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Titolet

Titolet est un diminutif de titol « titre; point sur le i » (Alibert)  et vient du latin titulus « titre, inscription; écriteau » (Gaffiot).

Une visiteuse m’écrit: « expression utilisée pour désigner un objet dont on a oublié le nom. On l’emploie aussi pour désigner le point sur le i . Botar los titolets ou titolar  » mettre les points et les virgules ». Le sens « point sur le i » est bien occitan. Il n’y a pas beaucoup d’attestations, mais celles données par le FEW viennent de Barcelonette et du Béarn. Le sens donné par ma visiteuse doit être dérivé du « point sur le i » qu’on oublie souvent.

Pour Lhubac le titoulet ou titourlet est « le cochonnet de la pétanque ».

    

Une autre visiteuse m’écrit: « Chez moi (ma grand-mère était occitanophone de Capestang), on a toujours parlé du « titolet » de la cocotte minute, en désignant la soupape. J’ai cru longtemps que c’était le vrai nom de ce petit objet. »

Louis Rouquier (Puisserguier) a utilisé le verbe titoulejà avec le sens « exagérer », ce qui s’explique à partir de l’expression « mettre les points sur les i ». Pour les modélistes français un titolet est un planeur.

Titolet, Titoulet est aussi un nom de famille. L’origine de ce nom doit être le même mot titulus > titol en ancien occitan avec le sens « fonction qu’on a à remplir »

Peyremale, peire

Peyremale. Un visiteur m’écrit: Je me pose des questions sur l’origine du mot PEYREMALE (nom de l’une des falaises qui dominent Anduze), je suis allé voir chez vous, mais sans succès. Il semble évident que ce vocable signifie « mauvaise pierre », mais je me méfie des faux amis.

Dans le dictionnaire topographique du Gard, je trouve une Peyremale à Genolhac, dont la première attestation date de 1050: Castrum Petra Mala, ce qui veut dire « mauvaise pierre ». Une autre Petra Mala se trouve dans la commune de Bagnard. Je ne crois pas que ce sont des faux amis. Mais vous avez raison d’être méfiant. La forme peyre n’est pas régulière. Le -è- bref du latin aboutit régulièrement à la diphtongue -yè- comme dans fyeiro « foire ».  Pètra  aurait dû aboutir à *pyeira. Il s’agit d’une exception, peut-être due à l’emploi frequent du mot petra, Petrus dans le latin de l’Eglise.


L’église de Peyremale (Gard)

Surprise! Il y a beaucoup de toponymes avec Peyre- dans le Gard et aussi quelques-uns avec Pierre-: Pierre-Bladière (Valleraugue), Pierrefeu (Peyrolles), Pierrelong (Mialet). Les premières attestations de plusieurs de ces « Pierre » ont la forme languedocienne Peyre : Pierremorte (Courry) est encore  La Peiremorte en 1768,   Pierrefeu (La Calmette) est A Peyrafuc en 1288 !.
Plus intéressants sont deux toponymes « faux amis » : Piéredon (montagne à Chusclan) qui s’appelle Podium Rotundum dans une charte (date?),  Piégaren < Podio- Garenco dans un cartulaire de 1233, et Puech Garen en 1789. Dans le dép. de l’Aude il y a plusieurs Puechredon qui dans les chartes s’appellent également Podium Rotundum.

Latin podium a donné puech, pueg en languedocien ( Voir l’article  puech), mais notamment à Alès (Gard) est attestée la forme piè « éminence, colline ». Dans la commune de St.Martin-de-Corconac, il y a(vait?) une ferme avec le nom francisé La Pierre Redonne. Je pense qu’il s’agit là d’une fausse traduction de Pié-redon « colline ronde », et qu’il faudrait revoir l’étymologie de plusieurs toponymes de la région qui commencent avec pie-.

Mon visiteur avait donc raison de se méfier des « faux amis ».

Grifol, grifou

Grifol, grifou, ifou dans le Gard et l’ Hérault  (Thesoc) « fontaine (publique) » le plus souvent « grande fontaine monumentale sur la place du village ». Il n’est pas clair ce qui est arrivé au gr- initial ( > ifou) dans le Gard et l’Hérault. Cette forme n’est pas mentionnée dans les vieux dictionnaires.  On trouve aussi la forme griffon attestée à Marseille avec le sens « robinet » comme à St-André-de-Valborgne. A Montmorin près de Gap griffou a pris le sens « auberge » et l’aubergiste est devenu un grifounier, le seul à avoir un robinet?

Etymologie :  gryphus « griffon » + -ulus. Ce sont les croisés qui ont ramené du proche Orient le goût de des animaux imaginaires, qui dans le monde islamique date de l’époque des Fatimides. De l’Egypte ils ramènent au début du XIIe siècle le fameux Grifone qui est exposé au Camposanto à Pise:

« L’imponente statua in bronzo del Grifone (o Grifo) è opera di artigiani islamici, risalente al periodo Taifa (1031-1086) e proveniente quasi per certo dalla Spagna come preda di guerra di una delle tante battaglie vinte dai Pisani contro i Musulmani, probabilmente quella delle Baleari (1113-1115). » Wikipedia.


Sa renommée se répand rapidement dans toute l’Europe. Les artistes et les artisans rivalisent dans l’art de faire des Griffons devenu une source intarissable d’inspiration; c’était beaucoup mieux qu’un Lion et le Griffon était dans l’air du temps. Toute commune qui se repectait voulait avoir son Griffon sur la place centrale.

Le sens  « fontaine »  apparaît en occitan à la même époque.  Les mécènes ont remplacé la fontaine ordinaire sur la place centrale des villes et des villages par un grifol.  Un visiteur me signale que le mot se trouve  dans le DuCange . Cela  m’a incité à approfondir cette histoire. Du Cange écrit : « Grifoulus, Vasconibus Grifoul, Fons saliens, in Hist. Eccl. D. Fleury lib.. 97. num. 3.  » ( Traduction: Pour les Gascons le grifoul est une grande fontaine). La source de Du Cange est l’ Historia Ecclesiasitca de Hugues de Fleury. qui date du début du XIIe siècle.

Le griffon fait partie de toutes les mythologies du Moyen Orient.

Littérature. Les bestiaires du Moyen-Age dérivent tous, plus ou moins directement, d’un ouvrage grec du IIème siècle  « le Physiologus ». L’auteur inconnu cherche en premier lieu à associer à chaque animal (qu’il soit réel ou légendaire), une signification chrétienne.  Il a été traduit en latin dès le IVème siècle. Le « Physiologus » a exercé une influence déterminante sur toute la chrétienté. Par le biais des nombreux manuscrits, souvent illustrés, les monstres de l’Orient et de l’Antiquité gréco-romaine ont ainsi pénétré l’imaginaire des hommes du Moyen Age. A partir du XIIème siècle, apparaissent des traductions en langue vulgaire. On note ainsi plusieurs bestiaires dont ceux de : Philippe de Thaon, qui rédige vers 1121 son « Bestiaire », dédié à la femme de Henri Ier Beauclerc, roi d’Angleterre et duc de Normandie (Source).

Sculpture et architecture.

                                              

Grifol de Toulouse

Un de mes visiteurs m’a écrit: « Je trouve, sur un site internet consacré à Montagnac, une note sur l’approvisionnement en eau : « A partir de ce bassin va partir ce qu’on appelle un aqueduc, d’abord une suite de tuyaux de terre mis bout à bout et à l’air libre traversant des propriétés privées et qui conduit à la Fontaine du Griffe. Tout semble terminé le 23 juin 1667 puisque les consuls annoncent « l’eau a commencé à couler au Griffe« . La fontaine ne coule plus mais elle existe toujours avec ce même nom.

Le dictionnaire de toponymie de l’Hérault, de Franck Hamlin, complète : « Ruisseau de Griffout (Pardailhan). Ruisseau de Griffouls (Ferrières-Poussarou). La Plassel del Griffoul (Azillanet) en 1657 (Compoix FD IV. 11). Lou Griffoul, 17e s. (Sahuc, Ville de Saint-Pons, Inventaire des archives communales antérieures à 1790, p. 111), loc. non ident. aux environs de Saint-Pons. Occ. « Grifol« , source, fontaine. La Font du Griffe, bergerie (Montpeyroux) variante du même terme ». Le nom de famille Lagriffoul est porté à Pézénas et dans les environs.

Pour moi, c’est ce genre de Promenades Etymologiques que j’aime. Relier le nom de la « fontaine (publique) » dans un village à une sculpture volée aux Egyptiens pendant une Croisade du 12e siècle, c’est exactement ce qui me plaît. Cela fait rêver.

Hamlin donne aussi Griffoulas un dérivé de l’occitan « grifolàs »  massif de houx, car il ne s’agit pas d’une fontaine qui coulerait avec abondance mais d’un lieu dit concernant un col de la commune de Saint-Julien. Il note  que le mot « grifol » désigne un grand houx (ilex aquifolium). (Voir à ce propos mon article  agreu  « houx »)

Margot

Margot signifie « pie » dans des parlers de l’Allier, des Bouches-du-Rhône; la Drôme et de l(Hérault.

On peut se demander quel rapport peut-il y avoir entre une pie et les nombreuses autres sens comme  un ersatz pour le beurre, une jeune fille, une pâquerette, la Reine Margot, une coccinelle, une mitrailleuse, une perle et un cordage maritime? V

                                     

L’histoire du mot latin margarita telle qu’elle est racontée par Walther von Wartburg  dan s le FEW montre clairement à quel point sa conception de l’étymologie est riche d’enseignements. En partant de l’étymon, l’histoire de chaque mot est racontée et expliquée  dans son contexte géo-linguistique et social.

Dans un dictionnaire étymologique ordinaire vous trouverez quelque chose comme margot « pie, du nom de jeune fille Margot forme abrégée de Marguerite du latin margarita « perle »  empruntée au grec. Éventuellement l’auteur rattache le mot grec à une racine indo-européenne et au Sanskrit parce que les Grecs ont importé les perles de l’Inde.

Dans le FEW par contre vous trouverez dans l’article margarita « perle » tous les mots, toutes les formes et toutes les significations qui se sont développées en galloroman et très souvent dans les autres langues romanes et germaniques. Pour avoir une idée de la richesse du FEW regardez la page que j’y consacre.

Le mot latin margarita « perle » est emprunté au grec. Il  est venu de l’Inde avec la chose au temps de Cicéron, premier siècle  av. J.-C. Les Romains adoraient les métaphores et ils ont dû faire comme nous en faisant un compliment à leur femme « margarita  es ! » Macrobe dit que pour l’empereur Auguste margarita était un terme de tendresse. Plus tard ils ont donné le nom Margarita à leurs filles. Sainte Marguerite d’Antioche (IIIe s.) par exemple est devenue très populaire.

                                                Sainte Marguerite d’Antioche

Tellement populaire que de nom propre Margarita est devenu nom commun *margarita « jeune fille ». Margot devient margot « femme » ou « jeune fille ». Par la suite nous constatons une évolution sémantique « femme » > « femme de petite vertu ».  Cette évolution est récurrente. En français le mot  fille par exemple a pris ce sens  depuis François Villon dans l’expression  « aller voir les filles ».   A partir du XVIe siècle nous avons des attestations sûres de margot ‘ femme ou fille de petite vertu’, transformé plus tard en margoton, puis goton.

J’ai l’impression en parcourant les définitions données pour margot  « fille peu modeste, drôlesse, d’humeur galante; petite personne sans conséquence,  de moeurs relâchées » etc. que le mot margot a une nuance affective. En néerlandais également Margriet abrégé en Griet est devenu nom commun griet ‘femme, fille’, comme  en allemand Gretchen  peut signifier « jeune femme ».

Déjà au XIVe siècle est attesté margot avec le sens « pie », bien avant que Jean de La Fontaine publie sa fable de Margot la pie (1694) et ce sens est bien vivant dans les patois.  Emprunté par le breton margot ‘pie’ et par l’anglais magpie. Alibert donne la forme margassa ‘pie-grièche’ qu’il fait venir de darnagas  « pie grièche », mais je pense qu’il s’agit plutôt d’un dérivé de margot avec changement de suffixe. La pie grièche est un oiseau soi-disant ‘cruel’.

margot ‘femme bavarde’ n’est attesté que depuis 1803, mais a dû exister bien avant cette date. L’argot anglais mag est associé au bavardage des femmes depuis 1410 au moins dans l’expression : Magge tales ‘nonsens’; magpie ‘pie’ depuis 1605.

Margarita ‘perle’. Il faut faire un pas en arrière. Le français et l’occitan sont les seules langues romanes où margarita a gardé le sens ‘perle’ : ancien français margerie et ancien occitan margarida. Il est passé en ancien anglais margeri perle, et toujours utilisé comme prénom Margery. Un sens figuré existe dans l’ Aveyron : morgoridos ‘appendices charnus de la chèvre’. Et Mistral donne comme languedocien l’adjectif margaridat pour une chèvre ‘qui a le cou mamelonné’.

morgoridos   Margery  bourgeon

Au XIIIe siècle margarite avec le sens ‘perle’ est de nouveau été empruntée au latin, mais le mot est fortement  concurrencé par perle. Nous ne la retrouvons que dans la vieille expression « Jeter des marguerites aux/devant les pourceaux », une référence à la Bible et en particulier à l’Evangile de Matthieu où l’on peut lire : « Ne donnez pas aux chiens ce qui est saint et ne jetez pas vos perles [dans la traduction moderne]devant les pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux pieds et se tournant contre vous, ne vous déchirent ».  Pour connaître les expressions correspondantes dans d’autres langues, cliquez sur ce lien.

Détail du fameux tableau Proverbes flamands de Pieter Brueghel l’Ancien

Le mot perle a remplacé marguerite  parce que marguerite signifie aussi »‘pâquerette » depuis le XIIIe siècle et plus tard « la grande marguerite » probablement par comparaison des bourgeons des pâquerettes ou des marguerites qui ont un aspect nacré, à des perles.  Voir la première image ci-dessus. Au XVe -XVIe siècle on distinguait la petite marguerite, occitan pitchouno margarido (Toulouse) de la marguerite / margarido tout court (leucanthemum vulgare). Ensuite la pâquerette devient la margarideto.

Avec différents adjectifs le même nom a été donné à bien d’autres fleurs. Le transfert sémantique de margarita « perle » > « fleur » s’est répandu dans toutes les langues romanes et même au delà : italien margheritina, espagnol et portugais margarita, catalan margarida, anglais marguerite (maintenant daisy), néerlandais margriet.

Reste la margarine. Je copie ce que j’ai trouvé dans un site sur le chimiste français Chevreul qui l’a inventée:

  margarine.

Il débuta par l’examen d’une substance obtenue en délayant le savon de la graisse de porc dans une grande masse d’eau. Une partie se dissout, une autre se précipite en petites paillettes brillantes, sorte de matière nacrée. Cette matière nacrée, attaquée alors par l’acide muriatique, se sépara en chlorure de potassium, et en un autre corps composé fusible vers 56°, qu’il proposa d’abord de nommer margarine, du grec margaritha perle’. La matière nacrée constituait sa combinaison avec la potasse. L’existence de ces composés soulevait un problème non moins général et inattendu, celui des acides organiques insolubles dans l’eau. Or l’existence d’un acide de ce genre parut si extraordinaire, si contraire à tous les faits alors connus, que Chevreul hésita d’abord et n’osa se prononcer. Ce ne fut que plus tard, après avoir préparé et étudié les sels de composition définie que ce corps formait avec les alcalis terreux et les oxydes métalliques, que Chevreul se décida à changer le nom de margarine en celui d’acide margarique. Ce nom aurait dû rester dans la science ; mais par suite de cette manie, trop fréquente dans les sciences naturelles, de démarquer le linge de ses prédécesseurs, on a remplacé le nom d’acide margarique par celui d’acide palmitique » .http://hdelboy.club.fr/Chevreul.html

  Le cocktail Margarita doit être servie dans un verre à margarita givré au sel fin.  ce qui donne un aspect nacré au sel.

Dans le roman historique Les Roses de la vie  Robert Merle.  utilise régulièrement l’expression à la franche marguerite « franchement, sans détours » qui est attestée depuis le XVIe siècle. En occitan a la franco margarido. L’expression semble encore être vivante en Suisse romande. L’origine est inconnue. Peut-être est-elle liée à la vieille tradition d’effeuiller une marguerite. :  A chaque pétale arraché correspond un sentiment d’un homme ou d’une femme : « Il/elle m’aime un peu – beaucoup – à la folie – passionnément – pas du tout ». Au dernier pétale arraché correspond la réponse à la question « m’aime-t-il ? ». La réponse est a la franco margarido.

effeuiller une marguerite

Margaridelhas. Un dernier exemple du riche développement de  margarita : ‘je trouve le dérivé suivant: margaridelhas les « 4 rondelles de l’enclumette » . (Alibert)

margaridelhas

Magnolia

Magnolia. C’est en 1703 que Ch. PLUMIER, dans son Nova plantarum americanarum genera, p. 38 a donné le nom magnolia à cette arbre à fleurs pour honorer Pierre Magnol, le grand botaniste et directeur du Jardin botanique de Montpellier . Le nom a été repris par Linné, qui avait de très bonnes relations avec les frères de Sauvages  et l’université de Montpellier. Ce n’est pas de l’occitan, mais j’ai été surpris par cette étymologie et le nom Magnol a bien un consonance occitane.
Voir l’article dans Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Magnol.

               

Pierre Magnol 1638-1715                                                                agniolia