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Calanca

A la cale dans une calanque


Une carte amicale reçue ce matin!

En occitan le mot calanca existe depuis la nuit des temps. De nos jours tout le monde connaît les superbes calanques à Cassis et sur la côte près de Marseille. Cela n’a pas été toujours le cas. En français ce mot n’a été adopté que depuis 1690 avec le  sens  «petite crique à l’abri d’un promontoire ».  En occitan la première attestation écrite date du 13e siècle dans un texte provenant d’Arles, où calanca signifie « ruelle étroite ». Dans les patois modernes, nous le trouvons à Champsaur  (Hautes Alpes) chalancha, « éboulis de terre au flanc d’une montagne » et dans le Var, kalanko ou kananko « crevasse de rocher ». Dans l’Hérault à Béziers calanco est « une aspérité d’un terrain raviné » et à Palavas calanca « un petit abri sur la côte ».

            Calanca est connue comme nom de lieu  dans les Alpes au nord de Milan et de Venise, et dans les Grisons en Suisse il y a même une ville  Calanca. On le retrouve  dans les Apennins et dans l’Italie méridionale (Calabria)  ou comme substantif  en Sardaigne, calanca « crevasse » et en Corse

                    

  « petite crique » (voir photo à droite), pluriel calanche (prononcez:  kalanke). La Tour de la Calanca est bien connue des promeneurs. En corse  le mot colônca désigne un « luogo riparato e basso tra monti e poggi ».

colonco

A  Barcelonnette calanca est une « pente raide dépourvue de végetation qui sert de couloir aux avalanches ». D’après Pierre Larousse  on dit aussi carangue,  carangue  ou caranque, mais je n ‘ai pas retrouvé ces prononciations dans les lexiques patois.

Un visiteur me signale qu’en Forez existe le mot chala (le C occitan devient CH chez nous, prononcé comme en français à Lyon, comme le th anglais en Savoie et ts au Val d’Aoste) pour dire « à l’abri ». Il y a aussi le verbe chalar « mettre à l’abri », se chalar ou s’enchalar « se mettre à l’abris. »

Les étymologistes attribuent le mot  à un substrat préroman et même pré-celtique parce qu’il est inconnu dans toutes les autres langues qui sont à l’origine de l’occitan, le latin, le grec, le celtique, l’arabe. Ils pensent aux Ligures qui habitaient la région avant les Celtes et qui ont été repoussés par ceux-ci dans les montagnes. Les Ligures nous ont laissé surtout des noms de lieu qui se terminent par un suffixe en     -oscu , -ascu  ou –uscu, comme par exemple Flayosc (83) Aubignosc (04)  Venasque (  ),  Greasque (13), Blausasc (06). Voir W. von Wartburg, « Evolution et structure de la langue française« . 6e éd. Berne,  Francke,1962.

Calanca serait un dérivé  avec le suffixe -anca d’une racine *cala  « un endroit abrité ».  De nos jours  on dit  dans le Gard : a la kalo  « à l’abri », en français régional  à la cale (du soleil).

L’étymon *cala  se retrouve sous différentes formes, dérivés et composés, dans tout le bassin ouest-méditerranéen, en italien, espagnol et catalan. Comme nom de lieu il est très répandu dans le nord de l’Espagne et en Gaule. Le point le plus au nord en France semble être la ville de Chelles dans l’Oise, appelé Cala au temps des  Mérovingiens.
En français nous trouvons la cale avec le sens « un petit abri pour les navires » depuis 1606, ce qui nous rappelle la calanque.  Au Vigan (Gard) on parlait d’un collobenco « escarpement », un mot composé de cala + benco, et en provençal le verbe acala  veut dire « abriter, tasser , apaiser ».

Le dérivé  de *cala le plus connu et répandu est certainement le mot chalet, à l’origine un « endroit protégé dans les montagnes», ensuite les « bâtiments pour faire le fromage dans les alpages », et de nos jours plutôt une « maisonnette pittoresque dans le style suisse ». En français nous trouvons la cale avec le sens « un petit abri pour les navires » depuis 1606, ce qui nous rappelle la calanque.  Au Vigan (Gard) on parlait d’un collobenco « escarpement », un mot composé de cala + benco, et en provençal le verbe acala  veut dire  » abriter, tasser , apaiser » 

Calada   » rue descendant en galets du Rhône ». Je ne sais toujours pas s’il faut rattacher le mot calade  aux   « galets »,  aux « abris »  ou aux « descentes ».

A Nîmes  la calade est « une rue à galets en pente », d’où  la Place de la Calade . A Avignon se trouve  la rue Petite Calade  et à St.Laurent de Carnols (Gard) La Calade  descendait  vers le cimetière au sud  et le quartier de la Carriérasse. En français régional une calade désigne toute « rue pavée de galets du Rhône ». Le mot calade pourrait être lié à calanque, vue l’attestation la plus ancienne de calanca à Arles avec le sens « ruelle étroite ». Mais dans plusieurs lexiques je trouve le mot calade avec le sens « galet du Rhône ». ». J’ai trouvé une rue de la Calade à Combas (Gard, loin du Rhône) et à Pertuis dans le Luberon…

La rue de la Calade à Baux de Provence.

 En me promenant dans les villages languedociens, je trouve des  rue de la Calade  un peu partout, mais je ne sais si ce sont des dénominations anciennes. 

Un visiteur m’écrit: De plus, pour revenir sur le mot calada, il y a dans la banlieue lyonnaise une ville nommée Caluire (en arpitan: Calury), et qui
s’appelle ainsi parce qu’elle se trouve sur une colline, et que les flancs de cette colline sont couvertes de petites pierres rondes qui descendent jusqu’aux fleuves quand on marche dessus (d’où la recrudescence des murs de soutien le long de ces pentes). Cal– est donc ici dans le sens de « descendre ».

Un autre lecteur vient de me signaler que les habitants: « de VILLEFRANCHE-SUR-SAÔNE sont dits « les caladois ».

D’après A.L.F Rivet & Colin Smith : The Place-names of Roman Britain  on trouve des toponymes  dérivés de cala  dans toute l’Europe. Voici quelques exemples :

Calacum : nom d’une rivière près de Tarente, en Italie du sud ( pour l’étymologie, voir Rivet & Smith, concernant Calacum)
Calacum : probablement le fort romain de Burrow-in-Lonsdale ( = Overborough), Lancashire (selon Rivet & Smith, Place Names of Roman Britain, p 288.
Cala = forme étymologique du nom de Chelles. ( pour l’étymologie, voir Rivet & Smith, concernant Calacum)
Caladuno : aujourd’hui Montealegre, en Léon, Espagne.
Caladunum : aujourd’hui Châlons, France; département de la Mayenne.
Chalaux / CHASLAUS = Chalaus (X°) ; gaulois : préceltique cala – abri / habitation
et avus (gaulois) à Chambolive en Limousin
Cala Figuera, sur l’île de Majorque
CHALLET : Surnom de l’homme qui était originaire de Chalet, l’abri sous roche, puis la maison du latin cala, abri..

Darbon

Darbon  » taupe « .

Pendant la soirée « Les parlers du Gard  » (juillet 2005) à Manduel,  une sympathisante  racontait une histoire amusante sur un darbon difficile à attraper. Surtout au début, j’ai vu plusieurs visages exprimant  » c’est quoi un darbon ? « .

En effet, le mot darbon « taupe » est limité au franc-comtois, le franco-provençal et le provençal jusqu’au Rhône approximativement, même si par ci-par là il l’a traversé comme à Villeneuve-lès-Avignon.  Il y a un petit doute : il y a beaucoup de Darbon‘s (nom de famille) en Lozère.

Dans le commentaire des cartes 26 et 163 (basées sur la carte 1286 de l’ALF), des Lectures de l’ALF les auteurs écrivent que l’expansion de l’aire darbon serait due à l’influence des métropoles comme Lyon.  Je me demande quand même, pourquoi seulement Lyon? Pourquoi pas à Avignon, Arles, Marseille? Les données du Thesoc montrent que la situation n’a pas changé depuis les enquêtes d’Edmont (ALF) au début du XXe s., à part le fait que le type taupe < talpa, a gagné beaucoup de terrain.

La première attestation se trouve dans le Laterculus de Polemius Silvius (Ve siècle) dédié à l’evêque de Lyon Eucherius : mus mustela. mus montanis. mus eraneus. talpa. darpus. Le -p- au lieu d’un -b- est probablement une faute de graphie par association avec le mot talpa. L’origine du mot darbo est inconnue, peut-être gaulois ou ligure ?

En plusieurs parlers, darbon a pris un sens secondaire: à  Draguignan : darbou  » rat « , en savoyard darbon  » mulot  » , en Haute Savoie darbon  » charrue « , et à Macon  » talus de terre qu’on élève entre deux rangées de ceps lorsqu’on donne la 1re façon à la vigne « .
En provençal et languedocien, le dérivé darbousieiro désigne le « datura stramonium  » (en latin médieval talpiriola , en français  » herbe à la taupe  » parce que son odeur chasserait les taupes) ; en languedocien darbousièiro est aussi  » la houx  » qui chasserait également les souris.

……

herbe à la taupe                                                          houx

Calada, calade

Calada, « une rue à galets en pente », qui peut aboutir à la Place de la Calade . A Avignon se trouve  la rue Petite Calade  et à St.Laurent de Carnols (Gard) La Calade  descendait  vers le cimetière au sud  et le quartier de la Carriérasse. En français régional une calade désigne toute « rue pavée de galets du Rhône ».  L’origine est peut-être du latin callis+ata « chemin très étroit pour piétons » . Le type calada est limité au provençal et languedocien et a été prêté au Lyonnais où il désigne « le parvis d’une église ».


Une autre possibilité est que calade   est un dérivé du verbe latin calare « descendre » ou « cesser en parlant du vent »
(FEW II/159b ).  Le fait que les dictionnaires indiquent qu’il s’agit d’une « rue  en pente », nous le  suggère.  Le  verbe occitan calar, calá « descendre, abaisser,  cesser en parlant du vent » vient  du latin  calare ( emprunté au grec chalan, FEW II/159b ) qui a donné de nombreux sens en occitan, comme en aoc. « tendre un filet », occitan. cala « s’arrêter pour jeter le filet ; s’établir en bon lieu » ; encalá  « faire échouer (un navire) » et en  français  calade « terrain en pente sur lequel on fait descendre un cheval au petit galop », emprunté à l’occitan.
Il est possible que  trescalan, trascalan «millepertuis»,  fasse aussi partie de cette famille, parce que le  trascalan   diminue l’anxiété . (Vous trouverez quelques renseignements à trascalan).
Occitan  calar, (se)calá « (se) taire »  qu’on retrouve en cat., esp. callar  et  port. calar,  s’explique à partir du sens « diminuer » comme en it. calare « devenir plus doux en parlant de la voix ». C’est l’étymologie que je préfère.

Plusieurs lexiques donnent comme premier sens de calade « galet du Rhône », et tout simplement  « pierre » dans la moyenne vallée de l’Hérault (Lhubac). Si « galet du Rhône » est le sens originel, nous avons une troisième possibilité, à savoir  que calade provient d’une racine gauloise *cal- « pierre », dont une variante caljo-  est l’étymon du fr. caillou.

une calade  à Tavel

D’après le TLF  calade  est rentrée dans la langue française et il suit le FEW en donnat comme ‘étymologie   callis.

Voir aussi la page  A la cale dans une calanque.

Trescalan, trascalan

Trescalan, trascalan « millepertuis ».  L’étymologie est inconnue. Peut- être un composé de   calada.

Dans le Trésor de Mistral nous trouvons les formes et dénominations suivantes: Trescalan, Erbo de Sant-Jan, Erbo de la muerte, Erbo de l’òli ). Casso Diable (en Limousin), Treflori (en Rouergue).

Un ami me signale qu’il a trouvé dans « La flore du département du Gard » de Pouzolz en note, après description de la plante: Hypericum perforatum. – Cette plante est connue sous les noms patois de trescalen, d’herba d’ou murtre, d’ou tal. Elle est vulnéraire, résolutive, vermifuge, etc. On la trouve dans les bois, les lieux incultes, dans tout le département; floraison juin-août. Plus sous Wikipedia. avec les noms dans beaucoup d’autres langues.


On rencontre le millepertuis dans tout le sud de l’Europe centrale. Cette plante croît le long des routes, au bord des chemins, dans des prairies ensoleillées et dans des clairières jusqu’à 1700 mètres d’altitude. Qualifiée « d’herbe aux mille vertus », on prétend que l’origine de son nom latin « hypericum » provient du grec « hyper » (au dessus) et « eikon » (image, présentation). Hippocrate et Paracelsus, connaissaient les vertus curatives de l’herbe de millepertuis et l’employaient déjà à cette époque comme médicament pour chasser les démons.

L’efficacité de l’herbe de millepertuis dans les états dépressifs a été reconnue il y a peu de temps.  A préférer au Prozac (®

Buscalhar

Buscalhar « ramasser du menu bois » , buscailler en français régional. Alibert donne deux formes : boscalhar et buscalhar tous les deux avec le sens « ramasser du menu bois ».

Le type buscalha « ramasser du petit bois, des copeaux » se trouve en Normandie, en poitevin, en franc-comtois, en franco-provençal et en occitan des vallées provençales italiennes jusqu’en Béarn. En languedocien buscalh a pris le sens de « tison ». Le dérivé buscalhar « ramasser du petit bois » est attesté en ancien occitan depuis 1240, dans les patois buscalhar se trouve en provençal et en languedocien jusqu’en Rouergue.(FEW XV/2, 25b-26a s.v. *busk-)

Le type boscalhar se trouve dans des textes en ancien franco-provençal avec le sens  » couper du bois pour son usage dans une forêt seigneuriale ou communale » qui était un droit à l’époque, et de nos jours (??) je crois. Mistral donne les formes bouscaiage, bouscaiatge pour ce droit  et bouscaiá, bouscalha pour le verbe.(FEW XV/1, 104b s.v. *bosk-)

L’étymologie n’est pas évidente. Boscalhar viendrait du mot germanique *bosc- « bois » et la forme avec –u-, buscalhar du germanique *busk- « baguette, tige ». Mais il y a un lien étroit entre ces deux étyma, d’après Braune il s’agit du même mot avec un changement de la voyelle (apophonie) du radical (Voir Zeitschrift, 36 p.713 et p 584 pour les formes italiennes). Je peux ajouter qu’en néerlandais le mot bos signifie aussi bien « bois, forêt », que « faisceau, botte » et nous retrouvons l’apophonie dans le diminutif bussel « botte; faisceau ». L‘EWN  pense qu’il s’agit d’un emprunt à un substrat pré-indoeuropéen, et dit que les rapports entre les mots germaniques et romans ne sont pas encore très clairs.