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Pontet

Pontet a les mêmes sens qu’  en français pontet qui l’a d’ailleurs emprunté à l’occitan.

Caractéristiques pour  notre région sont  les pontets dans certaines bastides qui « enjambent les carrerots, le plus souvent au croisement d’une rue plus grande c’est à dire d’une carreyra (rue charretière) ou d’une rue secondaire. Cette excroissance privée (le pontet) sur domaine publique (le carrerot) permet, le plus fréquemment, l’adjonction d’une pièce supplémentaire à l’une des maisons « porteuse ». (Site extra-ordinaire dédié aux bastides).

Pontet (XIIIe s.) est dérivé de pons « pont ». Les rares attestations dans le FEW avec des sens qui ont un rapport avec l’architecture, viennent de la Suisse alpine. e qui s’explique par le fait que le terrain constructible est rare en montagne. Peut-être que l’idée de faire des pontetes vient des montagnards. Un sujet d’histoire à approfondir.

La photo vient du site dédié aux Bastides.

Question: Y a-t-il un pontet  à Le Pontet?

Posaraca

Posaraca « puits à roue »(XIIIe s.) posaranca, posalanca etc. A Arles le fameux arpenteur Bertrand Boysset a noté la forme poaraqua en 1395, d’après un article dans la revue Romania21(1892)p.540 :

 D’après de nombreux dictionnaires occitans il s’agit d’un puits à roue et non pas d’un puits à bascule comme l’indique Alibert.

Un visiteur me signale que je n’ai pas donné l’étymologie de ce composé posaraca, posaranca, pouzaranco etc. Je rattrape cet oubli.L’abbé de Sauvages a eu une idée:

Mais il n’est pas suivi par Mistralqui donne 6 variantes pouseraco, pousaraco, pousaranco, pousalanco, pousolonco, pousolongo, et propose de l’expliquer comme un mot composé de posar (puiser) +racar (vomir, rendre). Cette étymologie est aussi donnée par le FEW : (il) posa + (il) raca « il puise et il crache ».

La première attestation occitane date de 1200. Pour l’étymologie de racar cliquez.
Les formes avec l’insertion d’un -n- sont dues à une étymologie populaire qui a assimilé la terminaison -aca au suffixe -enco, -anco très fréquent en occitan.

Le commentaire d’olive34 ci_dessous m’a incité à mettre une petite vidéo   sur Youtube

Une deuxième video, cette fois avec un cheval faite par un ami  à Manduel le  2012-10-09

Pot, poutoun

Pot « 1.(grosse) lèvre; 2.moue; 3.baiser » vient d’une racine celtique ou pré-celtique *pott « (grosse) lèvre » qu’on trouve dans les parlers gallormans jusqu’à une ligne qui va de la Loire jusqu’aux Vosges, ainsi qu’en lorrain et en wallon. En dehors de la Galloromania, il y a l’italien potta « vulve » et avec une dissimilation de la voyelle de la racine le catalan petà « baiser », ancien catalan potó (source), apetonar « donner un baiser ».

Dans beaucoup de parlers le mot pot a été remplacé sous l’influence du français  par le type lèvre au sens propre, mais est resté bien vivant dans les dérivés comme poutoun.

Pot « lèvre » est attesté en occitan depuis le XIIe siècle. Au figuré pot désigne « le bec d’un vase, le goulot d’une cruche ». Le pluriel potte a été pris pour un féminin sg. et signifie dans beaucoup d’endroits « grosse lèvre ». Potigros est attesté dans le Val d’Aran avec le sens « qui a de grosses lèvres » est aussi le sobriquet des habitants de Gaillagos, Hautes Pyrénées (C.Achard).

Les parlers occitans sont très riches en dérivés et composés et chaque localité en créé à sa guise. Poutarro est « grosse lèvre » à Toulouse, un poutarrüt « un homme avec des grosses lèvres » en Béarn, espouterla « rompre le bec d’un vase » à Toulouse devient despoutorlha à Millau. Despoutar est « sevrer un enfant » à Marseille.

  • Ad 1. Toujours à partir du sens « lèvre » nous trouvons en Provence et dans  l’est du Languedoc une comparaison avec la « méduse » appelée  pôto d’après l’abbé de Sauvages, confirmé par RollandFaune. Le mot est même passé dans quelques dictionnaires français du 18e-20e siècle sous la forme d’un dérivé : potéral, potera « nombre d’hameçons sans appât, ajustés autour d’un leurre de plomb, pour prendre des seiches ». Wikipédia me fournit l’info suivante: potera : en Méditerrannée : engin de pêche à la ligne . Voir « turlutte« .  Ce que j’ai fait: turlotte ou turlutte : « engin de pêche à la ligne constitué de trois gros hameçons dont les hampes sont ligaturées et entourées de fil de plomb, et parfois habillées de chiffon coloré pour attirer les proies. Sert à harper les poissons ou les calmars réunis en banc serré (par exemple pendant le frai). Synonyme en Méditerranée : « potera » ; synonyme en mers nordiques : « harpeau » ou « harpiau ».

Comme je ne suis pas pêcheur, j’ai voulu avoir le coeur net et j’ai trouvé une image.

  • Ad 2. Le sens « moue, bouche » n’est pas souvent attesté en occitan, excepté dans l’expression fa la poto « faire la moue ». Le verbe potinar, poutina « bouder » par contre est très répandu. Dans plusieurs endroits, p.ex. à Ytrac (Cantal) poutigná s’applique aussi aux oiseaux, plus particulièrement aux femelles et signifie « abandonner la nichée ». cf. Thesoc , poutiná en Dordogne, empoutigna Creuse.

Pour augmenter l’expressivité du verbe, le p- initial a été remplacé par un b- dans l’Aveyron : boutiná et emboutinat « boudeur ». Nous sommes dans un domaine de la vie de tous les jours où l’expression des sentiments joue un rôle très important. Expression de sentiments et créativité sont étroitement liées. Les Occitans étant libres et très créatifs linguistiquement parlant, ont formé d’inombrables dérivés et composés avec la racine *pott., comme repoutiná « gronder », repoutegá « bougonner; repliquer brusquement » (Alès), « gronder » (Aude), repotegaire « celui qui fait des repliques »(Mende), etc.

  • Ad 3. » Baiser ».Pot (à Toulouse et emprunté par le basque pot) est plutôt rare comparé à poutou(n) « baiser », poutouneger « faire des séries de poutoun » (Domergue), poutouná « baisoter » , poutounet « petit baiser », poutounaré, -élo « qui aimer à baisoter », poutounejá « baisoter » qui est très répandu en languedocien. A Roquemaure (Gard) il y a tous les ans, vers la St-Valentin la Festo de Poutoun.

Dans un article dans la Z 11, p.474 Schuchart étudie tous les mots basques du dictionnaire Basque-Français de W.J.Eys (Paris, 1873) qui commencent avec la lettre p- et qui ont un lien avec des langues romanes. Pot « baiser » se trouve à la p. 491

Potona,poutouno

Potona adj. f. « mignonne ».  Dans l’Alibert apparaissent au milieu des nombreux dérivés de pot « lèvre », les adjectifs  potonet (1), potoneta adj. MANIÈR « craquant, craquante » ainsi que potonta nom f. « poupée », potonton nom m. « petit poupon » loc., potontonejar v. intr. MANIÈR « pouponner ». L’idée que ces mots appartiennent à la même famille que poutou(n) est à première vue tentant. A qui d’autre donner un poton qu’à une potona?

Mais dans le dictionnaire de l’abbé de Sauvages sont mentionnés  poutoto (S1) et dans S2 poutouno « mignonne » et son diminutif poutounero. Mistral cite poutounto « poupée » en Rouergue, poutoutounéja « dorloter, faire sauter un enfant sur ses genoux ».

Un doute s’est installé et en cherchant je trouve que le latin connaît en effet un substantif pŭtus « petit garçon, enfant »,  une variante de pusus  (Gafiot) attesté chez Virgile, qui s’excuse de l’emploi de ce mot familier! Il n’apparaît pas dans d’autres textes classiques, mais seulement plus tard dans des glossaires. Putto est encore vivant dans les parlers de la plaine du Po comme dans les parlers occitans. Il y a aussi quelques attestations du lyonnais .

Titre :  Putto con vase di fiori

Le FEW a rangé dans le même article pŭtus, les noms provençaux de petits poissons comme le poutino « cepola » (Var), ou des « petites sardines », nom qui est passé en français dans la forme potinière « maille très serrée de certains filets avec lesquels on prend de petites sardines » (Littré). Poutiniero > français potinière « filet à mailles serrées » est resté dans les Larousse jusqu’en 1932.

poutino cepola rubescens

Plusieurs étymologistes (Diez, Dauzat) pensent que putana « prostituée » est aussi dérivée de putus. Le FEW préfère pour des raisons sémantiques et phonétiques l’étymologie putidus « pourri, gâté, puant, fétide ».

Pougaou "anguille"

Pougaou « anguille ». L’étymologie est l’adjectif  latin pollicaris « de la longueur d’un pouce », qui en occitan est devenu pollicalis par changement de suffixe. Le mot pougaou  est né en combinaison avec anguilla   ce qui se retrouve dans le fait que pougau  est un substantif féminin d’après les dictionnaires. Dans l’Alibert  s.v. pogau on trouve en plus les sens « jeune fille bien prise, tendron ».

anguilla latirostris

anguilla latirostris

 Mais l’histoire n’est pas finie.  Pougaou est attesté dans les Bouches-du-Rhône  et à Palavas comme « anguille de la grosse espèce » . Un copain, bon connaisseur de la Camargue, me le confirme.

Le grand savant du XVIIIe siècle Henri Louis Duhamel du Monceau mentionne pour le Gard la forme pougalle  dans son  Traité général des pesches…

Pounchuroto "variété d'anguille"

Pounchuroto « anguille » est dérivé de ponchu,  « pointu », vient  du latin puncta  » estocade »,  féminin de punctum  « piqure, pointe ». La première attestation (1841) vient des  Considérations  du baron de Rivière  sur les anguilles en Camargue. (Voir mon article  Bouirons).

Mistral fournit deux formes dérivées de pounchu   pour des noms de poissons :  pounchudo  « poisson de mer, espèce de muge; poisson d’eau douce, dard, vaudoise » et pounchuroto  « variété d’anguille ». Il a dû trouver ce dernier dans le texte du baron de Rivière  qui les définit comme des « petites anguilles pointues » qu’on nomme aussi lufru.

L’origine de l’élément -roto  reste encore obscure.  J’ai pensé à rot  « brisé, cassé » > « aplati »   participe passé de rompre,   mais il faudrait d’abord savoir  de quelle variété d’anguilles il s’agit exactement.

pounchurote?

Pounent

Pounent « vent d’ouest ». s.m.

Français ponant « ouest » est un « emprunt à l’ancien provençal ponen «ouest, vent d’ouest» (XIIes. ds RAYN. et LEVY Prov.) qui remonte au latin populaire sol ponens «soleil couchant» (d’où aussi italien ponente, espagnol poniente), expression. formée avec le part. prés. de ponere «se poser, se  coucher (en parlant des astres)», sens supposé d’après l’italien porre «se coucher (en parlant du soleil)» (à la place du latin occidere (occident*) » CNRTL

Pous

Pous « puits ». du latin puteus « puits » est conservé dans toutes les langues romanes et a été emprunté très tôt par les langues voisines : néerlandais put, anglais pit, basque butzu, via le français en breton puns.

Pour voir les différentes formes du mot en occitan, consultez le Thesoc. Le domaine galloroman est divisé en deux zones : dans le nord la base doit être un putiu avec un –u- long tandisque dans le sud, comme dans les autres langues romanes, la base est un poteus. Un résumé des différentes explications est donné par Fouché dans la RLR 68,pp.28-42.

Le FEW propose une influence du mot franc putte dans le Nord, parce que la zone géographique où nous trouvons la forme puits, est la même dans deux autres mots d’origine franque à savoir aune et houx.

Pous restauré à Vauvenargues

Alibert donne de nombreux dérivés : posaca « puisard », posada « quantité puisée en une fois », posador « cuillère à long manche », posadoira « puisoir » et posa « eau de puits ».

Voir aussi l’article  posaraca

Pousseto "sein, poitrine"

Pousseto « sein, téton ».  J’ai rencontré cet emploi du mot pousseto dans un Noël de Saboly (1614-1675):

Canten Nouvè…Chantons Noël…

Helas ! moun Diéu ! lou bel Enfant ! (Mon Dieu ! le bel Enfant !)
Coume pren la pousseto! (Comme il prend le sein !)
Dirias avis que mor de fam : (Je suis d’avis qu’il meurt de faim )
Regardas coume teto ! (Regardez comme il tête !)

Mistral l’utilise avec le sens « poitrine; seins » dans Lou pouèmo dóu Rose :

(Source :Frédéric Mistral Poet and Leader in Provence.  Par Charles Alfred Downer)

Louis Bernard Royer (Avignon 1677-1755) écrit:

(Source)

L’abbé de Sauvages donne  pousseto  « le mamelon » (S2).

L’étymologie donnée par le FEW a été une surprise. J’ai pensé en première instance qu’il s’agissait d’un dérivé de pousse dans le sens « jeune pousse, bourgeon » dérivé du verbe  du latin pulsare « bousculer, heurter ».  Le verbe  pousser  avec le sens « croître » ne se trouve en français que depuis la Renaissance. La première  attestation vient d’ Olivier de Serres, originaire du Vivarais (Ardèche).  Les attestations dans les parlers galloromans viennent surtout du domaine occitan: Toulouse, Hérault, Lozère, …. Il n’est donc pas impossible que cette évolution sémantique s’est produite en occitan1 avant de monter à la capitale.

Le FEW range pousseto  « sein, téton » dans l’article *puppa  « petite fille ».  En effet popa  « mamelle de la femme » est attestée en occitan depuis 1350 et le verbe popar  « téter » vers la même époque. Dans les parlers modernes les deux mots sont attestés en franco-provençal et tout le domaine  languedocien et gascon, avec quelques rares attestation à l’est du Rhône.

Une deuxième forme, poussa  est très bien attestée en franco-provençal et en provençal, d’après le Thesoc :  possa « pis » ALPES DE HAUTE-PROVENCE, ALPES-MARITIMES,ARDECHE, BOUCHES-DU-RHONE, DROME, GARD, HAUTES-ALPES,ISERE, VAR, VAUCLUSE. avec quelques dépassements du Rhône comme par exemple dans le Gard à Sernhac et Uzès  pousso  « sein » (Thesoc 2 s.v. sein] et à Marsillargues ( HERAULT).

En italien nous avons le mot  poccia « poitrine de la femme » qui y  est largement répandu, comme le verbe pocciare « boire au sein ».

La forme  avec  –ss-  ou -cc- en Italie, au lieu de -pp-  est expliqué par l’influence des représentants de *suctiare « sucer » (Salvioni s.v.mammella) ou *tittia « téton » (J. Jud dans Literaturblatt 39, 1918, p.249)3

Malgré le fait qu’il est impossible de rattacher les formes italiennes  avec -cc- à pulsare, je ne suis pas 100% convaincu.

Dans les données du Thesoc nous voyons que le mot possa  a dégringolé du point de vue social. Le mot dialectal est devenu courant pour  « pis de la vache », mais est remplacé par le type « tette, téton » pour le sein de la femme. Cela me rappelle l’évolution sémantique de metge « médecin » devenu « vétérinaire ».

Popel « pis de la vache, sein, mamelle » a la même étymologie sans la contamination par *suctiare ou *tittia . D’après le Thesoc s.v. pis  limité aux Alpes Maritimes et la Vaucluse, mais les données du FEW 4 montrent que poupa  et ses nombreux dérivés sont courants de Nice jusqu’en Béarnais. Poupe « mamelle de la femelle d’animaux féroce »  est attesté dans des dictionnaires français du XVIe au XIXe siècle. Le dernier est leGrand Dictionnaires.v.poupe de Pierre Larousse, qui propose  pulpa  comme étymologie.

Par contre poussette  dans la pétanque a un autre sens,  voir poussette.

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  1. Du boulot pour les philologues et linguistes occitans, en cherchant polsar dans les vieux textes
  2. Une erreur est à signaler. Le Gard a le type possa et non pas  popa
  3. Il s’agit d’un compte-rendu d’un livre d’Adolf Hering sur le patois de La Baroche dans les Vosges, paru en 1916, comme Beiheft de la Zeitschrift für romanische Philologie. Jud publie son commentaire dans  le Literaturblatt für germanische und romanische Philologie.   Cela donne à  réfléchir.
  4. XI,605a-b

Poussette, triplette, doublette

Poussette  dans la pétanque a un  sens  plus proche du latin pulsare « heurter »: « petite poussée. Fait de pousser légèrement une boule avec une autre boule.  » ( René Domergue, Avise, la pétanque!).  Le mot poussette  « action de pousser » existe aussi en français, où  elle a un sens péjoratif dans les jeux de hasard et le cyclisme, mais pas dans le ping-pong. Voir le TLF s.v. poussette

Il est pas possible de savoir si les dérivés en –et, -ette , comme poussette, triplette, doublette  ont été créés dans le domaine d’oc ou le domaine d’oïl, parce que ces suffixes sont vivants dans les deux langues.

Je renvoie les linguistes à l’étude de Marc Plénat,  Brèves remarques sur les déverbaux en -ette.   et                               

                ici.