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Blette

N’ayant jamais vu la blette avant de m’installer dans les Cévennes, j’ai cru qu’il s’agissait d’un légume  méridional et d’un nom occitan. On me disait  blette, bette  c’est pareil.  Mais Wikipedia a éclairé ma lanterne, et le

 

beta vulgaris L. subsp.vulgaris

beta vulgaris L. subsp.vulgaris

le TLF s.v. blette  donne la description que voici:

Ac. 1798 et 1932 donnent la forme blette (cf. aussi Littré, Rob. qui renvoie à bette). Ac. 1835 et 1878 admettent blette ou blète (cf. aussi Lar. 19e, Nouv. Lar. ill., Pt Lar. 1906, Lar. encyclop., Guérin 1892, DG et Quillet 1965). Besch. 1845 écrit : ,,blette mieux que blète« . La forme blite se trouve dans Ac. Compl. 1842 (qui renvoie à blette), Besch. 1845 et Lar. 19e(qui la traite comme un synon. de blette). La majorité des dict. signale que la plante de la famille des chénopodées a également le nom de épinard-fraise (cf. par ex. Lar. 19eet Littré). Elle signale aussi que blète ou blette est le nom que l’on donne dans certains pays à une variété de carde ou ,,poirée qu’on nomme plus souvent carde poirée«  (Ibid.). Homon. et homogr. Cf. blet. Étymol. et Hist. 1379 (Jean de Brie, Bon Berger, 149 dans T.-L.); 1790 blete ou blite dans Encyclop. méthod. Méd. Empr. au lat. médiév. bleta, forme citée dans André Bot., attestée aux ixexies. (Glossae latino-theodiscae, III, 549-50 dans Mittellat. W. s.v., 1507, 68) croisement du lat. bēta « bette, poire » (Pline, Nat., 19, 113 dans TLL s.v., 1942, 45) et blitum de même sens (gr. β λ ι ́ τ ο ν) le rapprochement entre les deux mots est très anc. en lat. (Plaute, Pseud., 815, ibid., 1942, 30); blite serait un empr. dir. au lat. blitum; v. aussi bette.

FEW I, 410 :

FEW blitum

Déjà en latin bēta « beta vulgaris vulgaris » et blitum « amaranthe » sont confondus. Le FEW a rangé dans l »article bēta  « blette » toutes les formes avec –l-    qui désignent les « bettreraves » ou la « poirée » comme par exemple l’ancien occitan blet et bleda.   Le maintien du -t- intervocalique  dans les parlers galloromans  n’est pas expliqué.  On a pensé à une origine celtique, mais il n’y a pas  d’attestations.

FEW I,  344    beta « mangold » (= blette).  Lien direct.

La première attestation de bled « betterave »  vient de l’ancien occitan. On  trouve blet, blette « betterave, poirée » surtout dans les parlers de l’Est de la France, de la Meuse jusqu’au  franco-provençal et l’occitan. Pour le sens « amarante, blette »  voir ci-dessus.  Le mot n’est bien attesté  en français que depuis le XVIe siècle. J’ai l’impression qu’il s’agit d’une influence des parlers occitans ou de ceux de l’est.

Dans de nombreux parlers occitans  la betterave s’appelle la blétarabo, blétorabbo  (beta rapacea L.). Voir Rolland Flore 9, 142-148

 

 

apiastro ‘renoncule scélérate’

Apiastro « renoncule scélérate ». Apiastro est un dérivé de apium « céleri »  devenu api, lapi en occitan. . D’après Rolland Flore le nom  apiastrum  est déjà attesté chez Pline, mais je ne l’ai retrouvé dans aucun dictionnaire latin. Dans mon article api « céleri », j’ai ajouté un paragraphe sur l’apiastro  copié  partiellement de Wikipedia:

 L’auteur de l’article Wikipedia écrit : « La plante était connue au Moyen Âge comme « Céleri du rire » car son ingestion provoquait un rictus sur le visage de la personne empoisonnée. », mais je ne l’ai pas retrouvé dans les articles en allemand ou néerlandais qui disent que son ingestion rend gravement malade. Par contre frotter la peau avec le lait de cette plante provoque des ampoules, un moyen pour les mendiants pour se faire prendre en pitié.

apiostra

apiostra

Ayant fait quelques recherches sur le nom céleri j’ai découvert que ce mot n’a été introduit en français qu’au XVe siècle (CNRTL céleri). En réalité elle s’appelait  ris sardonien  ou l’ (h)ache riante :

Extrait de: Grévin JacquesDeux livres des venins , ausquels il est amplement discouru des bestes venimeuses, thériaques, poisons & contre-poisons, par Jacques Grévin,… Ensemble les oeuvres de Nicandre,… traduictes en vers françois., Anvers, Plantin, 1568. En ligne sur Gallica

Dans Rolland Flore populaire I, pp. 55-56  vous pouvez voir que le ranunculus sceleratus ne s’appelait nulle part « céléri du rire »., mais ache de ris, ache de risée, etc. ou avec un adjectif dérivé de  sardonia , comme  herbe sardonique, ache sardoine en français. Ache de ris doit être une abréviation de ache de ris sardonique, le ris sardonique est défini pour la première fois par Ambroise Patré  (XVIe s.) comme « un rire convulsif causé par une contraction des muscles du visage et qui donne à la bouche un caractère de moquerie méchante ». (FEW XI, 229).

D’après Rolland Flore I, p.57 passait cette plante autrefois pour causer des empoisonnements qui provoquaient un rire particulier, le rire sardonique.La Seyne  tronche d’àpi est une insulte, ce qui pourrait être une réminiscence du rire sardonique.

En ancien occitan est attesté le nom apiastro pour le « ranunculus sceleratus« ,  la renoncule scélérate ou renoncule à feuilles de céleri, en français.

 

 

Gara ‘croix de Malte’

Gara « tribulus terrestris » 1

Wikipedia :

Le Tribule terrestre (Tribulus terrestris L.), également appelé Croix-de-Malte, est une plante appartenant à la famille des Zygophyllacées, dont elle est l’un des rares représentants en Europe. Indigène en Méditerranée, …… Certains utilisent l’extrait de cette plante pour une stimulation de la production de testostérone, qui n’a jamais été démontrée scientifiquement. Le fruit porte des piquants suffisamment solides pour crever un pneu de vélo.

gara

gara

D’après Mistral, s.v. garo « croix de Malte » cette plante s’appelle aussi clavelado ou trauco-peirau. D’autres composés avec trauc-  noms de plantes dans l’Alibert, mais pas celui-ci.

Étymologie  de gara inconnue.

D’après Solerius il y a 2 sortes de tribulus: le tribulus palustris, inconnu des officines et appelée « chastaigne d’eau » par les Gaulois; et le tribulus terrestris , la chauchetrappe des Gaulois; en Provence (litt.  » dans notre région ») caucotreppo  ou autuolo.

Solerius_TribulusEn ce qui concerne  l’étymologie de chausse trappe ou  caucotreppo voir le FEW II, 65 ou le CNRTL.

  1. Flore de Montpellier ou analyse descriptive des plantes vasculaires de l’Hérault par H. Loret et A/ Barandon, Seconde édition revue et corrigée par Henri Loret. Montpellier, Paris,1888.

api ‘céleri’

Api « céleri »  vient du latin apium  FEW XXV, 14b . Grâce à Racine et  Daudet  le mot se trouve encore dans le TLF :

« … sa façon de donner aux objets des tas de noms baroques, d’appeler les céleris des api, les aubergines des mérinjanes, la faisaient, elle [Audiberte], Française du Midi, aussi égarée, aussi étrangère, dans la capitale de la France, que si elle fût arrivée de Stockholm… A. Daudet, Numa Roumestan,1881, p. 107.
Rem. Attesté ds Littré (qui écrit apy), DG et Quillet 1965.
Etymologie … Empr. au prov. api « ache » (lat. apium, ache*) dep. Daudé de Prades, xiiies. ds Rayn., 1.2, p. 104a; l’api empl. par Daudet, supra est le mot prov. lui-même;
ache des marais

ache des marais

D’après le TLF s.v. ache , le latin apium ne désigne pas seulement « appium graveolens » ou l’ache sauvage, mais plusieurs ombellifères:

Du lat. apium (plur. apia) désignant un groupe de 6 plantes ombellifères, d’apr. André 1956, s.v., cf. Pline, Hist. nat. 19, 123 ds TLL s.v., 239, 62 : plura genera sunt … apia. Id enim quod sponte in umidis nascitur, helioselinum vocatur …, rursus in siccis hipposelinum …, tertium est oreoselininum … et sativi; attesté dep. Virgile, Églogues, 6, 68, ibid. 240, 22 (floribus atque apio crinis ornatus amaro) où il désigne l’apium graveolens L., var. sativum (d’apr. André, loc. cit.). Le fr. du nord ache et la plante qu’il désignait furent évincés par le céléri*, plante comestible, obtenue en culture par modification de l’ache et importée de Lombardie; ache conservé dans la langue des botanistes, et sporadiquement comme nom d’une variété comestible cultivée dans les jardins; voir aussi api2.

Api ou apit en ancien occitan, ache, aiche en ancien français désigne le céleri sauvage ou ache des marais.  Les attestations  de api « céleri » en français sont rares; le mot se trouve uniquement  dans les parlers franco-provençaux et occitans, api, apit et avec agglutination de  l’article dans l’est-languedocien et le gascon lapi.

Dans le Nord de la France ache est remplacé par céleri depuis le XVIIe siècle. Le progrès de   céleri au dépensde api est bien illustré dans la Lozère où , d’après les données recueillies par Rudolf Hallig entre 1932 et 1934, le nord du département a le nom céleri, le sud a conservé lapi. La zone api  s’étendait plus vers le nord au début du siècle quand Edmond a fait les enquêtes pour l’ALF. Ci dessous la carte céleri tirée du livre Lectures de l’ALF   .

CeleriALF

céleri

céleri

Dans le Var  est attesté le dérive  apioun « ache ». L’apium graveolens  s’appelle  eppe en neérandais, eppich en allemand, appio  en italien, api, apit en catalan, apio  en espagnol, aipo en portugais.

D’autres ombellifères ont un nom composé avec api. Dans le Gard la berle ou cresson sauvage (berula erecta) s’appelle  api bouscas  (bouscas « sauvage, bâtard).

api bouscas

api bouscas

Dans l’Hérault, le Lot et le Tarn l’ammi élevé s’appelle api fol, dans le Tarn-et-Garonne lapi fol, à Frcalquier api fer.

api fol

api fol

En ancien occitan est attesté le nom apiastro pour le « ranunculus sceleratus« ,  en français la renoncule scélérate ou renoncule à feuilles de céleri, ce qui me rappelle qu’à La Seyne  tronche d’àpi est une insulte.  L’auteur de l’article Wikipedia écrit : « La plante était connue au Moyen Âge comme « Céleri du rire » car son ingestion provoquait un rictus sur le visage de la personne empoisonnée. », mais je ne l’ai pas retrouvé dans les articles en allemand ou néerlandais qui disent que son ingestion rend gravement malade. Par contre frotter la peau avec le lait de cette plante provoque des ampoules, un moyen pour les mendiants pour se faire prendre en pitié.  Une tronche d’àpi ?

apiostra

apiostra

Le mot céleri vient de la forme lombarde seleri emprunté au grec σελινον . Voir FEW XI, 416.   En moyen français écrit avec sc-.   Je ne sais qui a décidé de supprimer le s- pour simplifier l’orthographe.

Tueis, tuy ‘if’

Tueis, tueï « If [et non thuya], arbre de la famille des taxacées (Taxus baccata) est attesté en Provençal (par exemple à La Seyne) et dans le Périgord.  Il y a dans le domaine occitan et franco-provençal deux formes : teis tech, tatch   « if » ou le dérivé  tasiñe « laurier-tin » (Alès)  qui viennent du latin  taxus  « if », mais aussi les formes tueis, tuei, tuy « if » qui ont subi l’influence ou viennent directement du grec τόξον (toxon) « arc à tirer ». L’explication de cette évolution sémantique  se trouve dans le fait que le bois de l’if était considéré comme le meilleur pour la fabrication des arcs  et des arquebuses. Grâce à Internet archive  j’ai pu retrouver la source de cette information :  Warburg Otto,  Die Pflanzenwelt 1, p. 343:

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If millénaire breton.

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                                                               Chalet Les Touisses

Dans le FEW XIII/1, 147b   von Wartburg écrit que la présence du mot en Périgord ne peut être un argument contre  cette étymologie grecque, parce que ce n’est pas rare de trouver des mots grecs qui se sont répandus à partir de Marseille dans tout le domaine occitan.  Nous retrouvons la forme provençale dans le toponymes comme La Touisse, Les Touisses. Voir le Pégorier, s.v. Tueis et Tuy

La latin taxus est aussi à l’origine de l’italien tasso, du catalan teix, de l’espagnol tejo, du portugais teixo et a été emprunté par le breton ; taouz.

Corominas propose une influence du mot thuya ce qui est rejeté par von Wartburg   pour des raisons  d’ordre phonétique.