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Guit, guita 'canard, canne'

Guit s.m. »canard, canard gras », guita s. f. »cane » ; guiteta « petite cane » , guiton « caneton ».  Pour la répartition géographique voir le   Thesoc : guit    HAUTE-GARONNE  GERS, GIRONDE, LANDES, LOT-ET-GARONNE, PYRENEES-ATLANTIQUES, HAUTES-PYRENEES, TARN, TARN-ET-GARONNE. En cliquant sur ces liens vous verrez immédiatement les formes locales de chaque département.

D’après le FEW (IV,138b) il s’agit d’une onomatopée utilisée en Gascogne pour appeler les canards, les chèvres (geta dans le Val di Ledro, et giding en Ligurie Italie), ou les poules ( quite quite à Provins (Seine-et-Marne). Pour les attestations cliquez ici.. La zone gasconne guit continue dans le Nord de la péninsule ibérique, aragones gita, gito (Hecho, Aragues) (source Z). En dehors des langues romanes, par exemple en Souabe (Allemagne) gitz est aussi  utilisé pour appeler les canards.

Un visiteur me signale les mots celtiques suivants ; Bret. gwaz, oie; corn. goth (vx guit), gall. gwydd (moyen gall. guit); irl. géadh (vx géd); < celt. *gegda. (Dict. étym. du bret.). La répartition géographique, notamment la zone aragonaise que les Celtes n’ont jamais habitée exclut une étymologie celtique, mais les formes celtes données par mon visiteur montrent que le même procédé peut se produire partout.

D’après le DEAF G 1672  les mots béarnais guitoù  « fainéant »,   guit  « cheval qui rue », enguitouní-s  « devenir fainéant, tomber dans le vice (d’une femme) » et guitèro « paresse » (Foix), comme le catalan guit,  guitó  et l’espagnol  guitón appartiennent à la même famille et sont à séparer de l’ancien français guiton « jeune garçon, valet » qui appartient à une famille de mots d’origine germanique *wiht « fainéant ». (FEW 17, 582b).

Dans le site de La vieille chouette » vous trouverez toutes les informations et bien plus sur la cuisine locale et régionale de Montauban. Pour elle le Guit n’est pas une marchandise:

guit : la canard gras … le vrai, celui qui a couru tout seul rejoindre la fermière assise sur sa caisse de bois . C’est qu’il aimait se faire câliner le « col » ( le cou) cet animal lorsqu’elle lui « entonnait » la « gavette » ! Et comme il était déçu , si n’ayant pas assez bien digéré aux yeux de sa gaveuse, elle le renvoyait jusqu’au lendemain

 

Gos

Gos, gous « chien ». Dans beaucoup de langues il y a un genre d’onomatopées pour exciter ou appeler des chiens qui consistent dans les sons k et s, avec ou sans voyelles entre ces deux sons : en suisse-allemand ks-ks , néerlandais koest  ( du français couche-toi  en parlant aux chiens mais je me demande pourquoi les Néerlandais parlent français aux chiens??) , espagnol cuz-cuz (?), allemand kusch, occitan cuss-cuss, gous-gous, ou guiss-guiss. A partir de ces sons a été créé le verbe agoucer « exciter (un chien) » d’ou le dérivé gos, gous « sorte de chien », attesté depuis le Moyen Age en wallon, picard d’un côté et en occitan à l’ouest du Rhone (Thesoc: Ariège, Aude, Hte Garonne, Hérault, Pyr-Orientales , Prov. d’Huesca; d’après les dictionnaires cités par le FEW aussi dans l’Aveyron, le Cantal, le Limousin, le Périgord et en Béarn).

Un visiteur précise:

Mes interlocuteurs en occitan (ils se font rares) prétendent (à Pézénas) que le mot « gos » vient de la montagne, tandis que le mot « chin » serait le plus courant en plaine. Cela ne les empêche pas de dire « ai una canha de gos« , m. à m. « j’ai une flemme de chien » ou encore « Es coma la gossa de Cacari » (i accentué). J’ignore qui était ce Cacari mais il devait avoir une chienne particulièrement paresseuse.

Malgré l’attestation à Prades gousa « jeune fille qui court après le garçons », les étymologistes ne croient pas que le mot  français gosse « enfant » a la même étymologie, mais on n’en a pas encore trouvé l’origine. La dernière proposition est le suédois! Voir TLF

                             
gos
d’Obama            capitules                        orlaya                   renoncules

Le mot occitan gos, gous a été transféré à des outils : ancien occitan gosa « machine de guerre » (laquelle ou une interprétation fausse  ?), Aveyron engoussos « machine pour assujettir un fuseau dont on dévide la fusée »(image?) et à une série de plantes: gousses « capitules de la bardane » (Carcassonne), gousséts « cynoglosse » (Pamiers, goussés « orlaya grandiflora » (Aude), mais en Lauragais ce sont les « fruits du renoncule des champs ».

L’après le FEW, suivi du TLF le mot français  gousse  serait un emprunt à l’occitan. Une proposition de Sainéan. Suivez ce lien.

Galinetta

Galinetta « coccinelle; clavaria flava (champignon) » est un dérivé de galina « poule » du latin gallina « id ». D’après ma source le claviaria jaune est le flava, le rouge est le botrytes. Mes connaissances en mycologie sont très limitées, mais je ne serais pas étonné si la galinetta est le « clavaria botrytes ».

 galineto dâou bon Diou (S) galinolo « coralloïde » (S)

L’histoire de gallina est un excellent exemple des avantages de la méthode du FEW.  Gallina « poule » est conservé dans presque toutes les langues romanes : roumain gaina, italien gallina, catalan et espagnol galina, portugais galinha, et en gallorman geline (ancien français), galino (languedocien). A partir du XIIIe siècle, on commence, notamment à Paris, à utiliser le mot poule au lieu de geline. La raison est probablement ce que nous appelons aujourd’hui le « marketing » : une poule « jeune geline » se vend mieux qu’une geline dont on connaît pas l’âge.

De nos jours l’histoire se répète. La poule a vieilli. C’est bon pour la soupe. Il n’ y a que des poulets sur la broche! Il est abattu entre 42 et 45 jours, c’est la loi. Pourtant dans la tradition la geline reste poulet jusqu’à 70 ou même 90 jours.

Un poulet  est « Petit de la poule et du coq, mâle ou femelle, entre le moment où il perd ses duvets au profit des plumes, et le moment de sa maturité sexuelle.  » TLF.

Dans les menus des restaurants néerlandais par contre on vous propose des kip(petjes)« petites poules » ou des haan(tjes) « coquelets », en Allemagne des Hänchen etc. En Espagne toujours un pollo.

Le pourquoi du transfert du nom de la poule sur la coccinelle ne m’était pas clair. On le retrouve en picard galline, à Nice galineta et en Italie dans le Valle Anzasca galining della madona. Il n’est pas impossible que la couleur rouge ya joué un rôle . Le mot coccinelle vient du latin coccinus adj. « d’écarlate » dérivé de coccum « kermès, espèce de cochenille qui donne une teinture écarlate; écarlate », en raison de la couleur des élytres de l’insecte. (TLF). Et bas latin coccus signifie « coq » animal caractérisé par sa crête rouge. Une association du sens « rouge » et de la forme « coc- » a pu être à l’origine de galino. Il est à noter que galino désigne à Marseille et à Nice le poisson rouge « trigla lyra », galinetto en provençal.

Mais l’histoire de la coccinelle est beaucoup plus complexe que je ne croyais. A ma demande Mme Jeanine Medelice, professeur à l’université de Grenoble, m’a envoyé une copie de son article Les désignations de la coccinelle dans les dialectes romans de France: commentaire des données retenues pour le dossier 08.126 de l’A.L.E. paru dans le Bulletin du centre de dialectologie, II (1986),119-136. Je la cite:

« La coccinelle est un petit animal bénéfique auquel les croyances populaires prêtent de nombreux pouvoirs : prévision du temps, prédiction de mariage … Favorite des enfants, elle est présente dans de nombreuses comptines et de nombreuses formulettes qui ont fait l’objet de tout aussi nombreuses études. » Plus loin : « l’élément primordial dans la dénomination de la coccinelle est son lien avec tout un ensemble dont le dénominateur commun est le notion de « sacré ». Coccinelle = bête à bon Dieu.

Les deux éléments de bête à bon Dieu , néerlandais lieveheersbeestje, peuvent être remplacés par des éléments sémantiquement proches: bête devient poule, petit pinson, mouche, perdrix ou galinette; le bon Dieu devient le paradis, Sainte Cathérine, catarineta (Fourques,Gard)etc. Allemand Marienkäfer. Par raccourci la galinette du bon Dieu devient la galinette tout court.

Mme J.Medelice ne disposait pour l’occitan que de l’ALF, de l’Atlas linguisique du Massif central, celui de la Gascogne et celui de l’Auvergne et du Limousin. Maintenant nous pouvons consulter les autres grâce au Thesoc. Mme Medelice a établi 5 catégories:

  • 1) La coccinelle et le sacré
  • 2. Les prénoms
  • 3. Les métiers féminins
  • 4. Le monde animalier
  • 5.Les désignations incantatoires [onomatopéïques] : a) pures [comme bab-, barb-] b) l’impératif incantatoire [ type nom + vole].

En consultant les données du Thesoc, vous verrez qu’elles rentrent (presque) toutes dans une de ces catégories. Je retrouve par exemple l’élément incantatoire dans le nom devinola (Aveyron, Thesoc).

D’après un artcile dans Wikipedia,  la coccinelle était l’oiseau de la déesse Freya : Freyafugle, ce qui a donné en allemand après la christianisation: la bête à Marie > Marienkäfer, anglais ladybird. De nombreux noms dialectaux flamands et néerlandais dans cet article de Wikipedia. L’article allemand est encore plus complet. Dans le chapitre Der Marienkäfer und der Mensch l’auteur donne beaucoup de variantes.Et il raconte que la plus ancienne attestation de la coccinelle comme porte-bonheur date de 20.000 ans . Il s’agit d’une coccinelle de 1.5 mm taillée dans de l’ivoire de mammouth , trouvée à Laugerie Basse en Dordogne.

trygla lyra _galine   
galine(tto
) en provençal         et                       galino ou dourmiliouso en languedocien

Je dois avouer qu’il n’est pas toujours évident de retrouver les motivations des noms d’animaux et de plantes. Par exemple à Barcelonette et ailleurs la gelineta est la « Lampsane commune, appelée aussi Grageline, Herbe aux mamelles, Graveline ou Poule grasse » (Voir ce site. )  

D’après le dictionnaire Panoccitan, l’occitan aurait conservé la situation ancienne galina « poule » et  pol « poulet » mais d’après le Thesoc c’est plutôt le mot  pola  que les gens utilisent. D’ailleurs le FEW a constaté en comparant les données de l’ALF aux dictionnaires plus anciens,  que  le progrès de poule « poule » au détriment de galina était déjà remarquable au début du XXe siècle . J’ai vérifié avec le Thesoc, pour le Gard. Dans ce département galino est largement gagnant, mais il est curieux que des villages comme St-André de Valborgne et Camprieux qui sont très conservateurs en général, présentent le type polo. Une explication sociologique à trouver? S’agit-il d’une reconquête de l’occitan ou d’un gallicisme?

Marran, marròt

Marran, marro,marol « bélier » (M). Mot d’origine ibérique ou basque qu’on trouve surtout en gascon et dans le bas Languedoc jusqu’à Béziers. Il a dû gagner Toulouse et se répandre à partir de là. Inconnu en provençal, mais il continue la  zone  catalane où marra  est le mot courant pour « bélier ». Pour Alibert un marran est aussi un « homme fort et vigoureux ».

Voir aussi les articles marela, marron.

Un visiteur de Pézénas (Hérault), me renseigne : marròt « bélier ». Cf. le proverbe feda jove e marrot vièlh auran lèu levat tropèl, « jeune brebis et vieux bélier auront vite produit un troupeau » , qui s’emploie pour un mariage entre une femme jeune et un mari beaucoup plus âgé.

Une visiteuse basque m’écrit : Le terme marro « bélier » existe aussi en basque. C’est évidemment un terme pré-roman.


Catalan marra ripoles

Manado, manielha

Manado s.f. « troupeau de taureaux et de chevaux » , manade  en français régional, est dérivé de latin manus  « main ». Man signifie déjà en  ancien occitan « travail, main d’oeuvre » et manada « poignée, ce que peut contenir la main » comme l’ancien français manée . L’évolution sémantique de « poignée » vers « troupeau » se retrouve dans des expressions comme « une poignée de gens, de taureaux ».  Une autre possibilité est que  le sens « troupeau » a été emprunté à l’espagnol manada .

Pourl’abbé de Sauvagesune manado est un troupeau en général : uno manado dë pors « un troupeau de cochons » et pour lui ce mot vient de l’espagnol, mais dans le sens « poignée; une botte »: uno manado de cêbos  une poignée d’oignons » c’est un mot languedocien.

Manado signifie aussi « poignée d’un récipient » ou « manivelle » et est un synonyme d’ arapofere « une manique des repasseuses » c’est-à-dire une sorte de gant de protection. Il avertit les Languedociens qu’il faut dire en français  manique et non manicle, du latin manicula quoique les deux formes sont admises dans le dictionnaire de l’Académie 1694.

manade et manicle

En ancien français  la manicle est « la partie de l’armure quui couvrait l’avant-bras et la main » . Un mot avec un sens très spécifique. Il s’agit d’un emprunt au latin. Au cours des siècles le mot a dégringolé socialement : menicles « menottes » déjà au XIVe siècle, frère de la menicle « coupe-bourse ». Sur une planche de l’Encyclopédie, fig. 44 « la manicle du cordonnier »:

manicle de cordonnier.

En occitan manicula devient régulièrement manielha en ancien provençal et en languedocien manilho « anse » (S). Il  ne se trouve qu’en occitan et en franco-provençal.