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Farandoulo

Farandoulo « farandole » est passée dans  le Dictionnaire de l’Académie depuis 1835 (TLF) . Le nom farandole n’est pas attesté avant le XVIIIe siècle.

L’étymologie d’après le TLF, qui suit le FEW , est  » incertaine; peut-être altération du provençal barandello, brandello « farandole »  un dérivé de branda « remuer, branler », de même origine que brandir*, sous l’influence de dérivés occitans tels que flandina « cajoler », flandrina « lambiner », flandrin « fainéant » 1

Je ne suis pas très convaincu par cette étymologie et ceci  d’autant plus que b(a)randello est définie comme une « farandole languedocienne »! Voir aussi mon article brandado.

Hector Rivoire Statistique du département du Gard, Tome premier, Nîmes, 1842, p.343 cette danse est décrite ainsi:

Dans un très petit nombre de communes des arrondissemens de Nimes et d Uzès et en traversant les cantons de St Quentin d Uzès de Montaren de Blauzac et de Lussan toute la musique se compose d un hautbois et d un très petit tambour qui sert d accompagnement Dans quelques unes de ces localités la danse y est appelée branle ou baran delle C est une sorte de valse russe extrêmement précipitée dans laquelle on tourne continuellement sur un même plan »

 

une  farandoles (en bas de l’image)

Catalan : farandola « Dansa popular que hom practica actualment encara a Provença, però que també havia estat ballada a Catalunya ».

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  1. FEW t. 15, 1, p. 252, note 14 et t. 15, 2, p. 136b; v. aussi Coromines.

Rampelar, rampéou

Rampelar ou rampellar, v.tr et intr. « rappeler, battre le rappel, gronder grommeler; battre de l’aile; renchérir (au jeu) ».
rampeller « traîner, lambiner » mais aussi positivement, comme conseil : rampelle ‘vas-y doucement » (Nîmes et Manduel). Rampeller   signifie aussi  « hésiter longuement, ressasser invariablement la même chose; installer des appelants dans la chasse aux oiseaux » et un rampel « qqn qui hésite, ou ressasse; qqn qui répète inlassablement les mêmes remarques ». Souvent utilisé dans la circulation à Nîmes, à propos de « pépés » dans une Axam.(Joblot).

    

Ci-dessus des images du  jeu de rampéou « rampeau » en français, qui se joue encore en Gascogne et en Périgord;  un jeu de 9 quilles. Il y a une « Place du Rampeau à 46700 Puy-l’Evêque (Lot) et des « Pré du Rampeau » ailleurs.
Andriu de Gevaudan m’écrit : A propaus de « rampelar« . Lo dialòg de Las tres nimfas se pòr trobar dins Pierre Bec : Le siècle d’or de la poésie gasconne (anthologie bilingue), Les belles lettres, 1997. p.125 ss. Nimfa gascona:

S’en man mos hilhs avèn lo temps passat tenguda
La pluma com lo hèr jo poirí rampelar,
Mès entr’eths, d1inquio ací Pallàs s’es vista muda
Car eths an mes amat plan hèr que plan parlar.
traduction 1

Dans les dictionnaires nous trouvons différents jeux, par exemple à Voiron dans l’Isère, c’était « un jeu des enfants qui consiste à faire dans un carré tracé sur la terre 9 petits trous qui reçoit chacun un numéro. On lance une boule vers ces trous; le joueur gagne en entrant dans le numéro 9, au milieu ».

A Marseille un rampèou était « l’action de mettre sur une carte une forte somme » et vu la caractère des Marseillais « querelle, habitude de grogner ». Pour les chasseurs marseillais c’était aussi un « sifflet d’oiseleur » ou « un oiseau qui attire les autres dans le piège par son chant ».  Le sens « querelle, bagarre » se retrouve en français régional de la haute vallée de l’Hérault (Lhubac).

L’origine du mot est le latin appellare « adresser la parole à quelqu’un » avec le préfixe re- qui renforce la signification. Le sens « sifflet des oiseleurs; appelant » est très proche du sens du mot latin.

Dans certains jeux de quilles faire rampeau veut dire « faire partie égale », de sorte qu’il faut jouer une deuxième fois. Ce sens se trouve partout en galloroman.
En occitan s’y ajoutent « renchérir au jeu de cartes » et « sifflet d’oiseleur, appelant ». Je pense que l’évolution sémantique de rampeller dans la région nîmoise a dû être : la notion répétitive dans rampelá « manière de battre sur la caisse en roulant ».
Chez l’abbé de Sauvages nous trouvons encore rampôgno « noise , querelle d’Allemand,  » an toujhour câouco rampogno ils ont toujours maille à partir » et rampougna « quereller, gronder ».

Si vous taper rampelaire avec Google, vous trouverez entre autres: Le groupe des Rampelaïre (ceux qui battent le rappel pour rassembler les gens) dans les Alpes de Haute Provence.


Lei Rampelaire d’Ubajio

En français moderne, au poker, rampeau a le sens suivant: « en cas d’égalité, le rampeau est un coup supplémentaire qui sert à départager les joueurs. Le coup nul est généralement suivi d’un rampeau. » Dans un autre jeu de dés: « Le jeu peut être joué en 1 seul coup. En cas de rampeau (égalité), un nouveau coup sec départage les joueurs. »

  1. Si en mains mes fils avaient le temps passé tenue ».
    « La plume comme le fer je pourrais avoir des prétentions »
    « Mais entre eux jusqu’ici Pallas s’est vue muette »
    « Car eux ont mieux aimé bien faire que bien parler »

Plan

Plan s.m. « surface plate », adj. « bon, bien; lisse, plat « . Etymologie :  latin planus « plat, uni ».

En langue d’oïl il y a eu confusion entre les représentants de planus  devenu [plain] et  plenus [plein] avec une prononciation identique. (Cf. le mot  néerlandais plein  « place ».)  Cela ne  s’est pas produit en occitan plan<mais > plen.

Les expressions citées par Alibert planponh « une poignée de main pleine » et plan-cant « plein chant » sont donc des emprunts au français. D’autre part l’adjectif plan n’est attesté en français que depuis 1520 et pourrait être un emprunt à l’occitan et non pas au  latin comme prétend le TLF. qui écrit  que l’expression plan-plan « doucement » vient du provençal, où plan « doucement » est attesté depuis la 2e moitié du XIIIe siècle, dans le roman Flamenca.

Dans le  Compoix de Valleraugue est mentionné un  plan cayriel. Je pense que cela veut dire : « un plan  « surface plate » où peut passer une charrette » un  cayriel,   dérivé de carrus « voiture » emprunté par le latin au gaulois. J’ai l’impression que le scribe a voulu franciser le mot (déjà ancien) occitan (camin ou pon) carral « praticable aux voitures ».  Comparez aussi ancien occitan Planil, planayo, planoulet « petit terrain plat ».

Une autre possibilité : cayriel = cairel  « un plat pavé » d’après Alibert. Dans ce cas l’étymon est latin vulgaire *quadrellus « carreau ». Voir Carrel.

Pétoule

Pétoule « crottes de chèvres, mouton, etc « , un joli petit mot connu dans les patois avec ce sens dans toute la Suisse romande, en vallée d’Aoste ainsi que dans le sud-est de la France: en Provence et en Languedoc jusqu’aux environs de Montpellier d’après nos sources.

Petoulo ou petouro comme on dit à Marseille est un mot dérivé du latin péditum « pet  » prononcé avec l’accent sur le e, le participe passé du verbe pedere, un verbe actif pour ainsi dire, qui n’a pas laissé de traces en français moderne. Peditum par contre est bien vivant dans presque toutes les langues romanes : italien peto, portugais peido, catalan et piémontais pet etc. Une forme qui ressemble beaucoup à notre mot occitan existe dans les patois wallons en Belgique: pétale avec la même signification  » crottes de mouton etc. « .
(Il serait intéressant de connaître les autres types lexicaux et leur répartition dans le domaine galloroman.)

Dans notre région avec un parler vivant d’autres mots ont été crée à partir de petoule, par exemple en provençal petouloun  » chose de peu d’importance  » et petoulié « olivier sauvage » parce que le fruit, très petit, ressemble à un crottin. Et ce dernier a même réussi à pénétrer dans le grand Larousse du XIXe siècle où nous trouvons le pétoulier, mais il a aussi vite disparu qu’il y est entré, c’était du vent.

Je retrouve cette notion  » quelque chose de peu d’importance ou de peu de valeur  » dans le même Larousse, qui cite Mme de Sévigné :
PÉTOFFE
s. f. (pé-to-fe). Fam. Affaire ridicule, querelle à propos de rien -.Votre santé, votre famille, vos moindres actions, vos sentiments, vos PETOFFES de Lambesc, c’est là ce qui me touche. (Mme de Sév.), et plus récent dans «  Le parler des métiers  » de Pierre Perret, Paris 2002 : pétard  » veau maigre et de qualité inférieure  » qui fait partie du vocabulaire des bouchers.

Les expressions et les mots à base de peditum sont très nombreux en langue d’oc comme en langue d’oïl. Je me restreins à quelques exemples provenant de nos parlers.
Dans le Larzac un petelóu  » un petit morceau de ce qu’on mange  » ( au MacDo?),  en provençal un petouliè est un » endroit où les lapins viennent fienter « , mais attention, à Aix en Provence un petouié est un  » gîte « !
A la Grande Combe un pètouillon est  » un homme qui perd son temps à des choses futiles « .
A Valleraugue le  pétadou est  » la mèche de fouet « .
Un visiteur m’écrit : Dans la conversation, elle [sa mère] m’a dit à propos de certains médicaments :   « Ca fait pétoule en trois actes !! » Pour dire qu’ils n’avaient aucun effet.

Parmi les nombreux dérivés et composés nous trouvons quatre grands groupes de significations, en dehors des sens directement liés au sens  » pet « , même si parfois il n’est pas facile de comprendre ce lien, comme par exemple le mot français rouspéter. (Eh oui!). Par exemple, je ne sais à quel sens se rapporte le petoulet suivant (il s’agit de Maurice Traintignant) :


Le « petoulet » pour les amis

Un visiteur le fait parvenir l’explication de ce surnom

J’ai trouvé cette explication (donnée sous réserves…) de « pétoulet ».
L’histoire semble plausible…
Pour participer à la première course de l’après la guerre (le 9 septembre au Bois de Boulogne), il ressort sa Bugatti, qu’il avait caché dans une grange. Malheureusement pour lui, sa voiture à des problèmes d’alimentation. C’est en cherchant la cause de ses tracas que Trintignant découvre des « pétoules » (crottes de rat) dans le réservoir. Il reçoit alors ce surnom de « Pétoulet ».

1. Des mots qui désignent des vessies d’animaux comme aveyronnais petorèlo et de là aveyronnais  » se dit de l’eau quand  des bulles se forment  à la surface sous la pluie « .

Peut-être faut-il ajouter le petadou ‘un tambour à friction’, avec l’accent sur le -ou. D’après les Niçois l’accent sur le -a- ferait trop italien…..Voir le site ZICTRAD

2. Des noms de plantes ou de fruits: à Tarascon petaréou  » bigarreau  » et d’après le dictionnaire de Mistral en languedocien petiè  » micocoulier « . Dans l’Ardèche et dans le Gard pétofron « digitale », parce que les enfants font éclater les fleurs sur leurs fronts. Dans le Gard on dit aussi petarélo. Enfin il y a le petavin  » mûre de la ronce  » attesté dans un texte avignonnais de 1646.


1.petaréou 2.petiè 3.pétofron

3.Le clifoire d’enfant. Les gosses ne jouent plus à cela, mais autrefois, avant la télé, ils s’amusaient avec des tiges de sureau dans lesquelles ils montaient un petit piston et avec lesquelles ils lançaient de l’eau comme avec une seringue. En français au XVIIIe siècle, cela s’appelait une canne-pétoire. Dans un dictionnaire du patois d’Alès cela s’appelle un petarino; une autre forme utilisée dans le Gard petaroutié.

4. Le roitelet, languedocien petouso.

C’est un mot qui  a été propagé à partir de la Provence. Dans la région lyonnaise c’est la forme rei peteret qui est dominante. Pourquoi le roitelet? C’est un tout petit oiseau et il y a une très vieille légende que les frères Grimm nous racontent ainsi :

En format PDF. Lou petoulo roi des oiseaux

Penche

Penche s.f. « peigne » du latin pecten, pectinis comme en français  peigne, vit et jouit d’une belle santé dans toutes les langues romanes.

Le latin pecten comprenait dans son champ de signification diverses figures du peigne, librement déclinées au regard de l’analogie de forme :

  • 1. carde; râteau; plectre de lyre (conservé en italien pettine).
  • 2. peigne de mer (mollusque bivalve comme la coquille St-Jacques).
  • 3. poils du pubis, l’os du pubis ;
  • 4.veines du bois;
  • 5. peigne de Vénus (plante);
  • 6. disposition en forme de peigne , les doigts entrecroisés,   danse où les danseurs s’entrecroisent. (Gaffiot).

Vers  l’an 700  apparaît un mot nouveau, dérivé de pecten : pectinalis « os du pubis », ou « mons Veneris » qui est conservé dans les parlers du sud de l’Italie, par exemple à Naples pettenale.
Plus tard apparaît un autre diminutif  dérivé de  pecten :   pectiniculum, qui a donné en ancien français pénil, poinil, pignil, espanil : « éminence située au-devant du pubis et se couvrant de poils à la puberté »(TLF s.v. pénil), en ancien occitan penchenil, conservé en marseillais moderne penieou (FEW).
De pectinulum sont issues deux lignées, l’une populaire et l’autre savante. Dans la lignée populaire on trouve l’espagnol pendejo ( avec influence de pender), qui signifie 1. m. Pelo que nace en el pubis y en las ingles. 2. m. coloq. Hombre cobarde y pusilánime.3. m. coloq. Hombre tonto, estúpido »  et autres joyeusetés plus ou moins péjoratives. Voir le Dictionnaire de la Real Academia Espanola . Le penchenilh, « pauvre hère » attesté à Béziers (FEW), témoigne de la même évolution indépendante en languedocien, mais les attestations sont rares.  Il n’est pas impossible, comme me suggère un visiteur, que le sens péjoratif de penchenilh  est né directement de l’expression mau penchina « mal coiffé, ou plus généralement de mauvaise allure ».

C’est dans l’histoire de l’art que le pecten latin a connu son évolution savante. Les hommes cultivés de la Renaissance connaissent très bien leur latin, langue internationale et idiome de la culture ; ils ont lu Ovide et Pline. Quand un Sandro Botticelli veut peindre la naissance d’Aphrodite/Vénus avec la pudeur requise, il est obligé de cacher son pecten, mais, même si la nature aime à se cacher, le naturel, ici comme ailleurs, saute aux yeux :

Suis-je visionnaire quand je trouve des pecten dans la Primavera de Botticelli ?

Il n’y a pas de coquille Saint-Jacques. Mais…En regardant de plus près les trois Grâces, on voit un pecten… figuré par les doigts entrecroisés en forme de peigne (Gaffiot 6) .

   

Comme j’aime beaucoup RE-découvrir le symbolisme qui se cache dans l’art ancien, j’ai plaisir de  noter aussi la présence des perles dans la chevelure de l’une des trois Grâces. Née dans une coquille un pecten, la perle représente le principe Yin : elle est le symbole essentiel de la féminité créatrice. En grec, en latin et  en occitan, on la nommait jadis margarita, c’est pourquoi, conformément à ce qui se dit aujourd’hui encore, on se gardera de « jeter des marguerites aux pourceaux ».(Cf. margot).  Blason de la féminité oblige, il n’est pas étonnant de trouver des marguerites dans la chevelure de la Primavera :

Penchenilh « pauvre hère » du latin *pectiniculum « petit peigne ».