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Arabic

Arabic, alambic s.m. D’après le site de la FFCC arabi, alambi il s’agit d’un « Nom Commun masculin provençal : espèces de moustiques, de petits cousins de 1 à 4 mm (les simulies) qui s’infiltrent dans les cheveux et dont la piqûre est brûlante. C’est un insecte qui appartient à l’ordre des Diptères (mouches et moustiques), ils ne possèdent que deux ailes. Sa famille est celle des Cératopogonidés et son genre est Culicoïdes.
Il n’y a pas beaucoup d’attestations anciennes de ce nom. E. Rolland III, 252 donne deux sources qui ont décrit l’arabic comme « acarus ciro L. ». Mais d’après les images que j’ai trouvés sur le web, cet acarus est un genre de mite, ce qui ne correspond pas du tout à la description et à l’image de la FFCC. Il semble que le mot arabi avec ce sens est maintenant courant dans tout le Midi. D’autres info de l’INRA, sur la langue bleue des moutons qu’il provoque  ici.

Mistral traduit arabi, alambi par « cousin » (= Insecte à longues pattes grêles, très répandu dans les pays marécageux, connu pour son bourdonnement importun et pour la piqûre désagréable et contagieuse de la femelle. TLF). J’ai regardé les images fournies par Google pour « cousin insecte ». Tous les « cousins » montrés sont du genre moustique et non pas du genre mite.

René Domergue, spécialiste éminent des moustiques de Camargue me donne les informations  géolinguistiques suivantes :

Bonjour,
chez moi, à Montpezat, on distinguait les moustiques (grosses bestiasses) des alambics. Ces derniers plus petits, à la redoutable piqûre, sont sans doutes les « arabi » de Camargue ou des Costières. Je demanderai si quelqu’un connait le mot arabi, quant à moi je l’ai découvert du côté de Générac.
Pour lutter contre ces bestioles on avait le nopic.
René

D’après le FEW XIX, 8a, il s’agit d’un emploi au figuré de alambic de l’arabe anbiq « le chapiteau de la cornue » (cf. TLF) sans donner une explication. Je ne vois pas très bien le lien, mais c’est peut-être un manque de fantaisie.

Alambic « vaisseau qui sert à distiller » a la même origine et est devenu international.

Le flamand lambiek est une « sorte de bière fort agréable qu’on fabrique à Bruxelles » (prononcez [brussèl] en non pas [bruksèl]. Voir l’article lambic de Wikipedia.
Lambiek est aussi un personnage d’une BD fort appréciée en Belgique et aux Pays Bas (Bob et Bobette). Tapez Lambiek sous Google.

 

Aigardent

Aigardent, aigarden s.m. »eau-de-vie ». Etymologie:  latin aqua + ardente « eau + brulante, enflammée « . Le type occitan aigarden se retrouve en italien aquardente (1431), catalan aigardent, espagnol aguardiente.

Alambic de Tepe Gawra (Irak) d'après Roget J. et Garreau Ch. 1990

L’histoire de la distillation nous ramène très loin en arrière; il semble que les archéologues ont trouvé en Mésopotamie des alambics qui ont plus de 3500 ans.  La technique était connue en Inde au 3e millénaire avant J.-C.  Comme c’est le cas de beaucoup de connaissances et de savoir, ce sont les Arabes qui, arrivant Alexandrie en 640, découvrent ces techniques et les font circuler dans tout le bassin méditerranéen. Marcus Grachus, dit Marco Graco, un italien du VIIIe sicle, décrit la distillation du vin pour obtenir des eaux de vie, comme Geber (alchimiste arabe qui vécut de 730- 804) à la même époque. L’alambic et l’eau de vie arrivent en Andalousie, puis se diffusent en Europe.

Pour l’histoire régionale:

Arnau de Vilanova, dit Arnaud de Villeneuve (médecin catalan de l’université de Montpellier, mort en 1311) décrit la fabrication de l’aqua ardens (eau ardente : macération de plantes et d’alcool) dans son Tractatum de vinis. Il est le premier à pratiquer le mutage à l’alcool (procédé arabe semble -t-il) pour améliorer la conservation du vin. Les templiers du Mas Deu de Perpignan généralisent ensuite le procédé. D’où le développement de vins doux naturels dans la région. Pour une description approfondie voir le site Viticulture-Oenologie-formation. Voir aussi l’article Cartagène.

Arnau de Villanova (Espagne)(Photo A.Guerrero)

On remarquera que la statue a été amputée des deux mains. (Par qui? pour quoi?) A l’origine, Arnaud tenait un livre dans une main et un alambic dans l’autre. Et pouquoi eau-de-vie en français mais aussi dans une partie du domaine  occitan, notamment en gascon : aygo de bito? Ces parlers ont adopté le calque (= traduction littérale) du latin aqua vitae, sous l’influence de la langue des alchimistes qui  croyaient avoir trouvé l’élixir de longue vie.

Maître Vital Dufour était  vers 1310  prieur franciscain d’Eauze et de St Mont dans le Gers, puis cardinal. Il  a fait des études de médecine à Montpellier. Dans son  ouvrage de médecine, retrouvé la bibliothèque du Vatican, il parle des 40 (quarante !) vertus de l’aygo ardento ou l’aygo de bito, sans oublier de dire que l’abus d’alcool est dangereux.   Je cite: « Elle aiguise l’esprit si on en prend avec modération, rappelle à la mémoire le passé, rend l’homme joyeux au dessus de tout, conserve la jeunesse et retarde la sénilité...  Intéressant à savoir à mon âge!

M.Evin l’a-t-il lu? D’ailleurs, les méridionaux ont l’ aigo boulido à leur disposition. Et « L’aigo-boulido sauvo la vido ». Voir l’article suivant.

Le Bureau National Interprofessionnel de l’Armagnac, installé justement à Eauze, a eu la gentillesse de me faire parvenir des photocopies aussi bien de l’édition du texte latin , de la transcription avec une police moderne et de la traduction en français. Il y a les quarante (40 !) vertus de l’Armagnac, du cognac, du marc de Bourgogne, bref de l’aigardent. Maître Vital doit s’y connaître, il avertit régulièrement que « l’abus d’alcool est dangereux ».
Si vous voulez en savoir plus, n’hésitez pas de suivre ces liens : Pages de titre du livre imprimé en 1531. Traduction du texte latin 1 , suite de la traduction. Si vous voulez le texte en latin, n’hésitez pas à me contacter. Un résumé se trouve ici.
Avec mes remerciements au Bureau National Interprofessionnel Armagnac, à Eauze (32).
L’abbé de Sauvages dans son article aigarden, écrit : « en termes des Halles du coco, du paf , du tagaume etc. Le tafia ou rhum est de l’eau-de-vie du sucre. » Dans les dictionnaires d’argot je ai retrouvé le mot paf « eau-de-vie », mais cette attestation dans le dictionnaire de l’abbé de Sauvages est la première! et dans le Trésor de la Langue Française paf est seulement mentionné comme adjectif « ivre ».

Destre

Destre, dextre « mesure de longueur et de surface ». La valeur du destre est très variable. Mon point de départ était le destre de 20 m² mentionné dans un tableau du Compoix de Valleraugue de 1625. Voici ce qu’écrit Mistral:

 Etymologie : latin dextans « les 5/6e de l’unité ». Du point de vue phonétique dextans aurait dû donner *destas en provençal. On peut supposer que le -s a disparu parce qu’on la pris pour la marque du pluriel. Le -r- a été inséré sous l’influence de la famille de mots dexter « droit ».  Au moyen âge, les notions d’arpentage et de « droit » au sens justice étaient étroitement liées.

Le fameux livre de Bertrand Boysset (1355-1415), arpenteur arlésien de la fin du XIVe siècle Siensa de destrar et de la Siensa d’atermenar, (= délimiter, mettre des bornes, du latin terminare) commence avec un dialogue sur l’arpentage entre Dieu et l’Arpenteur dont je ne veux pas vous priver (Ils ne parlent pas politique!) :

DIEU:
Fhil e nostra creatura
Lo destre nos vos baylarem
La terra e l’ayga endestrares
A quascun son dreg donares
La destra non ulh[as rem]-embrar
Per la senestra [gua]sanhar
La siensa atrobares
Del destrar veraiamens [11] /10/
E d’atermenar eysamen
En aquest libre son escrichas
E per quapitols son pausadas
On es tota la veritat
De destrar e d’atermenar
Uzas os si con trobares
Ny per nos es avordenat
Sy vos la tieu arma salvar.
L’ARPENTEUR:
Senher Dieus payre glorios
Lo destre yeu penray de vos
A quascun son dreg daray
Segon que aves avordenat ….

Pour lire la suite allez sur le site de Pierre Portet, qui a étudié à fond le manuscrit et édité le texte http://palissy.humana.univ-nantes.fr/CETE/TXT/boysset/index.htm . Un site qui valait le voyage!! **** Le lien ne fonctionne plus….

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            Les destradors au travail..…..Dieu et l’arpenteur. Illustrations du manuscrit de Carpentras. (Pierre Portet)

Mistral écrit dans son Trésor I, 786,3 s.v. destra quà la bibliothèque d’Aix en Provence existe un manuscrit Libre qu’ensenha de destrar attribué à Arnaud de Villeneuve, le fameux medecin qui a amélioré l’alambic. Il doit s’y trouver toujours.

Le ‘webmaster’ du site de l’AGAC a eu la gentillesse de me faire parvenir l’image d’une carte des différentes valeurs du destre dans le Gard. Elle montre l’extrême complexité des mesures à l’ancienne. A cela s’ajoute que pour les vignes un destre valait moins que pour l’agriculture.