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Ròse

Ròse « Rhône » vient du latin Rhodanus > latin vulgaire Rodeno > Rozen, Roze ou Roze. Cette évolution phonétique est régulière en occitan. Un mot avec deux syllabes après la voyelle accentuée est réduit à deux syllabes, comme catanum > cade, Làzarum > Làzer. Ensuite le -d- intervocalique est passé à -z- , comme dans sudare > suzar, audire > auzir.

L’origine de Rhodanus est celtique ou préceltique.

En provençal des régions en bordure du Rhône, le dérivé rousau est le « vent d’ouest-nord-ouest.

Roubine robine

Roubine, ou robine. Je cite le TLF :

« Région. (Provence). Petit canal d’assainissement ou destiné à l’irrigation…..Étant donné la présence du mot, au Moyen Âge, dans les Alpes de Provence, BAMBECK Boden, pp. 20-21, s’appuyant notamment sur un exemple de 1043 (Castellane, Cartul. St Victor de Marseille, 2, 115: sicut decurrit rivulus qui exit de ipsa rubina et vadit usque…), attribue à rupina le sens de « gorge, défilé »; le mot aurait ensuite désigné le ruisseau qui la traverse, puis, transposé en terrain de plaine, un cours d’eau régulier, enfin un canal. »

D’après Philippe Blanchet, il y a 87 lieux-dits Roubine en Provence dont 70 dans les Bouches-du-Rhône et 17 en Haute Provence. D’après l’IGN il y en a sept dans le Gard,dont deux à Manduel, une Maleroubine à Nîmes, d’autres dans l’Aude, le Gers, les Landes, en Gironde, etc. Un visiteur m »écrit : « Sur la commune de Barbaste (Lot et Garonne) il y a un écart qui s’appelle La Roubine. Je n’en ai pas trouvé en dehors du domaine occitan. P.Blanchet rapproche roubine du mot robin « fontaine », mais les dates des attestations s’y opposent; voir ci-dessous l’histoire du robinet.

Le fait que dans la Haute Provence le mot roubine désigne « roche schisteuse » pose un problème, mais j’ai trouvé quelques images des Roubines-Nègres qui peuvent expliquer l’évolution sémantique:

Les Roubines-Nègres. Une crète!

Mais vues de plus près, nous constatons qu’il y a beaucoup de petites gorges, et quand il pleut …

   

 Une roubine en Camargue:

Rougnes

Rougnes « débris, vieux objets en mauvais état, vieilleries » en français régional. Je ne crois pas que le mot rougnes  qui signifie aussi « balayures » d’après Alibert s.v. ronha  a la même origine que ronha « gale », en tout cas l’évolution sémantique « gale > crasse > balayures > vieux objets inutiles » me fait hésiter.

Je vois deux possibilités.

  1. Il y avait en ancien occitan le mot ronha venant du latin ruina « ruine » avec le sens « debris d’un édifice ».
  2. Ou  le dérivé très répandu dans les parlers occitans rougnaduro « débris ou fragments sans valeur » de *rotundiare « arrondir > rogner ».

Pour enrichir votre vocabulaire lors des vides-greniers, je vous fais part de la remarque d’un visiteur: « Synonyme de « rougnes » (en moins violent) : « trastes« . Les couillandres sont des objets de mauvais goût dont on ne sait que faire » En catalan un traster est un « débarras ».

Sauvages donne trasso « épithète ordinaire des choses vieilles, usées et de peu de valeur ».  Unos trassos de groulos « de vieilles savates » (S1).

Il y a des rougnes, trastes et couillandres, ainsi que des rebaladisses et des enquestres.

Roumegá "rouspeter"

Roumegá « rouspéter, râler », romega « maugréer » (Alibert), en français régional rouméguer  (Manduel) continuent un latin rumigare « ruminer ». Homonyme de romegà « couper des ronces ».

Latin rumigare a donné dans le Gard roumiá (S), raoumya, roumya « ruminer », la forme roumegá est plutôt propre à la Gascogne: béarnais arroumegá « ruminer; répéter, rabâcher, marmotter entre ses dents ».

Languedocien roumegá « râler » me semble un emprunt au catalan remugar « ruminer, au fig. « râler » (DE): en tout cas le Languedoc et la Catalogne n’ont pas seulement le verbe en commun.


          
ils roumèguent

Un dictionnaire catalan explique  la différence:

REMUGAR / RUMIAR El verb remugar fa referència a l’acció de mastegar els aliments dos vegades típica de la ingestió i digestió d’aliments dels mamífers remugants: Els mamífers que remuguen tenen un estómac diferent del de la resta de mamífers. També designa l’acció de parlar entre dents, generalment en senyal d’enuig o desaprovació: Deixa de remugar i fes el que t’he manat. En canvi, el verb rumiar indica l’acció de pensar una qüestió una vegada i una altra: No he parat de rumiar el que em vas dir ahir. Hem rumiatentre tots un pla d’acció.

Les sons du  verbe rouméguer expriment bien les sentiments du râleur; dans un  site canadien  je trouve: T’es tout seul a roumeguer comme ca ? ou y en a d’autre des « amer » a ce sujet ? Où ont-ils pêché ce mot?

Roumégo "ronce" et ronçar "lancer&q...

Roumegá,  romega « couper des ronces »  (sur roumega fig. « maugréer, râler » voir cet article  ce n’est pas la même histoire!), rouméco s.f. « ogre dont les nourrices font peur aux enfants » (S), Alès « être fantastique malfaisant, personnifiant le remords », dans le Bouche-du-Rhône raumeco (M) .

Dans le FEW je trouve d’autres dérivés: Alès s’enrounza « se prendre dans les ronces » à Castres idem + s’enroumega. (Mistral) et pour le Gard arrounzi adj. « plein de ronces ».

L’origine de cette famille de mots est le latin rumicem « forme de lancet ».  Déjà en latin rumex désignait « l’oseille »à cause de  la forme de ses feuilles.  Au Ve siècle on trouve également le sens « ronce » également à cause de la forme des feuilles.

                             

                               Oseille                 ronce

Dans le Gard rúmex a abouti à róumi (M), Alès, Nîmes aroundze, Cevennes rounze, Gard arrounzi adj. « plein de ronces »(M), Alès rounzas « broussailles de ronces ».

Le substantif rúmex « forme de lancet » n’a survécu nulle part, mais un verbe ronsar « jeter, lancer, renverser,bousculer » existe en occitan depuis le XIIe siècle. En occitan moderne nous trouvons  à Alès et  Toulouse rounsá « jeter », Alès rounsado « agression, rossée », languedocien ronçar et ronzar « jeter » (Alibert ), en corse arrunzà « pousser, jeter de côté ».

Dans tout le domaine occitan existent  aussi des formes avec un déplacement de l’accent :  rúmicem > rumícem, ce qui a abouti à roumego, roumec « ronce » et au figuré rouméco  qui est un « ogre dont les nourrices font peur aux enfants ».

De la forme rumícem est dérivé le verbe romegar « couper des ronces », (que Alibert donne comme languedocien mais dont je n’ai pas trouvé d’autres attestations), béarnais arroumega « se prendre dans les ronces » , Grasse romeguié « haie de ronces » (Thesoc).

Roumpre, roumpudo

Roumpre « défricher ». rompudo « terre défrichée ».  En ancien français comme en occitan rompre, roumpre avait aussi le sens « labourer une terre pour la première fois après un long chômage ». L’origine est le latin  rumpere « briser, casser avec force ».

L’abbé de Sauvages le traduit avec « défricher » et il fait la remarque qu’en français rompre en ce sens est tout-à-fait impropre.  Raymond Jourdan (Montagnac)  écrit:

Création d’un vignoble. Le défoncement : appelé aussi le charruage, en occitan  roumpre.  Avant 1914, avec une pioche,  trinqua forta ou un trident harpa de rompuda  (a=o). Travail pénible et très long fait en colas, groupe de plusieurs salariés agricoles : brassiers ou  journaliers.  L’agenciment ou roumpuda   consiste à labourer profondément, 40 à 60 cm, pour planter une vigne nouvelle (mayol). Après 1914 la roumpudo  se fait avec des chevaux , 2, 4 ou 6, et une grosse charrue à versoir à mancherons.

trenca -harpa

La raison de cet article m’a été donnée par un visiteur qui m’a demandé de lui donner des renseignements sur quelques toponymes de Barre-des-Cévennes, dans un hameau abandonné en 1950 et repeuplé dans les années ’80. Il avait trouvé des noms comme La Falguiere, et La Roumpude dans le cadastre.

La Roumpude est dans le dictionnaire de l’abbé Sauvages et signifie « novale, une terre nouvellement défrichée et mise en labour; défrichement de terre » synonyme de issar. Les attestations données par le FEW de roumpude se trouvent dans le Gard et l’Hérault. Pourtant le mot est très ancien.  Dans le  Du Cange est écrit:

RUMPUDA, idem quod Ruptura, Ager nuper vel jam olim proscissus et ad culturam redactus. Vide in Rumpere. Charta ann. 1171. ex Tabul. Casæ Dei (Du Cange) et dans l’article PESZATA. Ut Pezada. Charta n. 2, J. 330, A. N., an. 1151, Bernardus Ato V, comes Nemausensis, tradit omnes cartos et taschas quos… in termino de Cavairaco… in futurum sibi ex novis rumpudis vel Peszatis accrescere poterunt. Concedo monachis S. Vincentii de Juncheriis duas pecias terrarum laboratarum et unum camerarium horti in riperia de Cauroncello, suptus Rumpudam, quæ fuit magistri Vitalis ().

roupe ‘vêtement’

Christine Belcikowski,  suit  toujours Les chemins de Jean Dabail ou la dissidence d’un fils du petit peuple de Mirepoix au temps de la Révolution française, L’Harmattan, 2014. Il y a quelques jours elle a raconté  l’horrible assassinat d’un marchand colporteur, aux Pujols. Dans les archives elle trouve des documents originaux qui témoignent de la vie de tous les jours au début de la République avec des détails tirés d’un procès verbal de l’administration.  Par exemple celui-ci:

Jean_Senesse_molinier1Et de suite le dit Jean Senesse, agent municipal, nous a conduit au lieu du hameau de Fournels, où était déposé un cadavre d’une taille d’environ cinq pieds, cheveux gris, nez fort, couché sur son séant, regard le ciel, habillé d’une bonne chemise, d’un gilet et pantalon de drap gris mélangé, d’une vieille roupe 3 vert de bouteille, des bas gris, des souliers ferrés.

Note 3: Roupe : blouse en drap grossier, fendue par devant, portée dans la Drôme par les bergers transhumants ; veste large ; sorte de redingote ; issu de l »espagnol ropa « paquet, bagage, vêtement » ; manteau ample ; vêtement de dessus.

A la fin de la lecture je n’ai pas pu m’empêcher de suivre seon indication étymologique.  En effet le mot roupe  semble venir de l’espagnol.  Le Diccionario de la lenga española  donne les définitions suivantes :

Espagnol ropa a des  sens assez vagues: « Prenda de vestir. »   ~ blanca. «  1. f. Conjunto de prendas de tela de hilo, algodón u otras materias, usualmente sin teñir, que se emplean debajo del vestido exterior, y, por ext., las de cama y mesa.  »  ~ de cámara, o ~ de levantar.  1. f. desus. Vestidura holgada que se usaba para levantarse de la cama y estar dentro de casa.  ~ hecha. 1. f. La que para vender se hace en diversas tallas, sin medidas de persona determinada.   ~ interior.  1. f. La de uso personal, bajo las prendas exteriores.  ~ vieja.  1. f. Guisado de la carne y otros restos que han sobrado de la olla.   etc.

Ce dictionnaire indique que l’espagnol ropa vient du gotique *raupa   un dérivé du verbe  raupjan « déchirer » rupfen ou raufen  en allemand moderne.  Mais il y a un problème historique. Il n’y a pas d’attestations d’avant le XVIe siècle, et en plus ce sont des dérivés comme français roupille « manteau ample, guenille », roupiho « guenille » à Marseille et ils sont plutôt rares. Le mot roupo qui désigne toutes sortes de vêtements  amples en général, est fortement attesté dans tout le domaine occitan et franco-provençal.  En plus la première attestation vient du gascon, dans le texte de Gérard Bedout, Lou parterre gascoun coupouzat de quouate carreus. de 1642.  Pourtant l’extension géographique de roupa, jusqu’à la Suisse romande reste à expliquer.  Voir  FEW XVI, 680

Roupilles

Roupilles « guenilles, rougnes » cf.ropilha

Rousiguer, rosegar

Rosegar « ronger » rousiguer. fr.rég. a une étymologie peu intéressante. Le mot latin *rodicare avait le même sens et s’est conservé dans tout le domaine occitan et le sud de la langue d’oïl. Un rousigou (S) est un trognon de pomme ou de poire. Voici un  exemple de rousigou à faire;  l’original est de Roland Topor :

Rousto

Rousto ‘volée de coups’, rouste en français régional, roustá « rosser » (Gard).

les Romains qui habitaient le Gard connaissaient très probablement le mot rustum qu’ils prononcaient à peu près comme en languedocien moderne rousto, mais à cette époque un rustum était ‘une tige, un rameau’. Pour des raisons éducatives ils s’en servaient pour roustár « rosser » leur progéniture. De là, les créations languedociennes roustoun, roustoù « testicules; rustre, homme grossier » devenu roustons en argot parisien., vulgaire ou populaire d’après le TLF.

Mistral semble avoir expliqué cette évolution sémantique « tige, rameau »  > « testicules »  : « parce qu’ils servent à battre » d’après une note dans le FEW, mais je ne l’ai pas retrouvée dans le Trésor. Le FEW l’a repris dans les ‘Incognita’ où il ajoute des formes franco-provençales de la Suisse romande comme risto ‘testicules des béliers’.

Le passage des mots qui désignent les « génitaux » à la notion  « rustre, imbécile » etc.etc. ne pose aucun problème; cf. français con, couillon et anglais fuck, néerlandais lul « pénis; imbécile », etc.

Une célèbre rouste

Le même étymon a donné en ancien fançais roissier « battre violemment » remplacé depuis par rosser. Flamand rossen, néerlandais afrossen « battre ».