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Bandido

Bandido « l’accompagnement des taureaux retournant au bercail par les gardians à cheval» (Camargue), est un « faux ami ». Il ne s’agit pas d’un emprunt à l’espagnol, puisqu’en espagnol bandido signifie uniquement « bandit ». En ancien occitan existait  le verbe bandir « déployer une bannière de façon à ce qu’elle flotte au vent ». Le verbe  bandir  vient du gotique bandwjan  « donner un signe ».  Bandwjan  est dérivé  du substantif  bandwa « signe ».  Bandwa  est à l’origine du mot  bande  « groupe de gens  »  sous-entendu « sous le même signe ». C’est la notion « groupe, bande, troupeau » qui est essentielle.

 Bandido  médiévale

Dans les langues germaniques nous le retrouvons: allemand Bande « troupeau, groupe », néerlandais bende, anglais band, qui avec le sens « groupe de musiciens » est revenu en français. (Pour en savoir plus tapez « etymology band » sous Google.)

En occitan moderne dans les Hautes Alpes bandir est « lâcher, délivrer », dans le  Champsaur bandir les bêtes « leur laisser tout le pré », à  Marseille « exiler » à Alès « chasser, lancer, envoyer ».   

Le sens d’origine du mot bandido a dû  être quelque chose comme « lâcher les taureaux au pâturage ». Je ne l’ai pas trouvé  dans les vieux dictionnaires du languedocien mais il est bien vivant en Camargue.

Les mot francais bandit, néerlandais bandiet  ont la même origine gotique, mais ils nous sont parvenus par l’intermédiaire de l’italien où le part. passé bandito  avait pris ce sens.

Le féminin bandita par contre y a gardé une signification tout près du sens camarguais : « droit d’usage d’un pâturage ».

Le Pégorier mentionne un adjectif bandit  (bos)  avec le sens « bois dont l’exploitation est défendue à cause des avalanches » dans le Briançonnais. S’agirait-il d’une évolution sémantique locale?

Bancel, bancal

Le bancel n’est pas bancal. Christian Lasure écrit :  « Ces deux termes occitans, l’un languedocien (bancèl), l’autre provençal (bancal), ont le sens non seulement de « plate-bande », de « planche cultivée » mais aussi de « banquette de terre », de « gradin de culture ». La forme bancèl est répandue dans les Cévennes ardéchoises, dans la Gardonnenque (Gard), à Vialas (Lozère). L’origine des deux termes est évidente : ils sont dérivés de l’occitan banc, « banc », dont ils conservent le sens, sans changement notable pour bancal, mais avec une idée de diminutif pour bancèl (« petit banc »). »

bancel, bancal, traversier

Là nous avons un petit problème de phonétique historique, un aspect important de l’étymologie qu’on oublie souvent.

Bancal est le résultat régulier en occitan, aussi bien en provençal qu’en languedocien, du mot germanique *bank très tôt passé en latin + le suffixe –ale > bancale. Les premières attestations en ancien occitan datent du XIIe siècle où bancal signifie « bande d’étoffe servant à couvrir un banc ». Dans l’Aveyron bancal est passé de ce sens à l’objet qu’il couvre : « grand banc qui sert de coffre et de siège ». (Ce qui nous rappelle l’histoire du mot bureau en français de burel ‘étoffe’ > ‘table couverte d’un tapis). Comme adjectif, bancal  avec le sens « qui a les jambes tournées comme celles d’un banc » existe en aveyronnais et dans les Cévennes gardoises.

Bancel par contre est un autre dérivé de *bank. Il s’agit du suffixe -ellu. Le[-k-] devant le -e- bref du latin devient régulièrement [ -s- ] comme à l’initiale : coelu > cel ‘ciel’. Des amis m’ont confirmé que le mot bancel pour ‘gradin de culture’ est très répandu en Lozère. Il est également attesté à St-André de Valborgne (30).

Le mot banc a pris plusieurs sens en galloroman, dont celui d’ « ‘amoncellement de sable ou de neige; muraille qui retient la terre d’une vigne en pente » : à Mende bonko ‘rocher’ et en Ariège banko ‘culture en terrasses’. Mistral donne le dérivé bancau (qui vient de bancale) pour le provençal et bancal pour le languedocien avec les sens 1) plate bande de jardin 2) gradin d’un terrain en pente. Le FEW  précise : le mot bancal existe en Rouergue et bankals au pluriel est la ‘culture en terrasses’ en Ariège.

Une question intéressante est de savoir pourquoi les Romains ont emprunté aux Germains un mot comme banc qui désigne un meuble tout à fait banal. En mobilier les Romains avaient des scamnum et des subsellum, mais c’étaient des escabeaux pour les enfants et les esclaves. Monsieur et madame, eux, se reposaient ou mangeaient sur des lits.

Les Germains par contre qui avaient des maisons en bois, faisaient tout autour de la pièce à vivre un bank avec un appui pour le dos contre la paroi, comme on le voit encore dans les Stube en Allemagne, Autriche, République tchèque. Les Romains ont copié la chose et le mot. Dans beaucoup de maisons allemandes le banc fait partie des meubles traditionnels,  c’est standard.


Bagnà

Bagnà « mouillé » du latin balneare « baigner ». Le glissement de sens, qui est évident,  se trouve surtout dans le Midi. La recette d’origine du pan bagna telle qu’elle est  donnée par Andolfi  correspond à celle du « pain perdu » et n’a rien à voir avec les sandwichs qu’on trouve de nos jours dans les snack-bars.

. pan bagnat ?

Bagnaduro «  mouillure, sauce », est dérivé de bagnà.  Bagnaduro  signifie aussi « rosée »  dans les départements 13, 30 et 11 d’après les données de l’ALF.

Bachas

Bachas « mare, flaque d’eau souvent boueuse » (Domergue) est cité par le FEW dans l’article bacca, *baccus « vase à eau ». Le sens « mare » du dérivé bacca + -aceu est donné par le témoin de Fourques pour l’ALF au début du 20e siècle et par l’abbé de Sauvages (S1) qui écrit :  « Bachas « gachis, mare, margouillis, flaque d’eau; auge de pressoir à vin ».

J’ai l’impression que le sens « mare » est caractéristique pour la Camargue. Partout ailleurs bacca et ses dérivés désignent des conteneurs, « auge, bassin, tronc d’arbre creusé, cuvette » etc. spécialisé en « auge de pressoir à vin » pour l’abbé de Sauvages. La présence des flaques d’eau un peu partout en Camargue ou l’absence d’auges (autrefois) expliquerait cette évolution sémantique.

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Androune, andronne

Andronne, androune  s.f. « ruelle ».  Dans le Compoix de Valleraugue tome 1,p.68  : « petite androune et égouts entre deux maisons« . D’après Aimé Serre pratiquement toutes les impasses à Nîmes s’appelaient Androna, par exemple l’Impasse de l’Aurore  était Androna de l’Auba. l’ Abbé de Sauvages distingue en effet deux mots, le second ayant le sens « cul de sac ».   Andron  existe en français comme « terme d’antiquité » d’après Littré.


 Mistral cite  en plus les diminutifs androunasso « ruelle immonde » et androuneto « petite ruelle ». D’après lui androun est aussi un toponyme (près d’Aimargues) et un nom de famille provençal.

Androune   à Valleraugue            à Manduel

A voir : un site sur les Bastides dans le Lot et Garonne: http://bastidess.free.fr/doc-andr.htm avec une photo d’une androne à Monflanquin.
Etymologie : il s’agit du mot grec ανδρωνα, un dérivé de ανηρ « homme ». La forme androna se trouve aussi dans des textes en latin du VIIIe au XIe siècle. Si vous voulez tout savoir suivez ce lien vers la page de Du Cange! Du latin facile! En galloroman androna est limité à l’occitan. Le français a emprunté la forme latine andron au XVIe siècle pour décrire l’habitation chez le Grecs anciens.
En grec andron, androna désigne d’abord « l’appartement des hommes » et puis les “couloirs où les hommes discutent entre eux”: ut gynaeceum a mulieribus « comme les femmes dans les harems », écrit Festus (premier siècle).  Voir le Dizionario etimologico qui explique qu’il s’agit de traditions culturelles et le respect de la séparation des sexes dans l’habitation.   Les hommes allaient aussi dehors dans les passages entre les maisons pour « discuter ». Le résultat a été que dans quelques parlers l’ androune désigne les « latrines ». Le sens « ruelle, cul-de-sac » est également attesté dans les textes latins à travers tout le moyen âge et il est encore vivant dans le nord de l’Italie où il est féminin (La plupart des auteurs cités par Du Cange viennent  de cette région), comme chez nous et en catalan androna. En italien moderne androne  « portique, entrée » est masculin comme en latin.

  
Deux images d’un gynaeceum. Vous comprenez pourquoi les hommes partaient en mer ?

Le sens « tour de l’échelle« (= Servitude qui donne au propriétaire du bâtiment auquel est dû le droit de placer une échelle sur l’héritage du voisin pour réparer son mur. On nomme aussi androun  « un espace d’un mètre au-delà d’un mur de clôture  »

Le »tour d’échelle » est toujours d’actualité:(cliquez sur l’image)