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Tosela

Tosela « tauselle » orthographié en français également touzelle, tauzelle etc.
Charles Atger « Valleraugue. Petites histoires et anciennes coutumes », Le Vigan 1972 , p.12 écrit :

« La plupart de temps il [le paysan] faisait lui-même le pain du ménage avec la farine du seigle récolté à la ferme. Cette farine était mélangée à celle du froment ou de touzelle, achetée chez le boulanger et cela donnait un pain excellent….

J’ai repris le manuscrit de Seguier1, feuille 41 r.: touselle « lou blad lou pu pesant lou pu beu lou millou et aquel que fait lou pan lou pu blanc de tout lou languedoc ». et un peu plus loin : miscle: « blad mele de touselle et de siguie ».

tosela touzelle

Etymologie : cette image explique l’étymologie du mot : c’est un blé sans barbe autrement dit « tondu », ce qui s’appelait tonsus le part.passé du verbe  tondere, avec le suffixe -ellu.

Il s’agit d’un variété de froment cultivé uniquement dans les régions méditerranéennes. Le mot est également occitan, même s’il a été importé en français par Rabelais qui lui, savait de quoi il parlait, ayant fait ses études à Montpellier. Dans le Quart Livre des faits et dits héroïques du bon Pantagruel:

« cestuy home caché dedans le benoitier, aroyt un champ grand & restile, & le semoyt de touzelle « ,

contrairement à Jean de La Fontaine qui utilise le mot également dans : Le Diable de Papefiguière :

Le Manant dit :  » Monseigneur, pour le mieux,
Je crois qu’il faut les couvrir de touselle,
Car c’est un grain qui vient fort aisément.
– Je ne connais ce grain-là nullement,
Dit le Lutin. Comment dis-tu ?… Touselle ?…
Mémoire n’ai d’aucun grain qui s’appelle
De cette sorte ! Or emplis-en ce lieu :
Touselle soit, touselle, de par Dieu !

La Fontaine  a avoué à Richelet, l’auteur d’un dictionnaire, qu’il ne savoit pas ce que c’était. Pourtant le mot est resté dans les dictionnaires français jusqu’à nos jours avec la graphie tauselle. Enfin dans le TLF on le trouve avec la graphie touselle, touzelle.

Et pour terminer voici ce que l’abbé de Sauvages qui savait de quoi il parlait, a écrit à propos de touzelo,

 

L’histoire du pain de Gonesse  fait uniquement avec de la tauselle,  est confirmée dans ce site : . Du XVe au XVIIe siècle, le village se tailla une solide réputation pour la qualité de son pain fabriqué avec le blé du terroir, le pain mollet de Gonesse

Tartifle

Tartifle « pomme de terre ». Grâce à l’essor des sports d’hiver, tout le monde connaît aujourd’hui la tartiflette.

Les Savoyards croient qu’ils sont seuls propriétaires du  mot tartifle dont il est dérivé en oubliant qu’il appartient aussi au  provençal et au  languedocien de l’est (Ardèche, Gard). En plus toute cette région a emprunté le mot au dialectes du Nord de l’Italie : le  piémontais;  il est composé de terrae + tuber « terre + bosse, truffe » .

L’introduction de la pomme de terre en Europe s’est faite en deux phases.  Elle est venue du Pérou en Espagne au début du XVIe siècle et  de là en Italie où elle a reçu le même nom que la truffe : tartoufli, tartífoula.  De l’Italie elle a été importée en Suisse, notamment à Bâle, où le nom tartuffoli  a été adapté et transformé en Kartoffel, qui est devenu ensuite le mot allemand.   La forme suisse catofle  est bien implantée dans la région lyonnaise.

De la Suisse la plante est également importée dans le Dauphiné et probablement dans le Vivarais voisin ainsi qu’en Bourgogne au début du 17e siècle. 

Olivier de Serres qui vivait dans le Vivarais écrit dans « Théâtre d’Agriculture et Mesnage des Champs » 2e éd. Paris 1603 p.513 :

« c’est arbuste dict cartoufle porte fruict de mesme nom, semblable à truffes, et par d’aucuns ainsi appellé ».

La pomme de terre,  à l’époque  une plante rare, était considérée comme une sorte de truffe,  du latin tuber qui a donné en ancien occitan trufa (XIIe siècle) « espèce de champignon souterrain, truffe » et le mot trufo, trufa, désigne toujours la « pomme de terre »  dans beaucoup de patois galloromans et en même temps la « truffe » ou le « topinambour » comme par exemple dans le Gard. Pierre Larousse donne pour tartifle « nom vulgaire de la truffe ».

Enfin en provençal et en est-languedocien c’est le mot piémontais qui a été adopté tartifle qui en languedocien au début du XVIIIe siècle avait les deux sens :  « topinambour »  et « pomme de  terre » (Sauvages) .   En Ardèche, par exemple à Saint-Alban d’Ay existe une autre forme piémontaise trifólas , devenue triffoles  en français régional

La deuxième phase n’a eu lieu qu’’au XVIIIe siècle, grâce à Antoine Augustin Parmentier, quand la pomme de terre devient un élément de la nourriture quotidienne partout en France et que dans le vocabulaire l’élément truffe a été remplacée par pomme.

 

Tapenade

Sans câpres pas de tapenade!

tapenade(Wikipedia)

Cette préparation traditionnelle servie en hors d’œuvre est très à la mode. On la retrouve de plus en plus souvent sur le buffet des réceptions, des plus simples aux plus mondaines. Beaucoup de recettes sur le Web.

Le mot tapenade est dérivé de l’occitan tàpera « câpre ». Le câprier  est un arbuste épineux du  bassin méditerranéen originaire de l’Orient.  Il semble que  les Romains s’en servaient déjà, puisqu’ils  ont emprunté le mot capparis au grec.  Mais  l’utilisation des câpres comme condiment a dû se perdre  au début du moyen âge puisqu’on ne retrouve le mot  dans sa forme indigène dans aucune des langues romanes (en français cela aurait dû donner quelque chose  comme  * chapre ).

La câpre n’est pas un fruit mais le bouton floral du câprier cueilli tôt le matin avant que les fleurs ne s’ouvrent, confit dans l’huile, le vinaigre ou  la saumure .Les boutons floraux de moins de 1.5 cm sont appelés « nonpareilles » ou « surfines» , les plus grands « capucines » ou «communes ». Le fruit, appelé cornichon de câpre, plus gros, est rarement utilisé car son goût est très fort .(Si vous voulez tout, vraiment tout savoir sur les câpres et une centaine d’autres épices et condiments, demandez à votre moteur de recherche de trouver « Gernot Katzer’s Spice Pages ». Impressionnant . Deux photos tirés de ce site.

   

           Les premières attestations en français du mot caspre  datent du XVe siècle, emprunté à l’italien : cappari.  La graphie hésite entre  caspe, caspre  et enfin câpre depuis  la fin du XVIIe siècle. Dans la péninsule ibérique ce sont les Arabes qui ont réintroduit la câpre : en espagnol et en portugais alcaparra est issu de l’arabe kabbar  qui  vient également du grec. Presque toutes les langues européennes ont un représentant du mot grec pour désigner les câpres, par exemple allemand Kapern, néerlandais kapper ou le diminutif kappertjes, estonien torkay kappar etc. Le site de Gernot Katzer fournit le nom en 57 langues dont le Provençal.

Mais il y a une exception : en occitan nous avons une forme tàpena avec un t– au  lieu du c– initial ce qui n’est pas expliqué. On la trouve déjà en ancien provençal   tapera  et en provençal moderne tapeno ou languedocien tàpero. Larousse 1874 donne fr. tapène comme mot du Midi pour « câpres ». La forme avec t– initial se retrouve dans l’Italie du nord, piemontais : tapari, à  Gênes : tapani, à Menton : tapanu, en corse : tappanu, et en catalan : tapara ou tapera.

Le fait que cette forme est propre à la région  méditerranéenne, c’est-à-dire la région où  cette plante est naturelle, et le fait que ce mot ne se retrouve dans aucune autre langue romane, suggère que  la forme tapera  nous provient d’une langue pré-romane comme le ligure, une langue italo-celtique d’un peuple installé autour de la Méditerranée et dont nous avons gardé quelques mots  comme calanque et  surtout des noms de lieux qui se terminent par un suffixe en –oscu , –ascu  ou –uscu, comme  Flayosc (83) Aubignosc (04)  Venasque (  ),  Greasque (13), Blausasc (06). (Voir W. von Wartburg, « Evolution et structure de la langue française« . 6e éd. Berne,  Francke,1962).

L’accent circonflexe de câpre n’a aucune raison d’être. Peut-être un scribe médiéval  a rapproché câpre de l’adjectif âpre  où l’accent circonflexe représente à juste titre le s du latin asper. Une idée pour la prochaine réforme d’orthographe?

Tancar

Tancar v.n., v.r. « fermer avec une barre, boucher, arrêter » (A). En français régional tanqué « ressassié » (Lhubac); tanquer « se fixer, se placer, se caler » (And, qui ajoute « dans le milieu des boulistes une attitude de pieds joints, pieds fixés). En Camargue il y a des biou qui se tanquent, c’est-à-dire qui ont tendance à se tanquer dans les « angles » de la piste (suivez ce lien). A Sète « entrer en collision » tanquer contre un platane. (Covès).

Etymologie : Le latin connaissait l’expression aqua stans à l’accusatif aquam stantem « eau stagnante ». On suppose qu’un verbe *stanticare a été formé à partir de cette expression, avec le sens « arrêter l’écoulement de l’eau, du sang, etc. »qui a donné en ‘ancien occitan estancar « idem; rendre imperméable » (1300) et l’adjectif dérivé estanc « qui s’arrête » en parlant d’un écoulement de sang » (Béziers, 1300) . Ancien occitan estanca « écluse », provençal restanco « id; digue; morceau de bois qu’on place au travers du pétrin pour empêcher la pâte de s’étendre ». Un estanc est de l’eau stagnante, un étang. Anglais tank « réservoir, cuve, citerne; char (depuis 1915) a probablement la même origine.

Au XIIIe siècle le sens est devenu plus général (s’)estancar « (s’) arrêter ». Les attestations viennent surtout de l’occitan et du wallon. Comme celles du composé languedocien tanca-buòu « bugrane », également appelée « arrête-bœuf » (voir ci-dessous), qui se retrouve à 1000 km vers le nord, à Liège : stantche-boû et en italien stancabue.
Pour arrêter une branche pleine de fruits de s’incliner on utilise un estanc « étai, poteau » (aoc), dans l’Aveyron une estanco pour l’estonquà . Et quand on va destancà la porte, on va enlever la barre (Alès).
La notion « barre en bois  » prend le dessus dans ancien occitan tanc « chicot, écharde » (1220) « souche d’un arbre abattu » plus tard tanco « barre d’une porte » (S) ainsi que le verbe tancar « fermer la porte avec une barre » (XIIIe s.), « arrêter une roue avec une cale; enfoncer » et au figuré « attendre de pied ferme ». Nous voilà de retour chez les gros mangeurs qui sont tanqués  et les boulistes qui ont les pieds  tanqués!

En ce qui concerne la pétanque le  TLF écrit :

Mot d’orig. prov. Il vient de l’expr. pétanco «pied qui a la fonction d’une tanco, d’un pieu» (composé de «pied» et de tanco «étançon, pieu planté pour fixer quelque chose», du même radical que étancher*) d’où jouer à pétanque au sens propre «lancer sa boule le pied fixé au sol, sans prendre d’élan» (cf. BL.-W.4 et 5; FEW t.12, p.234a et 236b, note 11), déformé en jouer à la pétanque, peut-être à cause du bruit des boules de métal qui en se choquant «pètent» (DUPRÉ 1972). Le jeu passe pour avoir été créé à la Ciotat à Marseille en 1910, cf. l’inscription qui figure sur la plaque de la Ciotat: «C’est en l’an 1910 sur ce terrain que fut créé le Jeu de Pied-Tanqué». » (L ‘explication de Dupré, 1972, cité par le TLF  est de l’étymologie populaire ).

Il s’agit d’une interprétation « française ». Le panneau ci-dessus  prouve que le jeu s’appelle pied-tanqué.  Son nom vient du provençal « pèd tanco« , c’est-à-dire «  »pieds joints et fichés au sol », » au pluriel!

Cette miniature trouvée dans un site du CNRS montre que la pétanque  est bien plus ancienne!. Ou s’agit -t-il d’un autre  jeu de boules?

 
Il y en a un qui tanca.
Miniature trouvée dans un site du CNRS, magnifique!!. Cliquez ici ou sur l’image pour y aller!

Une autre attestation du jeu de boules: Au XVIe siècle, le 14 juillet 1592 le Consistoire protestant de Ganges a remonté les bretelles Jehan Olivié : Cest présenté Jehan Olivié. A esté censuré de avoir esté treuvé en jouant aux boules durant que le prêche se dicoict.

Tanca-buou « arrête-bœuf ». Bugrane (l’article en allemand est b

s’appelle ainsi parce que leurs racines traçantes font obstacle à la charrue, d’après Wiktionnaire. D’après Wikipedia allemand, les épines peuvent blesser le bétail aux pieds . Qui a raison?? Wikipedia italien donne: I nomi comuni tipo Arrestabue o Stancabue è inteso in quanto le spine di questa pianta non sono gradite da questi animali. Un altra versione ci dice invece che a causa del suo voluminoso ceppo radicale i buoi sotto l’aratro non poco faticavano quando il campo ne era infestato.

Autres langues

Catalan estancar « étancher », espagnol estancar « retenir, étancher; monopoliser un commerce (estanca « bureau de tabac) et portugais estancar « arrêter, fermer ». Le catalan connaît aussi les formes sans es- : tancar « fermer », tanca, tancada « se dit d’une personne inaccessible » etc. En italien stanco signifie « fatigué », un développement sémantique de effet > cause. Le même sens a existé en ancien occitan estanc (XIIIe) et en ancien français estanchier « tomber de fatigue ». Anglais to staunch « arrêter l’écoulement du sang » (1300) et breton stancguaff idem, ont été empruntés au français.
Pour les toponymes qui font partie de cette famille de mots voir Pegorier, s.v. Estan- (Oc), et Stang, Stankell (Breton)

Serpol, serpolet, serpolhet

Serpol, serpolet, serpolhet « serpolet, thymus serpullum », vient du latin serpullum, que les Romains avaient emprunté au grec ‘erpollon, un dérivé de ‘erpein « ramper ». Les auteurs romains avaient déjà rétabli le s- initial, pour le rapprocher de serpere « ramper ».

Les Occitans ont ensuite prêté le nom de la plante aux Français d’oïl, qui n’ont pris que le diminutif depuis 1500 environ.

Quand nous étudions les noms des plantes, nous constatons très souvent qu’l y a une grande confusion d’une part et beaucoup de noms différents d’autre part. Voir p.ex. Thesoc « thym », ou ici pebre. Ceci n’est pas le cas pour serpullum, qui désigne par-ci par là aussi le « thym ». Il s’agit d’une plante rampante. Le mot est donc très « motivé ». Il n’y a qu’une exception d’après le FEW, c’est Trèves (Gard) où serpoul est le « cerfeuil » et le serpolet s’appelle le roubenet. (Peut-être s’agit-il d’une confusion )

     

                Thym                                                                   serpolet                                     cerfeuil