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Faudal, fandaou

Faudal, Fandaou « tablier » est dérivé du mot gothique  falda « pli ; ourlet ». Cf. l’allemand  falten, anglais  fold « plier », néerl. vouwen, (autrefois vouden), vouw « pli ».  Sens conservé à Lasalle (Gard)   faudo « pli » et Alès  faoudo « poitrine de bœuf » (S).

En ancien occitan  faudas (f.pl) est un « pan d’un habit ». Le mot s’est répandu dans le Midi, en Italie et dans la péninsule ibérique : cat. falda « tablier, giron ». A partir du sens « pli d’un tissu, pan d’un habit » s’est développé le sens « jupe ». Au moyen âge    faudas désigne aussi « la partie de l’armure qui va de la ceinture aux genoux ». Du sens « jupe » on passe à la partie du corps couverte par celle-ci : « giron ». Languedocien  faoudo, fauda  « giron ». Alès  fa faoudito « s’accroupir » (S).

En languedocien il y a deux dérivés concurrents 1)ale  comme fudaou, fandaou « tablier » . 2)ile  comme en Lozère fudyao. Parfois on fait une distinction  entre tablier pour homme ou femme. Autres dérivés : se refaudi « se blottir, se refugier (sous-entendu dans le giron) » et  refaudi  « refuge ».

Les Wisigoths et plus tard les Ostrogoths ont occupé la Septimanie chère à Georges Frêche, de 419 à 711.

Une leçon de géographie linguistique.

La comparaison de la répartition géographique des mots pour désigner le tablier en France et en Italie, nous montre que l’histoire des mots  reflète l’histoire politique et culturel d’un pays. En France, tous les types dialectaux, comme devancièr, escorcuel, fauda et faudère, etc.ne se trouvent que dans la périférie, en Wallonie, Flandres, Gascogne, Languedoc. Le mot adopté par l’Ile de France a remplacé les mots locaux à partir de Paris en suivant les grandes routes. D’abord le type devantier  s’est répandu à partir de Paris et plus tard  le type tablier. La cartographie du progrès des types devantier et tablier  ressemble beaucoup à celle des lignes de la SNCF et des grandes routes. En Italie par contre il n’y a jamais eu un pouvoir central jusqu’à Garibaldi; là on trouve un mot piémontais, milanais, vénitien, etc. Chaque région a sa propre identité.

A la base de cette carte se trouve celle de l’Atlas linguistique de la France (ALF) n° 1274. Les différents types lexicaux sont représentés par un rainurage différend. Voir en haut à droite de la carte.

Nous voyons bien que lors des enquêtes pour l’ALF autour de 1900, le type dominant en France pour désigner le tablier était devantière. Tous les autres types lexicaux comme falder, fauder, escorcuel, banette, ne se trouvent que dans la périphérie du domaine galloroman.

Le type fald- domine en Provence dans l’est du languedocien et en franco-provençal. Ce domaine continue dans le Nord de l’Italie. Mais nous voyons aussi un genre de grande île fald- dans le centre du languedocien. On a le sentiment que le type dominant devantière a fait une percée vers la côte méditerranéenne. C’est ce qui s’est produit. Les textes en ancien occitan prouvent que le type fald- occupait une zone bien plus grande. Sous la pression de la langue officielle qui désignait le tablier avec le mot devantière le falder a reculé. Il est plus chic de porter une devantière qu’un fudaou, ou un fandaou. Parfois ce sont les hommes comme le forgeron qui continuent à porter le dernier.

L’escorcuel est porté dans les dép. du Nord et du Pas de Calais, l’ouest de la Wallonie et des îlots plus au Sud, qui témoignent d’une extension autrefois plus grande. Ces parlers ont le soutien de la région voisine flamande, puisqu’en flamand et en néerlandais le tablier s’appelle schort. Là aussi comme dans le domaine fald-, la devantière a gagné du terrain, surtout dans les Ardennes et le pays de Liège.

La banette dans le Nord du dép. de la Meuse désigne surtout le tablier de travail de l’homme et tablier tout court par extension de sens. Le ceignoir ne se trouve que dans la Somme.

Si onous pouvions refaire le travail de Gilliéron maintenant, nous verrions certainement que le type tablier a fait de grands progrès et a supplanté la devantière dans de nombreux parlers. Pourtant en 1900 tablier n’occupait que Paris, l’Ile de France et des pays avoisinants, mais on voit sur la carte qu’il y a déjà des têtes de pont dans la direction du sud-ouest et le sud-est, vers Bordeaux et vers Lyon-Marseille, en suivant les grandes routes de communication et de commerce. L’histoire se répète : il est plus chique de porter un tablier qu’une devantière.

La France est LE pays de la centralisation.

Quelle différence avec la carte du même concept en Italie où chaque région a gardé son identité: Le Piémont et la Vallée d’Aoste qui continuent la zone occitane du type « FALD-« , qu’on retrouve en Sicile et en Sardaigne!!!, Milan « SCOSSAL », Venise « TRAVERSA » et ainsi de suite. C’est l’histoire politique, économique et sociale qui explique cette richesse lexicale.

 

Bardotades et bardot

Bardotades “bêtises” (Lhubac),   est un dérivé de bardot  » mulet ; nigaud (Lhubac) ».  Pour le glissement de sens vers « nigaud » voir ase.

L’étymologie est la même que celle du français bardot. D’après le FEW, suivi par le TLF, bardot vient de l’arabe barda’a  « bât rembourré pour un âne ou une mule; couverture qu’on met sous la selle ». La première attestation vient d’un texte en latin rédigé à Toulouse en 1144 (DuCange):

Barda « selle (rembourrée) » est bien attesté en provençal et languedocien, comme ses dérivés bardon « bât », bardèlo « bât rembourré » (Marseille), bardino « idem » à St-Affrique, barder « couvrir un cheval d’un barde » (français), bardeto « petit corset d’enfant ».Barda « bagage » vient de l’argot militaire et a été importé directement par les soldats qui faisaient leur service en Algérie.

A partir du sens « barde mince » s’est développé le sens « tranche de lard mince pour garnir un chapon, etc. » bardo, bardino « tranche de lard » (Aveyron).

Bardot « mulet » est dérivé de  barda par métonymie de contiguité. Le mot a probablement été créé en occitan et prêté au français. Il prend les mêmes emplois secondaires que ase: « souffre-douleur, imbécile, celui qui doit travailler dur, etc. « . Languedocien bardoutas est « un grand nigaud » et une bardotado « une bévue » mot formé comme cagado. Un bardou est un petit âne.

Les sites de Généalogie  donnent comme origine du nom de famille  Bardot1 , l’ancien francique  barda « hache », ou avec une certaine réticence le bardot  « mulet »  qui aurait pris le sens « propriétaire de mulet’.  Le  problème qui se pose avec l’ étymologie  barda « hache » est que le mot est très peu répandu dans les parlers galloromans.  Quelques rares attestations en ancien et moyen français et dans les parlers du Valais suisse. Par contre bardot « muletier »  est attesté chez Brantôme, un Périgourdin, pour la première fois dans l’expression  passer pour bardotbardot  désigne une personne: (Godefroy):

bardot au XVIe siècleJ’ai cherché la source de Godefroy. Il l’a trouvé chez Lacurne de St.Palay, qui cite Brantôme,

Un bardot  est  « le mulet qui marche à la tête des autres mulets et qui porte le muletier avec ses provisions et ses ustensiles ».  Le transfert du nom du mulet sur le muletier  > Bardot  est une simple métonymie.

Aubarda « sorte de bât allongé », qu’on trouve dans l’Ouest-occitan fait partie de la même famille, mais a été emprunté à l’espagnol albarda qui avait gardé l‘article arabe comme dans beaucoup d’autres mots d’origine arabe. Au figuré aubardo signifie à dans le Val d’Aran et à Bagnères « la laine laissée sur la peau de la brebis à l’occasion de la tonte ». En béarnais aubardà « ôter le bât; se débarasser d’un vêtement lourd ».

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  1. Bardot :Nom fréquent dans l’Allier mais aussi dans l’Est (88, 90). Sans doute dans la plupart des cas un diminutif de Bard, Bart, nom de personne d’origine germanique (barta = hache). Il peut cependant s’agir parfois d’un toponyme (cf le hameau du Bardot à Senaide, dans les Vosges), avec le sens de terrain argileux.

Pebre

Pebre « poivre; variété d’olive, gattilier (arbrisseau); lactaire poivré (lactarius piperatus) ». Du latin piper « poivre ».

Pèbre d’âse ou pèbre d’aï  « la sarriette ». Orthographe ou ay « âne », mais l’ail est autre chose.
Pour certains le pèbre d’ail est une variété de thym ou de serpolet. Une visiteuse vient me signaler que pour elle la sarriette a un goût entre le poivre et l’ail et il y aurait donc deux noms pebre d’ase et pèbre d’aï. En effet ces deux noms peuvent prêter à confusion, d’autant plus que très souvent les noms des plantes varient d’un endroit à l’autre. Mais ce n’est pas le cas pour pèbre d’âse et pèbre d’aï  « la sarriette ». Latin asinus a abouti à ase en provençal central et en languedocien, mais à en provençal de l’est, Alpes Maritimes et Var, où le -s- entre deux voyelles de ase est tombé. A Arles et Avignon les deux formes sont en concurrence, et la forme ase y est considérée comme « populaire ».

D’autres plantes, généralement avec un goût piquant s’appellent également pèbre  comme le « gattilier »  (Vitex agnus castus), appelé communément  Agneau chaste, Poivre de moine, Faux poivre, Gattilier, anglais Chasteberry.

Explication: en surfant j’ai trouvé les remarques suivantes: le pèbre est une  « Graine comestible à la saveur de poivre, à consommer avec modération : on l’appelle poivre de moine car il était utilisé dans les couvents pour amortir le désir de la chair. » De nos jours  d’autres effets sont mis en avant: le vitex agnus castus est une plante asiatique qui permet de mieux vivre les variations physiologiques dans les périodes de pré-ménopause. Il agit sur les sensations de chaleur.

Solerius1 parle de deux sortes de pebriers :

C’est la 3e fois que je tombe sur cette plante! Voir vedigana et bedigas.

Pebrada « sarriette (Velay); thym (Hte Loire, Thesoc).

A ne pas confondre avec le poivre d’âne ou pèbre d’aï qui est un fromage français à pâte molle. Son appellation provient de son enrobage de plusieurs herbes sèches, dont une,  la sarriette,  porte le nom provençal de pèbre d’aï  (Wikipedia).

Pébron « piment, poivron » (Camargue) vient du provençal pebroun.  Pebron a pris un sens péjoratif : « Amateur, jusqu’à l’excès, des boissons alcoolisées ! » Comme français poivrot, parce que les boissons alcoolisés contenaient pas mal de poivre.

Charlelie Couture  m’a demandé l’origine de l’expression « qui date de l‘an pèbre » . Dans le blog de Pappataci vous trouverez l’explication suivante:

L’origine de cette expression est vraisemblablement liée à une terrible épidémie, la « pébrine »qui, en 1848, causa des ravages sans précédent dans les élevages de vers à soie du Midi de la France, et plus particulièrement dans les Cévennes et la Provence. Le nom français de  » pébrine  » est tiré du provençal  » pèbre « , car la maladie se caractérisait par de petits points noirs, comparables au poivre moulu.

Philippe Blanchet propose dans l’ouvrage Zou boulegan : expressions familières de Marseille et de Provence une autre explication:  l’an pèbre  désigne l’an pépin, c’était à l’an pèbre = c’était il y a très longtemps » mais nous n’avons pas pu vérifier cette information.
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  1. Solerius (Hugo), sanionensis, Scholiae… à la suite de Aetii medici tetrabiblos... édité par Cornarius, Lugduni, 1549, in-fol.

Arcanettes

Arcanettes « le sang qui monte à la tête » voir arcana

Arcana

Arcana s.f. « craie rouge, ocre rouge, sanguine, oxyde rouge de mercure ». L’étymologie est le nom du « lawsonia inermis », appelé henné en français moderne, Henna ou echte Alkanna en allemand. C’est un arbuste de l’Orient dont les feuilles servent à fabriquer un colorant rouge depuis la nuit des temps. Il s’agit du  hinna en arabe et au XIIe siècle ce nom a été latinisé par Gerardo di Cremona (1114-1187) en alchenna. Ensuite il  a été vulgarisé par les médecins dans les langues romanes. FEW XIX,71

           

                                    lawsonia inermis.…………….. alkanna tinctoria

En ancien occitan le diminutif arcaneta a été donné à une plante locale, « alkanna tinctoria » orcanette en français moderne qui donne une couleur comparable ( or- au lieu de ar- probablement sous l’influence du mot or).
Dans notre région et en franco-provençal le mot sert aussi à désigner « l’ocre rouge » dont se servent les charpentiers pour marquer les poutres et les marchands de bestiaux pour marquer les bêtes. Un Néerlandais occitanophone (oui ça existe !) m’écrit : »arcana » èis un mot coneissut en Droma per desinhar lo marcaire roi de fias (fedas).
Beaucoup de dérivés sont attestés dans la région de Loriol et de la vallée de la Drôme, comme arcanayre « ouvrier employé aux mines de fer », arcanœyro « coloration en rouge » et arcanà  « marquer à la craie rouge », mais je pense que ces mots existent également dans la région de Roussillon.

     

Les carières d’arcana à Roussillon.                          Avoir les  arcanettes         

Arcanettes, avoir les arcanettes « le sang qui monte à la tête »  expression très courante en français régional.