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Baude, rue de la -, Manduel

Rue de la Baude à Manduel
Mon informateur sur l’histoire de Manduel (Gard) m’ écrit à ma demande d’informations:

« A l’origine, d’au plus loin que je me souvienne, on ne parlait pas du quartier ou de la rue de la Baude. Cette rue n’existait pas mais il y avait le « pont de la Baude« , sur lequel la rue de Bellegarde enjambait ce ruisseau. Ce pont était l’entrée du village où se trouvait à droite l’usine à éther et à gauche l’hôpital et sa chapelle, où se trouvent maintenant les Services techniques. Dans le cadastre de 1809 la rue de Bellegarde s’appelle Rue du Pont de la Baude.

Manduel n’est pas le seul village avec une rue de la Baude. Le même nom existe à Saint-André-d’Apchon (42370), à Rochefort sur mer (17300), à Sainte Colombe (77650) et à Albi.

Après de longues recherches je suis enfin tombé sur une source fiable avec plusieurs attestations, le Glossaire Nautique :

« Bauda, baude, baudo, bando, bòudo, baoude, booudo s.f. (lat. validus). 1415: « …barcam munitam… I° librino et Ia bauda… Archives Dép. BdR. 351 E 142 f°74v°. 1758: « …les battudaire calleront sans signal et sans fer ou baude… » A.D. BdR. 250 E 5231. 1878-86: cablière, pierre qui sert à fixer l’extrémité d’un filet au fond de la mer. V. peirrau. F. M. L. A. 1973: grosse pierre où l’on a ménagé une cannelure qui en fait le tour et dans laquelle passe un cordage; pierre ou gueuse tenant lieu de grappin. Meffre. »

Bauda ne vient pas du latin validus, mais du germanique *bald « hardi, joyeux », attesté en ancien français et en ancien occitan. Comme substantif baut, baud désigne en moyen français « un chien qui ne chasse que le cerf », mais dans le Sud de la France nous trouvons les deux variantes du sens du mot germanique. A Grenoble une bauda est une « bourde, plaisanterie », à Puisserguier baudo est la « joie ». En provençal la báoudo est une »pierre attachée à une nasse », à Nice aussi. Dans le Val d’Aran la báwda est la »barre horizontale qu’on fixe à la porte de la maison pour l’assurer ».A Mende la baudo désigne la « grosse cloche ». Tous ces sens se rattachent à la notion « fort, grand ».  Nous retrouvons de sens « grosse pierre » dans des dictionnaires français de la fin du XVIIe siècle:  baudes désigne les « pierres qu’on attache aux filets des madragues » ou « la cablière où l’on fixe les filets ». Ce terme de pêcheur est certainement emprunté à l’occitan.

En ce qui concerne le Pont de la Baude, ll faudrait faire des fouilles archéologiques pour savoir quelle type de baude s’y trouve …

FEW XV/1,30 du germanique *bald

Bavard

Bavard, babard. Attention aux faux amis : bavard (pr. babart, féminin babardo) signifie aussi « orgueilleux, -se ». Pour Mistral bavard signifie 1. bavard 2.fanfaron. L’évolution sémantique de « bavarder » > « fanfaronner » ou « se moquer » ou « mentir » se trouve un peu partout dans le domaine galloroman. Le premier sens, « bavard » a même dû se perdre dans certains parlers. Voir le Thesoc, bavarder pour constater qu’il n’y a que trois ou quatre villages où l’on a donné le type bavarder.

L’étymon est une racine*baba « bave », qui a donné le dérivé babar « baver », et comme sens secondaire en occitan bavuno, babuno « petite pluie, bruine » et au figuré bava(r) « dire son secret », bavardà.

Bazacle, Les moulins de –

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Le rejet par les économistes atterrés de l’économie libérale, m’a fait découvrir la première société anonyme  du monde 1, la Société des moulins de Bazacle. D’après plusieurs sites l’étymologie du nom Bazacle serait le latin vadum + aculum « gué » + un suffixe diminutif.  Cette étymologie pose pourtant deux problèmes:

Bazacle_Toulouse1. Le gué du Bazacle n’est  pas un petit gué.  Les  Toulousains du XIIe siècle auraient-ils été des rigolos?  Je ne suis pas le seul à douter de cette étymologie. JB  propose dans son blog que vadum  a pu signifier aussi ‘haut-fond ou passe dangereuse pour ceux qui naviguent ». Mais ce sens n’est attesté nulle part.

2.Il  est vrai que v- devient normalement b-  en languedocien, mais le mot latin vadum« gué » a abouti à ga, gua  (Goudouli écrit ga), parfois à gas,  ou à  gouat en Béarnais, comme dans presque tous les parlers galloromans. L’initiale n’est jamais un v-/ b-.  Le fait que pratiquement toutes les formes occitanes ont l’initiale g- i permet de supposer une origine ou très forte influence du germanique2 *wađ « gué »  (qu’on retrouve par exemple dans le néerlandais Waddenzee une partie de la mer qu’on peut traverser à pied à marée basse). En languedocien est attesté gazaire « l’homme qui transporte les gens sur son dos par les rivières » et en Lozère un gué est appelé gazel.

En 413, les Wisigoths envahissent la ville et choisissent Toulouse comme capitale de leur royaume. Ayant une culture et une religion différente, les Gallo-Romains et les Wisigoths se côtoient à Toulouse sans se mélanger jusqu’en 508 lorsque Clovis prend la ville, après avoir vaincu les Wisigoths à la bataille de Vouillé (en 507). (Wikipedia, Toulouse) (A vérifier si l’intégration des Wisigoth n’a pas eu lieu plus tôt. L’auteur ne donne  pas sa source).

Waddenzee   Waddenzee, Pays Bas

3/ Le suffixe –aculum   aboutit normalement à –alh, le féminin –acula à –alha et donne des mots pour nommer des instruments (Alibert, p.26-27).

Régulièrement vadaculum aurait abouti à *gazalh.   Bazacle doit donc être  une occitanisation ou francisation  de l’époque à partir d’un nom créé en latin.   Si j’adopte cette possibilité, vadaculum désignait à l’époque qu’il y avait un moyen ou instrument pour traverser la rivière, un gazel, un bateau, un cable ….. Un vadaculum crée en latin médiéval a pu être transforme en bazacle toulousain du XIIe s.

  1. Une primaire attribuée jusqu’ici aux Néerlandais avec la VOC
  2. Un w- initial des mots d’origine germanique présente en général un g-, gu-  en galloroman: cf. guerre , guide, gagner;  etc

Bazarutà ‘jacasser’

Dans le blog Marseille  je trouve la définition  suivante du français régional

bazarette Du provençal basaruta « jacasser ». Par rapport à barjaquer, c’est le concept de prolixité qui est ici prépondérant. Indiquer qu’une bazarette est atteinte de logorrhée profuse constitue en soi une redondance facile. 

L’étymologiede basaruta est le persan bāzār « marché ». Il y a des attestations anciennes du mot bazar, mais le riche développement sémantique et lexical ne date que du XIXe siècle.  Le dérivé baruta est limité à la région marseillaise.

FEW XIX,33 :

Bazarut FEW

Mais qu’est-ce que font les habitants de l’île  Bazaruto ?

 

Bèbe

Bèbe dans l’expression faire la bèbe « faire la gueule ». Forme francisée du languedocien babo « lèvre ». Aveyron bobá « baver ». bebeu .

Bedigas

Bedigas « esprit épais, niais, bon enfant; mouton d’un an » aussi bedigo, bedet, bedig. Le sens « mouton » est attesté en wallon et en occitan. D’après le premier volume du FEW, p.312 l’étymon pourrait être une onomatopée *bed-, (pronncé  bèèèèèd) mais il ajoute que peut-être il faut partir du verber béer < badare, ou de belare.  Les nouvelles versions de ces deux verbes n’ont pas inséré bedé, bedigas dans ces articles, pour des raisons d’ordre phonétique.

Dans le Thesoc vous trouverez encore 12 attestations de bedigo, beligo « brebis » dans les Bouches-du-Rhône, le Gard et l’Hérault. Mon témoin pour Nîmes me dit que bédigas « niais » y est très courant. Voir aussi l’article Buòus, bedigas e aventuras ! dans le site du FFCC. A Montélimar : Bédigas, (asse) n.m « bête, niais »; Bédigue n.f « vieille brebis ». (Source). D’après le Thesoc bedó (Gordes, 84) et bedan (Puy-de-Dôme) désignent le « bélier », qui sont probablement de la même famille que bedá « bêler, crier des chèvres et moutons » attesté à Laguiole (FEW Incognita, XXII/1, 283b) .

traduction

Dans le volume XX/1, 286a du FEW je retrouve une variante biliga « brebis »(Clermont) et beligo (Millau) et un renvoi vers le formes beligua, beliga(t) « niais » dans la région de Die, Romans, confirmé par Schook qui donne en plus beligassas « grand idiot ». Je crois que le sens de base est « brebis, mouton ou agneau », d’autant plus que du point de vue sémantique l’évolution « mouton, brebis » > « niais, imbécile » ne pose aucun problème, l’inverse doit être rare.

Dans l’Aveyron beligas s.m. ou beligasso s.f. est le nom de la « clématite ». Ce beligas avec bedigano « sarment de lambrusque dont on fait des cannes » (Alès) et ancien occitan vedigana « bâton de vigne, tige de lambrusque (Arles 1428) est rangé comme dérivé dans l’article vitex, -icis qui a donné veze, vedze « osier » en occitan, encore vivant dans quelques départements, voir Thesoc « osier » >vege.
Le seul lien éventuel que j’ai pu trouver entre les deux sens de bedigas, beligas 1. brebis et 2. clématite est le fait que le mot vitex ne désigne en latin pas quelconque osier mais spécialement le vitex agnus castus « le saule de l’agneau chaste » appelé aussi le « poivre des moines » ou « gattillier » en français. (Il est encore utilisé de nos jours dans la naturopathie, mais avant de vous en servir lisez  cet article de l’INRA.) La plante est indigène autour de la Méditerrannée.
L’agnus castus était certainement largement utilisé au Moyen Age aussi bien dans les abbayes comme « poivre » pour les moines (les moines mâchaient les baies pour calmer les tentations de la chair) qu’à la campagne comme « osier » par les paysans. Le TLF cite une source selon laquelle les fruits du gattilier ont été pendant longtemps employés pour remplacer le poivre ; voir le mot pebre
J’ai le sentiment que,  d’une façon ou d’une autre, le nom de l’ agnus castus bediga,beliga a été tranféré à l’ agnus l’animal > beliga.

Le TLF cite une explication étymologique du nom gattillier : ….et d’un dérivé de gato (chat*) à cause de l’aspect doux et velu des fleurs de cette plante (Corominas). Un agneau est aussi doux et velu !

          
agnus castus                              baies                          sculpture en clématite sauvage

          
bedigas
 de Camargue

Dans la Grèce antique l’agnus castus était associé aux Thesmophories, une fête organisée en l’honneur de Déméter, la déesse de l’agriculture, de la fertilité et du mariage. Les femmes (qui restaient « chastes » pendant la fête), utilisaient des fleurs de l’agnus castus comme parure, et des branches, des tiges et des feuilles étaient éparpillés autour du temple de Déméter . À Rome, les vestales portaient des tiges de l’agnus castus comme symbole de chasteté. Selon la mythologie grecque, Héra, sœur et épouse de Zeus, considérée comme la protectrice du mariage, est née sous un agnus castus. Les traditions anciennes associant l’arbuste à la chasteté ont été adoptées dans le rituel chrétien. Des novices qui entraient dans un couvent marchaient sur un chemin jonché de fleurs de cet ‘arbre, un rituel qui existe jusqu’à aujourd’hui dans certaines régions d’Italie

begado, vegada ‘fois’

Dans l’article de Gratien Charvet, Coutumes de Remoulins, le mot vegada apparaît de nombreuses fois. Par exemple dans cette interdiction de laisser des tas de fumier dans les rues:

vegadaCoutRemoulins…sous peine d’une amende de 4 deniers chaque fois que il leur sera notifié d’enlever les dites femorasses et et, pour le méfait, une quarte (du latin quartus « mesure de blé) de blé pour la Charité (les pauvres de Remoulins). Le texte date de 1500.

Le mot femorasses est une création et prouve que le suffixe péjoratif –asse était déjà en vogue à l’époque. A ajouter à FEW III, 542

Begado (Langedocien), vegada,  « fois » en provençal  vient d’un bas latin *vicata dérivé du latin vĭces « fois »   conservé en ancien occitan  dans autra vetz « autrefois »  et en languedocien moderne dans alabetz « alors », en béarnais arabets. (FEW XIV, 410).

Dans la Haute Garonne et le Val d’Aran begado a pris le sens « troupeau de vaches » mais d’après le Thesoc begado avec le sens « troupeau »  a été remplacé par bacado dérivé de  vacca « vache ». Les deux mots se ressemblent beaucoup, trop  peut-être.

En occitan le  type beagdo, vegada  est fortement concurrencé par le type cop littéralement « coup », et même par viatge « voyage »  dans la Haute-Loire et beaucoup de voyages en Suisse.

Ci-dessous la carte  du Livre Lectures de l’ALF , par G. Brun-Trigaud, Y. Le Berre et Jean Le Dû.

Pas de vegada du tout!

Pas de vegada du tout!

Mais en Suisse.   On pourrait comparer l’ALF à une photo  et le FEW à un film. Voir l’article vicata.

 

 

Beguda, begude "abreuvoir"

Beguda « boisson, buvette, abreuvoir, coup à boire, toast, auberge au bord d’un route, action de boire » (Alibert),  et aussi un  toponyme très répandu. Il y a déjà 15  Bégudes  dans le Gard.   Le sens de base est bien sûr « abreuvoir » spécialement pour les chevaux, mais la première attestation en ancien occitan est « guinguette ».

L’étymon est le participe passé du verbe bibere « boire ». Dans l’évolution des  verbes qui sont beaucoup utilisés , on constate  souvent de  très nombreuses irrégularités.  Ainsi le participe passé de  beure  « boire » est devenu begut, buguda,  forme qui ensuite a servi comme substantif avec le sens « abreuvoir pour les chevaux »  > « guinguette pour les hommes ».

guinguette

Guinguette Vincent van Gogh

De nos jours il n’y a plus d’abreuvoirs pour les chevaux. Ils sont remplacés par des piscines.

Mas de la Bégude à Sernhac

Ce n’est pas un guinguette à 3K € la semaine.

 

Beleta

Beleta « belette »  est un dérivé de bellus, bella comme fr. belette.  L’étymologie de beleta n’est pas captivante. Le pourquoi du remplacement de mustela  par beleta   d’autant plus. La superstition qui est à l’origine du nom beleta « la belle » est une très ancienne histoire.  J’y consacre un long article :  moustelo  avec tous les noms de la belette en occitan.

Dans le Puy-de-Dôme beleta, bœlto, bœlœto désigne aussi le « lézard gris ».  Le pourquoi  de ce nom ne m’est pas clair.

Beloce, pelorso ‘prunelle’

Pierre Gastal, ami étymologiste et auteur du dictionnaire

Nos Racines celtiques, du gaulois au français

m’a demandé de publier son article Beluce, un mot probablement d’origine gauloise, dans mon site.  Le mot est très rare en occitan mais il y a une attestation dans le  Trésor de Mistral pelorso  avec quelques formes  franco-provençales du Forez:

mais je n’en ai pas trouvé d’autres pour le moment.

Voici son article:

BELOCE (nf, anc. fr.) : fruit du prunelier sauvage (« belocier/belossier »), prunelle noire (prunus spinosa) dont on fait une liqueur.

Étym. : v.fr. beloce/beloche du gaulois *beluccia (id.), p.ê. ligure (*belusca d’après Bloch-von Wartburg repris par P. Guiraud p. 68) mais c’est peu probable vu l’extension géographique du mot : Normandie, Est, Nord-Est, Savoie belosse ; Franche-Comté belousse/peloce (expression comtoise : « envoyer aux peloces » : envoyer sur les roses) ; Jura plousse/palousse => Ploussard, cépage rouge jurassien dont la couleur rappelle la prunelle.

Néanmoins, ce terme fait en gaulois double emploi avec *agranio.

* Il est présent dans l’Est (sauf l’Alsace-Moselle alémanique) et le Centre-Est (P.-H. Billy).

La belôche est une petite prune bleue produite à Vandoncourt (Doubs) et dans les environs => belôchier (prunier), cf. Henri Frossard*, L’impasse du Laquet (1964).

*H.F. 1915-1995, né à Brognard, Doubs, instituteur, directeur du collège de Blamont/Dbs, écrivain, espérantiste, communiste…

* Patois belocière/belorcière/blossière : terre qui produit des beloces. (H. Suter)

* Par l’occ. pelòrsia (prov. pelorsoMistral) : Dauphiné, Vivarais, Lyonnais pelorse, Velay pialorse, Forez pelosse, Beaujolais, Sologne plosse.

* En Bretagne, breton KLT boloz/poloz, vannetais pelorz, il coexiste avec irin (voir *agranio) : Polotrézen/Fin. (l.d. Plougourvest – + drezen : ronce = « prunelle épineuse »), Betpelorz/Mor. (l.d. Pluvigner – « prunier sauvage » – bret. bot : arbuste, buisson), Béloerzec/Mor. (l.d. Sulniac – « lieu des prunelles » – abs. carte IGN), lieux-dits bretons.

N.B. v.irl./irl. áirne (prunelle), gallois eirin, breton irin.

* En Dauphiné-Vivarais, de l’occ. pelòrsia : La Pélorsière/Ardc (l.d. Annonay), Combe Pélorset/Dr. (l.d. Saint-Donat-sur-l’Herbasse).

* Pseudo-Apulée 99, 27 : « Galli bolus serron… Itali hedera nigra ». Dans le CGL 3, 553, 53 : « buluuse seron, hedera nigra ».

Lat. médiév. bolluca (Merriam-Webster) ; m.angl. bolaster (= bullace tree) => mod. bullace (prune ou prunelle). (Mac Bain’s)

* Du gaulois *agranio : occ. agranhon (prunelle) => Midi agrinio (prunelle), aragnon ; catalan aranyo, aragonais arañon, basque aran (prune).

Lat. prunus spinosa ; irl. pluma (prune) ; Nord-Picardie drageno, fourdraine (+ anc. fr). (W. von Wartburg dans P. Guiraud p. 69)

Walther von Wartburg consacre plusieurs pages à ce mot dans le tout premier volume du FEW qui date de 1922. Voir cet article  bulluca « Schlehe » ( = EW I, p.623-625). Il propose trois  types d’étymon  1.bullica  2.bullucea et 3.Pullucea.   Suivi d’une explication   et des références.