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Tancar

Tancar v.n., v.r. « fermer avec une barre, boucher, arrêter » (A). En français régional tanqué « ressassié » (Lhubac); tanquer « se fixer, se placer, se caler » (And, qui ajoute « dans le milieu des boulistes une attitude de pieds joints, pieds fixés). En Camargue il y a des biou qui se tanquent, c’est-à-dire qui ont tendance à se tanquer dans les « angles » de la piste (suivez ce lien). A Sète « entrer en collision » tanquer contre un platane. (Covès).

Etymologie : Le latin connaissait l’expression aqua stans à l’accusatif aquam stantem « eau stagnante ». On suppose qu’un verbe *stanticare a été formé à partir de cette expression, avec le sens « arrêter l’écoulement de l’eau, du sang, etc. »qui a donné en ‘ancien occitan estancar « idem; rendre imperméable » (1300) et l’adjectif dérivé estanc « qui s’arrête » en parlant d’un écoulement de sang » (Béziers, 1300) . Ancien occitan estanca « écluse », provençal restanco « id; digue; morceau de bois qu’on place au travers du pétrin pour empêcher la pâte de s’étendre ». Un estanc est de l’eau stagnante, un étang. Anglais tank « réservoir, cuve, citerne; char (depuis 1915) a probablement la même origine.

Au XIIIe siècle le sens est devenu plus général (s’)estancar « (s’) arrêter ». Les attestations viennent surtout de l’occitan et du wallon. Comme celles du composé languedocien tanca-buòu « bugrane », également appelée « arrête-bœuf » (voir ci-dessous), qui se retrouve à 1000 km vers le nord, à Liège : stantche-boû et en italien stancabue.
Pour arrêter une branche pleine de fruits de s’incliner on utilise un estanc « étai, poteau » (aoc), dans l’Aveyron une estanco pour l’estonquà . Et quand on va destancà la porte, on va enlever la barre (Alès).
La notion « barre en bois  » prend le dessus dans ancien occitan tanc « chicot, écharde » (1220) « souche d’un arbre abattu » plus tard tanco « barre d’une porte » (S) ainsi que le verbe tancar « fermer la porte avec une barre » (XIIIe s.), « arrêter une roue avec une cale; enfoncer » et au figuré « attendre de pied ferme ». Nous voilà de retour chez les gros mangeurs qui sont tanqués  et les boulistes qui ont les pieds  tanqués!

En ce qui concerne la pétanque le  TLF écrit :

Mot d’orig. prov. Il vient de l’expr. pétanco «pied qui a la fonction d’une tanco, d’un pieu» (composé de «pied» et de tanco «étançon, pieu planté pour fixer quelque chose», du même radical que étancher*) d’où jouer à pétanque au sens propre «lancer sa boule le pied fixé au sol, sans prendre d’élan» (cf. BL.-W.4 et 5; FEW t.12, p.234a et 236b, note 11), déformé en jouer à la pétanque, peut-être à cause du bruit des boules de métal qui en se choquant «pètent» (DUPRÉ 1972). Le jeu passe pour avoir été créé à la Ciotat à Marseille en 1910, cf. l’inscription qui figure sur la plaque de la Ciotat: «C’est en l’an 1910 sur ce terrain que fut créé le Jeu de Pied-Tanqué». » (L ‘explication de Dupré, 1972, cité par le TLF  est de l’étymologie populaire ).

Il s’agit d’une interprétation « française ». Le panneau ci-dessus  prouve que le jeu s’appelle pied-tanqué.  Son nom vient du provençal « pèd tanco« , c’est-à-dire «  »pieds joints et fichés au sol », » au pluriel!

Cette miniature trouvée dans un site du CNRS montre que la pétanque  est bien plus ancienne!. Ou s’agit -t-il d’un autre  jeu de boules?

 
Il y en a un qui tanca.
Miniature trouvée dans un site du CNRS, magnifique!!. Cliquez ici ou sur l’image pour y aller!

Une autre attestation du jeu de boules: Au XVIe siècle, le 14 juillet 1592 le Consistoire protestant de Ganges a remonté les bretelles Jehan Olivié : Cest présenté Jehan Olivié. A esté censuré de avoir esté treuvé en jouant aux boules durant que le prêche se dicoict.

Tanca-buou « arrête-bœuf ». Bugrane (l’article en allemand est b

s’appelle ainsi parce que leurs racines traçantes font obstacle à la charrue, d’après Wiktionnaire. D’après Wikipedia allemand, les épines peuvent blesser le bétail aux pieds . Qui a raison?? Wikipedia italien donne: I nomi comuni tipo Arrestabue o Stancabue è inteso in quanto le spine di questa pianta non sono gradite da questi animali. Un altra versione ci dice invece che a causa del suo voluminoso ceppo radicale i buoi sotto l’aratro non poco faticavano quando il campo ne era infestato.

Autres langues

Catalan estancar « étancher », espagnol estancar « retenir, étancher; monopoliser un commerce (estanca « bureau de tabac) et portugais estancar « arrêter, fermer ». Le catalan connaît aussi les formes sans es- : tancar « fermer », tanca, tancada « se dit d’une personne inaccessible » etc. En italien stanco signifie « fatigué », un développement sémantique de effet > cause. Le même sens a existé en ancien occitan estanc (XIIIe) et en ancien français estanchier « tomber de fatigue ». Anglais to staunch « arrêter l’écoulement du sang » (1300) et breton stancguaff idem, ont été empruntés au français.
Pour les toponymes qui font partie de cette famille de mots voir Pegorier, s.v. Estan- (Oc), et Stang, Stankell (Breton)

Tais, taison

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Tais, taison « blaireau ». En Occitanie nous trouvons d’après le Thesoc deux types lexicologiques pour désigner le blaireau : 1) tais et son dérivé taison et 2) le type rabas (Aveyron et Lozère).

Tais représente le latin taxus « blaireau » , un emprunt aux langues germaniques: allemand Dachs, néerlandais das « blaireau ». Un Dachshund (anglais et allemand) est un teckel, deux mots de la même famille. Une taisnière devenue  tanière est le terrier d’un blaireau. Nous retrouvons le type taxus en Italie tasso et en rheto roman. Les Romains avaient un autre nom pour le blaireau, à savoir meles qui désignait aussi le « martre ». Comme ils importaient la graisse de blaireau de la Germania le mot germanique a remplacé meles. Pour les Romains la véritable « adeps taxonina » venait des pays germaniques, où on la trouve encore de nos jours (Dachsfett), comme en Kirghiztan. Utilisée contre les rhumatismes.

       
Ici un extrait des Elements de pharmacie.. de A. Baumé. Paris 1799.

La première attestation en occitan date de 1240. Aux départements donnés par le Thesoc, il faudra ajouter les Bouche-du-Rhône, le Gard, l’Hérault et la Creuse.

Le type taison qui vient du germanique *taxone, est répandu dans toute la Galloromania : ancien français taisson (1170) , ancien occitan taisson. Il est présent en franco-provençal, dans l’occitan de Die : teissou, teisson (Schook) jusqu’en Ariège et en gascon.

Du machisme dans le monde animal ? Dans beaucoup d’endroits on distingue deux type de  tais  ou taison : tais nas de can, taisson can,  tais cap de pòrc,  tais porquenc, tais nas de pòrc. Cela provient du fait que le museau du blaireau ressemble au museau d’un porc ou de certaines races de chien. En allemand on fait la même distinction entre Schweinedachs et Hundedachs. Cette distinction repose sur une opinion populaire qui veut que la viande du tais nas de pòrc est bonne à manger, mais la viande du tais nas de can a un mauvais goût. Cette opinion est encore vivante dans le Diois, où Han Schook a noté : « teisson; n’i a doàs menas : au nas de chin e au nas de caion que son melhor a minjar ». Cela provient du fait que le blaireau mâle vit en solitaire et est très propre, tandis que les femelles qui doivent s’occuper des petits ont beaucoup de mal à tenir leurs terriers propres et elles manquent cruellement d’aide au domicile.
(plus sur les blaireaux dans Wikipedia).

Surge,surja

Surge « suint », lana surja « laine en suint ». Vous allez me dire « c’est un terme technique, sans intérêt, ! » Moi, je suis ébahi par le fait qu’un terme aussi spécial que le latin sucidus « sale », a survécu pendant plus de 2000 ans dans quelques régions séparées les unes des autres comme la Wallonie, le Vaud suisse, le Béarn et la Provence,  le Nord de l’Italie, en rhéto-roman, en catalan sutze, surdz’a « sale », espagnol sucio, portugais sujo .

Sucidus, -a a abouti à  soz « sale » en ancien béarnais  et à  sous à Aix et Marseille.

Bien sûr, nous ne prononçons plus comme les Romains;  sucida est devenu surja, dans la combinaison lana surja.

La combinaison lana sucida est attestée pour la première fois chez Marcus Terentius Varro (116 av. J.-C – 27 av. J.-C) et survit telle quelle dans le centre de la Sardaigne avec la forme lana súkida ! (u = ou français). Elle domine dans tout le domaine occitan.

lana surja

A Narbonne au XIIIe siècle est attesté  lana sulza. Mais à la même époque et dans la même région nous trouvons la forme lana surga, lana surjo ce qui suppose une forme *surdica comme base, c’est-à-dire une inversion du -d- et du -c- et l’insertion d’un -r- . La première se comprend facilement et pour la deuxième il y  la combinaison sucidas sordes ou l’adjectif sordidus ‘sale’.

Je ne veux pas vous faire manquer  deux recettes à base de lana surja: une contre les mites et une autre contre les glandes sous l’aisselle:

      

Romana

Roman, romana :  1. »balance romaine » (Alibert)

             

Eh non, la romana ne nous vient pas de Rome!, mais  du Nord de l’Afrique, de l’arabe rumman(a) « grenade, le fruit du grenadier ». Dans des traités scientifiques arabes du XIe-XIIe s. la romana est décrite et notamment le peson qui se déplace sur la réglette et qui avait la forme d’un grenade. En valdôtain (Vallée d’Aoste, Italie) la romana désigne toujours le peson.

          

La plus ancienne forme en occitan est romà (XIVe s.), qu’on a retrouvé dans les parlers occitans modernes à Alzon (Gard) roumo « grosse romaine » et à Sumène roumo « romaine ».  Le mot est venu avec la chose par les relations commerciales, d’abord en Italie qui a emprunté le collectif rumman (> italien romano)  qui a ensuite pénétré en occitan.

Le singulier rummana nous est parvenu par l’intermédiaire de l’espagnol, le portugais et le catalan romana. Les premières attestations datent 1400. Dans son voyage vers le nord et Paris, la forme a été adaptée à l’adjectif romaine  « de Rome ». Ensuite il est revenu dans nos régions et la forme  a été adaptée  à la prononciation locale: par exemple roumèno dans le nord du Gard.

Il faut noter que les deux formes, romana et la francisée roumèna se rencontrent principalement dans les parlers occitans et franco-provençaux.

2. A la romaine (fr.rég. ?) Plusieurs mamans de Manduel m’ont raconté qu’après l’accouchement l’obstétricienne leur mettait un sac de sable sur le ventre pour que l’utérus se rétracte rapidement. Cette méthode décrite dans de nombreux sites internet, s’appelait dans notre région à la romaine. Je ne sais si cette expression est connue ailleurs. S’agit-il d’une référence à la romana ou à une méthode héritée des Romains.

3. Romana « sorte de salade verte ». D’après le Dizionario etimologico italiano :

Selon la légende, la salade aurait été introduite en France en 1389 à partir d’Avignon, alors cité papale, lorsque Bureau de la Rivière partit en Italie négocier le mariage du duc de Berry avec Jeanne d’Auvergne. Son développement s’est poursuivi en Europe du Nord tout d’abord puis en Amérique du Nord et en Australie suivant les migrations européennes dans le monde. Anglais romaine ou romaine lettuce.

  

Rebiscoula

Rebiscoula « ravigoté, revigoré »,  reviscolar  « ranimer, ragaillardir, réconforter » ; rebiscler « guérir' » (Robert Merle, Les Roses de la vie, p.414 ). L’abbé de Sauvages donne l’exemple : Aco me rebiscoulo  « cela me ravigote, cela va au coeur lorsqu’on parle d’une liqueur ou d’autre chose de délicieux » et aime coucon ke me rebiscouél  « j’aime quelque chose qui aille au coeur ».

comme les taxes la caisse de l’état

Etymologie : le latin avait créé le dérivé revivescere « revivre » qui raccourci en *reviscere existe encore dans le sud de l’Italie. Dans le nord de l’Italie, en occitan et dans la péninsule ibérique on a ajouté le suffixe diminutif –ulare : *revisculare pour exprimer qu’il s’agit des premiers signes d’une guérison. Attestations : aoc. reviscolar « revivre; faire revivre », piemontais arvisculè, catalan reviscolar ( par exemple: amb la pluja, els sembrats han reviscolat. DE), espagnol revisclar. Dans beaucoup de régions le –v- est passé à –b- par exemple en Lozère rebiskourà.
En Provence et l’est-languedocien nous trouvons une forme revioudar qui semble continuer la forme latin revivescere avec un changement de suffixe -iscere > -itare : Alais revieuda « ressusciter, ravigoter ».

En galloroman le type reviscolar se trouve jusqu’à une ligne qui va de la Loire jusqu’aux Vosges et comprend donc le domaine franco-provençal et à l’ouest une zone jusqu’à la Loire qui a fait partie du domaine occitan , le Poitou et la Saintonge. Sur l’origine et l’histoire la ligne qui sépare le domaine d’oc du domaine d’oïl lisez la page intéressante dans le livre de W.von Wartburg, Evolution et structure de la langue française.6e éd. Bern,1962, p.64 en format JPEG, clicquez sur: Evolution-et-structure-p-64