cat-right

Bòrda

Bòrda « bergerie, bergerie de montagne, chaumière, étable à cochons, remise agricole, ferme, métairien domaine agricole » (Alibert) est un mot d’origine germanique : bord « planche ». Ce sens existait encore en moyen français bort « planche d’une certaine grosseur ». (cf. DMF sous l’étymon bord). Bord est courant en néerlandais bord  « planche pour jouer, échiquier, damier, etc; assiette, panneau; tableau noir ». D’après l’EWN il s’agit d’un mot pré-germanique. Il est neutre dans toutes les langues germaniques et a été romanisé en bordus (> afr. bort) et en bordum pluriel borda.

Un bord aux Pays Bas

C’est surtout cette dernière forme, prise pour un féminin qui a survécu, comme francais borde « petite ferme ».  Voir le TLF qui ajoute cette remarque « Terme usité surtout dans la France du Sud-Ouest… » Depuis Clément Marot borde a pris le sens « maison de campagne ».

En languedocien le sens est plutôt « ferme, métairie », mais quand on va vers l’ouest la bordo devient « une bergerie, un étable à cochons, une grange, un parc à brebis ». Dans la même région c’est le dérivé bourdil, bourdiu qui désigne la métairie et le bourdiley le « métayer ». D’après le Thesoc il y les types: bordalièr, bordassièr, bordier, bordilhièr pour « métayer ».

  

bordas

borda

Le dérivé de bord le plus connu est le mot bordel « maison close », connu en galloroman de Liège jusqu’en Béarn et il a joyeusement passé toutes les frontières : allemand, anglais (par l’intermédiaire de l’italien bordello) espagnol, etc.

D’après Wikipedia  existe une étymologie populaire amusante : « mot venu dit-on du Moyen Âge lorsque Saint Louis cachait des « femmes de petite vertu » (surnommées les bordelières) au bord de la Seine dans des maisons appelées bordeaux (bord d’eau). »

Mais attention à Nancy un bordel est « un lavoir public avec un petit abri », en Lozère un bourdel « un petit tas de fumier sur le champ », et à Ytrac dans le Cantal « un petit tas de foin »;  le verbe debourdelà y signifie  « défaire les tas de foin ».

A Vauvert d’après Google maps, Le Bordel, 30600 Vauvert, Gard, Languedoc-Roussillon,  se trouve en plein champ.

 Bourdic  est un village et  une bonne cave dans le Gard.

Bugne, bonha

Bonha « bigne, bosse, enflure; souche d’arbuste; maladie du maïs; écrouelles » (Alibert), en français régional : baigne, bugne; bugner « toucher, heurter »(Andolfi), bougne « griffe, coup »(Lhubac).

Ancien français bigne, bugne signifie « bosse à la tête provenant d’un coup »  et de là, en prenant la cause pour l’effet : « gifle », représente un celtique ( ?) *bunia « souche d’arbre ». Languedocien bougno  et bougnas, bonhas « vieux tronc d’arbre ; petite souche » ;  bougneto « petite souche ». (S.).  L’évolution des sens a dû être « nœud d’arbre » > « bosse » > « coup ».
Pour l’ informateur ardéchois de Gravières de lAtlas linguistique la bugno est carrément « la tête ». Est-ce que la violence y règne?

Probablement de la même famille sont français beigne, italien bugna « bosse » et le catalan bony.  Anglais bunion « Callosité qui se forme au niveau des articulations du pied, en particulier à la naissance du gros orteil ». Peut-être même le néerlandais bonje  « bagarre ».
Un rustre ne connaît que la force de ses poings, de là bougnat « paysan rustre, grossier ». (And.). Bougno « tache » et bougneto « petite tache » sont  peut-être  dérivés de l’aspect d’une  « bosse » après un certain délai…
Par contre quand un Lyonnais vous donne une bugne, c’est un geste d’amitié! D’après le grand nombre de visites le 24 février 09, une patisserie pour le Mardi Gras . Pour une recette cliquez ici !

Est-ce que l’argot lyonnais bigne « prison », et bignolle « agent de sûreté » argot français bignole « concierge » appartiennent à la même famille?? (FEW XXIII, 129b)

bugnes lyonnaises

 

 

Boudego

Boudégo, bodega s.f. « grande cornemuse de la Montagne noire languedocienne faite dans une peau de chèvre entière »  m’écrit une visiteuse. Cliquez sur le lien pour beaucoup plus d’informations! « cornemuse » (Aude); « personne ventrue » (Alibert). Mistral donne aussi le sens « vessie » et boudeo, boudegoú « petite cornemuse »: boudegaire « joueur de cornemuse ».

      !  

Ci-dessous, à gauche: Les peintures du plafond datant du XVe s. du château de Capestang. Crédit photo : Association de sauvegarde du patrimoine capestanais. A droite : Un tambourinaïre et un bodegaïre entament peut-être une « carole » sur un des chapiteaux polychrome de Villardonnel . Crédit photo : JL Matte.

        

Dans le FEW le mot est classé dans les Incognita, vol.23, p.147a., mais l’auteur ajoute qu’il fait probablement partie de la famille de mots qui sont sortis d’une racine onomatopéique *bod-, ce qu’il avait fait d’aiulleurs 50 ans plus tôt dans le vol. I, p.423a : « boudego « cornemuse » Toulouse, Aude id. M. » Il a dû l’oublier.

La racine *boda le sens de quelque chose de « gonflé, renflé, lippu ». A ce groupe appartiendraient des mots comme français boudin, languedocien boudeno « ventre », occitan boudenfla « enfler », français bouder, etc. L’article *boddu FEW a paru en 1926 et ne fait pas partie des articles revisés. 1

Je pense que les représentants de buttis « tonneau », principalement ancien occitan bot et bouto « outre » ont joué un rôle important dans l’histoire de ce mot. ( Voir bout « outre, tonneau » ci-dessous. Le FEW classe le verbe boudenfla « enfler » dans l’article *bod mais boutenfla dans l’article buttis. Il est évident que dans l’evolution les deux familles de mots se sont mutuellement influencées. Il est impossible de distinguer les représentants de *bod- des représentants de buttis « sorte de vase » voir bout.

En Catalogne il y en a d’autres: El sac de gemecs « le sac des gémissements « est un des noms de la cornemuse catalane. Suivant les lieux d’autres vocables seront utilisés, dont bot et cabreta (< capra « chèvre »). Cette cornemuse possède trois bourdons pendant vers le bas. On la trouve en Catalogne nord (Pyrénées Orientales), en Catalogne sud (Principat de Catalunya), et à Mallorca, avec de faibles variantes chaque fois. El bot aranès vient du Val d’Aran, cette partie de l’état espagnol qui est en réalité de langue occitane mais qui a coutume d’utiliser également le catalan. Le bot est une cornemuse rustique qui possède au moins deux particularités :

  • – le pied fonctionne avec une anche simple (comme sa proche voisine gasconne, la boha, et contrairement au sac de gemecs).
  • – il n’a pas de bourdon, ce qui est rare pour une cornemuse… Il se joue en doigté ouvert ou fermé, en fonction de la fabrication.

 

                                                                                    Bot aranes et                                                                                       el sac de gemecs

Dans Wikipedia catalan il y a une page sur les cornemuses en Europe!

Voir aussi l’article bout « tonneau, outre ».

______________________________________

  1. Pour les très intéressés il y a l’article prelat.bot(t)-; bond-/bold-; but(t)-;pott- ‘gonfiore; cavità’ dans le LEI

Bloudo

Bloudo« boue, fange » est un mot de la région de Loriol et Die (confirmé par Han Schook : bloda s.f. « boue », qui me signale que bloudo est connu dans le Diois jusqu’à Loriol d’après l’abbé Moutier, mais aussi à Bourdeau « boue liquide ») et Dieulefit « boue, fange », dans le Dauphiné.

L’origine est un dérivé du latin abluere « laver »: abluta « lavée » attestée chez Pline. Voir le LEI , qui donne les nombreuses attestations italiennes de cette famille de mots. Italien biuta « 1 miscuglio di terra, rifiuti animali e materie grasse, usato per turare buchi sui tronchi degli alberi o come intonaco 2 ( antiq.) belletto 3 ( dial.) velo di zucchero e chiara d’uovo che si spalma sui dolci per ottenere una crosta lucida ». (Sapere, un des rares dictionnaires qui contient ce mot).

D’après le LEI, albanais blutü « fleur du vin » et grec moderne mplouto « taches rouges cutanées » font également partie de cette famille de mots.

Blavet

Blavet « bleuet » est un dérivé du ancien franc *blao « bleu », cf. allemand blau, néerlandais blauw, ancien anglais blaw.

Dans le Thesoc s.v. bleuet huit informateurs de l’Ariège ont donné comme mot local le type rossignol. Comment expliquer cela? La solution se trouve dans le FEW.  L’enquêteur a dû demander « Comment appeler vous le  bleuet ? » Ces informateurs ont compris qu’on leur demandait le nom d’un oiseau.  En effet, dans quelques dictionnaires du XIXe siècle est mentionné: bleuet « martin-pêcheur » (Bescherelle 1845; voir aussi TLF).

Cette dénomination est typique pour certains parlers occitans : Nice bluiet, Aveyron, Tarn bluet. D’après les dictionnaires cités dans le FEW le bluè est dans le Gard la « mésange bleue », appelée blauet dans l’Hérault (M); dans les Bouches du Rhône le blavet est le « tarier, saxicola rubretra ».

           

martin-pêcheur                                    mésange bleue                                       tarier                     rossignol

D’autres noms du bleuet fleur : flor pèrsa (Charente); tartarièja° (Ardèche; Hte-Loire) le nom de la « rhimanthe crête de coq » (Alibert); escanapols  (Saurat en Ariège; repris par Alibert). Il faudra demander à un paysan, s’il comprend le lien sémantique. Voir le verbe escanar.
Nous ne pouvons pas savoir si les types bluet, bleuet, blaveta dans le Thesoc correspondent à la fleur ou à l’oiseau.

Pour avoir une idée plus précise, j’ai consulté le RollandFaune. Pour le domaine occitan il nous donne les noms suivants: pêche-martin (Charente); bernard pescayre (Landes); aouzel de saint Martin; bluyet (Toulouse); martin pescaire (provençal); marti pescaire (languedocien); blabet (P.O); bluet (Tarn); blavié (Nice; languedocien); bluré (BduRh); bluret (provençal, languedocien); merle picheret (Limousin).

Le corps desséché de cet oiseau passe pour éloigner les mites et les teignes ; on s’en sert dans ce but dans un grand nombre d’endroits, de là les noms suivants qu’on lui donne : drapier s.m. (Isère); arnié s.m. (Languedoc ; Hérault, Provençal); arniè (Béziers); argné (Gard); Arné (PO); Darneire (Hte-Loire); Derna (Auvergne).

Remarque: Arnié, argné arné signifie proprement celui qui préserve des arnes = mites. Les mites s’appellent: Arna, arno prov.. Darno (Tarn ); Derna Auvergne, Arda (anc.occitan). Voir article Tinea dans le vol. III. de Rolland Faune.
Autre noms : Vable dé vilo (Gard); Alcyoun Languedocien.; Alussi Languedocien seulement dans la phrase cridà coumo un alussi  » crier à tue tête.

Le « bleuet » (la fleur ou l’oiseau ??) est appelé escanapols à Saurat en Ariège; confirmé sans localisation par Alibert.

ATTENTION! Dans beaucoup de régions et notamment au Québec le bleuet est le nom de la myrtille! Le québecois est né des parlers des régions atlantiques, de la Normandie jusqu’à la Saintonge (BDP; FEW) et non pas du  français parisien.

Bleuets quebecois