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Camba

Camba ‘jambe’ a eu un riche développement (voir ce lien s.v. camba et Alibert) en dérivés et composés.

Camba  vient du latin camba, gamba « articulation entre le sabot et la jambe du cheval » qui a remplacé le latin classique crus dans presque toutes les langues romanes, à l’exclusion des langues ibéro-romanes et une partie du gascon qui l’ont remplacé par le type perna « cuisse des animaux, jambon », espagnol pierna ‘jambe’. Camba a été emprunté au grec kampè ‘articulation’ d’abord par les vétérinaires. Ce mot montre clairement que le latin que nous parlons est la langue populaire.
La répartition géographique des formes avec g- et c- est curieuse et je n’ai pas (encore) trouvé d’ explication. La forme gamba se trouve en roumain, italien et la langue d’oïl, la forme avec c- en occitan, franco-provençal, rhetoroman. Serait-ce une influence du grec?

Voir aussi l’article anca « cuisse, fesse » du germanique hanka  « hanche ».

Cagnard

Cagnard « lieu chaud, endroit en plein soleil« . Dans notre région où le soleil peut taper fort , nous trouvons une grande famille de mots qui viennent tous du latin parlé *cania  « chienne  ». Quelques exemples: à Alès encagna « exciter, envenimer  » , l , cagno  » paresse  » , cagnotte  » coiffe de femme en indienne « , cagnoutà   » être la cagnoto à qn. »  Acagnarda « abriter une plante » , ou comme verbe réfléchi « se blottir au soleil » une expression qui se trouve déjà dans le Dictionnaire languedocienfrançais  de l’abbé de Sauvages paru à Nîmes en 1756.
En français cagnard  » paresseux, fainéant «.  A ce propos l’ abbé fait deux remarques :  » le François n’a pas de nom propre pour rendre cagnar  » et plus loin il écrit  » ceux qui prennent le soleil au cagnar sont des gens désœuvrés à qui on a donné probablement pour cela le nom de cagnar, qui est François dans ce sens, lorsque le Languedocien étoit la langue courante d’une bonne partie du Royaume & celle de la Cour.  » Voir ci-dessous n° 6.

Le mot *cania a été formé probablement déjà en latin. Nous le retrouvons en italien cagna et dans les patois du Nord de l’Italie cania a donné de nombreux dérivés, comme dans le Midi de la France. Dans le domaine de la langue d’oïl c’est le type chienne dérivée du masculin chien donc pas de cania qui domine.

*cania

Une question peut se poser : Pourquoi cania et pourquoi pas vacca ou n’importe quel autre animal? La réponse nous est donnée par l’astronomie: L’apparition de Sirius, l’étoile la plus importante de la constellation du Grand Chien, tombait dans l’antiquité en même temps que la solstice de l’été le 21 ou 22 juin.Un autre nom pour Sirius est Canicula. En Occident, la canicule était censée survenir au moment où Sirius se lève et se couche en même temps que le Soleil, c’est-à-dire grosso modo, au Moyen Âge , pendant le solstice d’été. Canicule ou Sirius se lève et se couche pendant cette période précisément avec le soleil et elle n’est donc pas visible.. Les croyances populaires attribuaient à la présence de Sirius les chaleurs plus vives de juin. Par métonymie cette période de grande chaleur est nommée ‘canicule‘.

La constellation  Canis major

La canicule tombe actuellement plus tard,  en juillet, parce que le soleil ne se retrouve pas exactement au bout d’une année à la même place dans le ciel ; il est en retard par rapport aux constellations, et ce retard augmentant tous les ans, le soleil se lèvera dans la constellation du Grand Chien successivement en août, en septembre, en octobre, et enfin en plein hiver. De telle sorte que, dans quelques milliers d’années, nos descendants accuseront peut-être la canicule de ramener sur la terre les froids rigoureux de l’hiver ! Pour tout savoir suivez le lien.

Cagno, cagne. A partir du sens « chienne », nous trouvons le mot cagne et ses dérivés avec des significations qui reposent soit sur la ressemblance physique d’un chien avec des objets comme par exemple des chenets, soit sur les traits de caractère des chiens qui cherchent un endroit au soleil pour ne rien faire (français cagnard  » paresseux « ), qui sont lâche, etc. Cagne et ses dérivés sont indigènes en occitan et ils ont été empruntés massivement par le français et les patois de la langue d’oïl. En occitan nous trouvons entre autres les groupes sémantiques suivants:

1. Descendance: Languedocien de la bono cagno « de la bonne sorte » (Mistral), mais en ancien occitan n’existent que des expressions péjoratives: de puta canha. Cette expression a dû naître dans un contexte comme « né(e) d’une chienne ».
2. Mauvais caractère : Languedocien faire la cagno  » faire la grimace, dédaigner » et provençal cagno « mauvais humeur ». A ce deuxième groupe appartiennent aussi acagna « irriter » (Var) et marseillais encagnar « provoquer », Alès encagna « irriter ». Emprunté par le français: caigne « femme de mauvaise vie ».
3. Qui a les genoux tournés en dedans : Marseille cagnous
4. D’autres animaux: ancien occitan canhot « milandre, chien de mer » ; argot parisien cagne  » cheval « .
5.Plantes. cagnots « petits chiens »,Orlaya grandiflora.
6. Divers objets creux : ancien occitan canha « genre de machine de guerre », plus précisément sorte de nacelle comparable à celle de l’E.D.F. d’aujourd’hui pour réparer les lignes en hauteur;  le tonnelon comportait un bras qui s’élevait en hauteur. A l’extrémité de ce bras était installé une grosse plate-forme sur laquelle les archers se plaçaient pour pouvoir tirer au-dessus des remparts. Celle-ci, au moyen d’un contrepoids ou d’un treuil, élevait au-dessus des fortifications des arbalétriers ou archers qui criblaient de flèches les défenseurs des courtines, puis étaient déposés sur celles-ci dans le but d’abaisser le pont-levis. Je pense qu’au Moyen Age cet instrument faisait penser à une « chienne », mais je n’ai pas encore trouvé d’images.

   

cagnotos

Languedocien cagnotte « coiffe de femme en indienne » a fait penser à une sorte de nacelle. Le français cagnotte a été emprunté à l’occitan, plus spécialement à l’agenais cagnoto « petite cuve utilisée pour écraser le raisin », de là « tirelire » et « somme recueillie dans une tirelire  »
6. Endroit ensoleillé cagnard , qui en français a pris le sens de « paresse, flemme » , mais pas en occitan comme l’a déjà remarqué l’abbé de Sauvages. Le mot cagnard est mentionné dans le TLF avec la mention « provençal et languedocien  » en ce qui concerne le substantif, l’adjectif cagnard « paresseux  » par contre est limité au nord du gallo-roman.

A Fleury dans l’Aude  cagnard a pris un sens sympathique:

Suivant le vent, s’il souffle comme aujourd’hui et qu’il soit fort, je connais des combes à l’abri du CERS où on retrouve ces petits bonheurs que les paysans appellent des cagnards, des petits pays en soi parce qu\’il y a la falaise derrière, que tout d’un coup on se sent comme un lézard sur la roche chaude… » Gaston Bonheur / Radioscopie 8 mai 1978. http://www.ina.fr/audio/PHD99229022

Voir le FEW II, 183

Cafo

Cafo « gousse » (Cantal), escafar « écosser les légumes, écaler les noix, les amandes » (M), escafijar « casser, broyer » (Die, Schook). L’étymologie est   d’après le FEW  l’ancien francique kaf « gousse, vannures ».  Panoccitan et Alibert citent la forme  cafi nom m. 1. détritus; 2. débris, balayures, résidus.

Ces mots ne se trouvent que dans le nord occitan et viennent du domaine d’oïl où cette famille a connu un très grand développement, mais elle n’est plus représentée en français moderne. Vous trouverez plusieurs attestations en moyen français  dans le DMF voir sous l’étymon kaf.

Cf. allemand Kaff et néerlandais kaf « balle », anglais chaff « balle de blé, détritus »

Brandar, brandado

Brandar « secouer , brandado, brandada « secousse, agitation (Alibert) ; mets provençal composé de morue, d’ail et d’huile », prêté au français  brandade depuis 1788. Spécialité de Nîmes.

Vous  devinez que la préparation demande de secouer la casserole. (Actuellement on ajoute de la crème et utilise un mixer, mais jetez un coup d’oeil sur le site: http://chefsimon.com/brand.htm) .

Etymologie : brandado est dérivé du verbe occitan et catalan branda  « remuer, branler, bouger », un mot d’origine germanique brand « feu ; épée ».   Le premier sens est conservé dans occitan branda « brûler, briller » provençal brandon, languedocien brandoú  « rameau vert que le peuple va chercher à la campagne le dimanche des Brandons » (M) (parce que le 1er dimanche de carême on fait  des torches qu’on agite en chantant). Abrandar (Aude), embrandar (Hérault) « brûler » (Thesoc).

brandons

En Suisse et en Belgique la tradition des Brandons s’est transformée en carnaval.

Le sens « feu » se retrouve en néerlandais branden « brûler », brand « incendie » brandewijn « eau de vie » littéralement « vin brûlé », qui a pénétré jusqu’à Marseille brandevin (Achard), de là anglais brandy. Voir aussi anglais brand « marque » du verbe brand « marquer avec un fer chauffé», appelé chez nous ferrade. Allemand Brand « feu », français brandir ou dans néerlandais branding « ressac » néerlandais brandnieuw « brillant» littéralement : »flambant neuf », comme anglais brand new (voir à ce propos et l’évolution la plus récente en anglais le site World Wide Words), brandish « brandir ».
Le sens  « épée »   est conservé dans bran « lame d’épée ; épée » à Lasalle (30), ancien frison brand « épée », ancien anglais brand « torche ; épée».

L’évolution sémantique a dû être « brûler » > » briller » > « bouger, secouer »

De brand est dérivé le verbe brandá « secouer (un arbre) » (S) et brandado.
A la même racine brand se rattachent languedocien. brandello « farandole languedocienne », le barandelaire « danseur de la brandello » ; léger, étourdi » et le verbe brandussá « agiter, secouer ».  Alès brandinejá « battre le pavé ; fainéanter ». Mme Poveda cite pour le parler de la Camargue se desbrando  » se dit d’un cheval qui se regimbe subitement ».

Boufigue

Boufigue « ampoule dans les mains » . Dér. de *bouf-  En occitan le sens va de « petite enflure » jusqu’à « vessie ».