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Parran, parragine

Parran s.f., est attesté dans le Compoix de Valleraugue , mais uniquement comme nom de lieu : La parran de serre (T.1-29).

Etymologie : parran fait partie d’une famille de mots dont la racine *parra « barre » n’est pas attestée en latin, mais le  dérivé parricus « parc » à l’origine « enclos » est très répandu. La racine *parra est attestée à Camarès (Aveyron) : parro s.f. « pièce de terre de première valeur située près de la maison ».

Une forme parragine doit être à l’origine de parran s.f. « jardin près d’une maison, entouré d’une clôture » attesté en languedocien depuis le XIIe siècle. Parragine a dû exister aussi en provençal, puisque elle apparaît dans un texte provenant d’ Apt daté de 1040 : cum ortis et parraginis « avec des jardins et des enclos ».  Dans les différentes significations occitanes et ibero-romanes il y a toujours l’élément « barre » ou « enclos » : par ex.  espagnol parral « treille ».

Très proche aussi est le mot marseillais parriero « outil de bois ou de fer pour déboucher le trou par lequel la matière fondue doit couler ».

Ci-dessous les Parrans dans le Gard.

       

Panisso, panisse

Panisso. Dans tous les sites que j’ai consultés j’ai trouvé la définition suivante: « la Panisse est une spécialité marseillaise à base de farine de pois chiche. » Le pois chiche (Cicer arietinum) est une plante de la famille des Fabacées (ou légumineuses)(Wikipedia). Le pois chiche est cultivé dans les régions méditerranéennes; il est donc normal qu’on trouve des préparations à base de farine de pois chiches tout autour de la Méditerranée. A Nice la socca (étymologie inconnue; recette ici) est favori, en Ligurie la socca, en Sicile la panella (la recette ici) , à Gênes la fainâ de çeixai, etc. (Socca)

  
cicer arietinum

La panisse marseillaise est très bonne mais la récupération de cette spécialité par les Marseillais est un peu abusive. Mistral nous renseigne :

panisso « espèce de farine de pois chiches et de maïs dont les Génois pauvres se régalent, voir cruchado, poulènto; lâche, personne molle, à Nice. » Il donne l’exemple : A Marsilho vèndon de panisso, qu’il traduit : à Marseille on vend de la panisso.

Il s’agit donc d’une recette et d’un mot importés de Gênes. Mistral cite le mot italien paniccia  dans la forme et le sens spécifique de la Ligurie: Panissa « Polenta di farina di ceci. » (Source). D’ailleurs dans un site italien je lis : La panissa è uno dei piatti più tipici della tradizione genovese.

Casaccia Giovanni dans le Dizionario genovese italiano, Genova 1876, distingue deux prononciations différentes, et le premier comme subst. féminin, le second comme masculin. Les deux  ont été réunis dans un seul panisso par Mistral (ci-dessus):

Plusieurs réactions m’ont amené à regarder de plus près cette histoire. Voici le résultat: En ce qui concerne l’étymologie de panisso, c’est une homonymie qui m’a incité à en parler. Le latin panicium « millet » a donné en ancien occitan panitz, panis, en occitan moderne panis toujours avec le sens « setaria italica, sorte de millet ». En provençal a été formé un dérivé féminin panisso « sorte de millet », panissa à Nice, panisso dans la Vaucluse, (Mistral), à Marseille (Avril), et à Aix (Pellas), toujours avec le sens »millet » comme   panissa  en piémontais. Voir l’article panis

La première attestation de la panisse typique de Marseille est de 1839 dans le dictionnaire d’Avril, qui la définit ainsi :

« gateau de farine de maïs ou de pois chiches que font les Gênois résidant à Marseille et qu’ils vendent sur le cours ».

Il me semble que les Gênois ont vendu leur panissa avec une prononciation  gênoise : panissa, devenue panisse en français régional.

Italien paniccia est defini comme :  » farinata s. f., in alcune regioni italiane, minestra a base di farina di grano o di granturco; in Liguria, focaccia a base di farina di ceci. » D’après le FEW cette panisse marseillaise et  les mots du Nord de l’Italie qui désignent une minestra ou une boullie à base de farine de pois, de maïs , etc. seraient des dérivés de panis « pain ».  D’autre part la panisse « bouillie à base de millet »  viendrait du  latin panicium , de la panisse « bouillie à base de pois chiches » .  Je ne crois pas qu’on puisse les séparer.

Italien: paniccia s. f. 1 (tosc.) farinata | (estens.) poltiglia; fare paniccia di qualcuno, di qualcosa, (fig.) massacrare di botte qualcuno.

Toponymie.Le nom de lieu Panissière « champ semé de panis » doit être assez fréquent, en tout cas il y en quatre dans le Gard, dont un à Manduel :

Panar

Panar, pana « voler, dépouiller; nettoyer, torcher, essuyer ».

  • Il s’agit d’un mot languedocien et gascon, avec quelques attestations en franco-provençal de Lyon, probablement par emprunt à l’occitan. Un visiteur confirme: « pana était utilisé couramment par mon père au sens de « raoubar », càd « dérober ».
  • En provençal, dans quelques villages du Gard (La Roque-sur-Cèze), l’Ardèche, le Puy-de-Dôme et la Lozère (Thesoc s.v. « essuyer la vaisselle ») ainsi qu’en franco-provençal panar signifie  « nettoyer, torcher, essuyer » etc. sens qui viennent directement de pannus « chiffon ».

Le FEW rattache le verbe  panar au  latin pannus « morceau de tissu » et l’auteur explique  le lien sémantique ainsi :   Panar signifie  « couvrir quelque chose avec un tissu   pour ensuite le voler » comme le faisaient certains marchands pendant des foires ou marchés. Plus tard panar devient « voler, dépouiller » tout court.   Une explication qui ne m’a pas convaincu.

L’étymon pannus est à la base d’une très grande famille de mots dans tout le domaine galloroman. Dans le nord et l’est ( wallon, Flandres, lorrain, ancien et moyen français) le mot pan a pris le sens « gage, nantissement ». Ce sens  existe aussi dans les langues germaniques depuis les premiers textes: ancien haut allemand Pfant, phand, ancien néerlandais, dans une forme latinisée pandum (1114; EWN)., ancien frison pan, pant, tous avec le sens « gage ». D’après Grimm, suivi par EWN et FEW, il s’agit d’un emprunt très ancien au galloroman.

D’après le FEW (VII,562b) l’évolution sémantique de pan « chiffon, tissu » > « gage » et le  dérivé paner  qui prend le sens  « saisir comme gage  » s’expliquerait par le fait qu’à l’époque une quantité de drap était donnée au créancier comme gage. Mais je n’ai pas trouvé d’attestations de cette coutume.

Je crois qu’il faut partir du  latin pannus avec le sens  « morceau de drap, draperies, lambeaux ». C’est l’élément « morceau, partie de quelque chose » qui a pris plus d’importance au cours de l’évolution.  En ancien français ce sens est devenu prédominant. Godefroy définit L’ancien français pan signifie  « morceau, partie, portion de quelque chose » et il considère le sens « partie de vêtements ou tapisserie » comme secondaire. Le toponyme Panperdu « partie (de terrain) perdue (pour l’agriculture) » s’explique ainsi.
Le verbe paner, panner, (panir dans l’Est) a pris le sens  « saisir comme gage » au sens juridique. Le créancier prend un pan (une partie, un morceau) des biens du débiteur comme gage. Le verbe dérivé paner signifie « saisir un morceau, une partie », c’est-à-dire « saisir comme gage ». Ensuite en moyen français a eu lieu l’évolution de « saisir » >  » voler, dépouiller ». Par exemple dans les textes suivants: De .c. solz, pour ma paine, je vous ferai panner‘ (« De 100 sous pour ma peine je vous ferai saisir ») et un peu plus tard Les veves et beghines ont panneit ansimant (« Les veuves et beguines ont [-ils ] dépouillées également » ) (DMF). Ces deux attestations viennent du Nord du galloroman.

L’évolution sémantique  a été « dépouiller quelqu’un » > « voler, dérober quelque chose ».  Le problème qui subsiste est que le sens « saisir comme gage » n’est (pour le moment ?) pas attesté en ancien occitan. Il doit y avoir une raison spéciale juridique en rapport avec la différence entre le droit du Nord de la France (droit des Coutumes) et le droit dans le Midi (droit écrit) (Source) qui explique que ce sens juridique du verbe occitan panar n’est pas attesté. Mais cela ne contredit pas le fait qu’en provençal panar a pu suivre cette évolution ou qu’il s’agit d’une influence de la langue d’oïl sur l’occitan.

 

Panperdu

Panperdu. Toponyme du Gard.

D’après Mistral, il y a des Panperdus aux Saintes-Maries, à Chateaurenard, à Gaumont (Vaucluse), à Béziers, etc.

Panperdu signifie « mauvais pays »:  D’ounte siás? – De Pan-Perdu. « D’où êtes-vous? D’un mauvais pays. » Je ne suis pas sûr du sens du mot Rubina. Il faudrait vérifier s’il s’agit d’une bonne lecture du Cartulaire de l’abbaye de Saint-Victor de Marseille, mais il s’agit probablement de Roubine, toponyme fréquent dans le Midi qui désigne une « ravine; longue coulée d’éboulis creusée dans les terrains friables et déboisés; canal de faible largeur » (Pegorier). J’ai pu trouver le deuxième vol. de l’édition du Cartulaire de l’abbaye de Saint-Victor par B.Guérard; dans l’index l’auteur renvoie de Rubina > Robina. Mais le premier volume avec la charte 156 n’est pas disponible sur le web.

Dans le Compoix de Sommières on trouve également un Panperdu. L’auteur ajoute qu’il y a d’autres graphies : Pan viel, panviel, pant vieil. Surtout le graphie pant est intéressante, parceque elle montre que le scribe ne confondait pas pain et pan. La graphie avec -t final se trouve aussi en ancien français. Voir le Godefroy.

L’étymologie doit être pannus « morceau, partie ». Voir pana(r).

 

Coulée d’éboulis

Ola

Ola « marmite », oûla (S)


Une àoula  en bronze  de la Vallée d’Aoste,  utilisée pour faire la polenta.


C’est un autre mot que nos parlers ont conservé avec la forme et le sens latin, en latin classique aula, mais déjà Cicéron écrit olla et en latin il y a toute une série de dérivés comme ollicula ou ollula « petite marmite » et ollicoquus « cuit à la marmite » et ollarius  » relatif aux pots, aux marmites » et plus tard « potier », voir  l’article  olaire.

Il a aussi existé en ancien français et en français moderne oule dans le dictionnaire de Trévoux avec le sens « charnier à tenir un demi cochon dans le sel » ainsi que dans les patois. Mais en dehors de l’occitan et du franco-provençal généralement avec un sens spécifique comme « grand pot, pot en terre, pot au lait ». Par exemple  à Usiers (près de Pontarlier, Doubs) c’est un  « trou en terre qui sert de marmite aux bergers pour cuire les pommes de terre ». Par contre il semble qu’en occitan c’est le mot courant pour « marmite », comme en latin.

Dict. Toponymique du Gard.

La carte 349  ola  « marmite » dans  Lectures de l’ALF  donne une image tronquée de l’aire aula. Il faudra la compléter avec les données du FEW.

Dérivés :  olada ‘potée’ , olaire, oleta ‘petit pot’ olièr. Olla en catalan.