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Brespaille "goûter" gascon ou languedoci...

Brespaille s.f. « goûter », brespaillar v. « goûter ».

Un visiteur m’a demandé l’étymologie de ces mots, tout en l’avant trouvée déjà, le latin vesper.  Il s’agit d’un mot essentiellement gascon.  Le visiteur me l’avait signalé pour  Foix dans l’Ariège , mais quand je lui ai écrit que cette localité  était la plus à l’est de toutes les attestations  et  dans le domaine languedocien, il m’a répondu qu’il s’agissait plus précisément de La Bastide-de-Sérou, à 17 km à l’ouest de Foix.  Cela m’a incité à vérifier si ce village est considéré comme gascon ou languedocien.

La réponse se trouvait dans la Bibliographie des Dictionnaires Patois galloromans (1550-1967),  de W.von Wartburg, H.E. Keller, R. Geuljans. Genève Droz, 1969, p.38 note n° 66: (page non consultable, j’ai pas fait exprès !)

Le point 782 de l’ALF (Le Mas d’Azil) est d’après l’ALG, vol.1, p.1 languedocien, tandis qu d’après Achille Luchaire,  Etudes sur les idiomes pyrénéens de la régin française (Paris,n 1879), p.196 et Gerhard Rohlfs, op.cit. p.3 n°1, la limite passe à l’est de cette localité. Sur les parlers de transition cf. maintenant Pierre Bec,  Les interférences lingustiques entre gascon et languedocien dans les parlers du Comminges et du Couserans; Paris, 1968.


Agrandir le planVoici la carte. Il faut l’agrandir pour voir les 3 localités.

Maintenant il faudra  demander aux habitants de La Bastide-de-Sérou s’ils parlent gascon ou languedocien??

Verna, vergne, verne "aulne"

Verna, vern, vergne, verne « aulne; bois d’aulne » est un des  noms d’arbres d’origine celtique qui se sont maintenus jusqu’à nos jours. Pour les détails de l’étymon  gaulois verno-  voir le TLF.  Les représentants de verno- sont encore vivants en gallo-roman au sud d’une ligne qui va de la Vendée aux Vosges, mais des dérivés  et des toponymes prouvent qu’il  a existé également au nord de cette ligne1

De très nombreux toponymes dans le Pégorier.   Le type verna  se trouve surtout à l’est du Rhône.

Dans les  Lectures de l’ALF  2  j’ai trouvé une belle carte qui illustre la ligne qui va « de la Vendée au Vosges! »:

Ligne Vendée - les Vosges

Carte 29 dans Lectures de l'ALF

Le TLF donne l’explication que voici de cette ligne:

le maintien du substrat *verno- dans le domaine d’oc s’explique peut-être par le fait que l’aune, plus fréquent en ce domaine souvent marécageux que dans le nord, a pu y conserver plus facilement sa dénomination primitive.

Mais nous avons vu à plusieurs reprises que des mots occitans se sont maintenus ou ont vécu dans la sud de la France  jusqu’à la ligne qui va de l’embouchure de la Loire jusqu’aux Vosges, et que la Langue d’Oc occupait toute cette partie du gallo-roman.

L’aulne est, avec le saule et certains peupliers, l’une des espèces les mieux adaptées à l’eau. Sur l’image ci-dessous il émerge de l’eau au bord du lac Bobięcińskie Wielkie en Pologne. Ces trois espèces sont aptes à recéper quand elles sont coupées par le castor avec lequel elles ont co-évolué.  (Wikipedia)

verna

verna, vergne

 

 

  1. Le type aulne, aune   qui vient d’un latin alnus contaminé par des formes homophones  franques  issues de alira, alisa ( cf. aulne  TLF). C’est une discussion assez compliquée.
  2. Lectures de l’Atlas linguistique de la France de Gilliéron et Edmont : du temps dans l’espace. Auteur : Dirigé par Guylaine Brun-Trigaud | Yves Le Berre, Jean Le Dû. Genre : Sciences humaines et sociales Editeur : CTHS, Paris, France

Galopastre "bergeronnette"

Galopastre  « bergeronnette » (Mistral),  galapastre (Gard, Hérault) fait d’après le FEW partie de la même famille que galavar  « gourmand »; l’élément  gala-  venant d’un germanique wal « bon ».  Le deuxième élément pastre  vient du latin pastor « berger ».

Il y a différentes explications de ce nom.  D’après C.Nigra1 c’est le fait que l’oiseau suit les troupeaux, d’après d’autres c’est la vivacité de la hochequeue qui amuse le berger.  Si vous avez une idée plus précise contactez-moi!

   

Il y a beaucoup d’autres noms pour ces oiseaux.  Voir le Thesoc pour les détails.

bovaira, bovaireta, brandacoa, chinchorlina, coacha, coadièra, coalonga, cuol blan, enganapastre, gardabuòu, guinha-coa, guinhusa, lauraire, marioneta, pastorèla(ta), pastressa, pastressona, pescairòla, porcaireta, rosseta, tèsta negra, trempacuol, vaquièra, vaquièreta, vaquièrona.

Un trésor lexical qui disparaîtra si les occitanistes normatifs gagnent du terrain. Pour Panoccitan  bergeronnette nom f. ZOO oiseau, brandacoa.

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  1. Archivio glottologico 14, p.275

Tenco "tanche" et la celtomanie

Tenco « tanche »  ou « tinea vulgaris »  un poisson d’eau douce. Etymologie : le latin tinca « tanche ».  Sans intérêt, vous me direz et vous avez raison. J’en parle parce que dans le domaine de l’étymologie comme en archéologie  la celtomanie est encore très vivante.  Par exemple l’auteur  de l’article tanche  de Wikipedia,  écrit : « La Tanche (du gaulois tenche) », sans donner sa source; et celui-ci, pareil.  Pourtant le TLF, qui suit le FEW, nous renseigne : « Du bas latin  tinca (ives. Ausone). »

Pour en avoir le coeur net, j’ai cherché l’article tinca  dans le FEW. La première attestation connue vient en effet d’Ausone.  Ausone était  un poète de langue latine, qui s’appelait ou Decius ou Decimus Magnus Ausoniu,  né et mort en Aquitaine au IVe siècle. (Wikipedia).   Nous ne pouvons savoir si Ausone a simplement latinisé un mot gascon, ou s’il l’a connu d’une source romaine.  Le fait qu’il utilise beaucoup de mots gaulois ne suffit pas pour dire que tenco  est d’origine gauloise.

tenco     Ausone

Pour cela il faut qu’il soit attesté dans une ou plutôt plusieurs langues celtiques.  Ensuite la répartition géographique doit correspondre à celle des peuples celtiques avant la romanisation.  Dans le cas de tinca  la présence du même mot dans le sud de l’Italie, tenge à Naples, tenchia, tenga  en Sicile, tinca   en Sardaigne, où il n’y a jamais eu des Celtes, rend  cette hypothèse improbable.

Tinca    se trouve aussi en anglais  tench, néerlandais tinke,  espagnol tenca.

Garriguette, la benjamine de la famille Garric

Garric « chêne kermès; chêne blanc; chêne nain; chêne en général » (Alibert). Garriga « garrigue, terre inculte où poussent les garrics; chênaie rabougrie ». Garriguettes, gariguettes  « variété de fraises créée en 1978 ».  L’étymologie est une base préromane *karr« chêne » ou  *karri- « pierre » sur laquelle les avis des étymologistes divergent.

Garric « chêne kermès » est attesté en occitan depuis 1177  en Rouergue(TLF).  Son dérivé garriga « (terrain avec) des taillis de chêne »  se trouve  en latin médiéval dans tout le domaine occitan. La première attestation vient d’un texte de 817  fait dans le  Couserans, une province gasconne dans l’Ariège.

Extrait de Niermeyer, Jan Frederik, Mediae latinitatis lexicon minus;  2 vol. Leiden, 1976. Vous pouvez consulter des extraits, dont la suite de celui-ci,  avec Google Livres.

Une comparaison de la carte de l’Atlas Linguistique de la France (ALF)  avec l’article de Mme J. Ubaud  sur les noms des chênes en occitan, montre clairement l’effet catastrophique de la normalisation voulue par les  « occitanistes ». Un exemple.  Même les rares  occitanophones dont l’occitan est la langue maternelle, doivent chercher dans un dictionnaire pour savoir comment appeler un « chêne kermès ». Mme Ubaud veut imposer  avaus, mot plutôt rare.  Le mot garric  ne se trouve même pas dans son article.  Pour connaître la réalité, mieux vaut de consulter le Thesoc s.v. chêne.

Carte extraite des   Lectures de l’ALF  de Gilliéron et Edmont. Du temps dans l’espace. par G. Brun-Trigaud, Y. Le Berre et Jean Le Dû. Voir Sources, liens, s.v. ALF 

Ces données sont à compléter par celles, incomplètes hélas, du Thésoc, qui montre que la zone garric   est ou était plus étendue. Il y a  une attestation de garric  pour la Charente!  L’article *karra  du FEW a été publié en 1940 et beaucoup de données manquent bien sûr.

Plus sur l’étymologie de garric et  garriga  dans le TLF s.v. garrigue.

La garriguette par contre n’a rien de préroman. Sa naissance date de 1978. Son histoire romancée :

Ou et quand est née la première gariguette?

– La première gariguette a vu le jour en 1978 dans les laboratoires de l’INRA à Avignon après 16ans de mise au point.1

se trouve dans le blog « Les Végétaliseurs ».  Cette histoire montre que la recherche peut créer du travail et de  la richesse. Intéressant dans la situation économique et politique actuelle.

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  1. Pour éviter que la suite se perde, je l’ai copiée et vous pouvez la  lire ici gariguette tirée_de Les Vegetaliseurs.