cat-right

Amb

Amb prép. »avec ».

Une visiteuse m’en demande l’origine. J’ai pu lui répondre qu’ amb « avec » est limité au galloroman et au catalan amb; ab. Il vient d’un latin apud « près de ». Comme c’était un mot fréquent il a subi pas mal d’usure et pris différentes formes en occitan et il a été combiné avec d’autres prépositions. Par exemple dambe dans la Haute Garonne. L’histoire de la forme est assez compliquée. En ancien français apud est devenu od, attesté jusu’au XVIe siècle pour être remplacé par avec d’un latin populaire *abhoc. Dans toutes les autres langues romanes c’est cum qui s’est maintenu.

Amenlier

Amenlier s.m. »amandier ». Dérivé de (a)menlo s.f. « amande ». Le latin a emprunté au grec le nom de l’amande amygdala devenu  amiddula qui  s’est conservée dans quelques parlers des Pyrénées dans la forme  amelha, dans une zone qui se rattache au catalan et à l’aragonais.

Pour le reste de la Galloromania on trouve des formes qui viennent d’un étymon *amyndula dans les parlers occitans et d’un étymon amandula dans les parlers franco-provençaux et français. Le groupe de consonnes –ndul- > -ndl- a abouti à –nd- à l’est du provençal et à – nl– ailleurs. –nl- ensuite > –ll- ( > -l-). Par ci-par là, le a- initial est rattaché à l’article par aphérèse : menlo « amande ».

Amygdala a subie de nombreuses transformations dans les parlers galloromans et ailleurs, mais elle est présente dans presque toutes les langues. Voir http://translate.reference.com/
La graphie ametlier « amandier » avec un –t- est une orthographe  étymologisante, dite « classique » (Alibert) qui ne correspond à aucune prononciation occitane. (Voir Thesoc).. Voir ma page Comment écrire  mon occitan.

A la font de Nimes
I a un amenlièr
Que fa de flors blancas
Coma de papièr

Aquelas flors blancas
Faran d’ametlós
Per remplir las pochas
De ieu e de vos.

Si la mélodie vous intéresse, c’estici.

Amoussà ‘éteindre’

Amoussà « éteindre  » en parlant des bougies, d’une lampe , synonyme de  tuia « tuer » d’après l’abbé de Sauvages (S1).  L’étymologie est un *admortiare  « éteindre »   dérivé de mortuus  le participe passé de morior « mourir ». Attesté en ancien occitan amorsar « éteindre, amortir, calmer » et en occitan moderne amoussá, amoussar « éteindre »,  seulement en provençal et en languedocien.  D’après les données du Thesoc  amoussà  est  limité au Gard, l’Hérault, l’Aveyron et la Lozère.  Dans l’Hérault et au Grau du Roi on dit aussi damoussà,  A Nice il y a eu un changement de conjugaison : amursi , attesté aussi dans l’Aveyron  omoursi

Un  amoussadou  est un « éteignoir », francisé en amoussoir  à Marseille.

Le mot a aussi vécu dans le Nord de l’Italie, par exemple en ancien dialecte de Verona   amorçar, graphie qui doit être à l’origine de celle qu’on appelle « classique » (Alibert)

ampouleto ‘mâche’

Ampouleto, ampouleta est le nom de la mâche (Valerianella locusta) dans le Gard, l’Hérault et la Lozère. L’étymologie est un croisement du latin pullus + ampula. (FEW IX,537).

Vous pouvez vous demander quel est le rapport entre une salade, une poule et une ampoule ou vase à large ventre ?

Or, dans les parlers franco-provençaux et quelques parlers occitans  la mâche s’appelle grasso poulo ou poulay grasse. Ce nom est même mentionné dans l’Encyclopédie de Diderot et le premier Larousse poule grasse.
Mario Rossi donne une réponse dans son Dictionnaire étymologique et ethnologique des parlers brionnais : bourgogne du sud. 2 juin 2004., hélas sans nous fournir  sa source. Il écrit qu’à l’origine la poule grasse est la lampsane1  :

Rossi MacheCette  histoire de poult  me semble peu convaincante.  Un premier problème est posé par  le fait que pou, pous rarement poul du latin pŭls « bouillie » est en général masculin, ce qui aurait donné *le pous gras. Secondo, dans les dérivés c’est un –t- qui apparait et non pas un -l-: par exemple potie « grain de poussière », Barcelonnette poutilhas « bouillie de farine », occitan poutigno « chassie ». Voir pour beaucoup  d’exemples le FEW IX, 549 et suivantes. Enfin la lapsana s’appelle Gallina grassa ou  Erba delle mammelle en italien; il est donc très probable que poule grasse est une simple traduction du nom latin ou italien.

Déjà le Lozérien  Guy de Chauliac  (1298-1368)  parle de gallina grassa qui entre dans la composition de l’ onguent verd des herbes qu’il recommande à mettre sur de vieilles playes. (Dans la Grande chirurgie de Guy de Chauliac p,677.La recette se trouve à la p.617-618. )  Il est donc possible qu’il ait simplement traduit le nom régional en latin, mais je pense que c’est plutôt l’inverse.. ( Cf. RollandFlore 6,p.294, que vous pouvez consulter dans le site de Plantnet ). D’après l’éditeur du texte de Guy de Chauliac il existe dans la bibliothèque du Vatican un manuscrit du Moyen Âge avec la traduction en provençal. Il serait intéressant de savoir comment  le latin gallina grassa a été traduit.

La lampsana et la mâche ont ceci en commun que les feuilles se mangent en salade, ce qui explique le transfert du nom poule grasse.

ampouleto

ampouleto

poule grasselapsana

 Le FEW suppose que  la forme ampouletta   est née par étymologie populaire de la poula > la pouletta > l’ampouletta.
L’étymologie populaire est un procédé analogique par lequel le sujet parlant rattache spontanément et à tort un terme ou une expression dont la forme et le sens sont pour lui opaques à un autre terme ou expression mieux compris par lui, mais sans rapport.
Dans ce cas la forme du bouton de la fleur est associée à une ampoule.

Voir  FEW IX,537

 

  1. poule grasse « lampsana communis » ou lapsane  est attesté en français depuis 1784, signification répandue surtout dans la langue d’oïl

an pèbre

 qui date de l’an pèbre  « très vieux » voir pebre

Anar

Anar v.intr. « aller ». L’étymologie de ce verbe typiquement occitan n’est pas très claire. On suppose une base *ambitare « entourer; tourner, aller autour », qui aurait abouti à andare, attesté en latin médiéval du IXe siècle, mais le passage de -nd- à –n- n’est pas conforme aux règles de la phonétique historique de l’occitan.

Le verbe anar est employé en occitan avec les mêmes sens et fonctions que le verbe aller en français.

Anca

Anca s.f. « hanche; fesses ». J’étais étonné que l’informateur pour Manduel de l’Atlas linguistique avait traduit ‘fesse’ par anca qui normalement signifie « hanche », mais anca, anco « fesse » est assez fréquent en languedocien. Alibert donne aussi ce sens, ainsi que les dérivés ancal, ancada « fessée » (déja chez l’abbé de Sauvages : ancado), ancalhar « fesser; marcher avec peine » et l’adjectif anquier« qui joue des hanches » au figuré: « débauché »! A Montagnac on connaît le dicton :Tala testo, talas ancas. « Telle tête, telles fesses. »  ( ce qui signifie ??)

L’origine est le mot germanique *hanka « hanche », qu’on peut déduire d’un moyen néerlandais hanke et de l’allemand Hanke « hanche; croupe du cheval ». Le mot a été introduit en latin à une époque ancienne. Les étymologistes se sont demandés POURQUOI? puisque le latin avait le mot coxa pour désigner la « hanche ».

Ils ont trouvé l’explication suivante:

Dans la prononciation populaire  fimus « fumier ». était devenu femus, dans l’accusatif  femor et devenu homonyme de femor « cuisse ». Une phrase comme « Oh, euax, bella femora ! » pouvait signifier  » Oh la la, les belles cuisses » ou  » Oh la la, les jolis tas de fumier ». Dans certaines situations cela résultait dans une gifle. Pour l’éviter on se servait du mot coxa pour désigner aussi bien la hanche que la cuisse, mais ce n’était pas une solution satisfaisante dans d’autres situations. Or les soldats romains qui s’étaient battus contre les Germains distinguaient bien les blessures de la hanche de celles des cuisses et ils connaissaient le mot germanique hanka « hanche » qu’ils ont introduit  auprès des médecins et dans la langue populaire.


Les mots qui désignent les parties du corps n’ont pas toujours un sens bien précis, par exemple gorge dans soutien-gorge. Dans le TLF je trouve une vingtaine de synonymes pour « fesses » : derrière, fessier, cul, postérieur, croupe, etc. dont hanche. Par pudeur? en français peut-être, mais d’après le Thesoc c’est le mot courant dans les départements du Gard, de l’Hérault, de l’Aude et de l’Aveyron, avec quelques attestations ailleurs. Il faut noter que dans l’Aveyron et la Lozère on a maintenu le représentant de coxa ou s’agit-il d’un gallicisme ou l’utilisent-ils par pudeur?

Androune, andronne

Andronne, androune  s.f. « ruelle ».  Dans le Compoix de Valleraugue tome 1,p.68  : « petite androune et égouts entre deux maisons« . D’après Aimé Serre pratiquement toutes les impasses à Nîmes s’appelaient Androna, par exemple l’Impasse de l’Aurore  était Androna de l’Auba. l’ Abbé de Sauvages distingue en effet deux mots, le second ayant le sens « cul de sac ».   Andron  existe en français comme « terme d’antiquité » d’après Littré.


 Mistral cite  en plus les diminutifs androunasso « ruelle immonde » et androuneto « petite ruelle ». D’après lui androun est aussi un toponyme (près d’Aimargues) et un nom de famille provençal.

Androune   à Valleraugue            à Manduel

A voir : un site sur les Bastides dans le Lot et Garonne: http://bastidess.free.fr/doc-andr.htm avec une photo d’une androne à Monflanquin.
Etymologie : il s’agit du mot grec ανδρωνα, un dérivé de ανηρ « homme ». La forme androna se trouve aussi dans des textes en latin du VIIIe au XIe siècle. Si vous voulez tout savoir suivez ce lien vers la page de Du Cange! Du latin facile! En galloroman androna est limité à l’occitan. Le français a emprunté la forme latine andron au XVIe siècle pour décrire l’habitation chez le Grecs anciens.
En grec andron, androna désigne d’abord « l’appartement des hommes » et puis les “couloirs où les hommes discutent entre eux”: ut gynaeceum a mulieribus « comme les femmes dans les harems », écrit Festus (premier siècle).  Voir le Dizionario etimologico qui explique qu’il s’agit de traditions culturelles et le respect de la séparation des sexes dans l’habitation.   Les hommes allaient aussi dehors dans les passages entre les maisons pour « discuter ». Le résultat a été que dans quelques parlers l’ androune désigne les « latrines ». Le sens « ruelle, cul-de-sac » est également attesté dans les textes latins à travers tout le moyen âge et il est encore vivant dans le nord de l’Italie où il est féminin (La plupart des auteurs cités par Du Cange viennent  de cette région), comme chez nous et en catalan androna. En italien moderne androne  « portique, entrée » est masculin comme en latin.

  
Deux images d’un gynaeceum. Vous comprenez pourquoi les hommes partaient en mer ?

Le sens « tour de l’échelle« (= Servitude qui donne au propriétaire du bâtiment auquel est dû le droit de placer une échelle sur l’héritage du voisin pour réparer son mur. On nomme aussi androun  « un espace d’un mètre au-delà d’un mur de clôture  »

Le »tour d’échelle » est toujours d’actualité:(cliquez sur l’image)

Anglada

Anglada s.f. »angle, crête; contenu d’un angle, coin de terre ». Dérivé avec le suffixe -ata du latin angulus « angle, coin ». Ce suffixe ajoute très souvent la notion de « contenu » à la racine. Attesté dans le Compoix de Valleraugue anglade, englade. Gilles Fournier, l’auteur du lexique, donne plus informations et il conclut : une anglade est sans doute « un coin de terre rocheux et inculte »

Langlade (Gard)

Il faudra visiter le village pour savoir quel sens s’applique ici.

Anols, anoui ‘jachère’

Anols, anoui, noui, anous, anouï, anouias « friche, jachère, taillis ».

Dans la troisième partie de l’étude de Marie-Claude Marandet, Les campagnes du Lauragais à la fin du Moyen Âge, intitulée La Terre, pp. 83-189 elle nous fournit le riche vocabulaire qui concerne les friches. Plusieurs termes se trouvent déjà dans ce site, comme bartas et broga. Je ne connaissais pas le terme anols et ses variantes. J’ai pourtant parlé  de  annŭcŭlus dans l’article anoublo  « animal d’un an ». Elle écrit: « Après utilisation de divers lexiques occitan-français et consultation d’informateurs locaux, j’ai établi les équivalences suivantes : Anols : anoui, noui, anous : jachère ; anouï : inculte ; anouias : terrain inculte (F. Mistral).  »

Etymologie . Ces termes se trouvent en effet dans le FEW 24, 616b et note 4 p.617b  dans le même article annŭcŭlus « d’un an », et sont donnés comme des significations secondaires. Antoine Thomas (Mélanges, p.212-213) explique qu’une jachère est une terre qui n’a rien produit dans l’année ». Le sens le plus répandu des mots qui continuent le latin annŭcŭlus étant « femelle stérile ou  qui n’a pas fait de petits dans l’année », on comprend l’évolution sémantique.

Le type annŭcŭlus « animal d’un an » se trouve dans les parlers septentrionaux de l’Italie et en espagnol añojal « jachère ». ThomasMél pp.212-213 (et non pas 148 comme indiqué dans la note du FEW)

Les campagnes du Lauragais à la fin du Moyen Âge 1380 – début du XVIe siècle. Marie-Claude Marandet Presses universitaires de Perpignan,2006.  À partir d’une base documentaire abondante, près de 3000 actes notariés, dix-neuf livres d’estimes, des registres de reconnaissances et des listes d’aveux et dénombrements, traitée par l’informatique, Marie-Claude Marandet dresse un tableau des campagnes du Lauragais entre 1380 et 1520.

campagnesLauragais