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Posaraca

Posaraca « puits à roue »(XIIIe s.) posaranca, posalanca etc. A Arles le fameux arpenteur Bertrand Boysset a noté la forme poaraqua en 1395, d’après un article dans la revue Romania21(1892)p.540 :

 D’après de nombreux dictionnaires occitans il s’agit d’un puits à roue et non pas d’un puits à bascule comme l’indique Alibert.

Un visiteur me signale que je n’ai pas donné l’étymologie de ce composé posaraca, posaranca, pouzaranco etc. Je rattrape cet oubli.L’abbé de Sauvages a eu une idée:

Mais il n’est pas suivi par Mistralqui donne 6 variantes pouseraco, pousaraco, pousaranco, pousalanco, pousolonco, pousolongo, et propose de l’expliquer comme un mot composé de posar (puiser) +racar (vomir, rendre). Cette étymologie est aussi donnée par le FEW : (il) posa + (il) raca « il puise et il crache ».

La première attestation occitane date de 1200. Pour l’étymologie de racar cliquez.
Les formes avec l’insertion d’un -n- sont dues à une étymologie populaire qui a assimilé la terminaison -aca au suffixe -enco, -anco très fréquent en occitan.

Le commentaire d’olive34 ci_dessous m’a incité à mettre une petite vidéo   sur Youtube

Une deuxième video, cette fois avec un cheval faite par un ami  à Manduel le  2012-10-09

Barbajàou,barbajòl

Barbajàou,barbajòl s.m. »joubarbe ». L’origine du mot occitan et du mot français est identique : latin barba + Jovis le génitif de Jupiter. La différence du genre s’explique par l’inversion des deux composants.  D’autres noms  de la joubarbe des toits : Artichaut bâtard, Artichaut de murailles, Artichaut des toits, Grande Joubarbe, Herbe du tonnerre ».

D’après les données du FEW le type barbajàou est limité à l’est-languedocien, au Velay et au Périgord. Il se retrouve en wallon. Il faudra attendre la publcation du Dictionnaire de l’Occitan Médieval, pour savoir si ce type était plus répandu autrefois et qu’il couvrait la même zone géographique que le type dies + jovis > dijòus « jeudi ».

      

Pedanius Dioscoride né vers 40 après J.-C. à Anazarbe dans la Cilicie (Turquie) écrit dans sa De materia medica que la Jovis barba protège contre la foudre et que pour cette raison on la cultivait dans dans des bacs et sur les toits.

Le Capitulare de villis vel curtis imperialibus, l’ordonnance de Charlemagne concernant la gestion de l’agriculture et l’horticulture des domaines impériaux, rédigé vers 812, prescrit la plantatation de la joubarbe pour la même raison.

D’après le Thesoc barbajaou est le nom de l’hirondelle dans le Gard, l’Hérault et l’Ardèche (??). Ailleurs l’hirondelle s’appelle cul blanc. Il doit s’agir du barbajàou le « martinet à ventre blanc »; le barbeirou-pies blanc le « grand martinet à ventre blanc » (Mistral), qui est le plus grand martinet d’Europe.  Je crois que c’est le même oiseau; je n’ai pas trouvé deux espèces de martinets à ventre blanc différents. Ce sens s’explique à partir de la notion « barbe blanche ».

Un visiteur m’informe : barbajou serait aussi le sobriquet collectif des habitants de Bezouce ou St-Gervasy, dans le Gard.

 

Fava, favasso

Favasso, s.m. « fanes de fèves ». Dans les dictionnaires on ne trouve dans le languedocien que ce sens . Le sens « grosse fève » est attesté dans la région de Montélimar et à Nîmes (Job).  Au figuré « qqn de lourd, pas dégourdi » (Andolfi). faviol, faviolas « étourdi, imbécile » Cévennes et Montpellier dans Alibert s.v. fava et .favar adj. « bavard ». Conservé également à Clermont l’Hér.  fabard « imbécile ». Cf. aussi faviolet
Dérivés  du latin faba « fève ».  Dans l’antiquité, la faba était la nourriture des Romains « d’en bas » et des porcs. De là le sens péjoratif en latin. Mais les historiens ne sont pas d’accord à ce propos.  En tout cas il était interdit aux Flamines de Jupiter de toucher ou même de nommer   des fèves  :  XII. Capram et carnem incoctam et hederam et fabam neque tangere Diali mos est neque nominare.

Pourtant , la fève, de couleur noire ou blanche servait à élire les rois pendant les Saturnales, fête du solstice d’hiver. Wikipedia :

« Les Saturnales (en latin Saturnalia, -ium,) étaient, durant l’antiquité romaine, des fêtes accompagnées de grandes réjouissances, célébrées en l’honneur du dieu Saturne, pendant lesquelles les esclaves jouissaient d’une apparente liberté et où tout était permis. D’abord du 17 au 21 décembre, puis plus tard du 17 au 24 décembre, cette fête de la liberté inversait l’ordre des choses et pendant un temps, les esclaves devenaient les maîtres et inversement.. On servait du cochon de lait dans des banquets qui donnaient lieu à de véritables ripailles. On suspendait des figurines au seuil des maisons et aux chapelles des carrefours »

Cette coutume s’est perpétrée à travers les âges. Les ripailles sont devenues des Galettes de roi et les Fèves des figurines. Les enfants deviennent ( ou restent?) des Rois. Ce renversement de l’ordre établi a lieu aussi pendant le Carnaval, en tout cas au Limbourg (Pays Bas,Belgique), en Wallonie (Belgique) quand le maire donne la clé de la ville et avec elle le pouvoir au Prince Carnaval. En Béarn, pendant une fête comparable,   Saint Pançard devient le patron.

fèves

       

Saint Pançard

Lle mot néerlandais boon « fève » a également des connotations « d’une chose sans valeur » par exemple dans l’expression voor spek en bonen littéralement « pour du lard et des fèves » en français « compter pour du beurre » ou même de confusion d’esprit dans « in de bonen zijn » littéralement « être dans les fèves  » en français « n’y rien comprendre; avoir perdu le fil » signification qui se rapproche de « l’imbécile » languedocien.

L’anglais bean peut signifier « objet sans valeur » , comme l’allemand Bohn. Une phrase full of beans est du nonsens.   Mr. Bean  n’a pas l’air d’un grand intellectuel.
Favalise «faible d’esprit »(Job) est dérivé de favo « fève » du latin faba « fève ».   Cette association est attestée à Clermont-l’Her. fabarot « imbécile » et Nîmes faviolet « naïf » (Job), feve (Andolfi).

Favelou « laurier-tin »(S) .cf.faviou

Voir aussi baraquet « haricot blanc; surnom des Espagnols ».

Banédja

Banédja, « montrer les cornes (en parlant des escargots) », dérivé de bano. Sens attesté à Aramon, Pézenas, Clermont l’Hérault et dans le Périgord.  Devenu  banétcher« sortir sans but précis » comme les escargots explique Lhubac.

Lors de la journée des parlers du Gard à Manduel, j’ai lu le texte en patois d’Aramon par l’abbé Brunel publié dans la Revue des patois galloromans, vol. 1(1887).(publiée par Gallica). Dans ce texte se trouvait la comptine suivante:

Cacalàusette,
Sors les banettes
Si les sors pas
Deman pleuvra

Et plusieurs personnes de Manduel m’ont confirmé qu’ils chantaient cela quand ils étaient jeunes. D’autres rimes sur les cacalause.

sort tes banettes

Bandido

Bandido « l’accompagnement des taureaux retournant au bercail par les gardians à cheval» (Camargue), est un « faux ami ». Il ne s’agit pas d’un emprunt à l’espagnol, puisqu’en espagnol bandido signifie uniquement « bandit ». En ancien occitan existait  le verbe bandir « déployer une bannière de façon à ce qu’elle flotte au vent ». Le verbe  bandir  vient du gotique bandwjan  « donner un signe ».  Bandwjan  est dérivé  du substantif  bandwa « signe ».  Bandwa  est à l’origine du mot  bande  « groupe de gens  »  sous-entendu « sous le même signe ». C’est la notion « groupe, bande, troupeau » qui est essentielle.

 Bandido  médiévale

Dans les langues germaniques nous le retrouvons: allemand Bande « troupeau, groupe », néerlandais bende, anglais band, qui avec le sens « groupe de musiciens » est revenu en français. (Pour en savoir plus tapez « etymology band » sous Google.)

En occitan moderne dans les Hautes Alpes bandir est « lâcher, délivrer », dans le  Champsaur bandir les bêtes « leur laisser tout le pré », à  Marseille « exiler » à Alès « chasser, lancer, envoyer ».   

Le sens d’origine du mot bandido a dû  être quelque chose comme « lâcher les taureaux au pâturage ». Je ne l’ai pas trouvé  dans les vieux dictionnaires du languedocien mais il est bien vivant en Camargue.

Les mot francais bandit, néerlandais bandiet  ont la même origine gotique, mais ils nous sont parvenus par l’intermédiaire de l’italien où le part. passé bandito  avait pris ce sens.

Le féminin bandita par contre y a gardé une signification tout près du sens camarguais : « droit d’usage d’un pâturage ».

Le Pégorier mentionne un adjectif bandit  (bos)  avec le sens « bois dont l’exploitation est défendue à cause des avalanches » dans le Briançonnais. S’agirait-il d’une évolution sémantique locale?