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Castagnes et marrons.

   

Agriculture et histoire

En agriculture les châtaignes  ne sont pas du tout la même chose  que les marrons.  « Il existe une différence fondamentale entre la châtaigne et le marron. Elle est facile à voir. L’enveloppe de la châtaigne, la bogue, est cloisonnée et elle contient deux ou trois fruits. Le marron, égoïste, mûrit seul dans sa bogue.1.

L’un et l’autre, la castagno comme le marron nous sont parvenus de très loin. Les  fruits du châtaigner étaient  un des premiers aliments des races primitives. Et cela a duré longtemps Dans le Grand Larousse du XIXe siècle, Pierre Larousse pouvait encore écrire

« il forme  presque à lui seul toute la nourriture des montagnards de l’Auvergne, des Cévennes , de la Corse… ». Au moyen age il y avait l’expression parer  chastaignes à quelqu’un ce qui voulait dire «  lui préparer un bon accueil », et aussi peler chastaignes à quelqu’un  pour « lui dorer la pilule ».

L’origine du mot castagno est à chercher en Asie mineure. En persan existe le mot kashtah « fruit sec, pépin » et les savants pensent que l’arbre et son nom sont introduits en Europe, notamment en Grèce à partir de l’Iran.   Virgile (70-19 avant JC) connaît déjà le mot castanea  qui  donne dans notre région castagno ou costognos  (Aveyron) et castagne en français régional.

Il y a de nombreuses « Fêtes de la Chataignes » dans notre région: En automne, le petit fruit à coque piquante est au coeur de toutes les attentions gastronomiques et au centre des fêtes traditionnelles du Languedoc-Roussillon. Fêtes, foires et autres castagnades lui font la part belle cet automne !

Avec ce mot dans votre vocabulaire,vous pouvez  voyager très loin: aux Pays Bas et en Belgique kastanje, en Allemagne Kastanie, en Scandinavie kastania, en Russie kashtanu en Pologne kasztan, en Lithuanie kasztanas et même en Bretagne kistin et le pays de Galles kastan.  Les Anglais par contre ont emprunté le mot chestnut à la langue d’oïl, où par étymologie populaire ils ont ajouté un –t  au –chestne  pour ranger la châtaigne avec les noix (nut).

Il y a en languedocien pas mal de mots dérivés de castagna: castagniè « relatif aux châtaignes ou qui aime les châtaignes »(Mistral), castagná verbe « récolter les châtaignes » mais aussi « dépenser tout »,  languedocien castagnaïro  « ramasseuse de châtaignes »  et  dans le Languedoc,  des castagneirou « petits châtaigniers » (Mistral). Spécial pour le Gard sont  castagnolo « roitelet » et castagno « sexe de la femme ». D’après le Thesoc à Maillanes (13) ce sont les testicules. A Alès kastagnados  est la « veillée à l’époque de la récolte des châtaignes », et comme on grillait des châtaignes pendant ces veillées il a pris le sens  « grillade de châtaignes »2.

En français  castagne  ou castagnole , empruntés à l’occitan, servent à désigner un poisson, le « sparus chromis »  (Linné 1758), mentionné dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. D’autres noms de petits poissons  comme castagnot ou castagneau, ou castagnole  viennent également  du Midi.

TOPONYMIE. Beaucoup de noms de lieux où poussent les châtaigniers sont dérivés de castanea.

Dans le Grand Larousse du XIXe siècle, vol. III, vous pouvez trouvez une description détaillée du travail de la chataigne : la récolte, la conservation, des recettes, etc. Il y  décrit entre autres le procédé que pour récupérer les châtaignes,  dans la claie :

«On [les]chauffe ainsi pendant dix jours environ. Vers le cinquième jour, lorsque toute la récolte est rentrée, on retourne les châtaignes pour achever de sécher la couche supérieure. on considère les châtaignes comme suffisamment sèches et prêtes à être blanchies, quand leur écorce se détache bien et qu’elles sont dures sous la dent. On les fait alors tomber sur le plancher inférieur (de la claie), dont on a enlevé le feu et les cendres; puis on les dépouille de leur écorce, soit en les plaçant dans des sacs que l’on frappe sur un billot revêtu d’une peau de mouton … , .soit au moyen des soles, qui brisent moins les châtaignes.».

Par hasard j’ai trouvé une liste des variétés de châtaignes cévenoles à l’Université des Jésuites à New York :Source: « Recueil de Mémoires et d’observations de Physique, de Météorologie, d’Agriculture et d’Histoire Naturelle » par le Baron Louis-Augustin d’HOMBRES-FIRMAS, Nismes, 1838, volume 3, page 81: Mémoire sur le châtaignier et sur sa culture dans les Cévennes (1819).

QUI LES RECONNAIT ENCORE DE NOS JOURS??? Contactez-moi

D’après Andolfi la castagne est « un sport ancestral cévenol qui se pratique à mains nues… » et castagne dans ce sens est synonyme du français marron. Châtaigne = marron est attesté en francais depuis 1635 ; châtaigne signifie d’abord un « coup sur les doigts » et ensuite un « coup de poing » (D’après Delvau A., « Dictionnaire érotique moderne » Bâle, sans date ). Marius Autran est plus sérieux quand il écrit à propos de l’expression: ça va castagner ! « c’est de l’argot français qui n’est pas spécifiquement provençal. »

Le mot marron a le même sens depuis 1835. A.Rey pense que le sens « coup de poing spécialement sur la tête », s’explique par métonymie de la tête qui reçoit le coup (un coup sur le marron) au coup lui-même . Mais le sens « tête » pour le mot marron n’est attesté que depuis 1896. Von Wartburg est d’avis que c’est la couleur que prend la tête quand elle a pris des marrons qui est déterminante. Quoi qu’il en soit, c’est du pareil au même, quand on les reçoit, ça peut faire très mal.

 

  1. Il y a quand-même un risque de confusion de 12% : « Le castanéiculteur est tenu quant à lui de classer la production de ses arbres en châtaignes, si la proportion moyenne des fruits cloisonnés est supérieure à 12%, et en marrons, si cette proportion est inférieure à 12%.»
  2. . Dans les Cévennes la « grillade » s’appelle rabanelo, voir le mot rabinar

Chicá, chiquer (pétanque)

Chicar, chiquer « taper sur la tête (la cabucèle, le closc) de la boule adverse » (René Domergue, Avise, la pétanque!) vient d’une onomatopée tŠikk–  qui imite le bruit d’un coup.  Un chic  est un « coup sec et sonore ». A Alès   faire chico  « rater (fusil) ».  Le verbe chica(r), devenu chiquer  en français régional,  est attesté à Puisserguier avec ce sens. En provençal chicá   a pris le sens « bavarder, jaser ».  Les significations qui sont le plus proche de l’onomatopée d’origine se trouvent surtout dans le domaine occitan, ce qui permet de supposer que le sens spécifique dans le jeu de boules de chiquer  est d’origine occitane.

    bruant des roseaux

A la même famille appartient l’occitan chicarrot « mortier de pâte d’argile que les enfants font claquer en le lançant sur une pierre plate ». et le nom du « bruant des roseaux« , que vous pouvez écouter en suivant le lien, qui  s’appelle chic dei palus (Gard) ou chic deis sagnos (Bouche-du-Rhône) ou chic bartassier à Toulouse. Voir   FEW t. 13, 2, p. 371).

Galopastre "bergeronnette"

Galopastre  « bergeronnette » (Mistral),  galapastre (Gard, Hérault) fait d’après le FEW partie de la même famille que galavar  « gourmand »; l’élément  gala-  venant d’un germanique wal « bon ».  Le deuxième élément pastre  vient du latin pastor « berger ».

Il y a différentes explications de ce nom.  D’après C.Nigra1 c’est le fait que l’oiseau suit les troupeaux, d’après d’autres c’est la vivacité de la hochequeue qui amuse le berger.  Si vous avez une idée plus précise contactez-moi!

   

Il y a beaucoup d’autres noms pour ces oiseaux.  Voir le Thesoc pour les détails.

bovaira, bovaireta, brandacoa, chinchorlina, coacha, coadièra, coalonga, cuol blan, enganapastre, gardabuòu, guinha-coa, guinhusa, lauraire, marioneta, pastorèla(ta), pastressa, pastressona, pescairòla, porcaireta, rosseta, tèsta negra, trempacuol, vaquièra, vaquièreta, vaquièrona.

Un trésor lexical qui disparaîtra si les occitanistes normatifs gagnent du terrain. Pour Panoccitan  bergeronnette nom f. ZOO oiseau, brandacoa.

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  1. Archivio glottologico 14, p.275

Calhol, rat calhol "loir, lérot"

Calhol, rat calhol « loir ». Jean Crespon le  taxidermiste de Nîmes, écrit que le  loir et le lérot s’appellent  racayé dans le parler local. Un mot introuvable dans les dictionnaires. C’est l’abbé de Sauvages (S2) qui écrit qu’un ra-grioule  ou  ra-taoupié  est un « lérot »  qui m’a fait comprendre que  racayé  est un mot composé : rat + cayé. C’est un nom plutôt rare 1. Deux  attestations dans le Tarn-et-Garonne (Thesoc) et  une  dans le FEW pour Cahors (Lot).   Rolland, dans le  volume sur les  Mammifères sauvages,  cite rat calhol pour Toulouse et rat cayé pour le Gard qu’il a trouvé chez Crespon.

Pour l’étymologie c’est encore l’abbé de Sauvages qui m’a mis sur la bonne voie .   Calié, caliol, calhol, garel  signifie d’après lui « bigarré; bœuf de deux couleurs; bœuf pie, blanc et noir » et j’ai cherché un lien avec l’oiseau la caille.  En effet une caille est bigarrée.

L’étymologie de caille  est un latin tardif quacula « caille », une onomatopée qui a remplacé le latin coturnix. Le mot  quacula a eu beaucoup de succès à l’époque.  On l’a appliqué à d’autres animaux, comme par exemple à Toulon  cailloun « espèce de fauvette » et surtout au figuré  déjà en ancien français quaile  « femme galante » et caillette « femme frivole et bavarde ». (Plus dans  le TLF).

Dans un grande partie du domaine gallo-roman on a comparé des vaches d’une couleur irrégulière, tachetées de noir et blanc ou d’une couleur foncée sur fond blanc » à des cailles,  et le mot caille est devenu un adjectif. En occitan nous trouvons surtout   des dérivés:

  1. Il est incompréhensible que les auteurs du dictionnaire Panoccitan  appellent un loir greule  et un lérot calhol; tandis que le nom le plus fréquent est du type garri.  On a l’impression que les auteurs font un grand effort de réserver l’occitan à une élite et évitent les mots courants et compréhensibles par le plus grand nombre

Rapièta "lézard"

Rapièta, rapièto « lézard gris ». L’étymon gotique et burgonde   rapôn « saisir, enlever » a pris le sens « grimper, ramper » en occitan et en franco-provençal ».  A Marseille et en languedocien  un rapaion  est « un sentier à pic ». En Aveyron un arraput  est « habile à grimper ».  En Bigorre  un « grimpereau » est appelé  rapinayre ou  rapinau. 

Le « lézard gris »  est un  habile grimpeur et appelé rapièto dans le région de la Corrèze, Dordogne, la Haute-Vienne et le Lot (Thesoc). Son nom fait partie de la même famille rapôn.   D’après les données du FEW  il s’appelle rapiette   en poitevin et dans la Saintonge, ce qui est un élément occitan et nous rappelle que le domaine occitan allait autrefois jusqu’à la Loire.

Voir aussi les articles rapar  et  desrabar

Un visiteur m’écrit:

Bonjour, j’ai moi-même entendu les gens de Brive-la-Gaillarde appeler les lézards des murailles : rapiète, je me souviens aussi qu’ils appelaient les Rumex dans les prés : padarelles ou paradelles. Quand j’ai demandé si c’était l’un ou l’autre, on m’a répondu :  » c’est pareil… »

rapièto