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Escoussieres à Mirepoix

Christine Belcikowski , autrefois La dormeuse  est revenu à son cher Compoix de Mirepoix:

J’ai cherché à localiser dans Mirepoix cette « maison avec chartreuse et jardin contigu, le long de la promenade du nord anciennement appelée les Escoussières, confrontant en corps de levant les héritiers Estupui, de midi la dite promenade, du couchant Victor Commelera, d’aquilon rue dite de la Tinité ». La promenade du nord, aussi appelée promenade Saint-Antoine, c’est l’actuel cours du Colonel Petitpied. La rue de la Trinité, c’est aujourd’hui la rue Vidal-Lablache.

En 2017 je reçois d’Alain Marmion nous fournit les compléments d’information1 et un lien vers son blog dans lequel il nous fournit un plan de la ville de Mirepoix établi d’après les données du compoix de 1661. http://aline.marmion.free.fr/mirepoix_terrier.htm Allez-y !

Il y a des années qu’elle m’a demandé de chercher l’étymologie du nom Escoussières, mais n’ayant rien trouvé, j’ai abandonné, mais j’ai gardé quelques images: EscossierePhoto  escossieresMirepoix escossieresMirepoixP

J’avais trouvé 2 autres attestations, une dans le site Le Patrimoine bâti du  vendredi 6 janvier 2006, par Geneviève Durand sur Clermon-le-Fort, qui écrit:

La cour du Fort et son puits

Un très petit nombre de maisons ont aujourd’hui une porte s’ouvrant dans cette cour. Mais cela devait être très différent lorsqu’une muraille les enserrait : il y avait toujours un espace, l’escoussière, entre la muraille et les maisons qui devaient alors s’ouvrir vers la cour intérieure. Le puits, avec la corde enroulée sur le tour, a servi jusque dans les années soixante. Il a plus de 20 m de profondeur.

et la deuxième intitulé « Un siècle d’administration communale  à Aucamville (Tarn et Garonne ») d’après les comptes consulaires (1346-1446), par F. Galabert et publié dans les Annales du Midi de 1908, pp.313-350 . A la p. 320 il écrit:

Les auvents construits, il fallut, un peu plus tard, s’occuper des escossières ou chemins de ronde que l’on répara durant plusieurs années. Cela coûta 5 moutons d’or en 1435,4 moutons d’or et 4 pegas de vin en 1441. On verra par les citations ci-dessous que ces chemins de ronde étaient couverts :

Item fesem repara xiiii brassas he xvii de las cossieras que héron casudas… he costeron de la ma des maistres v escutz d’aur, 1435 (f» 8).

Cette graphie, cossiera  un endroit couvert, permet de supposer par exemple qu’il servait à écosser les légumes (cossier « tiges et cosses sèches de pois » de cochlea « escargot; cosse ») FEW II,826b;

Le FEW range ce groupe de mots dans l’article cursus  FEW II, 1576

Pourtant le plus probable me semble être le latin excussorius « qui sert à battre et enlever », bref le « fléau », qui dans l’Aveyron a abouti à escoussouyro « aire », attesté depuis 1514 et à Barcelonnette à escoussouiro « chacune des planchettes mobiles qui forment le devant du coffre à grains ».

Excussorius  a pratiquement disparu des parlers galloromans et a été remplacé par fleau, mais le verbe excuter avec le sens « battre le blé » s’est maintenu dans beaucoup d’endroits. En ancien occitan escodre, eyscoyre , en occitan moderne escoudre, escoure toujours « battre le blé ».  FEW III, 286 ss.

Tout à fait au nord du domaine galloroman, en wallon, le mot escoussière existe également et là il désigne une meule spéciale dans les moulins pour l’épeautre, décrite ainsi:

Le grain était conservé dans ses enveloppes. La présence d’enveloppes tenaces autour du grain constituerait une protection contre les déprédations (oiseaux et charançons) et protégerait le grain contre les micro-champignons lors des conditions défavorables à la germination. Dans la zone de culture de l’épeautre en Belgique, les moulins à moudre les céréales possédaient un équipement particulier destiné à décortiquer l’épeautre, c’est-à-dire à débarrasser le grain de ses enveloppes, avant de le broyer1. Les moulins possédaient en général trois meules dont une servait uniquement à monder la céréale. Les parties travaillantes étaient des meules grossières, fortement trouées et plus écartées que celles destinées à moudre la farine. Les moulins que nous avons pu encore visiter possédaient des meules provenant du célèbre centre de production de pierres meulières de La Ferte -sous -Jouarre en France. Cette meule spéciale portait un nom particulier : l’esqueure  (charte de Nismes 1451), ou plus récemment l’escoussière  (enquêtes). (http://civilisations.revues.org/1425#tocto2n2)

Ces meules faisaient donc le travail pour lequel on utilisait  le fléau pour les autres céréales.  L’étymologie est donc probablement  la même.

  1. Dans le glossaire de langue romane (google book) p508, on peut lire :
    ESCOUSSIEIROS Remparts d’une ville sur lequel on se promène,
    ESCOUSSOUR Fléau à battre le blé
    2) concernant les propriétés du compoix de Mirepoix de 1766, tout est en ligne sur le site des AD09. Le livre 1, débute par un index alphabétique des propriétaires, avec un fol de renvoi. Sur le fol on trouve les biens tenus, avec pour chaque un numéro de parcelle qui renvoie au plan terrier également en ligne… Il n’y a donc aucune difficulté à localiser le bien d’une personne.
    3) Les escossières n’existaient plus en 1766, elles sont utilisées comme confronts dans le compoix de 1675, qui est en ligne mais sans plan. Pour la ville, j’ai donc réalisé un plan terrier de 1675, à voir en ligne sur mon site.

Esfata, esfataire

Esfata, « défricher », cf.fataire.
Esfataire, « celui qui déchire, défriche » cf. fataire.

Esglajà, glaoujou

Esglaja « effrayer » est un dérivé de l’ancien occitan glai s.m. « effroi » (XIIIe s.). La famille de mots dont esglaja  est surtout attestée à l’Est du Rhône et se retrouve dans les parlers du Nord de l’Italie.

L’étymologie d’esglaiar, un dérivé de gladius « épée », demande un commentaire. Le verbe esglaiar signifie en ancien occitan  » tuer avec une arme », mais aussi « effrayer, intimider ». C’est ce dernier sens qui a survécu en provençal. L’explication de l’emploi au figuré de glai « épée » donnée par von Wartburg (FEW) se trouve dans l’Evangile où gladius est utlisé pour décrire la douleur et l’effroi de la Vierge à la mort du Christ. Par exemple dans Lucas 2.35 : et tuam ipsius animan pertransibit gladius.

A partir du pluriel gladii > gladî a été formé le substantif glazi « épée » en ancien occitan, et nous trouvons le même emploi au figuré dans les dictionnaires de l’occitan moderne comme dans le verbe glasí « effrayer » (Gers), esglariat « effaré, emporté, hors de soi » (Marseille) et eglaria donné par l’abbé de Sauvages (S2).

Dans les dialectes du Nord et en français jusqu’à la fin du XVIIe s, glai prend le sens du dérivé latin gladiolus « glaieul », qui a donné glooujou, glaujou, glauïol en occitan, néerlandais gladiool, allemand Gladiole.

                                              

Pour une explication de la forme glaive « épée » dans la langue d’oïl, et en anglais voir le TLF.

èso ‘corsage d’Arlésienne’

èso « corsage près du corps du costume  des Arlésiennes ». Étymologie : latin adjacens « qui est proche ». FEW XXIV,144  J’y reviendrai pour expliquer l’évolution sémantique.

Dans le blog Nadine de Trans en Provence j’ai trouvé une description et une belle photo de l’èso de l’Arlésienne:

eso costume d'Arlesienne

Mistral nous fournit deux définitions: 1. grand linge  et 2. corsage.

eso Mistral

Bourilly Joseph, La vie populaire dans les Bouches-du-Rhône. Marseille, impr. Barlatier , 1921 décrit la capello et l’éso :

eso et capello_Bourilly

Mon ami Michel Fournier source inépuisable de renseignements sur le provençal m’écrit:

l‘eso est bien le corsage ou caraco, très ajusté, très près du corps, il est généralement de couleur noire, avec une jupe d’autres couleurs. Pour les tenues très habillées, l’eso est du même tissus que la jupe.

La chapelle ou « devant d’estomac » est une pointe plus ou moins riche de dentelles blanches qui s’épingle devant sur le caraco et que vient border le fichu plissé.

La chapelle, par ce qu’il permettait aux arlésiennes qui portaient une croix moins riche , de porter aussi, dissimulé sous la pointe de dentelles, de petits reliquaires.

L’évolution sémantique de èso.

Dans la Chanson de Sainte Foy (première moitié du XIe siècle)  le mot aitz isssu du latin adjacens signifie « région, pays, endroit ». Un peu plus tard aussi « demeure, habitation ».  Quand on est dans son habitation on se sent à l’aise  et le mot aise   prend dans des expressions comme  esser, estar, tener, viure ad ais le sens « à l’aise, dans un état de bien‑être [matériel, physique ou moral » (Voir le Dictionnaire Occitan Mediéval s.v. aitz pour l’importante discussion de cette étymologie et la riche documentation! ).

Les Arlésiennes se sentent probablement très à l’aise dans leur èso. Cela doit aussi être valable pour le premier sens donné par Mistral.

Capello ou chapelle « partie des vêtements des Arlésiennes qui couvre les seins » d’après Auguste Brun1 vient d’après le FEW III, 286  du latin cappella « petit manteau »,un mot qui a en effet pris de nombreux sens plus ou moins techniques.

 

 

  1. Le français de Marseille; étude de parler régional. Marseille, 1931

Espanir "sevrer" d'origine gauloise...

Espanir « sevrer ».  L’étymologie a été décrite par Antoine Thomas dans son Mélanges d’étymologie française.  Paris, 1902.  que j’ai retrouvé grâce à Lexilogos. Ci-dessous je copie la page

D’après le données du Thesoc  espanir  a été conservé dans  la CREUSE, DORDOGNE, HAUTE-VIENNE, VIENNE. En cliquant sur ce lien vous verrez aussi que la note 4) de Thomas est toujours valable.

Le  FEW 17, 165  rassemble dans le second article *spannjan « sevrer » (ancien francique) toutes les données connues en 1962. Le verbe  espanir  est attesté en ancien français depuis le XIIe siècle et en ancien limousin depuis le XIVe. On le trouve surtout dans les parlers picards, flamands, wallons et lorrains, ensuite par-ci par-là dans l’ouest de l’occitan; mais le FEW n’a pas non plus  de réponse à la question que Thomas déjà posait : quel est le lien entre le verbe occitan espanir   et le verbe wallon?

Le verbe *spannjan « sevrer » fait partie d’une famille de mots très répandue dans les langues germaniques; néerlandais speen « téton, tétine », spenen  « sevrer », allemand Spanferkel « cochon de lait ».

D’après l’ EWN il y a un lien avec l’ancien irlandais sine (< *spenio) ‘téton’; < pie. *spen-, *span- ‘tétine, sein, téton’ (IEW 990).  Comme on n’arrive pas à expliquer un lien avec le francique, il faudra peut-être penser au gaulois?  Si vous connaissez un mot de la même famille dans  une langue celtique  contactez-moi ou laissez un commentaire.

 

Espantar

Espantar « épouvanter, surprendre, impressionner, étonner ». Tu m’espante! en français régional. Espantar a la même étymologie que français épouvanter. latin *expaventare qui n’est pas attesté mais qui a dû être formé très tôt en latin parlé puisqu’on le retrouve en italien spaventare, en catalan, espagnol et portugais espantar. Les formes espand, espantable ont également existé en ancien et moyen français :

Nouveau et important: Voir le Dictionnaire du Moyen Français (DMF) ! avec de nombreux exemples, des liens, bibliographie, les etyma, etc. Vous arriverez sur la page où la recherche se fait à partir d’un étymon. Pour *expaventare cliquez dans la première ligne sur E, dans la deuxième ligne sur X et dans la troisième sur P, ensuite choisissez *expaventare. Vous trouverez les 38 articles.

En occitan moderne et en français régional le sens s’est plus ou moins affaibli par l’ usure comme cela arrive souvent aux mots expressifs. D’autre part espanter devient de plus en plus courant dans des blogs, forums etc.

En occitan moderne on trouve à côté des formes espantar des formes avec –v- : espaventá, espraventá, espabenta, qui sont probablement refaits à partir du substantif espavent « épouvantail ». Voir aussi le Thésoc, s.v. « épouvantail » pour l’ouest-occitan. En provençal comme dans des localités du Gers, Haute-Garonne et des Hautes- Pyrénées on trouve un autre dérivé en ale : espaventau.

Emprunté au français: breton spount et spoñtus « épouvantable ».espaventau

Esparcel ‘sainfoin’

Esparcel  » sainfoin. » l’Étymologie est le participe passé latin sparsus du verbe spargere « répandre ». L’explication de cette étymologie se trouve dans le fait que l’esparcel est semé à la volée.

Semeur_à_la_volée

Christine Becikowski  a consacré un article au Manuel d’agriculture et de ménagerie, avec des considérations politiques, philosophiques & mythologiques, dédié à la patrie, par le citoyen Fontanilhes, à Toulouse, de l’imprimerie de la citoyenne Desclassan,  1794-1795. Fontanilhes  se proposait d’instruire ses lecteurs du moyen d’augmenter la production agricole en France, et plus spécialement en Ariège et en Haute-Garonne. Il utilise (consciemment ?) plusieurs mots issus de l’occitan que l’on peut considérer comme du français régional, dont esparcel.

C’est l’agronome Olivier de Serres  originaire de l’Ardèche qui  a introduit le nom  esparcet  en français au XVIe siècle.

Voir  FEW XII,134b

sainfoin

Espargoule ‘pariétaire; asperge’

Espargoule « pariétaire; asperge » vient d’un latin médiéval des botanistes spergula « plante du genre Galium« (?). Les botanistes du Moyen Âge, qui étaient en général médecins et pharmaciens, ont latinisé le mot provençal espargoulo un dérivé  du latin asparagus « asperge ».  Le nom espargoulo  est limité au provençal + le département du Gard, attesté notamment à Saint-André de Valborgne. Voir Le FEW XXV, 464 pour les attestations, colonne à gauche, à partir de 2aα. En  languedocien espargola, espargou(l) désigne « l’asperge » ! Attestations dans la même page, en bas à partir de 2aβ.

L’histoire de ce mot provençal se trouve à la page 466 et est rédigée en FRANÇAIS.  Il suffit de cliquer sur le lien !

parietaire    pariétaire Parietaria_officinalispariétaire.      asperge-sauvage asperge sauvage

Spergula a été adopté par Linné (1753) comme nom d’un genre de plantes herbacées de la famille des Caryophyllacées. (Wikipedia)

spergula arvensis spergula arvensis

Espatarrar

Espatarrar (s’) « s’étendre de tout son long, écarquiller les jambes, se mettre à l’aise ». s’espatarrer en français régional (Midi Libre juillet 2005).

Alibert donne comme étymologie : Occitan es + pata + ar, mais sans spécifier de quelle pata il s’agit. En occitan il y a pata « patte » mais aussi pata « chiffon » et il n’ont pas la même étymologie. Je pense qu’il s’agit du second : pata « chiffon » qui fait partie d’une famille de mots vivant dans le nord de l’Italie, par exemple piémontais pata « chiffon », en rhétoroman ainsi que dans le sud-est du galloroman et en Lorraine.

Espeisses

Espeisses, Bois des – . Nom du poumon vert et lieu de promenade de Nîmes. Etymologie.

Espeisses vient du latin spissus « épais, touffu, gros »; utilisé comme substantif spissus prend le sens « fourré, broussailles », synonyme de garrigue dans notre région. Pégorier donne Espesse « bois touffu » en ancien français.

Le Bois des Espeisses
Au Nord-ouest de la ville, à moins de deux kilomètres du centre, ce site boisé de 83 hectares est considéré comme le « poumon vert » de Nîmes. Quatre parcours découverte, fléchés et balisés sont proposés aux promeneurs.
Cliquez!

Le mot Bois dans le nom actuel Bois des Espeisses a une histoire spéciale. La première mention date de 1144, d’après le dictionnaire topographique  de Germer-Durand : Divisia d’Espeissal. La graphie change au cours des siècles : Devesia de Speissas en 1195 > Devesia de Espeissas en 1463 > Devois des Espeisses en 1671 > Les Espeisses en 1704 > Bois des Espeisses sive Puech Mazel, Puech Mézel en 1706.

Le nom Bois  est très récent.  Avant le XVIII siècle le nom dans la langue parlée  était Devois, Debois, en languedocien v et b sont confondus.  Dans les textes en latin nous trouvons  Devesia.  La forme Devois est une francisation de Devesia ( le –e- long latin devient -oi- en français). Les plus anciennes attestations Divisia, devesia sont une latinisation de la forme occitane deveza « terrain réservé »  qui vient du latin defensum « interdiction » (voir ci-dessous), que le premier copiste a compris comme ancien occitan deviza « division », dérivé d’un verbe *divisare « partager ».

Devèze, devèse; deveso, debes en Rouergue, defès en Périgord, est un toponyme très courant; voir par ex. pour le Gard Germer-Durand. Ancien occitan deveza signifie « terrain réservé ». D’après Pégorier devèse s.f. « défens, réserve, jachère, friche » dans les noms de lieux. Dans l’Aude (cf. Thesoc) et le Cantal debezo « jachère », dans le Cahors debéso « pâturage ». La forme féminine est limitée à l’occitan et désigne le plus souvent une jachère. L’étymon est latin defensum « interdiction » > ancien occitan deves.

La devèse était une jachère, du terrain où le bétail ne pouvait paître qu’avant le labourage et qui lui était interdit après cette période de l’année.

Conclusion : une mauvaise interprétation au XII siècle du mot occitan Devese a abouti au nom actuel Bois des Espeisses.

Puech Mazel, Puech Mézel. La remarque dans le Dictionnaire topographique du Gard, m’a poussé à jeter un coup d’oeil à ce nom : « Montagne commune de Nîmes, dans le bois des Espeisses. Première attestation date de 1144 : Medium leprosum c’est-à-dire le « domaine des lépreux », plus tard le Medium Mezel et depuis 1596 le Puech Mazel. A partir d’ici, c’est aux historiens de révéler l’histoire.