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Potona,poutouno

Potona adj. f. « mignonne ».  Dans l’Alibert apparaissent au milieu des nombreux dérivés de pot « lèvre », les adjectifs  potonet (1), potoneta adj. MANIÈR « craquant, craquante » ainsi que potonta nom f. « poupée », potonton nom m. « petit poupon » loc., potontonejar v. intr. MANIÈR « pouponner ». L’idée que ces mots appartiennent à la même famille que poutou(n) est à première vue tentant. A qui d’autre donner un poton qu’à une potona?

Mais dans le dictionnaire de l’abbé de Sauvages sont mentionnés  poutoto (S1) et dans S2 poutouno « mignonne » et son diminutif poutounero. Mistral cite poutounto « poupée » en Rouergue, poutoutounéja « dorloter, faire sauter un enfant sur ses genoux ».

Un doute s’est installé et en cherchant je trouve que le latin connaît en effet un substantif pŭtus « petit garçon, enfant »,  une variante de pusus  (Gafiot) attesté chez Virgile, qui s’excuse de l’emploi de ce mot familier! Il n’apparaît pas dans d’autres textes classiques, mais seulement plus tard dans des glossaires. Putto est encore vivant dans les parlers de la plaine du Po comme dans les parlers occitans. Il y a aussi quelques attestations du lyonnais .

Titre :  Putto con vase di fiori

Le FEW a rangé dans le même article pŭtus, les noms provençaux de petits poissons comme le poutino « cepola » (Var), ou des « petites sardines », nom qui est passé en français dans la forme potinière « maille très serrée de certains filets avec lesquels on prend de petites sardines » (Littré). Poutiniero > français potinière « filet à mailles serrées » est resté dans les Larousse jusqu’en 1932.

poutino cepola rubescens

Plusieurs étymologistes (Diez, Dauzat) pensent que putana « prostituée » est aussi dérivée de putus. Le FEW préfère pour des raisons sémantiques et phonétiques l’étymologie putidus « pourri, gâté, puant, fétide ».

Gard, Gardon

Gard, Gardon 1. nom de plusieurs rivières dans le département du Gard:  « Durant ces trois derniers millions d’années, deux Gardons très profonds se creusent : le Gardon d’Alès et le Gardon d’Anduze, qui se rejoignent à Vézénobres, formant le Gardon ou Gard. Le Gard(on) s’étend sur 71 km de long. Après être passé sous le fameux pont-aqueduc romain du même nom, il retrouve le Rhône en rive droite à l’endroit où il atteint son maximum de puissance. »

Une Cobla de Peire Cardinal (suivez le lien pour la traduction et l’interprétation (erronée du mot Gardon?)

Domna que va ves Valénsa
Deu enan passar Gardón;
E deu tener per Verdón
Si vol intrar en Proénsa.
E si vol passar la mar
Pren un tal guvernadór
Que sapcha la Mar majór,
Que la guarde de varar
Si vol tener vas lo Far.

 Gardon d’Alès
   
Gardon d’Anduze


le Gard et le Pont du Gard

L’étymologie des toponymes est un domaine spécial dans lequel je n’ose pas m’aventurer.Vu la configuration du terrain, avec beaucoup de sommets qui permettent de surveiller les passages, je ne serais pas étonné que les noms de ces rivières viennent du verbe germanique *wardon qui a donné gardar en ancien occitan avec le sens « avoir l’oeil sur, soit pour protéger soit pour empêcher de nuire ». Une interprétation plus poétique serait que les Germains en voyant la beauté de cette région, ont dit: Das müssen wir wardon! «     Nous devons  sauvegarder cela! ».

D’après le TLF gardoun,gardon est un mot employé par les Cévenols pour désigner un petit torrent aux crues violentes (cf. lou Gardoun d’Alès, lou Gardoun d’Anduzo). Gardoun est issu du bas latin Wardo/Vardo, -onis « rivière de la Narbonnaise [le Gardon] », mais l’origine de ce mot reste inconnue.

D’après Germer-Durand, la première attestation se trouve dans un texte de Sidonius Apollinaris (Ve siècle) sous la forme Vardo.

2. poisson (leuciscus ). Le mot gardon pour ce petit poisson n’est pas occitan mais français. Je ne sais comment il s’appelle en occitan. Pour l’étymologie voir le TLF s.v. gardon 1. : « Probablement . dérivé du radical de garder* (du verbe germanique *wardon) soit au sens de « surveiller » parce que le gardon aurait l’habitude de retourner aux endroits d’où on l’a chassé comme s’il avait à y garder quelque chose (FEW t. 17, p. 524b, note 46); soit au sens de « regarder », les yeux rouges étant une caractéristique de ce poisson (cf. l’all. Rotauge littéralement ‘oeil rouge’ et les dénominations rousse, roussette, rouget dans Rolland . Faune t. 3, pp. 142-143; DEAF, col. 178); suff. -on ».

 
gardon

Galinetta

Galinetta « coccinelle; clavaria flava (champignon) » est un dérivé de galina « poule » du latin gallina « id ». D’après ma source le claviaria jaune est le flava, le rouge est le botrytes. Mes connaissances en mycologie sont très limitées, mais je ne serais pas étonné si la galinetta est le « clavaria botrytes ».

 galineto dâou bon Diou (S) galinolo « coralloïde » (S)

L’histoire de gallina est un excellent exemple des avantages de la méthode du FEW.  Gallina « poule » est conservé dans presque toutes les langues romanes : roumain gaina, italien gallina, catalan et espagnol galina, portugais galinha, et en gallorman geline (ancien français), galino (languedocien). A partir du XIIIe siècle, on commence, notamment à Paris, à utiliser le mot poule au lieu de geline. La raison est probablement ce que nous appelons aujourd’hui le « marketing » : une poule « jeune geline » se vend mieux qu’une geline dont on connaît pas l’âge.

De nos jours l’histoire se répète. La poule a vieilli. C’est bon pour la soupe. Il n’ y a que des poulets sur la broche! Il est abattu entre 42 et 45 jours, c’est la loi. Pourtant dans la tradition la geline reste poulet jusqu’à 70 ou même 90 jours.

Un poulet  est « Petit de la poule et du coq, mâle ou femelle, entre le moment où il perd ses duvets au profit des plumes, et le moment de sa maturité sexuelle.  » TLF.

Dans les menus des restaurants néerlandais par contre on vous propose des kip(petjes)« petites poules » ou des haan(tjes) « coquelets », en Allemagne des Hänchen etc. En Espagne toujours un pollo.

Le pourquoi du transfert du nom de la poule sur la coccinelle ne m’était pas clair. On le retrouve en picard galline, à Nice galineta et en Italie dans le Valle Anzasca galining della madona. Il n’est pas impossible que la couleur rouge ya joué un rôle . Le mot coccinelle vient du latin coccinus adj. « d’écarlate » dérivé de coccum « kermès, espèce de cochenille qui donne une teinture écarlate; écarlate », en raison de la couleur des élytres de l’insecte. (TLF). Et bas latin coccus signifie « coq » animal caractérisé par sa crête rouge. Une association du sens « rouge » et de la forme « coc- » a pu être à l’origine de galino. Il est à noter que galino désigne à Marseille et à Nice le poisson rouge « trigla lyra », galinetto en provençal.

Mais l’histoire de la coccinelle est beaucoup plus complexe que je ne croyais. A ma demande Mme Jeanine Medelice, professeur à l’université de Grenoble, m’a envoyé une copie de son article Les désignations de la coccinelle dans les dialectes romans de France: commentaire des données retenues pour le dossier 08.126 de l’A.L.E. paru dans le Bulletin du centre de dialectologie, II (1986),119-136. Je la cite:

« La coccinelle est un petit animal bénéfique auquel les croyances populaires prêtent de nombreux pouvoirs : prévision du temps, prédiction de mariage … Favorite des enfants, elle est présente dans de nombreuses comptines et de nombreuses formulettes qui ont fait l’objet de tout aussi nombreuses études. » Plus loin : « l’élément primordial dans la dénomination de la coccinelle est son lien avec tout un ensemble dont le dénominateur commun est le notion de « sacré ». Coccinelle = bête à bon Dieu.

Les deux éléments de bête à bon Dieu , néerlandais lieveheersbeestje, peuvent être remplacés par des éléments sémantiquement proches: bête devient poule, petit pinson, mouche, perdrix ou galinette; le bon Dieu devient le paradis, Sainte Cathérine, catarineta (Fourques,Gard)etc. Allemand Marienkäfer. Par raccourci la galinette du bon Dieu devient la galinette tout court.

Mme J.Medelice ne disposait pour l’occitan que de l’ALF, de l’Atlas linguisique du Massif central, celui de la Gascogne et celui de l’Auvergne et du Limousin. Maintenant nous pouvons consulter les autres grâce au Thesoc. Mme Medelice a établi 5 catégories:

  • 1) La coccinelle et le sacré
  • 2. Les prénoms
  • 3. Les métiers féminins
  • 4. Le monde animalier
  • 5.Les désignations incantatoires [onomatopéïques] : a) pures [comme bab-, barb-] b) l’impératif incantatoire [ type nom + vole].

En consultant les données du Thesoc, vous verrez qu’elles rentrent (presque) toutes dans une de ces catégories. Je retrouve par exemple l’élément incantatoire dans le nom devinola (Aveyron, Thesoc).

D’après un artcile dans Wikipedia,  la coccinelle était l’oiseau de la déesse Freya : Freyafugle, ce qui a donné en allemand après la christianisation: la bête à Marie > Marienkäfer, anglais ladybird. De nombreux noms dialectaux flamands et néerlandais dans cet article de Wikipedia. L’article allemand est encore plus complet. Dans le chapitre Der Marienkäfer und der Mensch l’auteur donne beaucoup de variantes.Et il raconte que la plus ancienne attestation de la coccinelle comme porte-bonheur date de 20.000 ans . Il s’agit d’une coccinelle de 1.5 mm taillée dans de l’ivoire de mammouth , trouvée à Laugerie Basse en Dordogne.

trygla lyra _galine   
galine(tto
) en provençal         et                       galino ou dourmiliouso en languedocien

Je dois avouer qu’il n’est pas toujours évident de retrouver les motivations des noms d’animaux et de plantes. Par exemple à Barcelonette et ailleurs la gelineta est la « Lampsane commune, appelée aussi Grageline, Herbe aux mamelles, Graveline ou Poule grasse » (Voir ce site. )  

D’après le dictionnaire Panoccitan, l’occitan aurait conservé la situation ancienne galina « poule » et  pol « poulet » mais d’après le Thesoc c’est plutôt le mot  pola  que les gens utilisent. D’ailleurs le FEW a constaté en comparant les données de l’ALF aux dictionnaires plus anciens,  que  le progrès de poule « poule » au détriment de galina était déjà remarquable au début du XXe siècle . J’ai vérifié avec le Thesoc, pour le Gard. Dans ce département galino est largement gagnant, mais il est curieux que des villages comme St-André de Valborgne et Camprieux qui sont très conservateurs en général, présentent le type polo. Une explication sociologique à trouver? S’agit-il d’une reconquête de l’occitan ou d’un gallicisme?

Mauro

Mauro « truie » du latin maurus « habitant de l’ancienne Mauritanie, le royaume berbère, qui à l’époque romaine s’étendait de l’actuelle Tunisie jusqu’à la rivière le Moulaye au Maroc.

En  ancien provençal mor, moro  signifie « africain adj. et subst. ; musulman » et « basané, marron, noir ».  En occitan moderne moure , morou (Alès) c’est le deuxième sens qui s’est maintenu et développé:  A blanchi un moure se perd soun tems et soun saboun (Mistral). Aoc. maur « noir » est attesté en 1240 et la Roca Mauro près de Carcassonne  déjà  en 1034.  Il y a de nombreux dérivés comme lang.  neit maurello « nuit sombre » et Gard agneu mouret « qui a le poil noir »(M). A Valleraugue (30) La Jasse du Mouret , toponyme.

Le sens « brun, noir » a été transféré sur toutes sortes d’animaux et de plantes, comme « truie, vieille truie » (Hérault), provençal  mouret  « sagre, poisson de mer »,  des salamandres, têtards, canards, oiseaux, insectes et des noms de plantes  comme languedocien mouro « variété d’olea europea sativa » Nîmes 1793, et oulivié mourau (M). Ce dernier  est même entré dans l’ Encyclopédie de Diderot sous «  moureau  en Languedoc ». Il y a aussi les morilles et les cerises morelles

             

comme en  néerlandais  morellen  et moriaan « père fouettard, un serviteur noir qui accompagne St. Nicolas lors de sa fête le 6 décembre). Anglais morel « morille ».  Le maïs et le sarrasin est appelé blamauro à St André de Valborgne, et il s’appelle blasarrasin  en gascon.

Stocofin, estofi

Stocofin, estofi s.m. « morue séchée à l’air libre ». Les formes courantes en occitan sont estofi ou en provençal (e)stoquofi(n), stocofi  et elles  sont plus proches de l’origine, le néerlandais stokvis, mot composé de stok « bâton » et vis « poisson » parce que anciennement le stokvis était séché étendu sur des bâtons dressés sur les bateaux de pêche ou dans les ports. Le mot stokvis est passé dans d’autres langues : italien stoccofisso, catalan estocfix, estocafis, espagnol estocfiz, allemand Stockfisch, anglais stockfish (belles photos). Voir aussi l’article brandado .

Dans  l’anthologie amusante, Les cris populaires de Marseille: locutions, apostrophes, injures, expressions proverbiales, traits satiriques et jeux du peuple–cris de marchands dans les rues–préjugés, par M. de Regis de la Colombière. Marseille 1868, p.2   il y a l’attestation que voici:

que les gamins hurlaient quand un parrain refusait de leur jeter quelques sous à l’occasion d’un baptême.  Suivez le lien, vous ne reviendrez pas à mon article, mais tant pis, c’est très marrant.

Escafit s.m. « morue séchée à l’air libre ». Les auteurs du dictionnaire Panoccitan ont choisi cette forme atypique de la région de Castres pour toute l’Occitanie. Cette forme a subi l’influence d’un autre mot, peut-être l’adj. escafit. Escafit, escafida adj. »étriqué »  suivez le lien.

La « morue fraîche » appelée cabillaud en français depuis 1278, cabillót dans l’Aveyron, est également d’origine néerlandaise : kabeljauw. Dans les langues romanes c’est plutôt le type bacajaw, devenu bacalao en espagnol, bacallá en catalann, baccalá en italien. Les étymologistes pensent que le mot basque bacailao est à l’origine de cette unité des langues romanes méditerranéennes.