cat-right

Ropilha

Ropilha « vieux manteau, guenille  » à Montpellier, « long manteau » à Aurillac, « trousseau d’enfant » dans le Queyras (A). A Gignac  roupilles est synonyme de rougnes. (Lhubac)

Tous les deux proposent comme étymologie le germanique *rauba « butin ». Le problème est d’abord qu’ un -b- intervocalique ne devient pas -p-, c’est le contraire qui a eu lieu régulièrement. Ensuite ropille, roupille n’apparaît que vers la fin du XVIe s. et signifie « manteau ample ». Les Goths, les  Francs et autres Germains étaient bien intégrés depuis longtemps. Voici deux images de l’époque qui donnent une idée du ropillo.

        

 Létymologie est *raupa  la bonne, mais il manque une dizaine de siècles d’histoire. Ce ne sont pas les Germains qui ont introduit la ropilha en France. Il s’agit d’un emprunt à l’espagnol.  Le mot ropille est venu avec la mode de l’Espagne : ropilla « sorte de manteau ample ». Voici la définition en espagnol

1. ropa.(Del gót. *raupa, botín, y este der. del germ. *raupjan, pelar, arrancar; cf. a. al. ant. roufen, al. raufen). ropilla. (Del dim. de ropa). 1. f. Vestidura corta con mangas y brahones, de los cuales pendían regularmente otras mangas sueltas o perdidas, y se vestía ajustada al medio cuerpo sobre el jubó.

L’espagnol ropilla est un dérivé de ropa « vêtements », mais dont le sens varie énormément et « tissu » serait une meilleure traduction.

Un manteau passé de mode devient souvent   « un vieux manteau » > « guenilles ».

________________________________________

 

Robin, robinet et roubignoles

Robinet. Etymologiquement robinet n’a rien à voir avec le mot roubine! Robinet a une histoire amusante dont je ne veux pas vous priver. Il vient de Robin, appellatif pour Robert. (cf. anglais Robin). En ancien français un robin est un ‘palefrenier; personnage sans considération, un facétieux, un niais’. Au XVIIe siècle on dit: c’est la maison de Robin de la vallée ce qui se dit d’une maison où tout est en désordre. Robiner est ‘dire des niaiseries’, et une robinette une servante.

Ensuite robin est utilisé comme nom d’animaux mâles, en particulier du bélier. Robiner signifie alors « saillir » en parlant du bélier. En occitan est créé le mot roubignoli  « testicules » (M) qui a trouvé son chemin vers l’argot parisien à la fin du XIXe siècle roubignoles (Sainéan).

Un robin est aussi une sculpture qui décore l’orifice d’une fontaine et très souvent c’est la tête d’un bélier. Ensuite depuis le XVe siècle  on appelle robinet la ‘pièce ajustée à l’issue d’un tuyau de fontaine et qui permet de laisser couler ou de retenir l’eau’.

 

  

cliquez sur l’image                              un robin-diable  de Beaucaire sans robinet

Depuis 1928 existent aussi les Roberts > les roberts.

Roubine robine

Roubine, ou robine. Je cite le TLF :

« Région. (Provence). Petit canal d’assainissement ou destiné à l’irrigation…..Étant donné la présence du mot, au Moyen Âge, dans les Alpes de Provence, BAMBECK Boden, pp. 20-21, s’appuyant notamment sur un exemple de 1043 (Castellane, Cartul. St Victor de Marseille, 2, 115: sicut decurrit rivulus qui exit de ipsa rubina et vadit usque…), attribue à rupina le sens de « gorge, défilé »; le mot aurait ensuite désigné le ruisseau qui la traverse, puis, transposé en terrain de plaine, un cours d’eau régulier, enfin un canal. »

D’après Philippe Blanchet, il y a 87 lieux-dits Roubine en Provence dont 70 dans les Bouches-du-Rhône et 17 en Haute Provence. D’après l’IGN il y en a sept dans le Gard,dont deux à Manduel, une Maleroubine à Nîmes, d’autres dans l’Aude, le Gers, les Landes, en Gironde, etc. Un visiteur m »écrit : « Sur la commune de Barbaste (Lot et Garonne) il y a un écart qui s’appelle La Roubine. Je n’en ai pas trouvé en dehors du domaine occitan. P.Blanchet rapproche roubine du mot robin « fontaine », mais les dates des attestations s’y opposent; voir ci-dessous l’histoire du robinet.

Le fait que dans la Haute Provence le mot roubine désigne « roche schisteuse » pose un problème, mais j’ai trouvé quelques images des Roubines-Nègres qui peuvent expliquer l’évolution sémantique:

Les Roubines-Nègres. Une crète!

Mais vues de plus près, nous constatons qu’il y a beaucoup de petites gorges, et quand il pleut …

   

 Une roubine en Camargue:

Romieu, romieva

Romieu, romieva « pèlerin » (m. et f.), roumîou « pèlerin qui va à Rome; dans le style badin un romipete » (S). Dans la toponymie Roumiu est le nom des chemins suivis autrefois par les pèlerins (cami roumiu) (Pegorier).  XIIIe s. Mot occitan et franco-provençal.

Comme étymon on suppose *romeus, dérivé de Roma, qui du point de vue de la forme correspond aux formes italiennes romeo et occitanes  romieu. Mais du point de vue sémantique l’histoire est moins évidente. Il n’y a aucune attestation de l’évolution sémantique « romain » > « quelqu’un qui va à Rome ». C’est pourquoi Bruch (Z 56,1936,53-56) suppose un composé romimeus « qui va à Rome » composé de Roma et le verbe meare « aller, passer » devenu romeus par haplologie (= omission d’une syllabe à cause de sa ressemblance  avec la syllabe voisine).

Je peux y ajouter que les mots pour « pélerinage » en allemand (Pilgerfahrt) et en néerlandais (bedevaart) sont également composés avec le verbe  fahren « aller ». Le verbe meare a en plus un sens précis : « aller en suivant une route tracée, dans une direction et d’après des lois déterminées »,comme les planètes et les pèlerins.

3 pèlerins aphp

hapha33 pèlerins a

Presque toutes les autres langues européennes ont le type peregrinus sauf le Slovène qui rejoint l’occitan: romar et romanje.

Romb, roumb

Romb, roumb, roun « turbot ». En grec rhombos et ensuite en latin rhombus signifie

  • 1. losange
  • 2. fuseau ou rouet d’airain dont on se servait dans les enchantements
  • 3.turbot poisson de mer. (Gaffiot).

Cette image  illustre parfaitement le dernier sens

La deuxième doit vous étonner.

C’est une image tirée de Andrea Alciato’s Emblematum libri I, 1556. Elle illustre la seconde définition « rouet d’airain dont on se servait dans les enchantements « .  Explication.   Si vous reliez par des lignes droites les quatre points où l’oiseau  touche les anneaux, vous obtiendrez un losange.  L’oiseau est une bergeronnette, un symbole érotique par excellence. L’ensemble forme une amulette qui rend invincible face aux dards de Cupidon. (Andrea Alciato). Un sujet captivant mais qui me mènerait trop loin dans les dédales de Vénus. Allez-y si vous voulez.

En occitan romb, roumb, roun « turbot », attesté depuis le XIIIe s. a certainement été introduit par les Grecs. On le retrouve en italien et espagnol rombo, en catalan  sous la forme du diminutif rèmol < rhombulus. En béarnais roume est le nom de la « barbue ». La barbue (Scophtalmus rhombus) est une espèce très proche du turbot, dont elle se distingue par un corps moins losangique et moins épais, et par l’absence de tubercules sur la peau. A Nice on utilise un dérivé roumbon, ailleurs le composé roumbon clavelat « turbot ». Clavelat vient de clavus « clou », ce qui doit avoir un rapport avec son aspect ou avec son environnement. D’après Panoccitan, clavelada est le nom de la « raie », un autre poisson plat.

La barbue a l’air clavelée.                            La raie aussi.

Le sens 2 rhombus du latin a laissé des traces dans l’ouest de l’occitan: Val d’Aran roumá  » tourner, avoir le vertige », béarnais arroumá « planer en décrivant des cercles », arroumère s.f. « détour », etc.

A partir du 15e siècle, rhombus a été emprunté de nouveau par la langue nationale rhombe « losange ».