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Terraire, terroir

Terraire « terroir » vient du latin territorium « territoire ». Avec ce sens il a abouti en ancien occitan à terridor, en français à terroir. Cette forme sans le changement de suffixe se trouve principalement dans l’ouest-occitan.

Avec un changement du suffixe -itorium > -arium > terrarium est devenu terraire ce qui signifiait pour l’abbé de Sauvages « banlieue d’une ville ». Latin territorium signifiait d’abord « la terre labourable appartenant à une ville » et c’est cette signification qui est plus ou moins maintenue dans le mot terraire. 

Pourquoi ce mot dans ce dictionnaire? Parce que je me suis rendu compte qu’il est pratiquement intraduisible. Notamment dans l’emploi actuel

« Ces terres considérées du point de vue de la nature du sol qui communique un caractère particulier aux productions, notamment au vin. » (TLF)

Cette notion du terroir est à l’origine des notions comme, appellation d’origine contrôlée, etc. En allemand par exemple on parle de Rheinwein, Moselwein, en néerlandais de Goudse kaas, Edammer.  mais la notion « terroir » n’existe pas. A tel point que le fromage appelé Gouda  peut être fabriqué en France.  Depuis 2010 seulement le nom  Gouda Holland  est protégé et le produit doit venir des Pays Bas.  Il ne reste  qu’une seule ferme à Gouda où ce fromage est faite.

A mon avis le terroir fait partie de l’identité française. Nous voyons quand-même que dans d’autres pays, comme l’Allemagne et les Pays Bas, on a commencé à comprendre l’intérêt de cette notion.  Dans le site allemand   Weinwiessner est écrit le Rheinwein n’existe pas.! 

J’ai essayé de traduire en plusieurs langues Sentir le terroir, avoir la saveur, le goût du terroir. Le résultat  est toujours quelque chose comme  « sentir la terre » ou le mot terroir  est maintenu.

Tartifle

Tartifle « pomme de terre ». Grâce à l’essor des sports d’hiver, tout le monde connaît aujourd’hui la tartiflette.

Les Savoyards croient qu’ils sont seuls propriétaires du  mot tartifle dont il est dérivé en oubliant qu’il appartient aussi au  provençal et au  languedocien de l’est (Ardèche, Gard). En plus toute cette région a emprunté le mot au dialectes du Nord de l’Italie : le  piémontais;  il est composé de terrae + tuber « terre + bosse, truffe » .

L’introduction de la pomme de terre en Europe s’est faite en deux phases.  Elle est venue du Pérou en Espagne au début du XVIe siècle et  de là en Italie où elle a reçu le même nom que la truffe : tartoufli, tartífoula.  De l’Italie elle a été importée en Suisse, notamment à Bâle, où le nom tartuffoli  a été adapté et transformé en Kartoffel, qui est devenu ensuite le mot allemand.   La forme suisse catofle  est bien implantée dans la région lyonnaise.

De la Suisse la plante est également importée dans le Dauphiné et probablement dans le Vivarais voisin ainsi qu’en Bourgogne au début du 17e siècle. 

Olivier de Serres qui vivait dans le Vivarais écrit dans « Théâtre d’Agriculture et Mesnage des Champs » 2e éd. Paris 1603 p.513 :

« c’est arbuste dict cartoufle porte fruict de mesme nom, semblable à truffes, et par d’aucuns ainsi appellé ».

La pomme de terre,  à l’époque  une plante rare, était considérée comme une sorte de truffe,  du latin tuber qui a donné en ancien occitan trufa (XIIe siècle) « espèce de champignon souterrain, truffe » et le mot trufo, trufa, désigne toujours la « pomme de terre »  dans beaucoup de patois galloromans et en même temps la « truffe » ou le « topinambour » comme par exemple dans le Gard. Pierre Larousse donne pour tartifle « nom vulgaire de la truffe ».

Enfin en provençal et en est-languedocien c’est le mot piémontais qui a été adopté tartifle qui en languedocien au début du XVIIIe siècle avait les deux sens :  « topinambour »  et « pomme de  terre » (Sauvages) .   En Ardèche, par exemple à Saint-Alban d’Ay existe une autre forme piémontaise trifólas , devenue triffoles  en français régional

La deuxième phase n’a eu lieu qu’’au XVIIIe siècle, grâce à Antoine Augustin Parmentier, quand la pomme de terre devient un élément de la nourriture quotidienne partout en France et que dans le vocabulaire l’élément truffe a été remplacée par pomme.

 

Tapenade

Sans câpres pas de tapenade!

tapenade(Wikipedia)

Cette préparation traditionnelle servie en hors d’œuvre est très à la mode. On la retrouve de plus en plus souvent sur le buffet des réceptions, des plus simples aux plus mondaines. Beaucoup de recettes sur le Web.

Le mot tapenade est dérivé de l’occitan tàpera « câpre ». Le câprier  est un arbuste épineux du  bassin méditerranéen originaire de l’Orient.  Il semble que  les Romains s’en servaient déjà, puisqu’ils  ont emprunté le mot capparis au grec.  Mais  l’utilisation des câpres comme condiment a dû se perdre  au début du moyen âge puisqu’on ne retrouve le mot  dans sa forme indigène dans aucune des langues romanes (en français cela aurait dû donner quelque chose  comme  * chapre ).

La câpre n’est pas un fruit mais le bouton floral du câprier cueilli tôt le matin avant que les fleurs ne s’ouvrent, confit dans l’huile, le vinaigre ou  la saumure .Les boutons floraux de moins de 1.5 cm sont appelés « nonpareilles » ou « surfines» , les plus grands « capucines » ou «communes ». Le fruit, appelé cornichon de câpre, plus gros, est rarement utilisé car son goût est très fort .(Si vous voulez tout, vraiment tout savoir sur les câpres et une centaine d’autres épices et condiments, demandez à votre moteur de recherche de trouver « Gernot Katzer’s Spice Pages ». Impressionnant . Deux photos tirés de ce site.

   

           Les premières attestations en français du mot caspre  datent du XVe siècle, emprunté à l’italien : cappari.  La graphie hésite entre  caspe, caspre  et enfin câpre depuis  la fin du XVIIe siècle. Dans la péninsule ibérique ce sont les Arabes qui ont réintroduit la câpre : en espagnol et en portugais alcaparra est issu de l’arabe kabbar  qui  vient également du grec. Presque toutes les langues européennes ont un représentant du mot grec pour désigner les câpres, par exemple allemand Kapern, néerlandais kapper ou le diminutif kappertjes, estonien torkay kappar etc. Le site de Gernot Katzer fournit le nom en 57 langues dont le Provençal.

Mais il y a une exception : en occitan nous avons une forme tàpena avec un t– au  lieu du c– initial ce qui n’est pas expliqué. On la trouve déjà en ancien provençal   tapera  et en provençal moderne tapeno ou languedocien tàpero. Larousse 1874 donne fr. tapène comme mot du Midi pour « câpres ». La forme avec t– initial se retrouve dans l’Italie du nord, piemontais : tapari, à  Gênes : tapani, à Menton : tapanu, en corse : tappanu, et en catalan : tapara ou tapera.

Le fait que cette forme est propre à la région  méditerranéenne, c’est-à-dire la région où  cette plante est naturelle, et le fait que ce mot ne se retrouve dans aucune autre langue romane, suggère que  la forme tapera  nous provient d’une langue pré-romane comme le ligure, une langue italo-celtique d’un peuple installé autour de la Méditerranée et dont nous avons gardé quelques mots  comme calanque et  surtout des noms de lieux qui se terminent par un suffixe en –oscu , –ascu  ou –uscu, comme  Flayosc (83) Aubignosc (04)  Venasque (  ),  Greasque (13), Blausasc (06). (Voir W. von Wartburg, « Evolution et structure de la langue française« . 6e éd. Berne,  Francke,1962).

L’accent circonflexe de câpre n’a aucune raison d’être. Peut-être un scribe médiéval  a rapproché câpre de l’adjectif âpre  où l’accent circonflexe représente à juste titre le s du latin asper. Une idée pour la prochaine réforme d’orthographe?

Tapar, tap

Tapar v.tr. « boucher ». Alibertdonne les sens suivants  » fermer, clore, couvrir, cacher, rassasier », qui s’expliquent tous à partir du sens « boucher ».  Tapar « boucher » est attesté depuis le XIVe s. en ancien occitan et en ancien catalan. Le verbe français taper « boucher » terme maritime (TLF), a été emprunté à l’occitan au XVIIIe siècle,  ainsi que le dérive tape ‘bouchon » terme technique (TLF tape2).

Les sens « saisir, frapper, tasser », qui n’appartiennent pas à cette famille, mais à celle de l’onomatopée tapp-. Voir pour l’étymologie de ce groupe le TLF taper1

Le FEW distingue deux familles de mots pour tapar « boucher ». Dans le Nord, jusqu’à la Loire nous trouvons des représentants du substantif francique *tappo « bouchon en bois  » (allemand Zapfen  » fausset, robinet de fût ») > français tapon, tampon et au Sud de la Loire le verbe gotique *tappon « boucher ». Voir Grimm).

Le verbe tapar « boucher » et le dérivé tap « bouchon » sont  vivants dans tout le domaine occitan. (voir Thesoc, s.v. bouchon; fausset). Voir aussi l’espagnol tapar « boucher, cacher, fermer » et le substantif tapas « un petit bouchon en accompagnement de l’apéro » qui a conquis le monde entier1

Grimm écrit que les tonneaux anciens n’avaient qu’une bonde en haut et que plus tard on a fait un petit trou cylindrique en bas pour pouvoir tirer le vin ou la bière. Ensuite on a eu l’idée de faire une canelle et un robinet dans le bout de bois. Les Romains ont copié cette technique des Germains.

       

robinet de fût.                    espagnol tapas                               néerl. tappen           néerl. et  anglais tap
Le verbe anglais to tap signfie e.a. « tirer un liquide d’un fût ».

                     Tattoo            

Tout le monde connaît le tattoo d’Edimbourg. Tattoo est un mot d’origine néerlandaise taptoe et composé de tap + toe littéralement « tap fermé ». Un signal ou bruitage militaire qui rappelait les soldats ou les matelots au quartiers. Plus tard la police faisait la ronde des bars et tavernes pour la fermeture des taps. Il n’y a pas si longtemps c’était tattoo à 11H00 du soir en Angleterre.(Harper) . Voir aussi cobrifuoc « couvre-feu » pour les bruitages militaires.

Une belle histoire dans WordlWideWords sur l’expression tapping the Admiral ce qui veut dire « prendre une petite gorgée d’un alcool fort ».

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  1. Le mot tapa  est presque un faux ami.  Voici le riche développement:

    tapa1.

    (Quizá del gót. *tappa).
    1. f. Pieza que cierra por la parte superior cajas o recipientes.
    2. f. Cubierta córnea que rodea el casco de las caballerías.
    3. f. Cada una de las capas de suela del calzado, especialmente la que está en contacto con el suelo.
    4. f. Cada una de las dos cubiertas de un libro encuadernado.
    5. f. Compuerta de una presa.
    6. f. Carne de la ternera que corresponde al medio de la pierna trasera.
    7. f. En las chaquetas, abrigos, etc., vuelta que cubre el cuello de una a otra solapa.
    8. f. Pequeña porción de algún alimento que se sirve como acompañamiento de una bebida.
    9. f. C. Rica. Lo máximo, lo mejor. El equipo de Alajuela es la tapa.
    10. f. C. Rica. En las carboneras, leña gruesa que se pone sobre la leña que va a ser carbón para evitar que la tierra se introduzca entre ella.
    11. f. Filip. Tasajo o cecina.
    12. f. Guat. palabrota.
    13. f. pl. Conjunto de mantas y colcha de la cama.
    14. f. pl. C. Rica. trasero (‖ nalgas).
    ~ de los sesos.
    1. f. coloq. Parte superior del cráneo.
    abrir, levantar, reventar, saltar, o volar a alguien la ~ de los sesos.
    1. locs. verbs. Romperle el cráneo.
    2. locs. verbs. Darle un tiro en el cráneo.
    meter en ~s.
    1. loc. verb. Impr. Colocar dentro de ellas el libro ya cosido y preparado para encuadernar.

Tais, taison

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Tais, taison « blaireau ». En Occitanie nous trouvons d’après le Thesoc deux types lexicologiques pour désigner le blaireau : 1) tais et son dérivé taison et 2) le type rabas (Aveyron et Lozère).

Tais représente le latin taxus « blaireau » , un emprunt aux langues germaniques: allemand Dachs, néerlandais das « blaireau ». Un Dachshund (anglais et allemand) est un teckel, deux mots de la même famille. Une taisnière devenue  tanière est le terrier d’un blaireau. Nous retrouvons le type taxus en Italie tasso et en rheto roman. Les Romains avaient un autre nom pour le blaireau, à savoir meles qui désignait aussi le « martre ». Comme ils importaient la graisse de blaireau de la Germania le mot germanique a remplacé meles. Pour les Romains la véritable « adeps taxonina » venait des pays germaniques, où on la trouve encore de nos jours (Dachsfett), comme en Kirghiztan. Utilisée contre les rhumatismes.

       
Ici un extrait des Elements de pharmacie.. de A. Baumé. Paris 1799.

La première attestation en occitan date de 1240. Aux départements donnés par le Thesoc, il faudra ajouter les Bouche-du-Rhône, le Gard, l’Hérault et la Creuse.

Le type taison qui vient du germanique *taxone, est répandu dans toute la Galloromania : ancien français taisson (1170) , ancien occitan taisson. Il est présent en franco-provençal, dans l’occitan de Die : teissou, teisson (Schook) jusqu’en Ariège et en gascon.

Du machisme dans le monde animal ? Dans beaucoup d’endroits on distingue deux type de  tais  ou taison : tais nas de can, taisson can,  tais cap de pòrc,  tais porquenc, tais nas de pòrc. Cela provient du fait que le museau du blaireau ressemble au museau d’un porc ou de certaines races de chien. En allemand on fait la même distinction entre Schweinedachs et Hundedachs. Cette distinction repose sur une opinion populaire qui veut que la viande du tais nas de pòrc est bonne à manger, mais la viande du tais nas de can a un mauvais goût. Cette opinion est encore vivante dans le Diois, où Han Schook a noté : « teisson; n’i a doàs menas : au nas de chin e au nas de caion que son melhor a minjar ». Cela provient du fait que le blaireau mâle vit en solitaire et est très propre, tandis que les femelles qui doivent s’occuper des petits ont beaucoup de mal à tenir leurs terriers propres et elles manquent cruellement d’aide au domicile.
(plus sur les blaireaux dans Wikipedia).