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Escais "sobriquet"

Escais  « sobriquet; moquerie », escaissar « donner un sobriquet; se moquer, railler ».

Escais « morceau ou reste d’une marchandise, coupon, échantillon »  et escaissar« déchirer, rompre une branche d’un arbre, écuisser  » ont  une autre histoire.  Suivez le lien.

Un lecteur habitant la « Rue des Escaïs » à Agde m’a demandé l’étymologie de ce nom. Le sens le plus ancien semble être « moquerie » déjà attesté par l’abbé de Sauvages : escainoun composé de escai  « moquerie » et noun « nom »  > ‘sobriquet’  ou ‘surnom ou nom de guerre’ (S; M, Autran).  Mais je crois que la  Rue des Escais  fait plutôt allusion à  escais  « morceau ».

L’étymologie est le latin *capseum « cavité buccale » une forme secondaire de capsus « caisse; intérieur d’une voiture; cage pour les animaux sauvages ». Ce sens est conservé en ancien occitan cas « caisson, ballot » et à Castres cals « sorte de volière ». Latin capsus avait aussi le sens « vessie destinée à recevoir une farce » qui est à l’origine du sens du mot ancien provençal cas « trou d’une aiguille par lequel passe le fil » (Arles 1400), conservé tel quel à Castres.
La forme *capseum désigne la « cavité buccale » ou les « parois intérieures de la bouche », ce qui donné en ancien occitan cais « machoire », conservé à Puisserguier et dans l’Aveyron cais. Un dérivé caissal signifie « dent molaire » (St.Andre de Valborgne).  A partir du sens « machoire » s’est développé en ancien occitan le sens « joue’ , conservé dans l’Ariège kèch.L’expression far col e cais « faire la moue, minauder » est à l’origine du  verbe escaisar « se moquer de quelqu’un »  ce qui a abouti à  Puisserguier à escaissà « donner des surnoms ». Ensuite  a été dérivé le substantif escai(s) « moquerie, surnom, sobriquet ».

Catalan queix « mâchoire » et espagnol quijada « joue » appartiennent à la même famille de mots.

Escais "éclat"

Escais « éclat de bois »;  « morceau ou reste d’une marchandise, coupon, échantillon » (Alibert).

L’histoire d’ escais « éclat » est bien différente de celle descais « sobriquet ».

Il vient du mot germanique *skalja « coquille », d’oeuf, d’escargot, de noix etc. qui existe encore dans pratiquement toutes les langues germaniques: néerlandais schil « pelure », anglais shell « coquille » et dans les langues romanes en italien et en francais: écaille. Le mot germanique *skalja avait déjà développé les sens 1) « éclat de bois ou de pierre » et 2) »morceau, rognure ».

Le premier est déjà attesté en ancien occitan; escalh « petit éclat » (vers1240) , escai « éclat de bois » en occitan moderne et des dérivés comme escalhar « fendre ». Par contre le sens « morceau » (Alibert) qui est bien attesté pour les patois wallons et ceux du nord-est de la France, n’est pas attesté pour l’occitan en dehors du dictionnaire d’Alibert.

Je pense par conséquent que la « Rue des Escaïs » à Agde  (voir escais « sobriquet ») tire son nom du  sens « éclat »  ou même du sens « écaille » des poissons.

 

escais                                                                                           écailles

Ase, ay

Ase s.m. « âne » du latin asinus. Les deux fomes latines asinus ou asilus se retrouvent dans presque toutes les langues européennes. Voir à ce propos par exemple le dictionnaire allemand des frères Grimm. 

L’anglais ass « bête de somme », probablement par l’ancien celte *as(s)in « âne », dans les composés asshead « tête d’âne » = « personne stupide; jackass « personne stupide » vient également du latin asinus.. Ne pas confondre avec ass « cul » qui vient d’un prononciation régionale de arse. !! A propos de l’élément jack- qui vient du français Jacques, cf.l’article Jacouti . Allemand Esel et néerlandais ezel « âne; chevalet » (> anglais easel « chevalet).

Un âne à la recherche d’ amourous d’ase ou de pam blan d’ase pour se farci l’ase ?

La forme ase s’est maintenue dans le languedocien et le catalan. En provençal il y a eu une évolution ase > ay attestée depuis 1530.Voir pèbre d’aï.  Dans les patois de la langue d’oïl, le franco-provençal et le nord-occitan on ne trouve que la forme asne devenu âne.

L’âne jouait un rôle très important dans la vie de tous les jours. De nombreux sens se sont développés par métaphore ou métonymie. Pour ceux qui s’y intéressent je ne peux que renvoyer au FEW vol.25, pp.437-457 (en français !). Je me contente de donner ici quelques expressions et métaphores languedociennes puisées dans la documentation extrêmement riche du FEW.

Lhomme pense qu’un âne est stupide : bèstio coumoun ase ; Alès ase « sot, ignorant, imbécile, butor »  asnas  « grosse tête (au fig.) »  ; en Lozère asená » faire l’âne »  ( voir aussi mon article vié d’ase ) et obstiné : Gard testo dase  » tête dure ».

Un visiteur m’envoie les renseignements suivants sur lase de Basacle;

le Basacle, lieu situé sur la Garonne à Toulouse. (Wikipedia) et fameux par son moulin mû par les eaux du fleuve. Alasan de Basacle, alezan du moulin, un âne (Jean DOUJAT, Dictiounari moundi, 1638, réimp. Toulouse, 1895, 242 pages ; p. 298). Rossin del Basacle, âne (G. VISNER, Dictiounari moundi, 1638, réimp. Toulouse, 1895, 242 pages ; p. 212). Es un ase del Basacle, c’est un crétin qui ne comprend rien. Es estudiant al Basacle, c’est un garçon meunier, un âne, un ouvrier posant pour l’écolier, etc. Enfin, mòl pas tant qu’al Basacle, il n’y a pas tant de travail que ça – on n’y moud pas autant qu’au B. (G. VISNER, Id., p. 36). Que s’enane al Basacle, qu’il s’en aille paître 119.I.238. Trimar coma l’ase dal Basacle, travailler dur comme l’âne du B. (A. MIR, Glossaire des comparaisons populaires du Narbonnais et du Carcassez, 1882, rééd. Carcassonne, GARAE, 1984, XV + 133 pages ; p. 18). Aquò sembla lo Basacle, c’est une cohue, un bruit étourdissant. Veja aquí tot son basacle, voilà tout son mobilier. N’i a un basacle, il y en a une grande quantité. (Abbé VAYSSIER, Dictionnaire Patois-Français du département de l’Aveyron, Rodez, Société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron, 1879, 656 + XLIII pages ; p. 44). Ce moulin disparut dans un incendie en 1814.

Mounta sus l’ase « chevaucher l’âne »  par contre est ridicule :  « cérmonie infamante qui consiste à monter une personne sur un âne, la figure tournée vers la croupe et tenant la queue dans les mains en guise de bride  ce qui se faisait surtout pour des maris battus par leur femme! Cette cérmonie s’appelait asenado.


Sagit-il dune vieille tradition romaine ? Ci-dessus une mosaïque de Meknes au Maroc (de quel siècle?.)

Pour « remettre à sa place » les membres d’un couple, les villageois n’hésitaient pas promener le mari sur un âne, placé à l’envers, comme le rappelle R.M. Lacuve ou Jol Thezard, le tout avec force bruit et commentaires. Un autre site

Corre l’ase. Un visiteur m’envoie ses notes très documentées sur une tradition du Lauraguais, corre l’ase: « A Castelnaudary nous constaterons, depuis le XVIe siècle, la fête du Corre-l’ase qui s’est perpétuée presque sans interruption jusqu’en 1870. Le Corre-l’ase avait lieu le jour du Mardi gras. On promenait sur un âne un mannequin de paille que l’on brûlait, le lendemain… Jusqu’en 1870, les organisateurs de la fête du Corre-l’ase formaient une confrérie parfaitement organisée… L’usage des Corre-l’ase était très répandu dans le Lauraguais ». 99.10. « …divertissement en usage le jour du mardi gras appelé corre l’ase, quand un mari se laisse maltraiter par sa femme » Revue Folklore, Carcassonne,1971.2. n° 142, p. 12, René NELLI, L’essai historique de Castelnaudary de Jacques de Gauzy (1780) ; Cf. idem, 1949.4. n° 57, p. 77, André AZAÏS, Société asinienne à Castelnaudary en 1867 ; Ibid., 1950.1. n° 57, pp. 13-17, H. AJAC, Courses de l’âne en Lauragais, Exemples pour 1680 et 1775 au quartier de la Baffe, à Castelnaudary.

« A TOULOUSE les Corre-l’ase firent fureur ; Vestrepain, dans la première moitié de ce siècle [le XIXe], écrivit souvent des chansons de Corre-l’ase« . (JOURDANNE Gaston, Contribution au Folk-Lore de l’Aude, deux tomes 1899 et 1900, rééd., Paris, Maisonneuve et Larose, 1973, 243 pages ; p. 10, note 2. Cf. Cansou al suchet d’un courri d’azi, in-8°, Toulouse, 1828).

LECTOURE (Gers).
Lo carnaval es pròche
. (Le carnaval est proche.)
Lo jorn de dimarts gras
, (Le jour du mardi gras, )
Julherac, Julheraca, (Jullierac, femme Jullierac,)
L’ase que correrà… (L’âne courra… )

(Jean-François BLADÉ, Poésies populaires de la Gascogne, Paris, Maisonneuve, 1881-1882, II.288-294. Cançon de Brenada.)

OS-MARSILLON (Pyrénées-Atlantiques). L’asoada d’Òs, Il était d’usage de faire monter sur un âne, la tête tournée vers la queue et de promener ainsi, par les rues, un mari qui s’était laissé battre par sa femme. Affaire en 1704, ceux qui avaient fait córrer l’ase ont été condamnés.(Vastin LESPY, Dictons du pays de Béarn, rééd. par la lib. Limarc André Cadier, Bayonne, s.d. – la première éd., est de 1875 -, XVI + 285 pp. ; p. 121).

L’âne a une grosse tête: languedocien ase  très petit poisson de rivière à la tête large et plate du genre des malacopterigiens ; chabot  (abbé de Sauvages) Il semble ne plus exister . Une attestation pour le Gard ase  » lotte ».

cap d'ase pè d'ase

têtard    cap d’ase   pe d’ase

Ase signifie galement  » têtard « (S). Le sabot de l’âne ressemble aux feuilles du : cap dase  « centaure noire ou jace »

L’âne est une bête de somme : Alès ase de ressare  « un banc trois pieds sur lequel les scieurs de long lèvent et placent horizontalement leur bogue ».

L’âne doit travailler dur : pati coumo lous ases de la jhipieiro  « souffrir comme les ânes des mines de gypse »  (S).

Farci l’ase. Enfin à Toulouse, à Foix et dans le Béarn il y avait l’expression farci l’ase  » remplir la panse, manger copieusement », sémantiquement à partir de la notion « charger ». De là , notamment dans le Gard et l’Hérault ase  « gros boyau farci, estomac du porc, caecum du porc »  à partir de la notion « sac à charger ».

Pour des raisons phonétiques et de répartition géographique il me semble peu probable que le verbe aïsiná  » préparer » du latin adjacens soit à l’origine de ce mot, même si par-ci par-là aïsiná devient asiná notamment dans le pays de Foix, Vicdesssos. Mais partout ailleurs c’est la forme ai- ou ey- qui domine. Dans la région de Foix on pourrait rattacher le mot ase dans l’expression farci l’ase à azinat « mets fait de choux et de pommes de terre’ soupe » qui provient de l’étymon adjacens, contrairement à FEW 25,448b, mais certainement pas dans tout le domaine occitan.

Un visiteur m’a fait parvenir des témoignages du mot ase « gros boyau farci  » à ROQUEBRUN (Hérault). Los manja ases, les mangeurs d’ânes. « On les accusait de tuer et de manger un âne pour la fête du village ». Cette accusation vient de Cessenon (M. Roger Delher). Le suivant donne l’explication: SAINT-JEAN-de-CORNIÈS (Hérault). Les habitants ont pour sobriquet Los manja l’ase, les mangeurs d’âne. L’ase, « l’âne » étant le foie du porc boucané ou un gros boyau farci. Et : SAINT-JEAN-de-MARUÉJOLS (Gard). Manja ase blanc, amateurs de boudin blanc. Rien à voir avec un âne albinos comme le croit André BERNARDY (Les sobriquets collectifs. Gard et pays de langue d’Oc. Anecdotes, dictons, légendes, Uzès, Ateliers Henri Péladan, 1962, 273 pages ; p.100).

Labbé de Sauvages qui en 1756 a noté le dicton suivant : l’ase de la coumuno fough toujhour mou embast.  l’âne de la commune est toujours le plus mal bâti , ce qui donne à Valleraugue (30570) : Un asé omédjiorat es toudjour mal bostat. (omédjiorat est écrit amejairat par Alibert, et veut dire « qui est possédé par moitié »).

Un emploi très local: MARGERIDE (Lozère). FORTUNIO. « Uèi matin « Fortuniò » a cargat l’ase… tranarà davant miègjorn (ce matin, Fortunio (point le plus élevé de la Margeride, 1552 m.) a mis son bonnet de nuages… il fera orage avant midi ).

 

 

 

 

Couté negre "cous noirs"

Couté negre « cous noirs » est le sobriquet des habitants de Marguerittes (Gard) et de Saint-Laurent d’Aigouze   Languedocien couté, provençal coutet  est un dérivé de còta « nuque » attesté en ancien occitan et par Mistral;  à Nice couòta « nuque ». 1   L’étymologie est le grec κóττη « tête » ou plutôt κóττις « tête, nuque ». Il est  probable qu’il s’agit d’un mot que nous avons hérité directement des colonies grecques dans le Midi et qu’il ne s’agit pas d’un emprunt savant par les médecins.

L’association des ainés à Marguerittes s’appelle  Li Couté Negre  ce qui montre que le mot est encore vivant chez nous.   Il ne s’agit pas d’un sobriquet des miniers, mais des vendangeurs,   qui avaient toujours la nuque au soleil.

coto Mistral    vendangeurs, la nuque au soleil

On trouve cette famille de mots surtout  à l’est du Rhône jusqu’en Franche-Comté.  Le même étymon est à l’origine  du sicilien  cozzu  « nuque », du napolitain cozze et de l’espagnol cuezo.

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  1. Achard cite en plus les cots  « les goîtreux » pour les habitants de Cahuzac-sur-l’Adour (32), les cots gros « goîtreux » pour les habitants des Hautes Pyrénées et les cots longs pour les habitants de Séméacq (64). Il n’est pas clair à quel étymon il faut les rattacher

Reboussier

Reboussier, reborsièr, -a.  « contariant, rebours, revêche, râleur ».  Hier soir quelqu’un me dit : « O, les Manduellois sont réboussiers!  » et il  m’explique qu’ils sont « râleurs, jamais contents ». Mais il n’y a pas plus reboussier que Pradet de de Ganges qui ayant appris que sa femme s’était noyée, remontait l’Hérault pour la chercher.

Google me signale qu’il y a 569 sites avec ce mot. J’ai l’impression que la forme est nîmoise. En effet dans le site de l’Huma je trouve:

« Ce phénomène culturel original est-il lié à l’histoire de ce peuple « nîmois » que l’on définit comme « reboussier »? Incontestablement. Et l’écrivain d’origine nîmoise Jean Paulhan l’a parfaitement exprimé. « Reboussier», cela veut dire toujours prêt à prendre le parti du contraire, le parti du refus, parce que le Nîmois est viscéralement attaché à son libre choix et à son libre arbitre. »

Les aficionados sont reboussié

C’est Charles Atger  qui explique l’expression  de Valleraugue Reboussié coumo Prodet de Gangjé. Prodet  doit être une figure connue dans l’Hérault, puisque Pau Chassary et Roman Deleuse ont écrit un livre intitulé Pradet de Ganges (A tots). 1986.
Mon informateur pour le patois de Valleraugue connaissait bien cette expression, !Prodet

Latin reburrus  « qui a les cheveux relevés sur le front », est  devenu rebursus par croisement avec reversus « renversé »Reburrus  est un dérivé de burra « étoffe avec de longs poils ». Le mot n’a survécu que dans le domaine galloroman notamment dans le nord : français à rebours et à rebrousse-poil.  L’adjectif reboussier est uniquement attesté en provençal (M), l’est-languedocien et en gascon : rebouichè (M).  Andriu de Gavaudan m’écrit :

Vadut en Losera, a Maruèjols, ai totjorn entendut la maire e’m díser qu’èri un « reboussié » reborsièr quand èri petit…Sabi pas se lo mot ven de la region de Nimes mès que s’emplegava e s’emplega a Maruèjols, Mende… e le mea maire n’avèva pas sonque ua coneishença passiva deu patoés (occitan). La maire qu’avèva rason; que ne’n soi un ! Coraumen

Un fidèle visiteur m’écrit:

Bon, encore une modeste contribution …

Je suis étonné de l’écriture « réboussiers » que je retrouve pourtant dans une rue de Sommières…
A Montpellier on dit « reboussaïre« , même terminaison que « tambourinaïre » ou « empegaÏre » (mots qui mériteraient une entrée dans votre dictionnaire).
La terminaison en « ier » me semble « francisée » à l’inverse de la terminaison originale (?) en « aïre« .
Je lui ai répondu que:
Bonjour,

Il y aurait une thèse universitaire à écrire à ce propos.

J’ai regardé dans le chapitre sur les suffixes dans l’Alibert et l écrit que le suffixe –aire  vient du cas sujet de l’ancien occitan –ator  et que ces mots donnent des noms de métier. Un reboussaire  est donc un « râleur professionnel » .  le suffixe  –iè, _iér  viendrait du latin -erium  et donne des substantifs ou adjectifs « abstraits ». Les Nîmois sont donc des « raleurs  chimériques » (Chimérique est le premier synonyme  de « abstrait » donné par le TLF)

Pour être sérieux je pense que  reboussaire  est un hypercorrecte forme de  l’occitan montpelliérain, parce que reboussier  ressemble trop à un mot français. Mistral ne connait que le forme en -iè, iér.

ReboussieMistral

Un lecteur me signale les sobriquets suivants pour les Nîmois:

  • Li rachalan qualifiait les paysans de Nîmes. ( Peut-être une déformation de bachalan? voir aussi bajana). cf aussi ce site sur Marguerittes, terre des Rachalans. 
  • manjo-merlusso pour le mangeur de morue qui appréciait la brandade.
  • manjo-loco pour le mangeur de loche, ce petit poisson du Vistre.
  • casso-lignoto pour le chasseur de linotte.
  • saùto-rigolo pour le sauteur de rigoles ou de ruisseaux.
  • li losso les lourdauds.
  • cébet ou céban. Dans les quartiers, celui de l’Enclos Rey, catholique et royaliste, était peuplé de travailleurs de la terre qui étaient surnommés les cébet ou céban pour oignons ou mangeurs d’oignons.
  • gorjo-nègro.  Chemin de Montpellier et la Placette habités par des Protestants des « gorjo-nègro », appelés aussi par dérision pé descaù pieds nus ou va-nu-pieds.
  • li verdets volontaires royalistes après le 9 Thermidor, en 1815 et pendant la Terreur Blanche.
  • gri haire pour les protestants qui ont pris Nîmes après la Michelade (le 30 septembre 1567). Ils étaient une centaine de soldats ayant de l’eau jusqu’à la ceinture dans le canal voûté de l’Agau, à avoir franchi les barreaux du Moulin de la Bouquerie, après les avoir sciés;
  • Li escambarla pour ceux qui avaient un pied dans le parti catholique et un autre dans le parti protestant.
  • Li mazetié pour les Nîmois qui allaient chaque dimanche dans leur mazet.

Barjaquà

Barjaqua,  synonyme de  barjaboudre. Dérivé de l’occitan barjar, bardzar  « bavarder », du germanique brekan “broyer”. Un babillard fait penser au bruit et aux gestes quand on broie le chanvre. Ancien provençal bregas « machoires » (15e s.) et St.André de Valborgne bárdzo « lèvres ». Voir la page spéciale Brega.

La forme avec –jaqua, limité au provençal et franco-provençal,  est composée avec la racine *jaq–  cf. jacasser (TLF) du  latin jacobus > français jacque(s) « sobriquet donné aux paysans insurgés de 1358, parce que ce vêtement court et simple rappelait celui porté par les paysans ». Voir l’article jacouti.

Escambarlat

Escambarlat « qui a un pied dans chaque camp ». est un mot utilisé par René Merle dans sa conférence donnée à la Société d’histoire moderne et contemporaine de Nîmes et du Gard, le 19 octobre 1991, intitulée Nimes et la langue d’Oc. Voilà un mot qui serait bien utile dans les discussions politiques, mais qui n’existe pas en français. En France il faut choisir, (jambe) gauche ou droite. Le sens figuré que lui donne René Merle est déjà attesté en béarnais au XVIe siècle : escarlambat « celui qui, pendant les guerres de religion, marchait avec les deux parties ».

Escambarlat est dérivé du latin camba, gamba « articulation entre le sabot et la jambe du cheval » qui a remplacé le latin classique crus dans presque toutes les langues romanes, à l’exclusion des langues ibéro-romanes et une partie du gascon qui l’ont remplacé par le type perna « cuisse des animaux, jambon », espagnol pierna ‘jambe’. Camba a été emprunté au grec kampè ‘articulation’ d’abord par les vétérinaires. Ce mot montre clairement que le latin que nous parlons est une langue populaire.

    
Une analogie ?

Escambarla « enjamber » s’escambarla « se mettre à califourchon, écarter les jambes », est limité à l’occitan et au franco-provençal; il est peut-être composé avec ou influencé par cabal ‘cheval’. L’abbé de Sauvagesajoute qu’il est « indécent d’écarquiller les jambes en compagnie » et il ajoute l’adjectif escambarla ‘libertin, celui qui est libre dans ses propos’.

Tiré du livre de André BERNARDY «Les sobriquets collectifs (Gard et pays de langue d’Oc)» – AHP – Uzès. Et Jean-Marie Chauvet – Historique de la commune de Rodilhan.Lenga de Pelha.

« A Bouillargues, les gens avaient tendance à marcher les jambes écartées. Est-ce la pratique du cheval qui avait provoqué cette déformation générale, propre aux cavaliers, et cela parce qu’ils utilisaient leurs chevaux de labour pour aller à la rencontre des taureaux lors des «abrivados» ? Ou bien, au temps des guerres de religion, jouaient-ils le double-jeu et avaient-ils un pied dans chaque camp ? Ou bien leur déformation était-elle congénitale ? Ou bien encore était-elle sortie de l’imagination de leurs voisins ? Qu’importe, ils furent bel et bien «lis escambarla» ou jambes arquées. »  Voir le site généalogique de Rodilhan.

    
deux escambarlats

Codou, code "caillou"

Códou « caillou », code en français régional vient d’un dérivé   *cótulus « petit caillou » dérivé du latin cos, cotis « pierre à aiguiser ». Cf. l’article cot, acout « pierre à aiguiser ».  1 Códou  est attesté en provençal et est-languedocien  jusqu’en Lozère et dans l’Aveyron. Nous le retrouvons en catalan codol  en corse  codule  et dans le Nord de l’Italie.

Un visiteur m’écrit:

Ma grand mère chauffait son lit l’hiver avec une grosse pierre lisse en forme de galet qui lui servait de bouillotte. Elle appelait ça « une code« .
Elle faisait chauffer sa code dans le four de sa cuisinière, et ça gardait longtemps la chaleur.

Quand j’étais gamin je ramassais des cailloux pour les lancer, et on appelait ça aussi  des codes...

Les habitants de Vauvert sont appelés Li roula code, car à Vauvert lors des grosses pluies, les cailloux plus ou moins gros étaient entraînés par le ruissellement dans les rues de l’agglomération. Voir  le site de Nîmes et du Gard avec les sobriquets utilisés dans le Gard.

Dans la même région on a créé le diminutif coudoulé , coudoulet .  Mistral cite un verbe  acoudoulha  « poursuivre à coups de pierres » pour le Languedoc.

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  1. La forme  codol  donnée par Alibert est une reconstruction d’un ancien occitan codol rarement attesté.

Raïous

Raïou, pluriel raïous « sobriquet des cévénols qui, pendant les guerres civiles sous Louis XIII (1601-1643), étaient du parti du roi. Ce mot signifie Royal ou Royaliste » (abbé de Sauvages). Le patois cévénol s’appelle le raïol. F.Mistral dans son Trésor explique que les raïous sont plus spécialement les Cévenols des vallées et versants méridionaux de la Lozère. Ce nom leur fut donné sous les Valois, à cause de leur vigoureuse résistance contre les Anglais qui occupaient la Guyenne.

Ci-dessous  vous trouverez un poème intitulé « Lous Raious » d’ Albert Arnavielle, félibre gardois, surnommé « l’Aràbi« , d’après son origine et son tempérament (un arabi ou alambi est une espèce de moustiques,dont la piqûre est brûlante), décrit par lui-même dans un poème publié dans Las Raiolos p.166-176.

Albert ARNAVIELLE
22.7.1844 (Alès) – 11.11.1927 (Montpellier)

LOUS RAIÒUS
I
Sèn lous Raiòus de las grandos Cevenos,
De raço antico e franco tiran dre.
Raço racejo: aitambé dins lu venos
Avèn de sang ni mousi ni mai fre.
Dau tems passa gardant fièro memòrio
Soun lous felens ço qu’èrou lous aujòus.
Lou vièl cabus i’a pas de pòu que mòrio,
Car lous Raiòus restaran lous Raïòus

II
Aiman aici nosto fresco naturo,  »
Bello toujour, mau despiè das ivèrs:
Coumbos, nauts mounts qu’an per cabeladuro
Boulegadisso à l’auro, lous boscs verds.
Aiman Gardou que sus la gravo rulo,
Boufant, bramant sous fourèges rajòus,
Noste cèl blu, noste sourel que brulo,
Aiman, aiman lou parla das Raiòus!

III
Dau jour glourious que, de vers la Garouno,
Contro l’Anglés luchant d’ounglo e de pèd
D’un rèi de Franço aparèn la courouno,
Lou noble noum de Raious nous toumbè.
Aquel noum soul dis ço que devèn èstre,
De l’aveni nous mostro lous draiòus
,,O pauro Franço, auriés lèu de ben estre,
Se per enfants n’aviés que de Raïous

IV
Per soun fougau lou qu’amour devario
Soun premiè sòu n’oublidara jamai;
Lou qu’aimo pas sa mairalo patrio
Acò’s segu, la Franço aimo pas mai.
Lou premiè sòu aqui l’idèio soulo
Que pot tira d’omes forts das maiòus
Nautres qu’avèn de fiò dins la mesoulo,
Sèn bons Francès, oi, car sèn bons Raiòus

Alès, janviè de 1872. Los Raiòlos 30 32.

Brodo

Brodo s.f. « paresse, fainéantise » (S2) est encore très vivant dans le français régional : avoir la brode, avé la broda (Camps) , la brode le prend (Lhubac). D’après Camps il y a de nombreuses attestations dans le Gard et les Cévennes (où?). Dans le FEW il n’y a que les attestations de l’abbé de Sauvages (S2), reprises par Mistral et deux attestations dans le Puy-de-Dôme où brodo signifie « envie de dormir ». S2 donne aussi le verbe broudà « lambiner ».

Je viens de trouver une attestation cévenole, dans le Vocabulaire de mots occitaniques   de Fabre d’Olivet:

Mistral ajoute les composés abroudi et abroudimen:

Mistral_ abroudiTout ce groupe de mots est limité au languedocien, à part les deux attestations du Puy-de-Dôme. L’étymologie en est inconnue.

En cherchant dans les Incognita du FEW, j’ai encore trouvé d’autres attestations, qui du point de vue sémantique et phonétique peuvent appartenir à la même famille: limousin brodo s.f. « homme lâche qui manque de vigueur et de courage; mauvais cheval »; « personne capable de rien, nulle »; dans le Puy-de-Dôme brodo « envie de dormir »; dans le Dauphiné brodo « sobriquet des montagnards alpins; mal élevé, grossier ».