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Bar(r)aquet

Baraquet, barraquet

  • haricot blanc ;
  • escarole (Tarn; FEW).
  • espèce d’endive
  • poulie (maritime) ;
  • surnom des Espagnols à Carcassonne.

Ce dernier sens m’a été signalé par un visiteur qui l’a entendu à la radio, dans un refrain sur la Trivalle un quartier de Carcassonne situé au pied de la Cité, typique pour sa population majoritaire issue de l’immigration espagnole (les barraquets) et gitane ( voir le site carnaval de Lavalette).

Un autre visiteur me signale : « A Béziers aussi les Espagnols étaient surnommés « los barraquets« , indéniablement « les haricots verts », car après ’36 ils arrivaient minces. Les haricots blancs sont « los favariols« . Voir à propos de ce dernier favasso etc.

« Aquela Trivala, aquel polit quartièr, i a que de gitanas, e de baraquets.
An pas de sandalas, an pas de solièrs. E van far la valsa, aquí jol Pont Vièlh !»

Baraquet n’est pas dans le TLF, mais apparaît dans l’ Arrêté du 4 août 1955 concernant les semences potagères : « Nain extra-hâtif et son synonyme Baraquet « . En surfant j’ai constaté que les jardiniers et les cuisiniers ne sont pas d’accord sur le sens exact des bar(r)aquets. Certains disent qu’ils sont plats et verts, pour d’autres ils sont blancs cernés de jaune, ou gros et verts,     s’ ils n’ont pas été ramassés à temps et bons pour la soupe. Pour le dictionnaire Panoccitan le barraquet nom m. est le « haricot mangetout (vert) ». Cela vient peut-être du fait que la Commercialisation [des semences n’était] possible [que] jusqu’au 31 décembre 1997.(Arrêté du 4 août 1955 ).

Baraquets Rue La Trivalle Carcassonne.

Les noms des fèves et des haricots servent souvent comme surnom. Voir l’article favasso, favalise et Mr Bean. A Fleury d’Aude certaines personnes sont appelés Manja-favas. Voir à ce propos cette page. Voir aussi ci-dessusbajana.

Un visiteur me donne le complément d’information suivant: A Béziers, comme à Carcassonne, les immigrés espagnols étaient los barraquets, « les haricots verts. » Peut-être consommaient-ils ce légume mais je crois surtout que ces malheureux arrivaient fort maigres d’Espagne.

L’étymologie de barraquet   n’est pas enitièrement élucidée.
J’ai rassemblé les mots qui sont dans le FEW et qui pourraient avoir un rapport avec baraquet :

  1. Carcassonne barraquet  » haricot blanc dont on mange les gousses avant la maturité « ; Tarn barrakéto f. « escarole » ( FEW 21/131b Incognita. et FEW21/122a).
  2. Arrens (HtesPyr.) barraquet ‘cheval court  » p.36 dans l’article brakko « chien de chasse « . (FEW 15/1, 237a ).
  3. Mdauph barakéto f. « gourme des petits chats » > barraqueto M. – (FEW 22/1,299b Incognita. suivi de cette remarque: Probable dérivé de Basses Alpes braquet  » furoncle  » ici 15/1,237b *brakko1. (Chauveau)
  4. Vaux (Ain) barkadolà adj.  » bariolé de couleurs diverses..  » p.ex. la robe d’un animal; Drôme baraca  » bariolé « , Puyb bouraka , -edo  » qui a plusieurs couleurs « ; Yonne baraque « pie ». ( FEW 23/187b Incognita et p.224)

C’est le dernier groupe qui a fait sonner une petite clochette dans ma tête.

Dans l’article barrakan « tissu en poil de chameau » (mot arabe), sont mentionnés : occitan barracan « gros camelot qu’on façonnait autrefois avec des raies blanches » (tiré du Dictionnaire d’Azaïs), ailleurs à Marseille, Alès, Toulouse, et en Limousin avec des défintions moins préces « étoffe de laine, camelot ». L’abbé de Sauvages donne Baracan « sorte d’étoffe qui rejette la pluie ». L’espagnol barragán « sorte d’étoffe qui rejette la pluie »  a la même définition que celle de l’abbé Sauvages. Dans le même artcle du FEW sont cités les dérivés occitans barracaná v.tr. « barioler de blanc«  ou adj. « bariolé » , languedocien bracaná « bariolé » (Sauvages)  attesté depuis 1060! , Velay braccanoda « se dit d’une vache qui a deux couleurs tranchantes sur le pelage ».

Je pense que le groupe mots d’origine inconnue n° 4 ci-dessus , appartiennent à la famille barrakan. C’est la définition précise donnée par Azaïs « avec des raies blanches » qui permet d’y attacher également le mot de l’Yonne baraque « pie ».

Pour la même raison je pense que le baraquet « haricot blanc » de Carcassonne devenu « sobriquet des Espagnols » fait également partie des dérivés de l’arabe barrakan.. Une autre possibilité est que les travailleurs espagnols étaient habillés de » tissus grossiers bariolés imperméables » (barragános), quand ils sont arrivés à Carcassonne.

On peut penser qu’un « cheval court  » appelé barraquet à Arrens est également comparé à un « haricot » et non pas à un braque. En ce qui concerne la « gourme des petits chats » je dois avouer mon ignorance. Je n’ai trouvé des renseignements que sur « la gourme des chevaux ». Il faudra consulter un vétérinaire. Mais si la gourme des chats est identique à  » des vers » ( français gourme < germanique worm « vers ») , qui ressemblent à des petits haricots, alors la conclusion s’impose. Le sens « poulie » (Alibert) reste un mystère. Peut-être à cause de sa forme qui ressemble à un haricot blanc : ?

L’arabe barrakan a donné en allemand Barchent [arab. Barrakan ==> grober Wollstoff] einseitig der beidseitiggerauhte Baumwoll- oder Viskosefasergewebe mit Flanellcharakter.

Barchent

Le dictionnaire de Grimm donne les formes Barchat, Barchet et pour le moyen allemand barkan. Comme origine il cite une forme du latin médieval barchanus, parchanus. que je n’ai pas retrouvé, mais DuCange donne barracanus :

Petrus Venerab.  est Pierre de Montboissier dit Pierre le Vénérable, né entre 1092 et 1094 et mort en 1156,  était le neuvième abbé de Cluny dès 1122. Il  interdit aux moines de porter des tissus barracanos ou des burellos pretiosos.
Sur bouracan attesté depuis 1150, espagnol barragan depuis le IXe siècle, voir bouracan! (TLF et pour le moyen français le Godefroy.) Ce dernier donne les deux formes bouracan et barragan.

Espagnol: barragán2. (Del ár. hisp. bar[ra]kán[i], este del ár. barkānī, tipo de paño negro indio, y este del persa pargār o pargāl).

1. m. Tela de lana, impenetrable al agua.

2. m. Abrigo de esta tela, para uso de los hombres.

Bar(r)aquet est aussi un nom de famille. « Mangeurs d’haricots » ou « d’origine espagnole » ?

Aufabrego

Aufabrego, fabrego s.f. « basilic », un mot que le languedocien a emprunté au catalan alfabrega. Le mot arabe al -habaqa a été introduit probablement avec la plante en Espagne et au Portugal où la prononciation s’est adaptée aux habitudes locales : espagnol albahaca, catalan alfabrega, portugais alfavaca. Dans l’Aude et dans le Tarn il y eu une contamination par le mot baselic ce qui a donné alfasega. Littré mentionne dans son supplément fabrègue « basilic », mais je ne crois pas que ce mot a vraiment vécu dans la langue d’oïl.

En provençal existe également le mot fabrego, falabrego, farabrego avec le sens  « micocoule »(Mistral), qui selon Schuchardt (Z35,385), suivi duFEW, vient de faba graeca « micocoulier » attesté chez Pline. Je suis étonné qu’il n’y a apparemment aucun rapport entre ces deux fabrego… Voir aussi falabrego

Pebre

Pebre « poivre; variété d’olive, gattilier (arbrisseau); lactaire poivré (lactarius piperatus) ». Du latin piper « poivre ».

Pèbre d’âse ou pèbre d’aï  « la sarriette ». Orthographe ou ay « âne », mais l’ail est autre chose.
Pour certains le pèbre d’ail est une variété de thym ou de serpolet. Une visiteuse vient me signaler que pour elle la sarriette a un goût entre le poivre et l’ail et il y aurait donc deux noms pebre d’ase et pèbre d’aï. En effet ces deux noms peuvent prêter à confusion, d’autant plus que très souvent les noms des plantes varient d’un endroit à l’autre. Mais ce n’est pas le cas pour pèbre d’âse et pèbre d’aï  « la sarriette ». Latin asinus a abouti à ase en provençal central et en languedocien, mais à en provençal de l’est, Alpes Maritimes et Var, où le -s- entre deux voyelles de ase est tombé. A Arles et Avignon les deux formes sont en concurrence, et la forme ase y est considérée comme « populaire ».

D’autres plantes, généralement avec un goût piquant s’appellent également pèbre  comme le « gattilier »  (Vitex agnus castus), appelé communément  Agneau chaste, Poivre de moine, Faux poivre, Gattilier, anglais Chasteberry.

Explication: en surfant j’ai trouvé les remarques suivantes: le pèbre est une  « Graine comestible à la saveur de poivre, à consommer avec modération : on l’appelle poivre de moine car il était utilisé dans les couvents pour amortir le désir de la chair. » De nos jours  d’autres effets sont mis en avant: le vitex agnus castus est une plante asiatique qui permet de mieux vivre les variations physiologiques dans les périodes de pré-ménopause. Il agit sur les sensations de chaleur.

Solerius1 parle de deux sortes de pebriers :

C’est la 3e fois que je tombe sur cette plante! Voir vedigana et bedigas.

Pebrada « sarriette (Velay); thym (Hte Loire, Thesoc).

A ne pas confondre avec le poivre d’âne ou pèbre d’aï qui est un fromage français à pâte molle. Son appellation provient de son enrobage de plusieurs herbes sèches, dont une,  la sarriette,  porte le nom provençal de pèbre d’aï  (Wikipedia).

Pébron « piment, poivron » (Camargue) vient du provençal pebroun.  Pebron a pris un sens péjoratif : « Amateur, jusqu’à l’excès, des boissons alcoolisées ! » Comme français poivrot, parce que les boissons alcoolisés contenaient pas mal de poivre.

Charlelie Couture  m’a demandé l’origine de l’expression « qui date de l‘an pèbre » . Dans le blog de Pappataci vous trouverez l’explication suivante:

L’origine de cette expression est vraisemblablement liée à une terrible épidémie, la « pébrine »qui, en 1848, causa des ravages sans précédent dans les élevages de vers à soie du Midi de la France, et plus particulièrement dans les Cévennes et la Provence. Le nom français de  » pébrine  » est tiré du provençal  » pèbre « , car la maladie se caractérisait par de petits points noirs, comparables au poivre moulu.

Philippe Blanchet propose dans l’ouvrage Zou boulegan : expressions familières de Marseille et de Provence une autre explication:  l’an pèbre  désigne l’an pépin, c’était à l’an pèbre = c’était il y a très longtemps » mais nous n’avons pas pu vérifier cette information.
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  1. Solerius (Hugo), sanionensis, Scholiae… à la suite de Aetii medici tetrabiblos... édité par Cornarius, Lugduni, 1549, in-fol.

Farci l'ase

Ase « gros boyau »  et l’expression farci l’ase « manger goulument »  voir  ase.

Bajana

Bajana « soupe de châtaignes ». La Bajana est une soupe de châtaignes sèches cuites à l’eau » (Vallée Borgne des Cévennes). D’après l‘abbé de Sauvages les brizos ou bajhanos sont des « châtaignes brisées. L’abbé écrit que la bajhana ou couzina est le potage et la bajhanado le ‘bouillon aux bajanes qui est un excellent incrassant dont on a vu de bons effets sur les poitrines délabrées, lorsqu’elles se rencontrent avec un estomac robuste; rencontre fort rare.

Charles Atger raconte p.9 qu’autrefois; à Valleraugue (Gard)  les Caussenards après la saison remontaient sur leur plateau à la fin de l’automne avec les blanchettes ou badjanat « châtaignes sèches » leur revenant. Bajanar signifie ‘tremper dans l’eau’ en parlant des légumes, de la morue etc.’ Les paysans de la région au nord d’Uzes sont des bachalan, ceux de Marsillargues des bajan. Voir sous bachalan.  Pour une recette suivez ce lien

La bajana est aussi connue en Provence, mais quand on n’a pas de châtaignes, on se débrouille avec des haricots; Simon-JUde HONNORAT donne pour le mot

bajanada :dial. Languedoc.: « bouillon de bajanes. »
Dial. Haute-Provence : « quantité de haricots ou de lentilles, qu’on a fait cuire en bajanes,
c-à-d. pas entièrement, pour être mangés en saugrenée.

Etymologie : dans l’antiquité la ville Baiae (région de Naples actuellement appelée Baia, un quartier de la commune Bacoli) était fameuse pour ses eaux thermales. Voir l’article intéressant Baïes de Wikipedia. Virgile et Horace en font l’éloge dans leurs poèmes.  L’adjectif bajanus, fém. bajana a pu signifier « baigné, mouillé, trempé ».  Le FEW I, p.205 explique l’évolution sémantique et la généralisation du sens  « eaux termales » > « trempé » en parlant des légumes secs.  Ensuite au figuré bajan a pris le sens « nigaud » , très fréquent  pour les fèves et autres légumes secs.

Baiae d'après Turner

Baiae d’après Turner (Wikipedia°

Une autre possibilité est que les bajanae étaient une espèce de fève provenant de Bajae, qu’on préparait en les faisant tremper . (Voir ci-dessous à propos de l’italien baggiana). Dans mon dictionnaire latin je trouve : . bajanas elixas «des… ?  cuites à l’eau ». Le nom du plat a ensuite été transféré à d’autres légumes trempés et cuits.
Voir aussi ci-dessus bachalan.

J.P DurandEtudes de philologie et linguistique aveyronnaises, explique le sens de   baja  ‘fou’ dans l’Aveyron du XIXe siècle:

Le grand philologue Paul Meyer conteste cette étymologie dans son compte-rendu dans Romania 1880, p.153 et il propose comme étymologie l’italien baggiano. Mais en consultant le Garzanti linguistica je vois que baggiano signifie ‘niais, crédule, peu intelligent’ et qu’il s’agit d’un emploi au figuré de baggiana  » une fève avec des grains très gros » et au pluriel des « mensonges ». L’étymologie qu’il propose est bajana dérivée du nom de la ville de Baiae. Dans le dictionnaire italien baggiana est défini par sciocco qui signifie non seulement ‘niais’ mais aussi ‘insipide, fade’. Là nous sommes tout près du Donatz proensals de Hugues Faydit qui traduit baias par ‘insipidus’. L’association d’idées ‘fève’ > ‘niaiserie, bête’ semble être internationale. Voir favalise et favasso.
D’autres propositions dans le Dizionario Etimologico Italiano .