Sète.


Chevaliers-Jostaires Deux apprentis-jostaires

jostaires à Sète


Acampada

Acampada s.f. « ce qu’on ramasse en une seule fois, recueil ». Acampado « réunion » . (En Camargue par extension, ‘rassemblement des taureaux.’) est un dérivé d’acampar.

Acampar, v.tr.  « ramasser, cueillir », acamper en français régional (Lhubac), est un dérivé limité au provençal et au languedocien du latin ad+campus  « champ ». Provençal (s)acampa   « (se) réunir ».

Dans la Camargue c’est le « rassemblement de la manade dans les marais » et l’occasion d’une fête bien sûr.  Les gardians doivent cerner les taureaux qui sont éparpillés dans le marais et qui essaient d’échapper à leurs poursuivants. Conduite de la manade pour le tri. » (Lexique camarguais).

A Toulouse ce verbe a pris le sens contraire  « mettre en fuite »  à partir du sens  « mettre le bétail dans les champs ».

Le préfixe ad- rend les verbes transitifs ou ajoute au sens du radical, la notion d’approche ou de direction (Alibert, p.39).